Si un jour quelqu’un lui avait dit qu’elle ne trouverait pas son bonheur sur le Chemin de Traverse, Lavande aurait ri au nez de l’impudent. On y trouvait de tout tant qu’il s’agissait de quelque chose de magique, toute personne sensée le savait. Et pourtant, le week-end précédent, elle avait eu beau avoir fait toutes les boutiques de mode du chemin, qu’elles soient de haute couture ou de simple friperies, rien à faire, elle était rentrée bredouille au campus. Sa chasse au tissu capable de reproduire toutes les nuances de couleur existantes en ce bas monde s’était soldée par un échec cuisant. Pourtant ce tissu existait, elle l’avait vu exposé dans les pages d’un vieux Sorcière Hebdo retrouvé parmi ses affaires datant de Poudlard la dernière fois qu’elle était passé chez ses parents, et pourtant pas moyen de mettre la main sur un exemplaire en vente. Toutes les boutiques qu’elle avait faites disaient qu’elles n’en avaient plus en stock depuis fort longtemps. Il s’était agi d’une collection unique, créée sur mesure par une styliste étrangère de renom et tout avait été vendu. Mais, Lavande n’avait pas encore dit son dernier mot. Elle avait décidé qu’elle offrirait cela à Parvati pour Noël et elle le lui offrirait !

Ainsi, elle se retrouvait à nouveau, une semaine plus tard en mission pour trouver ce fameux tissu et cette fois-ci ses pas l’avait conduite à Pré-au-Lard. Il y avait toujours eu des boutiques invraisemblables dans ce village, des boutiques auxquelles les élèves ne prêtaient pas une grande attention lorsqu’ils venaient en sortie mais qui pouvaient se révéler miraculeuses lorsque l’on cherchait un objet introuvable ailleurs. De véritables cavernes d’Ali Baba où les trésors les plus précieux côtoyaient les pires horreurs, le tout souvent pour des prix faramineux mais qu’il n’était pas difficile de faire baisser condition d’avoir un minimum de talent pour le marchandage. Or Lavande était née pour marchander. Elle aurait pu convaincre un vendeur de chaussures de lui céder une paire gratuitement car c’était une bonne façon de la convaincre de revenir dans sa boutique. En réalité, elle l’avait déjà fait, mais en toute honnêteté, la réussite de son plan avait probablement plus eu à voir dans le fait qu’elle avait discrètement glissé son numéro dans la veste du beau vendeur qu’à ses capacités de persuasion. Enfin bref, nous nous égarons, revenons-en donc à nos hippogriffes.

Je disais donc que Lavande se trouvait en ce froid samedi de novembre dans les Ruelles de Pré-au-Lard à la recherche d’une boutique en particulier dont elle avait entendu beaucoup de bien : Derviche et Bang. Un endroit où selon ses sources on trouvait de tout et de rien à des prix abordables. Et lorsqu’elle arriva à l’adresse qu’on lui avait fourni, elle craignit de s’être fait roulée parce que franchement pour un endroit réputé aussi génial la devanture ne payait pas de mine. Elle s’approcha néanmoins de plus près pour se faire une meilleure idée. Mais, à peine avait-elle mis le nez sur la vitre pour observer les quelques objets exposés que son regard fut attiré ailleurs.

Elle avait l’impression de reconnaître la silhouette de la jeune femme penchée sur l’étal des pierres précieuses. Elle colla un peu plus son visage à la vitre pour essayer de voir un peu mieux les traits de l’inconnue étant donné que l’intérieur de la boutique n’était pas très éclairé mais elle n’en eut pas l’utilité car ladite inconnue releva la tête d’elle-même. Et ,lorsque leurs regards se croisèrent, elle cria son nom.

Lavande mit quelques secondes à reconnaître Lynn dans la jeune femme qui se tenait en face d’elle avec un sourire ravi et un air étonné sur le visage. Merlin ce qu’elle avait changé ! Si elle n’avait fait que la croiser dans la rue, elle ne l’aurait probablement pas reconnue. Mais où diable était passée la gamine qu’elle avait pris sous son aile il y avait de cela … une éternité ! Ce n’était peut-être pas si loin mais l’étudiante avait l’impression d’avoir vécu tellement de choses depuis que pour elle ça l’était. Quoiqu’il en soit, elle ne se fit pas prier et entra à l’intérieur de la boutique, petit un, parce qu’il faisait un froid de canard dehors et, petit deux, car elle avait une envie folle de renouer le contact avec son ancienne protégée. En effet, depuis leur dernière rencontre, bien qu’elles s’étaient envoyées quelques lettres de temps à autres, tellement de choses s’étaient passées qu’elles s’étaient progressivement éloignées l’un de l’autre. C’était l’occasion ou jamais de rattraper le temps perdu. C’est pourquoi, à peine entrée, elle prit Lynn dans ses bras pour une embrassade chaleureuse.


-Lynn ! Alors là pour une surprise ç’en est une géniale ! Par Viviane, je te reconnais à peine, tu es devenue une splendide jeune femme ! Je parie que tu fais chavirer les cœurs au château, termina-t-elle avec un clin d’œil.

Et oui, on ne change pas une équipe qui gagne et Lavande avait tendance à souvent tout ramener aux garçons.

