« Maddy Heartfield, la célèbre mannequin vedette de Wizard’s Paradise aperçue sur la plage de Brighton au bras d’un bel inconnu, apparemment héritier d’une des plus riches familles sorcières suédoises. Pour tout savoir sur leur possible affaire, rendez-vous page 24. » Urrgh, mais où allait le monde ? Même les derniers potins de Sorcière Hebdo n’arrivaient pas à calmer ses nerfs, pourtant cela avait toujours été une méthode des plus effectives. Il fallait croire que son inquiétude était plus grande qu’à son habitude. En même temps, lorsque Lynn la contactait parce que quelque chose n’allait pas, ce n’était pas parce qu’elle s’était cassée un ongle ou qu’elle avait perdu 50 gallions. En général, les ennuis d’un membre de la sordide famille Bower étaient rarement du genre de ceux du commun des mortels. Alors, certes, Lynn avait coupé les ponts avec sa famille mais récemment, il semblait assez évident qu’elle et Aïlin se reparlaient, donc Merlin seul savait ce qui avait pu se passer. En effet, si Aïlin lui avait toujours semblé le plus normal des frères Bower, mis à part la soirée au Todd’s, Lavande n’avait pas vraiment eu l’occasion de discuter avec lui récemment, alors elle ne savait toujours pas trop quoi penser de lui.

Se retenant de ronger sa manucure de la veille, la jeune femme referma le magazine d’un geste exaspéré et se retourna sur son lit pour s’allonger sur le dos. Observant les ombres formées par la silhouette de la lampe sur le plafond, elle tenta de se relaxer en respirant à fond, comme durant ces cours de yoga qu’elle avait pris quelques étés auparavant avec Parv’, mais rien à faire, la boule de nerfs dans son ventre refusait de partir. Le fait d’être enfermée dans sa chambre n’aidait évidemment pas, mais après son rendez-vous avec Kael la semaine précédente, elle pouvait toujours courir pour obtenir de nouveau le droit de sortir. Elle avait usé de sa seule carte de sortie pour au moins deux mois. Un peu comme les fichues cartes de sortie de prison au Monopoly, une fois qu’on en avait utilisé une, si on se retrouvait de nouveau en prison, il n’y avait pas moyen d’échapper aux trois tours d’attente, bref rien de plus frustrant ! Heureusement qu’au moins ses parents, apprenant que Lynn avait besoin d’elle, avaient immédiatement accepté que son amie passe à la maison. L’avantage d’avoir des parents au courant des problèmes de famille de ses amis, pas besoin de s’inventer des excuses au moment d’aider ces derniers.

Finalement, au bout d’une vingtaine de minutes, alors qu’elle avait changé une bonne quinzaine de fois de position, incapable d’en trouver une confortable, elle entendit la sonnette de la porte d’entrée et les voix de Lynn et de sa mère discuter quelques instants. Elle entendit ensuite son père souhaiter la bienvenue à son amie et lui indiquer la direction de sa chambre. Elle se leva donc, lissa quelque peu la robe d’intérieur qu’elle portait et se dirigea vers la porte pour ouvrir avec un sourire à son amie. Elle la prit dans ses bras et sentit la tension qui habitait le corps de la cadette Bower, ce qui renouvela ses propres inquiétudes, mais elle ne le montra pas, invitant son amie à s’asseoir sur le lit.

Elle la laissa ensuite parler sans l’interrompre. Il était clair qu’elle avait besoin de se décharger d’un fardeau et lui couper la parole ne ferait rien pour l’aider à y arriver. Lavande se contenta donc de continuer à sourire et de faire un petit signe de la tête à Lynn lui indiquant par-là qu’elle ne la dérangeait nullement et que, de toute façon, les amies c’était fait pour partager des secrets. Elle vit ensuite son amie se prendre la tête entre les mains et son niveau d’anxiété augmenta encore d’un cran mais elle resta muette, attendant la suite des révélations. Révélations qui se révélèrent très différentes que ce à quoi elle s’attendait, mais tout aussi catastrophiques.

