Ethel inspira puis expira un moment tentant de retrouver son calme et un souffle posé. Elle s’essuya la bouche du revers de la main et tira la chasse. Tant pis pour Mimi. Elle n’avait qu’à quitter les canalisations. La porte claqua derrière elle et elle se dirigea vers le lavabo. Apparemment, son entrée avait fait sensation. Une petite voix avait retentit alors qu’elle quittait son refuge étroit.

La jeune fille ouvrit les robinets et passa ses mains sous l’eau fraiche. Elle resta silencieuse un moment, le temps de rincer sa bouche et reporta son attention sur la cadette qui semblait s’inquiéter de son état.

« Nerveuse ? Moi ? Penses-tu … »

Cela se lisait tant que ça sur son visage ? Elle avait les traits tellement tirés qu’elle donnait l’impression de « faire nuit blanche » depuis des lustres. Elle se frotta le visage avant de se regarder une nouvelle fois dans le miroir.

« Plus de devoirs pour le moment mais cela ne saurait tarder. Les beaux jours sont revenus. Non, c’est le top ».

Elle ponctua sa phrase d’un sourire feint. Et pourtant, elle aimait bien sa petite camarade des bleus & bronze. Là n’était pas le problème.
Tu parles … Même le plus gros des abrutis aurait deviné son angoisse et son malaise.

Elle réprima une nouvelle envie de retourner s’enfermer dans les toilettes en respirant calmement. Décidément, s’il y avait bien une raison pour laquelle elle participait au Quidditch, c’était pour ses camarades. Parce qu’elle n’avait pas pour habitude de laisser tomber les gens qu’elle appréciait. Mais aussi parce que cela lui permettait de passer un peu plus de temps avec Billy. Mais, cela dit, elle n’osait jamais trop approcher le jeune attrapeur durant les entrainements. Elle ne voulait pas l’étouffer, ce n’était pas son truc.

« … Restent des cours d’Histoire de la Magie. Somnolents & ennuyeux à souhaits. Tu peux le dire », enchaina-t-elle en retrouvant un léger sourire.

Elle rajusta son uniforme, mais laissa le nœud de sa cravate légèrement desserré. Ils n’étaient pas non plus au bagne. Le temps d’Ombrage était passé, les tenues étaient plus relâches. Et puis avec l’étouffement qu’elle ressentait en ce moment, un nœud de moins était le bienvenue.

Quand Akiko rappela à Ethel que Sally-Anne était batteuse dans l’équipe des bleus & bronze, une nouvelle pression s’installa sur les épaules de la jeune fille.

« Oui, avec Sally, vous êtes assurés de marquer pas mal de but ».

Elle se retint de dire « et nous d’en perdre ». Son but n’était pas d’enfoncer Sally. Elle aimait sa grande sœur plus que tout. Mais, rien que le fait de relier sa peur du vide avec le fait d’affronter son ainée avait pour don de l’achever en un seul coup de baguette.

Et puis affronter Serdaigle leur permettrait peut-être de remonter dans les scores qui sait. Enfin, encore faudrait-il que les joueurs des aiglons aient assez pitié d’eux pour ne pas envoyer tous les poursuiveurs rouges en un seul coup à l’infirmerie comme l’avaient fait les joueurs de Poufsouffle.

Elle jeta un coup d’œil à la petite pièce confinée dans laquelle elles se trouvaient. Ce lieu la mettait mal à l’aise, avec Mimi Geignarde qui passait son temps à les épier sans un bruit. Ethel n’imaginait même pas ce que cela serait si jamais elle venait ici s’isoler avec Billy. Elle secoua la tête. Ce n’était pas le moment de penser à une chose pareille.

L’adolescente laissa sa cadette s’approcher d’elle de quelques pas. Elle était encore nerveuse et tendue. Et pour cause. Le simple fait de s’imaginer à nouveau sur un balai lui donnait le vertige. Mais, cela avait quand même certains avantages, mine de rien. Au moins comme ça, elle prouvait à Billy qu’elle n’était pas une trouillarde. Comme si la pique du jeune attrapeur en début d’année, comme quoi elle n’avait pas participé à la bataille finale l’année passée, ne s’était pas estompée.