Lynn était célibataire, le monde ne s’était pas encore arrêté de tourner. En effet, si en plus d’avoir opéré une transformation physique radicale, elle s’était trouvé un petit copain, ça aurait été plus que Lavande n’aurait pu en supporter. Après tout, la Lynn qu’elle connaissait était timide jusqu’à un point presque maladif, alors que tout d’un coup, elle ait cédé aux avances d’un garçon … bah elle ne s’y serait pas attendue tout simplement. En fait, c’était aussi que, connaissant le passé de son amie, Lav’ considérait que la jolie griffonne méritait un garçon digne de ce nom. Elle avait suffisamment souffert, elle n’avait pas besoin d’en plus se taper un gros lourd. Non, il fallait qu’elle se trouve son propre Kael, un garçon gentil, attentionné, mignon et drôle tout à la fois. Et ouais ça existait, même si ça prenait du temps de le trouver ! D’ailleurs quand on parlait du loup …

- Et toi ? Pas de petit copain en vue ? Ne me dis pas que tu es célibataire ! Il doit y avoir des centaines de garçons à l'UMA qui feraient n'importe quoi pour porter tes paquets ! Je n'arrive pas à croire qu'on se croise à Pré-Au-Lard !

En temps normal, une remarque pareille aurait fait joyeusement rire la jolie blonde mais là, elle ne réussit qu’à la faire doucement rougir. Elle répondit donc, les joues toujours empourprées mais un sourire radieux planté sur le visage :

-Centaines ou pas, je n’ai d’yeux que pour l’un d’entre eux. A vrai dire, tu le connais plutôt bien …

Elle laissa le suspens s’installer quelques secondes juste pour le plaisir d’annoncer la nouvelle de l’année, puis elle n’en put plus et lâcha l’information avec des étoiles dans le yeux.

-Je suis de nouveau avec Kael !

Sa voix était joliment partie dans les aigus mais elle était tellement excitée d’apprendre la nouvelle à quelqu’un qui, non seulement avait assisté à leur premier couple, mais qui, contrairement à Parv’ avec qui elle avait déjà discuté longtemps de la question, avait également connu intimement le beau blaireau.

-Sinon pour répondre à tes autres questions je suis tout aussi surprise de te croiser. A vrai dire c’est un peu par hasard que je suis dans le coin, je suis à la recherche du cadeau de Noël de Parvati, une étoffe capable de reproduire toutes les nuances existantes. Elle est dans une école de mode maintenant et ça lui servira à fond mais pas moyen de mettre la main dessus sur le Chemin de Traverse donc on m’a conseillé de venir fouiner ici et me voilà ! Et toi, quoi de neuf ? T’as continué à faire tes charmes comme tu m’avais dit dans ta dernière lettre ? Soi-dit en passant, si on va continuer à se raconter nos vies -ce que j’ai toute l’intention de faire-, ce serait peut-être plus simple de se poser autour d’un chocolat chaud ou d’une Bierraubeurre, tu penses pas ? Je t’invite. On pourra toujours revenir ici après.

Bah oui, parce que Lavande avait un million de choses à raconter à son amie et, si elle n’avait rien contre l’ambiance tamisée de Derviche et Bang, ça manquait d’endroit où s’asseoir comme dirait l’autre. Or, pour se raconter plus d’un an et demi de vie, il fallait être installé confortablement, c’était un must.

[Hj : C’est un peu court, mais promis une fois qu’on se sera bien installées, va falloir t’accrocher. La tornade Lavande va faire son apparition, j’espère que Lynn est patiente et aime écouter. ]

Septième année, ASPICs, futur professionnel, … c’était à peine croyable d’entendre Lynn lui parler de tout ça. Elle l’avait toujours vu comme une espèce de petite sœur adoptive, et encore plus depuis qu’elle était rentrée à l’UMA car ne la voyant plus dans la salle commune en permanence, elle ne l’avait plus vu grandir. Elle était restée bloquée aux quinze ans de la jeune fille qui devait en avoir dix-sept désormais. Elle se remémora quelques souvenirs de sa septième année pour comparer mais cela lui semblait une autre époque. C’était l’époque des Carrows et de la bataille de Poudlard, des années sombres que tous préféraient oublier. Depuis, sa vie avait fait un virage quasiment à 180 degrés. Elle était entrée à l’université dans une filière quelque peu inattendue, s’était séparée par la force de Parvati, avait rencontré Alan, Tomas et tous les autres. Bref, elle n’était plus une élève mais une étudiante qui, si tout allait bien, dans quelques années, déambulerait dans les couloirs de Sainte-Mangouste avec le badge des Médicomages.

-Ne t’inquiète donc pas tant pour tes ASPICs si même moi j’ai réussi à les passer tant bien que mal, malgré ce que tout le monde disait, tu n’auras aucun mal à les avoir. Ils n’ont pas résisté aux attaques de la cruche de Gryffondor, alors face aux tiens, ils se coucheront au premier assaut, dit-t-elle avec un clin d’œil.