-Je… je vais rompre avec Alan…

Ooooooookayyy … Ce n’était certainement pas la phrase qu’elle avait craint, mais elle en resta tout aussi bouche bée. Pourquoi diable cette décision soudaine ? Cela ne faisait même pas deux mois qu’ils étaient ensemble et, si elle en croyait sa correspondance avec Alan, tout se passait pour le mieux, alors pourquoi ? Qu’avait-il bien pu se passer pour que son amie débarque soudain chez elle, au bord des larmes, et lâche une bombe de pareil calibre ? Encore sous le choc mais ne voulant pas faire de bourde majeure, elle posa délicatement sa main sur l’épaule de la Gryffondor et demanda doucement :

-Pourquoi ? Est-ce qu’il a dit ou fait quelque chose qui t’aurait vexée ? Je sais qu’il peut manquer un peu de tact de temps à autres mais, c’est un garçon adorable quand on apprend à le connaître. Il agit parfois juste un peu plus vite qu’il ne pense.

« Ce n’est pas lui, c’est moi » ou l’excuse par excellence de la personne qui veut larguer son copain ou sa copine sans avoir à réellement s’expliquer. Pourtant, cette fois-ci, le désespoir évident dans la voix de Lynn évita à Lavande de faire une bourde monumentale en peignant une moue désapprobatrice sur son visage avant d’arriver au fond du problème. Il y avait clairement plus à l’œuvre qu’une simple querelle d’amoureux et tant qu’elle ne comprendrait pas entièrement de quoi il retournait, mieux valait qu’elle se contienne de faire une remarque quelconque. Merlin savait ce que ses paroles inconsidérées avaient pu causer comme chaos par le passé !

Et lorsque Lynn commença à parler de sa famille et plus précisément de son père, Lavande se félicita silencieusement pour sa maturité, celle-là même qui l’avait empêchée de sortir une connerie avant l’heure, car toute personne ayant connu Devin Bower savait qu’une conversation qui impliquait son nom était vouée à contenir d’innombrables horreurs en sein. La question restant de savoir lesquelles de ces horreurs avaient bien pu influencer suffisamment son amie après toutes ces années pour qu’elle en arrive à la conclusion que sa seule option viable était de rompre avec Alan. Oui, là était définitivement le nœud du problème, la partie que Lavande n’arrivait pas encore à comprendre et qu’à vrai dire elle espérait ne jamais réussir à comprendre de manière à tranquillement pouvoir rassurer son amie et la renvoyer dans les bras d’un certain beau brun. Malheureusement avec les Bower, rien ne finissait jamais comme on le désirait, elle ne le savait que trop bien …

Elle en eut néanmoins une fois de plus la preuve lorsque les révélations de Lynn remirent en cause tout ce que les deux filles avaient toujours cru immuable, à savoir que Lynn avait été abusée par son père. Un merveilleux instant Lavant s’autorisa à rêver que, peut-être, son amie n’avait jamais été molestée dans son enfance, puis elle se rappela la tournure de phrase de Lynn : « ce n'est pas notre père qui a abusé de moi … ». Pas personne n’a abusé de moi mais, ce n’est pas notre père qui l’a fait, ce qui était totalement différent. Dans la deuxième version, il y avait bien un autre b******** qui avait abusé d’elle, même s’il ne s’agissait pas du patriarche Bower. Par contre, il ne comprenait pas vraiment pourquoi Torin avait modifié ces souvenirs-là ? Est-ce qu’être violée n’était pas déjà assez traumatisant en soit, fallait-il en plus rajouter une bonne dose d’inceste par-dessus pour finir de bousiller l’enfance de Lynn, c’est ça ? Et, question à mille gallions, qu’est-ce que ces révélations pour aussi terrifiantes qu’elles soient avaient à voir avec le fait de sortir ou non avec Alan ? Elle comprenait que Lynn ait besoin d’un peu de temps et d’espace pour assimiler la nouvelle mais était-ce là une raison suffisante d’arrêter sa relation avec Alan ? Elle entreprit donc de réagir avec d’énormes précautions, ne voulant pas braquer son amie avec une tournure infortunée ou une autre bêtise du même style.

-Eh bien c’est définitivement une nouvelle assez incroyable que tu m’annonces là. A vrai dire, je ne sais pas trop quoi te dire. Est-ce qu’il faut que je sois contente de savoir qu’au moins l’horreur que tu as eu à vivre n’a pas été aux mains de ton père ou bien, est-ce que l’un dans l’autre, ça ne change rien du tout au traumatisme ? Dans les deux cas, il est clair que tu as subi quelque chose d’horrible et que devoir soudain y repenser n’a pas dû être facile, donc sache que si tu as besoin d’en parler ou au contraire de tout faire pour oublier, tu n’as qu’un mot à dire et je rapplique. Enfin, je ne suis en fait pas si sûre que je pourrais effectivement rappliquer vu que je suis punie jusqu’à l’âge de la retraite mais il y a les lettres, les téléphones, les visites à domicile, bref on trouvera … et je suis en train de me perdre dans mes propres paroles.