« Généralement avant le cours de Binns, je ne prend que des fruits. Comme ça je suis sûre de restée éveillée. Sinon, c’est sûr qu’on termine le nez sur le bureau. Je crois que seule Hermione Granger réussissait à garder les deux yeux ouverts durant ses cours. Et encore, pas sans mal », répondit-elle en riant légèrement.

Les yeux de la petite aiglonne vinrent se poser dans ceux de la jeune lionne. Sur le coup, elle avait l’impression que les rôles s’inversaient, qu’elle redevenait la petite fille qui demandait à être rassurée par quelqu’un de plus grand. Seulement, c’était elle la plus grande des deux. Il y avait de quoi en prendre gros sur l’ego. Mais, Ethel n’en montra rien.

« Ouais enfin, c’est pas toi qui va te retrouver face à ta sœur une batte à la main », répliqua-t-elle en riant nerveusement.

Mais Akiko avait-eu le tact de changer de sujet. Qu’en était-il d’elle & Billy ? Elle en aurait presque oublié qu’elle avait mis la petite fille dans la confidence de ses amourettes.

« On ne se voit plus trop depuis Noël. Mais je compte sur une prochaine sortie à Pré-Au-Lard pour passer un peu de temps avec lui ».

Il est vrai que son petit copain lui manquait. Leurs bisous, leurs rires complices … Tout ce qu’ils avaient échangés lors de leur première sortie manquait au quotidien de la jeune gryffone.

L’année s’était précipitée, avec ses cours, ses exams, ses évènements divers et variés. La galloise n’aurait jamais imaginé que son retour dans les murs de Poudlard aurait été aussi rapide. C’était comme si quelqu’un avait maintenu la touche « accélérer » jusqu’à maintenant. Et pourtant, l’année était encore loin d’être finie. Mais, Ethel sortait peu le nez de ses bouquins depuis que les professeurs avaient eu la brillante idée de leur donner des travaux pratiques. Et puis, elle avait choisi de prendre une nouvelle option. Comme si le cours de magie sans baguette à lui seul ne suffisait pas. Si elle avait pu se passer des cours d’Histoire de la magie, la galloise l’aurait fait sans hésiter. Mais, on n’était pas à Poudlard pour faire ses cours « à la carte », malheureusement.

La jeune fille tourna la tête pour regarder sa camarade. La petite aiglonne avait toujours ce petit air timide et fermé, comme à chaque fois qu’elle semblait angoissée. A force, la galloise commençait à bien la connaitre. Intérieurement, elle s’en voulait d’avoir mis une certaine distance entre elle et la petite. Mais les choses étaient telles que ces derniers temps, elle se sentait éclater. Elle avait pensé que son entrevue avec Ilya Shodako aurait peut-être dégonflé les choses, mais il n’en était rien. Peut-être devait-elle retourner la voir si l’occasion se représentait.

« Clarisse de ton côté, pour ma part, Leillia … On est ex-aequo comme ça ! », répondit-elle en souriant.

Ethel sortit sa baguette de sa poche et se mit à faire des rond du poignet avec. Comme ça, pour passer le temps.

Ce qui était bien avec Akiko c’était que la discussion déviait de manière aisée sans que cela soit gênant. Des cours somnolents de Binns, on était passé au Quidditch et maintenant on déviait sur Billy puis sur le Bonzaï que la petite aiglonne avait offert à Ethel pour Noël. Une jolie plante qui ornait maintenant une des fenêtres de son dortoir.

« Il commence à fleurir. Je l’ai posé sur l’une des fenêtres de la tour. Comme ça il est au soleil toute la journée ».

En écoutant sa camarade, Ethel eut un léger rire.