Enfin, à vrai dire, elle avait beau dire cela avec humour sur le coup, elle avait vraiment flippé de retaper son année. L’idée d’être séparée de ses amis ne l’avait nullement amusée et elle était à peu près sûre que c’était ce qui avait boosté sa motivation pour réviser à fond. Et les résultats avaient fini par parler d’eux-mêmes, rien de bien mirobolant mais elle n’avait planté aucune matière. Et, fierté personnelle, elle avait renouvelé son exploit des BUSEs : obtenir un Optimal en Divination. Aux ASPICs, même Parv’ s’était contenté d’un Effort Exceptionnel. Enfin, ça ne lui avait pas servi à grand-chose au moment de choisir une filière mais peu importe. Néanmoins, en parlant de Divination, cela lui tira un sourire nostalgique lorsque Lynn rappela le fameux test de Sorcière Hebdo.

-Il faut croire que la bonne femme qui avait créé le test avait des pouvoirs de Divination imprévus. Ou alors c’était une sacrément bonne conseillère d’orientation parce que je me suis inscrite là un peu beaucoup par défaut. Enfin, depuis je me suis découvert une passion pour les Soins Magiques et accessoirement leur enseignant qui a un corps de dieu grec. Mais, tu t’en rendras compte toute seule si tu viens l’année prochaine, question profs on est pas mal gâtées du tout, yen a un bon paquet de jeunes et beaux, c’est un régal pour les yeux. Enfin, en revenant au fameux test, ça aurait été drôle de savoir ce qu’il aurait dit pour toi.

Whah gaffe monstrueuse en vue ! A peine avait-elle prononcé ses mots qu’elle se souvint de la raison qui avait empêché sa cadette de faire le test : l’arrivée impromptue de Torin. Elle s’empressa donc de changer de sujet avant que l’humeur de son amie ne change.

-Sinon, ouvrir une boutique à la sortie de Poudlard, hein ? Ça va finir par devenir la marque de fabrique des griffons dis donc ! Après les Weasley, toi. Enfin, je te souhaite autant de réussite qu’à eux en tous les cas. Mais, sans être indiscrète, tu as les fonds pour louer un local et commencer ton business si vite ?

Bah oui, mine de rien cela demandait un pécule de départ assez impressionnant d’ouvrir une boutique et, depuis que Lynn vivait seule, Lavande ne savait pas trop quel rapport elle avait à la fortune familiale. D’ailleurs, ça lui faisait penser qu’elle n’avait jamais su où les jumeaux avaient trouvé l’argent pour commencer leur commerce. Enfin, le principal c’est qu’ils l’avaient trouvé, le reste importait peu. Car il lui semblait fort peu probable qu’ils l’aient volé, ce n’était pas le genre de la maison.

10 000 gallions ! La somme était tellement faramineuse qu’elle dut se retenir pour ne pas ouvrir la bouche comme une idiote. Et Lynn qui en parlait avec un sérieux tout professionnel, ça en faisait un choc. Il était clair que son amie avait vraiment réfléchi à la question, ce n’était pas seulement un caprice d’enfant. Elle savait ce qu’elle voulait et avait décidé de mettre toutes les chances de son côté. Lavande ne put qu’en être grandement impressionnée. Reprenant contenance, elle rajouta :

-Bah écoute si je peux t’aider en faisant de le pub ou quoique ce soit, n’hésites pas. Je vois mal ce que je pourrais faire d’autre mais si jamais tu veux des clients, tu as un sacré marché à l’UMA. Suffit que tu me prêtes une de tes créations un de ces quatre, je la porte et je t’assure que plus d’une fille me demandera où je l’ai achetée.

Car, si l’étudiante n’avait pas particulièrement confiance en elle sur les questions scolaires, en ce qui concernait la mode, elle avait toujours été à la pointe des tendances et le savait. Si elle portait un nouveau style un jour, elle pouvait être quasi sûre qu’au plus tard deux semaines plus tard, la plupart des filles la suivraient. Ça s’appelait avoir l’œil. Elle avait d’ailleurs déjà fait une promesse avec Parv’, le premier vêtement que son amie créerait serait pour Lav’. Ainsi, elles feraient d’une pierre deux coups, Lav’ aurait un super cadeau et Parv’ un mannequin gratuit pour lui faire de la réclame.

-Et toi, alors, Melle la future Medicomage ! Parle-moi un peu de toi et Kael ! Ça fait combien de temps ? Comment s’est arrivé ? Tu n’as eu personne entre temps ? Il doit pourtant y avoir des tas de garçons sympas et mignons à l’UMA !

Ouhh les choses prenaient un tournant qui lui plaisait grandement. Causer de Kael, elle pouvait s’y adonner pendant des heures. Elle se retenait d’ailleurs en permanence pour ne pas ennuyer ses amis. Heureusement que Parv’ était là pour l’écouter. Mais, ce n’était que justice après les soirées qu’elle avait passé au téléphone à écouter à quel point Sergio était beau, intelligent, drôle, et son accent ! Oh Lav son accent !

-Ecoute c’est ce qu’on appelle un heureux hasard. C’était il y a un peu plus d’un mois et demi, vers mi-octobre. Eric et Jordan, tu sais mes terribles cousins [Hj : j’ai considéré que depuis le temps qu’elles se connaissent, ils sont forcément déjà apparu dans leurs conversations], ont voulu utiliser la poste sorcière pour m’envoyer une lettre et me prouver ainsi qu’ils en étaient capables. Mais, bien évidemment, ils ont mal écrit l’adresse sinon ça aurait été trop simple. Ils ont changé un chiffre au numéro de la chambre et le hibou est arrivé chez Kael qui a décidé de me rapporter ladite lettre. Et ensuite, bah disons que les choses se sont faites toutes seules. Je lui ai proposé de rester dîner, et SANS FAIRE EXPRES, elle insista sur cette partie mi amusée-mi gênée, mon Coca s’est renversé sur son tee-shirt. Il l’a alors enlevé le temps qu’il sèche et bah je te fais pas un dessin quoi.