Ce qui n’arrivait que lorsqu’elle était vraiment, mais alors vraiment stressée. Elle prit donc une grande inspiration pour calmer les battements erratiques de son cœur et reprit, plus calmement, par la question qui la taraudait par-dessus tout. Bon, non une des deux questions qui la taraudait mais l’autre étant « Qui est donc ton violeur ? » semblait fort peu appropriée, elle la garda donc pour elle-même.

-Et … euh … sinon, en quoi cela a amené la décision de rompre avec Alan ? Parce qu’il est extrêmement compréhensif, tu sais ? Si tu as besoin de temps pour toi ou de ne simplement pas aborder le problème, jamais il ne te forcera à quoique ce soit dont tu n’aies pas envie. Lui aussi a ses secrets dont il n’aime pas parler, alors il est très bien placé pour comprendre.

Mieux que quiconque d’autre de sa connaissance, se fit-elle d’ailleurs la remarque en silence. Mieux que quiconque d’autre.

-Lavande, tu ne comprends pas …

Ça ce n’était rien de le dire. Enfin, au moins, elles étaient d’accord sur ce point-là. Car, non, l’ancienne Gryffondor ne comprenait pas comment des révélations sur l’identité du violeur de Lynn pouvaient amener à la fin de sa relation avec Alan. Etait-ce que, les souvenirs remontant soudain à la surface, elle se sentait de nouveau salie et ne désirait par conséquent pas poursuivre de relation amoureuse avec un homme par peur de la partie « physique » des évènements ? C’était certes compréhensible mais, s’il y avait bien un garçon qui serait à même de l’aider à surmonter pareil traumatisme, c’était Alan alors elle ne devait pas quitter. Surtout pas !

-Celui qui m'a fait ça … je l'ai retrouvé …

Holy mother of … voilà qui expliquait nettement plus de choses. A tous les coups, ce fils de p** était celui qui avait fait perdre toute estime d’elle-même à Lynn. Il avait dû lui rappeler la pauvre enfant sans défense qu’elle avait été et, une chose en entraînant une autre, Lynn avait dû se sentir de nouveau impuissante. Lavande s’apprêtait donc à rectifier cette monumentale erreur de jugement de son amie mais cette dernière n’avait apparemment pas terminé de parler.

-J'ai fait quelque chose d'horrible, quelque chose de monstrueux … J'ai déjà trop de secrets pour Alan, celui-là … je ne peux pas … je ne peux pas être avec lui en lui cachant ça … mais je ne peux pas non plus lui dire … je ne peux en parler à personne …

« Quelque chose d’horrible, quelque chose de monstrueux ». Est-ce qu’elle parlait du viol ? Non, il était clair que les émotions que Lavande n’arrivait pas à déchiffrer dans le regard de son amie n’étaient pas dues au dégoût qu’elle avait pu éprouver pour elle-même à l’époque du viol. Lynn avait grandi depuis cette époque, elle savait que le viol n’était nullement sa faute et elle ne s’y serait jamais référé comme à quelque chose qu’elle avait elle-même fait, peu importe quels souvenirs traumatiques elle ait pu avoir à revivre récemment. Mais alors à quoi faisait-elle référence ? Qu’avait-elle pu bien faire de si terrible pour ne plus oser regarder Alan en face ?

Lavande eut soudain un très mauvais pressentiment. Si Lynn n’osait même pas lui parler de ce qu’elle avait fait, elle craignait le pire. Un frisson lui parcourut instinctivement l’échine et elle dut se retenir de demander immédiatement des explications à son amie sur son comportement. La pauvre Lynn était déjà au bord des larmes, pas la peine de la traumatiser un peu plus. Elle avait besoin de quelqu’un pour la réconforter, pas pour lui faire la morale. Après tout, si elle-même était née dans une famille comme celle de Lynn qui savait ce qu’elle aurait fini par faire ? Cependant, malgré toutes ces admonestations intérieures, l’étudiante ne pouvait s’empêcher de ressentir que quelque chose allait mal. Elle aurait été incapable de mettre le doigt sur le problème exact, le petit détail qui la dérangeait tant mais il était là. Elle aurait beau ne pas forcer Lynn à lui dire ce qu’elle avait fait, elle ne pourrait cependant pas s’empêcher de se sentir mal à l’aise en l’imaginant. C’était horrible de sa part mais c’était comme si, quelque part, elle sentait le lien qui l’avait toujours connectée à Lynn s’affaiblir. Comme si son amie redevenait un peu plus une Bower à part entière avec le cortège de secrets et d’ennuis que cela impliquait. Or, si, à une époque, elle avait pu aider, lorsqu’elle avait encore l’inconscience de l’adolescence de son côté, désormais, elles étaient toutes les deux adultes ou presque. Et, au moment critique, le fait était là : Lynn ne lui faisait pas suffisamment confiance pour lui confier tous ses secrets et, pire encore, elle n’était pas certaine de vouloir les connaître.

