Cette année scolaire ne semblait pas commencer aussi bien que la précédente… Pourtant, Lucretia avait passé de bonnes vacances, très bonnes même… Mais bon, peut-être que la reprise en était d’autant plus difficile.
Le regard terne, elle sortait de la Grande Salle, où la jeune fille plutôt gloutonne qu’elle était n’avait pourtant presque rien mangé ce soir là. Ses yeux s’assombrirent encore un peu plus lorsqu’elle passa devant les quatre sabliers géants, où Poufsouffle tenait encore une fois la dernière place. Certes, il n’y avait pas beaucoup de points à gagner pour rattraper le coup, mais bon… La préfète ne se sentait pas autant « au taquet » que l’année dernière dans cette course à la performance. La raison était peut-être aussi qu’en y réfléchissant, elle s’était aperçue qu’elle n’avait fait un peu que ça l’année dernière, au détriment d’une vie sociale digne de ce nom. Les points, les points, toujours les points… Oui mais après ? Etait-ce une manière de redorer le blason de Poufsouffle pour s’attirer plus d’amis en tant que préfète ? Peut-être… Mais résultat des courses, les Jaune et Noir s’en étaient bien tirés l’année précédente sans pour autant que Lucretia en sorte plus épanouie socialement. Alors cette année, la jeune fille avait décidé de faire plus attention à son entourage, et advienne que pourra pour le score de sa Maison…

Et puis, il y avait aussi l’arrivée de l’hiver, avec, surtout dans ce fin fond de l’Ecosse, le soleil qui se couchait en fin d’après midi… Déprimant tout ça. Surtout quand on a déjà sa Salle Commune dans une cave… -__-

Bref, ce n’était pas dans une forme olympique que Lucretia redescendit de son dortoir après y avoir déposé son sac, et s’assit quelques instants devant la cheminée. Pour couronner le tout, la préfète était de ronde ce soir. Qui allait devoir se taper un tour d’une heure minimum à travers le château pour aller tirer les oreilles des petits-et-grands-rebelles-toutes-Maisons-et-toutes-années-confondues qui ne respecteraient pas le couvre-feu ? C’est Bibiii…

Ne se sentant vraiment pas d’attaque pour sa ronde sans faire préalablement une petite sieste, Lucretia se laissa doucement sombrer dans un demi-sommeil, ses paupières lourdes se fermant sur l’image du bon gros feu qui crépitait dans la cheminée de la Salle Commune.

Elle rouvrit alors les yeux sur un visage bien connu, plantée juste à quelques centimètres du sien. Une peau chocolat sur laquelle venait s’échouer quelques dreads pas très appétissantes, un large sourire étincelant… Lee Jordan était en train de lui parler d’une voix sifflante :
Eeh! Lucrefiaaa Waf-Waf ! T’y arriveras pas cette année ! Cherche même pas à aller plus loin, les blaireaux échoueront à cause de toi, c’est leur destin de toute façon ! Abandonner ton poste de préfète serait la seule manière de leur témoigner le peu de respect qu’ils méritent… T’es même pas prête à faire gagner ta Maison cette année, et puis, t’es même pas populaire ! Regarde toi, t’as pas d’amis… Lellia Windfall, tu crois dur comme fer qu’elle te porte dans son cœur hein, mais si tu savaais ce qu’elle nous dit sur toi derrière ton dos ! Tout le monde te déteste Lulucrefia… Ton seul atout c’est de nous faire bien rigoler par ton ridicule ! Et puis, tu retrouveras jamais une personne aussi bigleuse que ton ex Machin Anderson prête à sortir avec toi ! Regarde Zélie, une semaine passée avec elle cet été et vous êtes toujours pas ensemble ! Une fille aussi bien qu’elle ne peut te fréquenter que par pitié, c’est évident… Rends toi Waf-Waf ! VA TE CACHER ! TOUT EST FINI POUR TOI ! TU FINIRAS A HANTER LE DORTOIR DE POUFSOUFFLE ET ON T’APPELERA LULU GEIGNARDE ! HAHAHAHAHA…

- GuÂSP !!! hoqueta Lucretia en ouvrant réellement les yeux, cette fois-ci, le souffle légèrement saccadé.
Elle jeta un bref coup d’œil à la pendule : bientôt 22 heures… Elle se leva en vitesse, encore un peu abasourdie, vérifia la présence de sa baguette magique dans sa poche et quitta le dortoir.

Marchant à pas lents dans le froid des couloirs, elle pouvait presque entendre les mots de Lee résonner contre les murs de pierre…

Regarde toi, t’as pas d’amis…

Elle tourna à l’angle pour prendre la direction des cachots, en essayant d’ignorer la boule qui commençait à se former dans sa gorge.