Elle rougit de plaisir en se souvenant de cette première fois. Elle ne s’était jamais sentie aussi complète dans les bras d’un garçon. Comme si le temps qu’ils avaient passé loin l’un de l’autre n’avait été là que pour qu’ils puissent grandir et mieux se retrouver, remplissant les vides de l’autre.

-Avant lui, je n’ai eu qu’une aventure et disons que je préfère ne pas trop y penser. Je ne sais pas si tu te souviens de Gregory Malone, un Gryffondor comme nous mais deux ans plus âgé que moi. Un playboy comme on n’en fait plus : beau, charmeur, drôle, bref la totale. Et bah un jour il est venu s’asseoir à ma table à la cafèt’, on a passé un super moment qui s’est concrétisé par une nuit … torride, reconnaissons-le. Sauf que je n’imaginais pas qu’il allait me fuir comme la peste dès le lendemain. Je m’étais un film monstrueux et le retour à la réalité a été brutal. Mais, bon c’est dans le passé tout ça.

Et effectivement ça l’était. Elle avait tiré un trait sur cette malencontreuse aventure, apprenant que les garçons trop charmeurs envisagent rarement une relation longue durée. De toute façon, cela faisait presqu’un an maintenant et elle était capable de repenser à toute cette histoire en se disant qu’au moins, elle avait passé une nuit mémorable. C’était juste que désormais, avec Kael, elle avait les nuits mémorables mais les jours aussi et c’était nettement mieux.

-Et toi, même si tu n’es avec personne, tu ne vas pas me dire qu’il n’y a aucun garçon qui a fait battre ton cœur depuis qu’on s’est quittées tout de même ? Pas forcément un flirt, mais je sais pas moi un garçon sympa avec qui les choses se passent bien. Allez avoue !

Quoi comment c’était de l’extorsion d’informations, un interrogatoire en bonne et due forme ? Même pas vrai, c’était juste une amie prenant des nouvelles d’une autre, c’est tout. Bon, y mettant peut-être un plus d’enthousiasme que nécessaire, mais on ne pouvait pas être parfait non plus !

Une collection portant son nom, ouuuh elle s’y voyait déjà. La classe internationale ! Elle donnerait des idées à Lynn et ensuite se baladerait avec les charmes de son amie au cou, aux bras, aux doigts, aux chevilles même s’il le fallait ! Oh que oui, l’idée était on ne peut plus alléchante. Elle s’imaginait parfaitement en train de traverser un couloir de l’UMA et soudain, une fille la montrerait du doigt à ses amies et pour une fois ce ne serait pas pour rigoler comme des crétines en se fichant de sa gueule. Elle leur adresserait alors un geste de la main, et leur dirait d’aller commander leur propre bijou directement à la boutique de Lynn. Elle accepterait même de se prendre en photo avec elles, juste pour leur faire plaisir bien sûr.

Heureusement pour ses chevilles, Lynn la ramena bien vite sur terre en l’interrogeant sur sa relation avec Kael. Le sourire idiot qui s’était installé sur son visage ne fit que s’agrandir et elle lui expliqua tout. Les petites remarques avec lesquelles sa cadette ponctuait son discours lui firent on ne peut plus plaisir. A force de traîner avec des garçons en permanence, elle commençait sérieusement à être manque de conversations purement féminines. Avec les gestes qui en disent long, les regards expressifs et les sourires entendus, tout ce que les garçons ne savaient pas faire quoi. Bien sûr, elle communiquait avec Parvati par téléphone et lettres régulièrement mais rien ne valait une véritable conversation, face à face. Et, qui plus est, elle se rendit compte que Lynn lui avait plus manqué qu’elle ne s’en était rendu compte. Le sourire enjoué et tranquille de son amie était un remontant du tonnerre. Surtout maintenant qu’elle avait enfin découvert son côté girly. Une bataille de longue haleine certes mais que Lav’ était fière d’avoir menée et remportée avec brio. Si Lynn ne serait jamais comme elle -encore heureux soi-dit en passant, quel ennui sinon !- c’était génial de pouvoir discuter garçons avec elle sans qu’elle rougisse jusqu’à la pointe des cheveux comme leurs de leurs premières années. Quoiqu’elle était mignonne comme tout.

Enfin, c’était tout de même plus drôle de l’interroger sur le présent et sur les garçons qui s’y trouvaient. D’ailleurs, ça s’annonçait très bien tout ça. Un garçon charmant rencontré dans les rues londoniennes, avec qui elle correspondait par lettres, on se serait cru dans un film. Maintenant, elle voulait en savoir plus. Comment il s’appelait, à quoi il ressemblait, qu’est-ce qu’il faisait dans la vie, quand est-ce qu’ils concrétisaient ? Ah non, elle se garderait cette dernière question pour elle, sait-on jamais.