C’était cette découverte qui lui glaçait réellement le sang. En effet, après le règne de Carrows, la bataille de Poudlard et plus récemment le fiasco de Trafalgar Square, elle n’était plus certaine de vouloir se mêler encore des problèmes des autres. Elle ne désirait plus qu’un peu de tranquillité aux côtés de Kael. Etait-ce vraiment horrible de sa part ? Certainement. Et, pourtant, elle sentait au plus profond d’elle-même que c’était une route à sens unique et que si elle l’empruntait, elle ne changerait ensuite probablement plus d’avis. Mais le moment n’était pas propice à une introspection des plus terrifiantes. Pour le moment, elle devait se contenter de chérir le lien qu’elle possédait encore avec Lynn et tenter d’aider son amie. Elle se rapprocha donc de sa cadette et la prenant doucement dans ses bras, la berça tandis que les larmes coulaient à grands flots.

-Shh, shh, tout va bien, ce n’est pas de ta faute, ok ? Je ne comprends pas ce qu’il t’est arrivé et je ne le comprendrais probablement pas tant que tu ne voudras pas m’expliquer ce qui s’est passé mais quoiqu’il en soit, ne dis pas que tu portes malheur aux gens que tu aimes. C’est faux. Tu sais mieux que personne que toutes nos décisions sont des choix, alors si tu choisis de quitter Alan, bien que je sois contre, si c’est ton choix et que tu y as réfléchi, comme je suis sûre que tu l’as fait, si tu penses que c’est ce qu’il y a de mieux pour lui, dans ce cas, ne dis pas que tu lui portes malheur. En effet, personnellement je ne vois pas comment rompre avec lui pourrait lui apporter du bonheur mais il est clair que je n’ai pas toutes les cartes en main et je te connais assez pour savoir que tu ne fais jamais rien par hasard, juste pour le plaisir de blesser les gens. On t’a trop blessée pour que tu saches suffisamment ce que ça fait et que tu ne fasses pas subir la même chose aux autres.

Oh oui, ça, Lynn avait subi sa part de malheur au cours de sa courte vie. A dix-sept ans seulement, elle avait probablement vécu bien plus que beaucoup d’adultes et c’était pour cette unique raison que Lavande ne la jugeait pas malgré son incompréhension des raisons dictant ses actes. Car, de son point de vue, Lynn avait acquis le droit inconditionnel à être soutenue car elle avait prouvé encore et encore que, malgré toute les horreurs qu’elle avait vécues, elle était encore capable de se relever et de continuer à se battre en prenant les bonnes décisions. Par conséquent, pour autant que l’idée de voir ses deux amis se séparer lui brisât le cœur, Lavande savait qu’elle soutiendrait Lynn dans sa décision. Tout comme elle soutiendrait Alan dans sa rancœur. Elle ne prendrait pas parti car ce n’était pas ce qui était demandé d’elle. D’ailleurs, elle le précisa au cas où Lynn s’était imaginé pouvoir se débarrasser d’elle en même temps que de son meilleur ami.

-Et ne t’inquiètes pas pour Alan, je ferais de mon mieux pour le contrôler. J’ai plus ou moins bien réussi jusqu’ici, je trouverais donc le moyen de surmonter également cette nouvelle crise à ses côtés. Fais-moi confiance pour ça. Par contre je te préviens, ne t’attends pas à ce que je te laisse t’éloigner de moi pour autant. J’ai déjà l’horrible sensation qu’Alan n’est pas le seul à t’avoir perdu alors promets-moi une chose. Ne deviens pas celle que tu t’es tant battue pour ne pas être. Promets-le moi !

