Date : Jeudi 20 Novembre 1997 - 14h à 16h
Météo : Températures froides, faible pluie avec des éclaircies


Déposant les Devoirs Maisons à corriger des années plus jeunes sur son bureau, Mihael se laissa aller à glisser sur sa chaise de manière peu distingué. Ces jeunes, toute cette vitalité... ou bien ce manque d'entrain aussi. Il allait franchement avoir du pain sur la planche. Tout en chopant dans un geste vif sa plume dans l'encrier et la première copie, il se mit à entourer ou rayer les réponses. Les années supérieures, les "grands", étaient dans le principe plus calme, surtout les 5ème et 7ème années, à cause des examens de fin d'années. Néanmois, il restait les jeunes 4ème années, tout juste débarqués dans la cour des grands, et les 6ème, qui eux cherchaient à décompresser après les BUSE et avant les ASPICS. De plus, les cours de Duel ne figuraient pas, si la mémoire du blond était bonne, sur la liste des épreuves. En gros, il était un peu le prof de LA matière où les élèves préféraient se laisser aller à ne rien faire, et où en plus, l'excuse minable des examens ne valait rien. Ô joie.

Prenant une autre copie alors que la cloche retentissait dans tout le château pour annoncer le début de la reprise des cours, Mihael leva sans y prêter une réelle attention, sa baguette dans le but d'ouvrir la porte de la salle. Entreraient les courageux élèves qui sortaient du cours de Mr Carrow dans le but de se donner à fond en Tp pour évacuer une potencielle rage envers le cagoulé, ou sa soeur -qui sait, certains élèves étaient des taigneux. M'enfin, ce n'était pas le jeune qui allait leur dire que c'était pas bien de lancer un sortilège sur son partenaire en imaginant la tête des méchants-pas-beaux à la place. Si ça pouvait les motiver à venir à son cours... Il ne s'en plaindrait pas. Parcontre il mettrait rapidement le ôla si les choses dérapaient. Et si au final les élèves venaient pour y faire la même chose qu'aux cours de Binns, Mihael avait plus qu'un moyen de pression à leur soumettre.

Les bruits de pas résonnant dans le couloir, le blond releva sa tête des copies et les rangea dans une pochette avant même que le premier élève n'eut franchit la porte. Restant assit, Mihael croisa ses doigts gantés sur son bureau et suivit de son regard électrique les élèves qui s'asseyaient ça et là, au hasard de leurs envies. Il était vrai qu'ils n'avaient pas le choix "bureau près des fenêtres" puisque la salle n'en possédait pas par mesure de sécurité, mais les chandelles flottantes illuminaient tout de même la pièce de manière assez accueillante pour que l'atmosphère ne leur donne pas non plus l'envie d'aller dans leur dortoir. C'était malheureux pour eux, mais de ce fait, ils ne pouvaient pas observer tranquillement la magnifique météo locale déprimante à souhait tout en assistant à un cours qui les barbait sans doute de part son inexistance aux examens. La boucle était bouclé, les élèves installés et Mihael se leva pour s'asseoir sur le bord de son bureau, et baguette sortit, attendit le silence pour commencer son cours.

-T'as pas l'air en grande forme, Willou, remarqua Page avec sa perspicacité habituelle.

Le roux venait de poser son couteau et sa fourchette et de prendre sa tête entre ses mains, visiblement accablé ; il avait à peine touché au contenu de son assiette, et sa comparse rousse, assise près de lui, s'inquiétait. Depuis plusieurs jours, William avait pâli, et montrait tous les signes de l'épuisement ; il croulait sous les devoirs imposés par les professeurs aux élèves de cinquième année, et, depuis quelques jours, il devait en plus affronter une deuxième série de retenues avec les Carrow ; après les séances plutôt musclées en compagnie des joyeux tortionnaires, le rouquin devait se colleter avec une telle quantité de devoirs qu'il n'était pas arrivé à se coucher une seule fois avant une heure du matin durant la semaine. À ce rythme-là, il n'allait jamais tenir... Il n'avait même plus faim, juste envie de dormir. Le matin, il avait failli s'endormir en cours de runes, et c'est à grand-peine qu'il était parvenu à demeurer éveillé ; par la suite, malheureusement, le cours de défense contre les forces du mal avait été tout sauf reposant, de sorte que William était arrivé complètement à plat à la table du déjeuner. À voix basse, il informa Page des raisons de cette baisse de forme, et la crevette suggéra, en donnant une tape compatissante sur l'épaule de son complice :

-Tu devrais aller dormir. T'as presque deux heures avant la reprise des cours, profites-en... T'as vraiment une mine de déterré, faut te reposer... De toute façon, t'arriveras jamais à travailler dans cet état, pas la peine d'espérer avancer tes devoirs, ajouta-t-elle comme pour prévenir l'objection facile à deviner. En plus, ce soir, on est repartis pour un tour avec les horribles, alors prends des forces, conclut-elle dans un murmure pressant.

Le conseil était trop bon pour être négligé, et William abandonna son assiette presque pleine pour aller s'installer dans un coin tranquille d'un passage secret du deuxième étage, abrité des courants d'air par une épaisse tapisserie. Le sol était recouvert d'un vieux tapis usé jusqu'à la corde, qui avait du moins le mérite d'éviter le contact avec le sol glacé ; le roux se blottit dans un recoin, son écharpe en guise d'oreiller pliée contre le mur. Son état de fatigue était tel qu'il s'endormit presque aussitôt, d'un sommeil certes inconfortable, mais qui dura jusqu'à la sonnerie de la cloche. Éveillé par le vacarme du couloir voisin, William, frissonnant, se glissa hors du passage secret, sans se rendre compte que sa joue droite portait la marque de l'écharpe. La sieste n'avait pas été assez longue, et l'adolescent était frigorifié... Il bâilla longuement avant d'entrer dans la salle de duels, adressa un « bonjour monsieur » morne à l'enseignant, et se laissa tomber n'importe où, en rêvant de son lit.