Néanmoins, la suite de la description la fit buguer. Alan ? Meilleure amie ? Non, elle avait forcément mal entendu, il n’y avait pas d’autre explication logique. Mais lorsque Lynn déclara avec un air incertain qu’elle pensait qu’Alan l’avait mise au courant, elle vit rouge. Le traître !!!!!!!!!!!! Il … il … ! Elle n’avait même pas de mots pour exprimer ce qu’elle ressentait. Il avait rencontré Lynn, il correspondait avec elle depuis UN MOIS et il n’avait pas considéré utile de le lui préciser ! Il pouvait commencer à choisir la musique et les fleurs pour ses funérailles, parce que quand elle mettrait la main sur lui, il était mort et enterré ! Lui faire ça à elle ! Ils étaient meilleurs amis oui ou non ? Et qu’il ne commence pas à lui sortir des excuses du style : « j’ai pas eu le temps » -il avait eu un moi bordel !-, « je ne savais pas que vous vous connaissiez » -Lynn venait de le démentir là-dessus- ou autre chose dans le style.

En tous les cas, heureusement qu’elle ne l’avait pas sous la main à l’instant sinon il en aurait vu de toutes les couleurs ça c’était sûr et certain. Il n’aurait probablement même pas échappé à un sortilège ou deux, juste pour se défouler. Non mais vraiment, il croisait une fille génialisssime, célibataire qui plus est et qui se trouvait être une de ses plus anciennes amies et il ne pensait pas à ne serait-ce que le lui dire, oooooh il était teeeellement foutu ! Bon OK, il l’avait peut-être fait parce que dès qu’elle l’aurait su, elle l’aurait assailli de questions, mais ce n’était pas une raison non plus. Elle aurait su se contrôler … probablement … et puis de toute façon, à quoi servent les amis, si ce n’est pas à causer possibles petit(e)s ami(e)s ?

Enfin, quoiqu’il en soit, elle se rendit compte qu’elle commençait à inquiéter sérieusement Lynn qui la regardait avec un regard légèrement … effrayé ? Elle prit donc une grande inspiration pour ne pas s’en prendre à la victime innocente de cette histoire, se composa un visage réjoui et déclara.

-C’est une super nouvelle ! Deux de mes meilleurs amis qui correspondent, je suis aux anges. J’aurais juste voulu être au courant un peu plus tôt, c’est tout. D’ailleurs, Alan va m’entendre quand je rentrerai sur le campus. Je veux dire, depuis le temps qu’il est célibataire et que j’essaye de savoir si une fille a enfin capté son intérêt, il tombe sur une fille super, il t’écrit des lettres et il ne me dit RIEN ! J’ai un mal fou à avaler ça. Je veux dire écrire des lettres c’est pas rien tout de même, surtout pas pour cet asocial profond comme lui ! Enfin, avec les filles je veux dire, parce qu’il a beau être adorable dès qu’il s’agit de dépasser un certain stade d’intimité avec une fille, même sur le plan amical –moi mis à part apparemment pour une raison que je ne m’explique toujours pas mais qui me convient tout à fait-, il se bloque. La faute à une mauvaise aventure datant de Poudlard qui refuse de s’effacer, maaais maintenant que j’y pense, ce n’est pas à moi de te dire tout ça. J’ai encore trop causé. C’est peut-être pour ça qu’il ne m’a rien dit pour vous, n’empêche que je suis grandement vexée. Mais super contente quand même, vous êtes terribles tous les deux et le fait de savoir que vous vous entendez bien, c’est vraiment trop bien.

Elle s’arrêta là, tant pour reprendre son souffle que pour laisser Lynn réagir. Non, parce que, mine de rien, elle venait de débiter un speech énorme à toute vitesse et sans aucun pause. Or, la septième année avait dû perdre l’habitude des discussions avec elle où il fallait s’accrocher et avoir une mémoire d’éléphant pour suivre tout ce qu’elle disait.

Les dessins, c’est vrai que maintenant qu’elle y pensait, ses deux amis partageaient ce don. Alors qu’elle aurait été incapable de dessiner un fichu lapin même si ça vie en dépendait, Lynn et Alan étaient tous deux des artistes talentueux. Elle avait déjà pu le constater de ses propres yeux dans les deux cas. Elle sourit donc en apprenant qu’ils échangeaient des croquis. C’était tellement meuuuugnon ! Quoiqu’elle aurait payé cher pour zyeuter un de ces fameux croquis, elle était prête à parier qu’il s’agissait bien plus d’œuvres d’art que d’esquisses mais un autre point commun de ses deux amis était leur modestie quasiment maladive donc cela ne servait à rien de tenter de les convaincre du contraire. Elle se contentait donc d’apprécier leurs dessins en silence.

-C'est plutôt surprenant d'ailleurs car notre rencontre a été plutôt brutale, il m'est rentré dedans et je suis tombée sous la pluie, une vraie catastrophe ! Mais un peu plus tard, je lui ai renversé ma bierraubeurre dessus, je pense qu'on peut dire qu'on s'équivaut niveau maladresse ! On a passé le reste de l'après-midi à discuter avant de repartir chacun de son côté, mais le courant était bien passé et il m'a écrit quelques jours plus tard.