Cette dernière phrase avait presque été criée et l’urgence dans la voix de Lavande était redoublée par son regard fixement planté dans celui de son amie. Voilà c’était maintenant ou jamais, ou bien elle voyait la fin de leur amitié telle qu’elle était jusqu’alors ou bien elle se rassurait et constatait que la Lynn de toujours était encore présente à ses côtés. Oh Merlin ce qu’elle voulait que ses pressentiments se révélassent faux !

Citation :

J’ai déjà l’horrible sensation qu’Alan n’est pas le seul à t’avoir perdu alors promets-moi une chose. Ne deviens pas celle que tu t’es tant battue pour ne pas être. Promets-le-moi !

« C’est trop tard Lavande », ces mots avaient un arrière-goût de sentence qui causa un malaise instantané à l’étudiante. La réalisation d’un mauvais pressentiment, la concrétisation d’un sentiment diffus. Lynn avait bien franchi la ligne qui séparait définitivement leurs deux mondes. Le monde de ceux aux familles aimantes et aux problèmes qu’un environnement familial chaleureux aide à résoudre et le monde de ceux aux familles cruelles dont les problèmes proviennent justement de ce même environnement familial qui les a détruit peu à peu durant leur enfance jusqu’à laisser des cicatrices si profondes, si douloureuses, si purulentes qu’elles finissent par les engloutir un jour ou l’autre. Lavande écoutait donc son amie raconter son calvaire avec un sentiment de malaise croissant et une seule question lui traversant sans arrêt l’esprit : comment pouvait-on surmonter pareil traumatisme ? Comment pouvait-on continuer à vivre après de telles horreurs ? Et surtout, comme Lynn avait-elle trouvé la force de se confronter de nouveau au bourreau de son enfance ?

Un instant, elle s’imagina à la place de son amie et au lieu de la juste colère que cette dernière avait éprouvée, elle ressentit une peur panique, incontrôlable, sans cause ni fondement. Elle se représenta une silhouette sans visage d’un agresseur qui n’avait jamais existé dans son passé et ne put ne serait-ce que se forcer à le regarder dans les yeux, alors lui parler, l’écouter parler et se remémorer leurs « souvenirs communs », c’était absolument inconcevable. Elle s’imagina ensuite Lynn dans cette même situation et se surprit à ressentir un respect incroyable pour son amie qui avait eu la force de faire ce qu’elle se savait incapable de réaliser : affronter ses peurs. Certes, Lynn avait brisé le tabou du meurtre durant le processus d’acceptation de ce qui lui était arrivé, mais il ne fallait pas compter sur Lavande pour pleurer la mort d’un salaud pareil. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle approuvait le geste de son amie, mais elle pouvait le comprendre et surtout jamais elle ne se permettait de le juger, car seule une personne ayant subi une situation semblable à celle de la cadette Bower avait le droit d’émettre un jugement moral sur le comportement de cette dernière.

En effet, il aurait été trop facile pour elle de condamner la justice expéditive dont avait fait preuve Lynn car le protagoniste de ses cauchemars à elle, Fenrir Greyback, avait été tué peu après l’avoir attaquée lors de la bataille de Poudlard. Elle n’avait donc pas eu à se confronter à lui ni à revivre en le voyant leur rencontre traumatique. Elle ne pourrait donc jamais savoir comment elle aurait réagi dans cette situation. Se serait-elle effondrée ? Aurait-elle eu envie de le tuer ? Personne ne le saurait jamais et peu importait dans le fond. Ce qui comptait c’est qu’elle n’était pas juge, son rôle n’était pas de différencier nettement le bien du mal, elle n’était que l’amie d’une jeune femme clairement encore plus traumatisée que ce qu’elle avait cru et qui risquait de sombrer complètement si elle ne s’attelait pas à la dure et longue tâche de lui garder la tête hors de l’eau. En d’autres mots, Lynn avait besoin d’elle, aujourd’hui plus que jamais et si elle n’était pas là pour la Gryffondor, elle ne se le pardonnerait jamais. Elle n’était plus une enfant, ou tout cas plus totalement, l’heure des inquiétudes et des situations que l’on retourne à son avantage en se débarrassant de tous les éléments gênants, encore plus lorsque ceux-ci sont des personnes dont les problèmes nous pèsent trop, était passée. L’égoïsme n’avait pas sa place dans la situation présente. Elle avait besoin de se reprendre complètement si elle voulait pouvoir soutenir son amie.