« Voilà qui te fera un sacré avantage par rapport à moi. Je ne suis pas remontée sur un balai depuis le match contre Poufsouffle ».

Comme tout le monde l’aura bien compris, la jeune galloise évitait toute occasion de monter sur un balai. Même si cela aurait pu lui ouvrir quelques portes avec Billy. Elle y songerait peut-être lorsqu’elle croiserait son petit ami dans les couloirs. Après tout, voler si l’on mettait de côté la sensation désagréable_pour sa part_de quitter le sol ça pouvait être sympa si on le faisait à deux.

Elle passa ses doigts dans ses mèches de cheveux, tout en observant sa petite camarade. C’est vrai que la plante que la petite fille lui avait offert à Noël était jolie. Pour une amatrice des plantes comme l’était la cadette Perks, en tout cas, c’était un bien beau cadeau.

« Je l'amènerai de temps en temps dans la grande salle pour que tu constates son évolution », répondit-elle sur un ton enjoué.

Sans savoir comment ni pourquoi, le fou-rire d’Ethel ne prit pas fin tout de suite. La jeune fille regardait sa camarade qui se tenait là, bien droite et au visage innocent. Elle recula un peu et se tint contre une des parois, le temps que cesse la crise de rire passagère. Rire faisait du bien mais … musclait les côtes. Aussi, se tint-elle un moment dans une position repliée tellement elle manquait de souffle.

Quand elle put plus facilement retrouver son calme, la galloise se redressa et remit un peu d’ordre dans ses cheveux.

« Ahem … Rire comme ça ne m’était jamais arrivé ! », confia-t-elle dans un sourire malicieux.

Mais la petite aiglonne avait déjà enchainé, retournant sur le sujet du match de Quidditch. La petite avait surement raison. Après tout, elle était une lionne non ? Et un jeune lionceau a du mordant, non ? (sans jeu de mot bien entendu !).

Elle tendit la main vers Akiko pour répondre à son pari.

« Je maintiens le pari. D’autant plus que j’ai une collection de cartes à fournir ! », répondit-elle malicieusement avant de rire à nouveau.

« J’avoue que décompresser entre les exams et le prochain match de Quidditch, ça ne peut pas faire de mal. Tu as pu en gagner d’autres des cartes depuis notre première rencontre ? », demanda la galloise alors intéressée.

Cela faisait longtemps que sa collection, aussi maigre soit-elle, trainait dans le fond de sa malle sans beaucoup gonfler. Il faudrait qu’elle remette vite en jeu le titre de « Candy Killer » qu’elle partageait avec Page depuis la rentrée de septembre. Ou alors, elle devrait trouver quelque chose qui la ferait se démarquer des autres enfants de la famille Perks.

« Je ne trouve pas beaucoup d’élèves avec des cartes inconnues dans l’école », sembla-t-elle presque souffler.

Mais elle retrouva vite le sourire, c’était une banalité.

C’était bien un truc de filles ça, de discuter dans les toilettes. Moldues ou bien sorcières, décidemment, c’était toutes les mêmes. Mais il fallait avouer que les occasions de maintenir une conversation normale dans une autre pièce était peine perdue. Soit parce que les élèves se croisaient rarement, sauf s’ils participaient aux mêmes cours, soit parce qu’ils n’avaient pas grand-chose à se dire en temps normal. Mais Akiko et Ethel étaient des filles. Et les filles ça avait toujours de quoi se raconter. Même si cela pouvait partir de très loin. Et puis, est-il bon de vous rappeler que les deux gamines s’entendaient plutôt bien ? Ce qui facilitait les choses, finalement.

Donc, pour en revenir à nos moutons, les deux fillettes étaient dans les toilettes des filles, finalement totalement par hasard et parlaient maintenant d’échanger des cartes de chocogrenouilles. Ce qui a de bien avec ces cartes, c’est que cela attirait toujours du monde. Et puis, c’était un moyen comme un autre de tenir une conversation.