En imaginant la situation, Lavande ne put retenir un léger rire. C’était tellement typique d’Alan de se manger les gens ! Il lui avait déjà raconté que sa rencontre avec Ophélia avait eu lieu de la même façon. Elle devrait penser à lui offrir un airbag corporel pour toutes les fois où il se retrouvait sur le cul après un rencontre percutante avec quelqu’un. Quant au récit de Lynn, il n’était pas fini et elle rit encore plus fort en entendant son amie lui expliquer comment elle avait repris l’initiative en se vengeant sans le vouloir d’Alan en l’aspergeant de Bierraubeurre. Ils faisaient une belle paire de maladroits tous les deux !

-Dis donc, ça va devenir une technique de drague patentée de renverser sa boisson sur le garçon de ses rêves à ce rythme, dit-elle avec un clin d’œil.

Elle avait toujours aimé taquiner Lynn. La jeune fille rougissait à la moindre allusion et c’était très drôle. Elle savait en effet que Lynn n’avait très probablement eu aucune intention cachée lorsque qu’elle avait renversé sa choppe mais c’était plus drôle de le sous-entendre. Surtout que selon la puissance de la rougeur de la septième année, elle pourrait essayer de deviner quels étaient les sentiments actuels de Lynn pour le beau brun. Après tout, s’il y avait une chance que ces deux-là arrivent quelque part, elle était on ne peut plus motivée pour jouer les entremetteuses. Deux de ses plus proches amis ensemble, ce serait génialissime ! Seulement elle voulait être sûre de ne pas gâcher une belle amitié en puissance en mixant des émotions que les deux concernés ne ressentaient pas.

-On parle un peu de toi, aussi !

Beau rattrapage miss ! Comment ne pas réagir à la pique lancée en réussissant à attiser sa curiosité légendaire. Une manière de dévier la conversation à toute épreuve. En effet Lav’ ne put s’empêcher de demander :

-En bien j’espère !

Bah oui, imaginez un peu l’horreur s’ils se moquaient d’elle derrière son dos. Après tout, tout le monde sait que lorsque l’on n’a rien à dire, casser du sucre dans le dos de quelqu’un rapproche toujours les gens. C’est horrible et cruel, mais c’est vrai. Enfin, elle ne pensait pas que ses amis soient ce genre de personnes, non pas qu’il ne puisse pas critiquer certaines personnes -tout le monde le faisait- mais elle ne croyait pas qu’ils critiquent leurs propres amis sans que les principaux intéressés soient au courant. Ce n’était pas leur style du tout. D’ailleurs, lorsque Lynn s’empressa de venir à la rescousse d’Alan, Lav’ eut un sourire attendri. Voilà qu’ils se soutenaient déjà mutuellement face à la tornade qu’elle savait pouvoir devenir lorsqu’elle était énervée.

-Bah ne t’inquiètes pas trop pour sa jolie gueule, je serais indulgente. Mais n’empêche qu’il va quand même répondre de ses actes. Je veux dire, vous avez même parlé de moi dans vos lettres et ça ne lui ait jamais venu à l’esprit de m’en faire part, c’est plus qu’un oubli involontaire là. C’est de la mauvaise volonté !

Certainement aidée par la perspective de l’interrogatoire en règle qu’elle allait lui faire subir, mais il n’avait qu’à se résigner au fait que, de toute façon, un jour ou l’autre, il allait passer à la broche. Il aurait donc dû prévoir de le faire de lui-même et probablement que Lav’ aurait été plus indulgente … ou peut-être pas en fait. Bah tant pis, puisqu’elle ne pouvait pas vraiment torturer Lynn pour savoir ce qu’elle avait pensé d’Alan, ça faisait trop longtemps qu’elles ne s’étaient pas revu pour cela, ça aurait été envahir son espace privé, elle avait toute l’intention de se rattraper avec Alan. Elle alait s’en donner à cœur joie ! Certes, il ne serait pas obligé de répondre à tout, mais elle pourrait au moins tenter le coup et voir ce que ça donnait.

-Fais comme bon te semble ! Je suis sûre que le châtiment sera à la hauteur de l'affront. Mais essaye quand même de ne pas le défigurer, ce serait dommage …

Ah ah, Lynn venait de reconnaître que, pour le moins, elle trouvait Alan mignon ! En même temps déclarer le contraire aurait été de la mauvaise foi, le brun avait un charme certain. C’était cette aura d’aventurier des temps modernes, maladroit mais fier et loyal, Lavande en était certaine. Elle comprenait d’ailleurs parfaitement de quelle manière une fille pouvait trouver cela attirant. Seulement, en ce qui la concernait Alan avait un caractère trop similaire au sien pour qu’ils aient pu être autre chose que des amis. Ils étaient aussi sanguins l’un que l’autre, or ce dont ils avaient besoin, c’était de quelqu’un de plus calme à leurs côtés. Quelqu’un à même de les apaiser lorsqu’ils perdaient les pédales. Des gens comme Kael ou encore … Lynn. En effet, la jolie griffonne était bien plus posée que les deux étudiants, bien que pour sa défense ce ne fut pas très difficile.

-Promis, je ne toucherais pas à son visage, pour le reste par contre …, rajouta-t-elle pour provoquer son amie.