Cependant, restait un problème majeur. Elle ne savait pas comment exprimer tous ces sentiments contradictoires qu’elle avait ressentis en l’espace de quelques secondes. La peur, le doute, la compréhension, la résolution, … tout se mélangeait dans sa tête dès qu’elle tentait de poser le carcan de phrases construites sur le chaos de son esprit. Alors, elle se résolut à employer une technique bien plus efficace que tous les discours du monde et, sans prévenir, elle prit son amie dans ses bras et serra jusqu’à lui faire probablement mal, comme pour assurer Lynn de sa présence, de son soutien inconditionnel et intemporel. Lui prouver ainsi qu’elle ne partirait pas, qu’elle ne l’abandonnerait pas comme tant d’autres l’avaient fait avant elle. Ou bien n’était-ce peut-être qu’un moyen de se forcer elle-même à rester. De s’obliger par cette promesse silencieuse à ne pas quitter le bateau qui coulait.

Elle resta ainsi un temps indéterminé, les yeux fermés, sans vraiment se soucier du monde extérieur, pas même des réactions de Lynn. Puis, enfin, elle relâcha son amie et tenta de vocaliser le méli-mélo de ses sentiments.

-Ni pardon ni excuses. Tu m’as fait suffisamment confiance pour me raconter ton secret alors il n’y a rien à rajouter. Tu as agi ainsi, quelqu’un d’autre aurait peut-être agi autrement mais le fait est que ce n’était pas quelqu’un d’autre qui était là, c’était toi et ce qui compte c’est donc seulement toi et comment tu te sens aujourd’hui. Je comprends désormais que tu ne veuilles plus continuer à voir Alan, si tu n’es pas capable de lui confier ce que tu as fait, tu ne pourras en effet pas continuer une relation avec lui. Sache tout de même qu’il ne comprendra pas, tu ne peux pas lui demander de comprendre. Il va te détester, sois en sûre. Ou probablement bien pire, il en sera incapable car c’est la première fois qu’il aime quelqu’un depuis fort longtemps et il ne pourra pas se résoudre à te détester. Il va avoir mal, terriblement mal. Il ne t’oubliera pas si vite et s’il en vient à t’oublier, sache que ce sera pour toujours. Ou du moins très longtemps. Tu le connais assez pour savoir que c’est un homme entier, il ne fait jamais les choses à moitié, il sera incapable de te revoir, de te reparler, tu ramènerais trop de mauvais souvenirs. Tu vas totalement disparaître de sa vie, tout comme il va disparaître de la tienne.

*Et moi je serais coincée entre les deux, incapable de choisir un camp et indéfiniment tiraillée. Mais la question n’est pas là, pour le moins par pour le moment.*

-Je ne dis pas ça pour te blesser.

*Ou peut-être si un peu, parce que l’idée de devoir vivre entre vous me blesse profondément et qu’inconsciemment, la part égoïste de mon esprit veut se venger de cette manière horrible.*

-Mais il faut que tu en sois consciente. Tu veux toujours ne rien lui dire malgré tout cela ? Parce que si tu veux de l’aide pour lui raconter, même si ce n’est pas tout de suite, tu peux compter sur moi et tu peux compter sur lui pour ne pas te juger.

Elle s’arrêta un instant.

-Compte également sur moi pour ne pas te juger si tu choisis de le quitter tout de même.

*Du moins j’essaierais, je te le promets.*

-Par contre, je ne vais pas te mentir, ce sera dur, terriblement dur. Pour toi, pour lui, pour moi. Je ne peux pas t’assurer qu’il n’y aura pas des mauvais jours, des jours où il s’énervera sans raison, où tu t’énerveras sans raison, où je m’énerverai sans raison. Et il faut y être prêt, pour ne pas réagir bêtement dans ces cas-là. Pour se mettre à la place de l’autre et s’aider mutuellement. Parce que si tu m’abandonnes définitivement, que ce soit en devenant une Bower à part entière et en me laissant derrière ou bien en choisissant la solution de facilité, comprenez le suicide chers lecteurs, je ne te le pardonnerais jamais. Jamais.

Elle répéta ce dernier mot en fixant son regard dans les prunelles de son amie comme pour en renforcer la force. C’était bien un ultimatum. Si elle n’était plus une enfant, Lynn non plus. Et si elle choisissait de s’engager aux côtés de la Gryffondor, elle voulait que l’engagement soit à double sens. Sinon autant ne pas s’ajouter de problèmes inutiles. Et tant pis si cela sonnait terriblement égoïste, apprendre à se protéger était également une façon de grandir. Et une bien plus difficile et cruelle qu’apprendre à aider les autres contrairement à ce que l’on pensait habituellement. Car il fallait apprendre à ne pas se détester et tout le monde sait que l’autodépréciation est bien plus aisée que la dépréciation des autres car l’on peut toujours se leurrer et s’illusionner sur les intentions des autres mais il est impossible de réellement se mentir à moi-même.