Ethel souleva, néanmoins, le fait que sa petite camarade disait ne pas avoir eu un moral très haut ces derniers temps. Sur le moment, la galloise s’en voulut un peu. Elle avait délaissé la petite fille pour s’occuper de ses propres hypogriffes. Mais, comme d’habitude, l’adolescente débordait d’un optimisme sans bornes. Même si, quelques minutes auparavant, elle s’était retrouvée au dessus d’une cuvette par le seul fait qu’elle-même n’allait pas forcément bien.

« Et puis, c’est bientôt le printemps. Avec le retour des beaux jours, le moral va vite remonter, tu verras. Et, compte sur moi pour t’aider à retrouver ton joli sourire », répondit-elle avec entrain.

Elle tapota dans sa poche les quelques cartes qu’elle baladait avec elle.

« Et puis un échange de chocogrenouilles, c’est un bon moyen de retrouver le sourire. Mais, c’est mieux quand on trouve de rares spécimens ! »

La simple idée de voler n’arrangeait pas vraiment la jeune galloise, mais vu qu’elle s’était inscrite pour le prochain match de Quidditch, mieux valait-il s’entrainer. Et puis, c’était sans doute le meilleur moyen d’affronter sa peur du vide. Il faudrait seulement qu’elle songe à emprunter un balai qui tienne le coup. Parce que, quand on a un mauvais cheval, on n’est pas certain de rester longtemps en selle. Aussi accepta-t-elle la proposition de la petite aiglonne avec un sourire non feint.

« Pourquoi pas ?! Ce sera l’occasion pour moi d’apprendre à tenir en selle. Parce que le jour du match je n’aurai pas de joker et certainement pas le temps de cogiter ! », Répondit-elle avec humour.

Le simple souvenir de son vol plané hors de sa monture lors du match contre Poufsouffle lui donnait des frissons. Elle avait été sonnée. Mais son sort avait été moins contraignant que celui de Page. Heureusement.

Elle sourit en écoutant sa petite camarade. Akiko avait sans doute raison. Voler devait alléger l’esprit. Enfin, c’était ce qu’affirmait Page quand elle revenait d’un entrainement.

Elle plongea à nouveau sa main dans une de ses poches et en sortit une carte.

« Tiens, je dois l’avoir en triple exemplaires », répondit-elle en riant.

Ca, elle avait beaucoup de cartes. Mais beaucoup étaient des doubles. Ce qui était fort embêtant.

Ethel avait remarqué la petite grimace dessinée sur le visage de la petite aiglonne alors que celle-ci prenait appui contre le lavabo, mais n’en fit pas la remarque. Elle-même savait combien les remarques « maternelles » étaient bien souvent mal prises par les enfants de l’âge d’Akiko. Comme du sien d’ailleurs. Et cela, qu’importe s’il s’agissait d’une fille ou d’un garçon. Le revers était le même.

« Il faut dire aussi que la potion anti-vertige aide énormément, dans ces moments-là ! », répondit, toujours en souriant, la jeune galloise.

L’adolescente oublia vite le sujet du vol lorsque sa jeune camarade de Serdaigle lui tendit la carte qu’elle lui avait donnée précédemment, avec une interrogation certaine.

La cadette Perks observa attentivement la carte. Elle l’avait déjà, mais elle ne se rappelait plus qui cela pouvait-il bien être.

Puis la mémoire lui revint d’un seul coup.

« Oh c’est Heathcote Barbary, un des membres du groupe des Bizarr’ Sisters. T’en as peut-être entendu parler. Ce sont des musiciens de chez nous. Un peu comme les groupes, chez les moldus ! »

Mais à peine avait-elle fini ses explications sur le fonctionnement des cartes Chocogrenouilles, que la petite fille avait lancé sur un ton joyeux qu’elle avait réussi à battre en duel un élève bien plus âgé qu’elle et de surcroit, à Serpentard. Cette nouvelle arracha un sourire bien plus enjoué à l’adolescente de quatrième année.

« Alors là, je dois dire que je suis fière de toi ! »