Mais celle-ci était bien plus mature qu’elle -ce qui une fois de plus n’était pas bien compliqué- et détourna la conversation, l’interrogeant sur ses parents. Tiens ça lui faisait penser qu’il faudrait qu’elle réinvite Lynn un de ces quatre. Sa mère s’était en effet immédiatement attaché à sa cadette à l’époque, toutes les deux ayant la fibre créatrice. Certes sa mère était dans les parfums alors que Lynn s’adonnait aux charmes mais de toute façon quand Lynn était venue passer quelques jours chez elle, elle ne créait même pas encore ses charmes, c’était juste son don artistique qui avait plu à Mrs Brown. Lavande se souvenait d’ailleurs encore des remarques désobligeantes sur son manque de talent, heureusement que Lynn, adorable comme toujours, avait pris sa défense, parce que s’il avait fallu compter sur son père, elle attendrait toujours !

-Ecoute, ils se font vieux. Non je rigole, je dis juste ça pour faire enrager ma mère. A vrai dire, demain c’est leur anniversaire de mariage. Vingt-cinq qu’ils se supportent comme dit papa avec sa diplomatie habituelle. C’est pour ça que je suis sortie faire mes courses aujourd’hui, demain je suis prise toute la journée. Heureusement d’ailleurs que le transplanage a été inventé sinon j’aurais dû passer la nuit dans le train. Sinon maman continue à créer des parfums pour plusieurs marques -elle sera d’ailleurs on ne peut plus heureuse de savoir que tu te lances dans une carrière artistique- et papa, avec son manque d’ambition habituelle, est toujours agent de change. Je n’arrive toujours pas à croire qu’il s’en satisfasse après tout ce temps.

Elle leva les yeux au ciel. Elle avait beau adoré son père, c’était au-dessus de sa compréhension comment il pouvait trouver une quelconque satisfaction dans son travail et pourtant c’était bien le cas. Elle l’avait déjà visité une ou deux fois à la banque étant plus jeune et il rayonnait dans cet univers de chiffres, de cours, de taxes et d’intérêts qui, quant à elle, lui laissait toujours un sérieux mal de tête. Mais, à force de parler de ses parents et de leur anniversaire de mariage, elle se souvint de nouveau de qui l’avait aidé à faire son cadeau. Elle repartit donc à la charge avec un sourire innocent qui ne trompait personne.

-D’ailleurs pour leur cadeau de mariage, je me suis fait aider par deux amis. Tomas, un copain allemand et Alan. C’est fou ce qu’il peut être serviable ce garçon tout de même, tu ne trouves pas ?

Oui, c’était bas de revenir au sujet initial comme ça sans prévenir mais elle était loin d’en avoir fini avec ses questions sur son ami. Elle avait déjà remarqué que Lynn lui portait un certain intérêt, alors elle avait toute l’intention de creuser un peu plus pour voir ce qu’il en était. Après tout, elle avait toujours rêvé de jouer un jour les entremetteuses et quelle meilleure occasion qu’avec une de ses plus anciennes amies et son meilleur ami ? C’était comme si les astres s’étaient arrangé pour faire se rencontrer ces deux-là, histoire qu’elle les booste tous les deux et les oblige à se rendre compte que cela valait la peine de se jeter à l’eau et de, tout du moins, se donner une chance d’être ensemble. Après, c’était à eux de voir si ça fonctionnait ou pas, mais elle était quasiment sûre que si elle ne s’en mêlait pas, il ne se passerait jamais rien. Ils étaient tellement obtus quand ils le voulaient !

Lorsque le sujet des parfums fut évoqué, la conversation vira très féminine en un instant. Lavande sourit avec nostalgie en se rappelant de Lynn et de sa mère, penchées sur l’étal de travail de cette dernière, en train de décider quelles odeurs elles voulaient intégrer à la fragrance personnelle de Lynn. Elles y avaient passé tout un après-midi tandis qu’elle-même était partie avec son père voir une exposition de miniatures. C’était la passion de Mr Brown et, à sa grande joie, sa fille unique y avait pris goût. Certes, les particularités des chars de la seconde guerre mondiale ou des vaisseaux de l’amiral Nelson reproduits ne la passionnaient pas, loin de là, mais elle était fascinée par la précision du travail réalisé et elle trouvait ça super mignon. Oui, Lavande était capable de trouver une reproduction de la Grosse Berta mignonne, le fait que sa connaissance de l’histoire moldue était assez limitée aidant beaucoup pour cela, reconnaissons-le.

-Pas de problème, je lui en redemanderai un flacon, elle garde toujours les formules de ses créations dans des dossiers à la cave et elle sera ravie de t’offrir pareil cadeau de Noël. Je te l’enverrai par la poste pour que tu reçoives le tout le 25 pile poil. Le timing c’est essentiel et maman aura le temps de faire ça avant, finit-elle avec un clin d’œil.

La conversation vira ensuite de nouveau sur ce qui intéressait Lav’ en premier lieu, à savoir Alan. En effet, après avoir parlé de sa famille, logiquement on se serait attendue à ce qu’elle interroge Lynn sur la sienne, c’est ce que les amis font en général. Sauf que, dans ce cas précis, c’était justement parce que Lav’ était une grande amie de Lynn qu’elle ne l’interrogea pas sur la question. Il y avait des sujets qu’il valait mieux laisser de côté jusqu’à ce que la personne décide de vous en parler de son plein gré. Et puis, elle crevait d’envie de savoir ce que la brunette avait pensé d’Alan. Après tout, il était amplement temps que cet idiot sorte de son célibat perpétuel. Car oui, pour Lavande une personne heureuse était une personne en couple, vision réductrice s’il en est du point de vue de sa joueuse mais il se trouve qu’on ne lui a pas demandé son avis à la joueuse donc elle retourne se coucher après ce bref interlude.