Spoiler:

Citation :

Parce que si tu m’abandonnes définitivement, que ce soit en devenant une Bower à part entière et en me laissant derrière ou bien en choisissant la solution de facilité, je ne te le pardonnerais jamais. Jamais.

La sensation de soulagement qui l’envahit à l’écoute de la promesse de Lynn fut si forte qu’elle s’en ressentit physiquement. Ses épaules s’affaissèrent brusquement et la tension qui maintenait ses muscles bandés à l’extrême, de façon quasi douloureuse, disparut en un instant, laissant place à une tranquillité presque inconcevable après pareille inquiétude. Elle n’avait en effet jusqu’alors pas réalisé le poids que son ultimatum avait posé non seulement sur les épaules de son amie, mais sur les siennes également. En effet, qu’aurait-elle fait si Lynn ne s’était pas engagée à rester auprès d’elle ? Aurait-elle été seulement capable de mettre fin à une amitié qui durait depuis déjà huit ans sans regretter ensuite son geste ? Pouvait-elle réellement imaginer que lorsque Lynn quitterait sa chambre ce serait pour ne plus jamais la revoir ? La réponse était non, sans doute possible. Et, c’était bien ce qui l’avait tellement inquiétée au moment de prononcer ses dernières paroles. Car, si elle avait volontairement écarté Lynn de sa vie, même si c’était pour ne pas souffrir plus tard lorsque son amie aurait définitivement disparu, devenant une étrangère ou quittant ce monde pour un autre que l’on espérait tous meilleur, cela aurait irréparablement brisé quelque chose en elle. Une partie constitutive de l’enfant insouciante qu’elle avait été et qui continuait de s’accrocher de toutes ses forces à l’adulte qu’elle devenait peu à peu, comme si elle craignait qu’en l’abandonnant à son sort, la Lavande adulte ne se perde dans les méandres tortueux d’un quotidien où la naïveté n’avait plus sa place.

Alors oui, les paroles de Lynn apaisèrent ses tourments internes et firent réapparaître ce sourire chaleureux qui n’adornait plus tellement ses lèvres ces derniers temps. Elle savait pourtant que le plus dur restait à venir, que cette réunion impromptue dans la chambre qui avait assisté à leurs premières confidences, n’était que le début d’un nouveau chapitre de leur amitié. Un chapitre plus sombre, résolument plus amer, dans lequel certains des protagonistes -Alan en tête d’affiche- souffriraient bien plus qu’aucune d’elles ne l’aurait souhaité, mais un chapitre tout aussi nécessaire à leurs développements respectifs que les précédents. Car pour autant qu’elles puissent toutes deux le désirer, rester des enfants ou même des adolescentes à vie n’était pas envisageable et grandir signifiait aussi savoir prendre des décisions difficiles. « Prendre ses responsabilités et assumer ses actes » pour utiliser des expressions que sa mère aimait tant à répéter depuis l’incident de la manifestation. Et c’est donc dans cette optique qu’elle laissa les larmes de Lynn couler sur les joues de la jolie Gryffondor sans ne serait-ce qu’esquisser un geste pour les sécher. Elle ne ferait pas cet affront à son amie, elle la savait bien plus forte que cela et, si elle avait besoin de pleurer pour se décharger émotionnellement, Lavande ne la blâmerait pas. Elle était la mieux placée pour savoir que souvent les larmes emportaient avec elle une partie de la douleur, elle dont les robinets avaient tendance à s’ouvrir avec une facilité déconcertante dès qu’elle était sous tension.