En sortant du cours des Carrows, Keith resserra son écharpe bleue autour de son cou et frissona. Par Merlin, jamais le château n'avait paru aussi froid. En cette après midi de Novembre la bise s'engouffrait en gémissant entre les austères arcades de la citadelle, gelant sur place les malheureux élèvres. Un tel froid, c'était terrifiant. Les detraqueurs avaient ils volés toute chaleur ?
Le serdaigle avait envie de croire que depuis la mort de Dumbledore et l'arrivée du mal la vie avait disparue de ces lieux. Le château n'était plus une école mais un tombeau. Les élèves n'avaient plus le droit de rire, de chanter ou même de penser. Un groupe de statues, ou pire un groupe d'inféris voilà ce qu'ils étaient en train de devenir. Lentement Poudlard était en train de dépérir, étouffé par la poigne de fer de Rogue.

Il sentit ses yeux rougir sous l'effet du chagrin, mais essuya bien vite ces larmes d'un coup de manche rageur. Il était un Craft, et ne devait pas courber l'échine : jamais ! N'empêche que pour lui qui perdait irrémédiablement la mémoire cette situation tournait à la tragédie. Il n'avait presque plus de souvenirs du Poudlard riant et rieur de ses vertes années. Faisaient ils aussi froids l'an dernier ? Les salles de classe étaient elles aussi vides ? Les couloirs étaient ils aussi sombres ? Rien ne lui revenait. Lentement, la maladie qui le rongeait dévorait ses souvenirs un par un, pour ne laisser qu'une masse informe et noirâtre comme les eaux boueuses qui avaient avalé sa sœur.

Tout à ses pensés, il c'était laissé distancer par ses camarades. Pas grave, il connaissait le château et n'était pas en retard...Mais l'amnésique se posait une petite question : il avait quel cours ? Il eu beau fouiller dans sa mémoire impossible de s'en rappeler. En soupirant il sortit de son sac un petit carnet bleu. Un de ses fameux carnet-souvenir. Lorsqu'on perd la mémoire, le seul moyen de continuer à vivre et de tout consigner dans des petits livrets. Le papier c'était substitué à son âme évanescente. Solitaire dans sa maladie, son stylo lui permettait de reconstruire à coup de mots le canevas de son passé éfiloché.

Duel ! Il avait cours de duel. Il soupira de soulagement. Lorsqu'il se battait, il pouvait oublier ses tracas. Fini les problèmes de mémoire c'est l'instinct qui prenait le relais. Les formules qu'ils pensaient disparues à jamais lui revenaient d'elles même.

Il ne chercha pas à se remémorer l'itinéraire, ses pieds réussirent à l'y conduirent d'eux même. Silencieux il rentra dans la pièce, et alla s'asseoir au milieu. Ni trop près, ni trop loin. Le professeur ne lui plaisait pas : trop jeune, pas assez charismatique. Un duelliste se devait d'avoir de la bouteille des cheveux grisonants, une cape flamboyante : au lieu de quoi il faisait face à un petit blondinet. Il secoua la tête dépité et nota sur son carnet mémoire : « Nouveau professeur de duel...A oublier. » C'était concis, assassin comme savait résumer le jeune homme. Néanmoins aucune de ses pensés ne franchit la barre de ses lèvres. Stoïque et impénétrable il se devait de ne pas faire honte à son nom.

Son regard effleura rapidement les têtes présentes. Aucune de connue, du moins aucune dont il se rappelait. Il frissonna. Décidément son amnésie semblait empirer de jours en jours.

--Qui serait capable de me parler des Duels, des vrais, se déroulant en dehors du cercle fermé de l'école ?

Question intéressante. Il nota rapidement sa réponse sur un parchemin pour être sur de ne pas l'oublier puis leva la main pour prendre la parole :

-Les duels sont à la guerre ce que la danse classique est à la marche. Bien plus qu'une simple bagarre de couloirs, les duels sont tout un art. Ils sont un privilège réservé aux gens biens nés. Il se rengorgea, après tout il était un Craft. Un duel ne vient que pour laver son honneur. Pratiqués par des nobles, ces affrontements sont l'occasion pour chacun des protagonistes de faire montre de chevalerie, de bravoure mais aussi de distinction, d'élégance et de politesse. Le bon duelliste n'est pas celui qui va massacrer son adversaire, mais celui qui va le défaire en tout bien tout honneur. Un vrai duelliste laissera le temps à un homme désarmé de ramasser sa baguette.

Le jeune Serdaigle fit une petite pause, le temps de relire ses notes :

-Il y a un code du duel. Personne ne peut intervenir. Il faut des témoins qui veillent au bon déroulement de la querelle. Les protagonistes doivent aussi se saluer, avec une inclinaison du buste. Enfin le vainqueur doit aider à pourvoir aux obsèques du vaincu et promettre de ne pas exercer de représailles sur les proches du défunt. Il eu un léger sourire. Mais c'est encore mieux si le duel a pour objet le cœur d'une jolie dame. Là nous atteignons le paroxysme du romantisme. Là où certains ne voient dans les duels qu'un rituel désuet, ils sont ce qui sépare la plèbe des patriciens.

Satisfait de lui il se tut. Il aurait bien voulu éclairer son exposé avec des noms de duellistes célèbre, mais aucun nom ne réussit à franchir le voile noir de sa mémoire défaillante.