Tout le monde te déteste Lulucrefia…

Elle accéléra le pas, obligée de cligner des yeux pour essayer d’empêcher des larmes d’y monter…

Zélie… te fréquenter que par pitié… évident…

**Zélie…**

Cette fois, la Poufsouffle dut s’arrêter à un angle du couloir pour prendre une large inspiration qui laissait entendre un net tremblement dans son souffle. Pas question de se laisser déprimer lors d’une ronde nocture… Quelle crédibilité aurait-elle si elle tombait, des larmes aux yeux, nez-à-nez avec un Serpentard ?
D’ailleurs, à propos de Serpentard… où de tout autre élève réfractaire au règlement, d’ailleurs… Lucretia interrompit sa respiration pour tendre l’oreille. Il lui semblait bien avoir entendu, à l’instant, quelqu’un prononcer un « Lumos » de l’autre côté du tournant que prenait le couloir… La préfète fit un pas en dégainant fermement sa baguette, plus que prête à passer ses nerfs sur le premier élève en cavale venu.
Elle s’avança encore un peu et…

- TOI ! LA ! Qu’est ce que tu f…

Sa baguette s’abaissa ensuite lentement, et les yeux de la Poufsouffle fixèrent cette « élève réfractaire » avec un mélange de soulagement, d’affection mais aussi de triste nostalgie.

- ‘Scuse moi Zézette… ^^ Tu... tu vas bien ? fit-elle d’une petite voix à la rouquine, qu’elle n’avait pas eu l’occasion de croiser en dehors des cours depuis les vacances, autant dire depuis une éternité…

Etait-ce seulement la fatigue qui dissuadait Lucretia de bouger les yeux où était-elle captivée par la Serdaigle qui se passait la main dans les cheveux d’un air embarrassé tout en lui parlant ?... Sûrement un peu des deux. En tout cas, la préfète ne savait pas trop comment interpréter le son léger de la voix de Zélie tandis qu’elle lui posait plein de questions qu’elle n’écoutait que d’une oreille. L’Aiglonne s’intéressait-elle vraiment à tous ces détails de la vie de Lucretia, où était-ce seulement de la compassion ? Attendait-elle déjà quelqu’un à cette heure-ci, au fin fond des cachots ? Le sourire qu’elle lui avait adressé en la voyant venait-il du cœur où cela lui avait-il demandé un effort physique et mental ?... Pourquoi être amoureuse de quatre personnes ça fait suffrir ? Pourquoi vivre dans un donjon jusqu’à sa mort ça fait mourur ? Autant de questions que Lucretia se posait depuis, à vrai dire, plusieurs mois sans le savoir, mais qui venaient de surgir concrètement dans son esprit suite au cauchemar avec le poulpe de Gryffondor. Et puis, peut-être qu’elle était parano, après tout. Leurs vacances en France s’étaient très bien passées… Et puis peut-être qu’elle n’était pas parano en fait ><. Si les sentiments de Lucretia envers Zélie étaient réciproques, il se serait justement passé quelque chose à ce moment là… Et puis après tout, pourquoi partir du principe que Zélie devrait avoir des sentiments pour Lucretia ? oO Celle-ci se faisait des films, c’était évident… Au mieux, la Serdaigle se voulait être une simple amie, et il fallait oublier l’hypothèse d’une histoire d’amour… Oublier la couleur des joues de Zélie chez Florian Fortarôme l’année précédente, qui avait d’ailleurs du mener la préfète sur cette fausse piste… Oublier les a priori, les illusions qu’elle s’était faite… tout oublier…

… mis à part, peut-être, le fait que Zélie était soudain en train de l’embrasser.

Il fallut en effet quelques longues secondes à Lucretia pour le réaliser, tant ces questions angoissantes avaient occupé son esprit. Enfin à présent, elles venaient de repartir comme elles étaient venues
Alors l’utopie devenait réalité ?... (Ah merde, encore une question xD)

Zélie regardait à présent le plafond. Dans un superbe effort de jugeote, la préfète se retint de l’imiter pour voir si quelque chose clochait, et se contenta d’attendre de recroiser le regard de la Bleue et Bronze. Puis toutes les questions que celle-ci lui avaient posés peu de temps avant lui revinrent à l’esprit en même temps qu’elle secoua légèrement la tête, comme réveillée après un doux voyage au pays des rêves

- Eh bien, ce que je fais là… euh… j’allais chasser du Serpentard comme à chaque ronde boulot de préfète oblige… Sinon… ça va, ui… mieux… depuis 30 secondes La famille, euh… arf, peu importe Les amis… Quels amis ? Ben ça va aussi, et les… euh… zamours… ben…

Ne souhaitant laisser aucun blanc dans un moment aussi gênant mais à la fois tellement magique, Lucretia ne trouva pas d’autre complément de réponse que d’embrasser tendrement Zélie une seconde fois. Puis elle reprit, avec de plus en plus de confiance dans la voix :

- Ben ça va aussi. Dis donc toi, tu sais que je devrais te coller une retenue pour traîner dans les cachots après le couvre-feu !

…lui dit-elle avant d’ajouter à ces paroles un « hihi » ridicule. Puis le doute revint : la Bleue et Bronze avait-elle embrassé la préfète juste pour éviter la sanction qu’elle méritait ? Arf. Que de perpétuelles remises en questions. Que d’hormones. J’ai toujours dit qu’il devait faire bon d’être un homme parfois (surtout pour faire pipi dans la nature mais on s’écarte un peu du sujet…)