Elle écouta donc en silence, se contentant de poser une main amie sur celle de Lynn, enlaçant leurs doigts dans un geste silencieux de soutien. Elle ne pouvait qu’imaginer ce que son amie devait vivre en ce moment. Si elle avait dû dire au revoir à Kaelir, elle se serait littéralement effondrée et de façon bien plus terrible que Lynn. L’idée de le perdre lui était inconcevable, et si elle refusait d’y penser en des termes aussi sérieux par peur de ce que l’avenir lui réservait, néanmoins, chaque jour passé en la compagnie du blond, et encore plus chaque jour passé loin de lui à cause de son assignation à résidence, démontrait avec plus de clarté que le précédent qu’elle ne se relèverait que très difficilement d’une rupture si celle-ci venait à avoir lieu. Bien sûr, rien ne présageait d’un tel dénouement à leur histoire -au contraire, son rendez-vous quelques jours auparavant n’avait que renforcé la petite voix au fond de son esprit qui s’acharnait à murmurer qu’il était le bon, celui avec qui elle devait envisager de finir ses jours, si possible entourés d’enfants voire de petits enfants- mais la vie réservait toujours de bien horribles surprises comme les révélations de Lynn venaient de le lui démontrer. Elle resserra donc inconsciemment sa prise sur la main de la griffonne et reprit la parole, tentant de détendre quelque peu l’atmosphère terriblement pesante qui s’était imposée durant leur discussion :

-Non, tu ne feras pas n’importe quoi, ça c’est mon rôle tu te souviens ? Cruche un jour, cruche toujours comme certaines mauvaises langues se faisaient un plaisir de me le rappeler à Poudlard.

Heureusement, sa participation à l’Armée de Dumbledore puis à la bataille de Poudlard, son amitié avec Lynn, sa relation avec Kael, puis sa rencontre avec Alan et Tomas ainsi que leurs multiples aventures estudiantines lui avait appris à prendre du recul vis-à-vis de ce surnom qui l’avait tant poursuivie tout au long de sa scolarité. Si elle ne pouvait s’empêcher de tiquer légèrement lorsque quelqu’un l’employait encore aujourd’hui, elle savait également qu’elle n’était plus l’enfant naïve et légèrement stupide qui était entrée avec joie et empressement à Poudlard neuf ans auparavant. Et si, la part « girly » et légèrement loufoque de sa personnalité n’avait pas totalement disparu, c’était également par choix, car elle considérait -même si ce n’était pas toujours exprimé aussi clairement- que, dans un monde aussi incertain que celui dans lequel elle vivait, garder une part d’insouciance était un bienfait. Alors oui, parfois, il lui arrivait de surjouer son rôle, pour l’amusement de l’assistance ou simplement par sécurité. Car, dans un sens, ce masque d’affabilité tirant à la stupidité la rassurait, avec lui elle était en terrain connu. Elle savait comment les autres réagiraient à ses actions, et pouvait donc agir en conséquence, sans craindre d’imprévus. Elle savait également qu’elle ne pourrait pas se permettre de rester ainsi toute sa vie, un jour elle devrait apprendre à assumer également sa maturité. A se montrer telle que ses amis les plus proches la connaissaient, plus réfléchie, plus posée et par conséquent plus forte mais aussi plus vulnérable. Mais aujourd’hui n’était pas ce jour. Aujourd’hui était le jour des grandes décisions pour Lynn, son jour à elle viendrait plus tard.

Elle se leva donc soudainement, mue par une énergie légèrement incompréhensible après la lourdeur des secrets dont elle venait d’être nommée dépositaire, et, tenant toujours son amie par la main, elle l’entraîna à sa suite, sans lui laisser d’autre choix ni lui dire où elles allaient, un sourire énigmatique comme seule réponse aux yeux remplis d’incompréhension de sa cadette. Elles passèrent devant ses parents et sa mère ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose, mais Lavande la devança.

-On va au lac, on restera à la vue promis mais vous ne m’en empêcherez pas.

Ses yeux lançaient un défi muet à sa mère et celle-ci finit par lâcher prise dans un soupir d’exaspération qui tira un sourire amusé à son mari. Retenant un cri de victoire, Lavande ouvrit donc la porte et courut presque jusqu’au lac situé derrière la ferme, sa main toujours fermement attachée à celle de Lynn. Puis, lorsqu’elles furent enfin arrivées, elle se tourna envers son amie.

-Ce qui commence à un endroit doit se finir au même endroit, tu n’es pas d’accord ? Il est temps de se forger de nouveaux souvenirs à l’endroit même où ton frère nous a volés notre première insouciance.

Et sitôt dit, sitôt fait, sans attendre la réponse de son amie, elle enleva sa robe, transfigura ses sous-vêtements en bikini et plongea.

Citation :

-Ce qui commence à un endroit doit se finir au même endroit, tu n’es pas d’accord ? Il est temps de se forger de nouveaux souvenirs à l’endroit même où ton frère nous a volés notre première insouciance.