Et, pour en revenir à Lavande, elle ne fut nullement déçue par la réponse de Lynn. Le plus gratifiant était de se rendre compte que la jeune femme lançait des fleurs à Alan sans vraiment se rendre compte de ce que ça pouvait laisser sous-entendre. C’était ce côté gentiment naïf, malgré toutes les épreuves qu’elle avait vécues, que Lavande adorait chez son amie. Elle ne put donc retenir un sourire satisfait en constatant que son pressentiment reposait sur des bases solides : Lynn n’avait pas été indemne au charme du sieur Desoya. Elle ne pouvait que s’en réjouir. Et probablement s’arranger pour les pousser un peu l’un vers l’autre, histoire d’accélérer les choses, parce que s’il fallait se fier à leur maladresse et timidité maladives respectives, on y serait encore l’année suivante et elle n’était pas prête à attendre si longtemps. Elle allait faire ce qui était en son pouvoir pour les obliger à avoir les yeux en face des trous et à se rendre compte qu’ils se plaisaient mutuellement -elle n’avait pas encore parlé avec Alan mais le simple fait qu’il ait entamé une correspondance en disait suffisamment long sur la question. Après, c’était à eux de voir ce qu’ils faisaient de cette information, mais on ne pourrait pas dire qu’elle n’avait pas tout fait pour forcer le destin.

-Lav'… tu sais que si tu veux me poser des questions – et je sais que tu en meurs d'envie- tu peux le faire ! Tu n'es pas obligée d'essayer de me piéger, je suis une grande fille maintenant !

Tiens, elle s’en était enfin rendu compte, pas trop tôt, pensa malicieusement l’étudiante. Par contre la question qui vint après était encore empreinte d’une telle naïveté que Lavande éclata de rire. Lynn, ma petite Lynn, tu ne grandiras donc jamais sur certaines choses.

-T’es vraiment trognonne, tu le sais j’espère ma belle. A ton avis, qu’est-ce que je veux que tu me dises sur lui ? Son caractère je le connais par cœur, ce qui m’intéresse par-dessus tout c’est de savoir ce que tu as pensé de l’enveloppe charnelle de notre gentleman des temps modernes. Après tout, on est entre filles, tu peux être honnête. Je n’irais pas le lui répéter et puis j’en ai déjà entendu des vertes et des pas mûres sur son compte les rares fois où on est sortis en boîte ensemble.

D’ailleurs, encore heureux qu’elle surveillait ses arrières parce qu’il était affreusement aveugle lorsqu’il s’agissait de remarquer qu’une fille lui faisait les yeux doux et plus si affinités. Elle préférait ne même pas imaginer ce que ça donnait quand il sortait avec Tomas, Manu ou d’autres mecs. Les UMAiens étaient plutôt réputés pour être une belle brochette de séducteurs alors, pour sa santé mentale, elle se porterait mieux en ne sachant pas dans quelles sortes de débauches ils se lançaient quand ils sortaient entre eux. Mais, pour en revenir à sa question, en étant parfaitement objectif Alan était un bel homme, surtout depuis qu’il avait surmonté la plupart de ses démons et qu’il était heureux. Il rayonnait de sa personne une joie de vivre communicative qui ajoutait à son physique plutôt pas mal du tout pour lui créer un charme très décontracté qui faisait pas mal de ravages à l’UMA, bien que le principal intéressé ne semble pas s’en rendre compte. Lavande, elle, avait l’œil et avait déjà remarqué des premières années jeter des coups d’œil furtifs à son ami lors du cours d’Etude des Moldus qu’ils avaient en commun. Heureusement que sa nouvelle colocataire, Maureen n’en faisait pas partie sinon la cohabitation aurait pu devenir franchement dure à supporter. Elle se serait très mal vue subir un interrogatoire de la part d’une gamine amourachée (oui un an ça faisait une grosse différence de maturité intellectuelle namého !), ça aurait très vite dégénéré et bonjour la galère pour l’expliquer à l’administration. Oui madame, si j’ai fait exploser ses affaires c’est parce qu’elle me prenait la tête à m’interroger sur les plats préférés de mon meilleur ami, en temps normal je suis une fille adorable vous savez, mais là ça faisait trop. Après les questions sur sa couleur préférée, son type de filles et les films qu’il aimait regarder, j’ai craqué.

La description physique d’Alan que lui fit Lynn lui tira un sourire amusé. Seule son amie était capable de rendre poétique un exercice volontairement tendancieux. Elle commença par discuter des mains du garçon, élément plutôt étonnant pour une première remarque mais qui prouvait que la jeune femme ne s’intéressait pas qu’à l’apparence extérieure des gens. Comme la Gryffondor l’avait remarqué, les mains d’une personne en disaient toujours long sur la vie de cette dernière : étaient-elles douces comme la peau d’un bébé ou bien marquées par les épreuves quotidiennes ? Celles d’Alan étaient celles d’un artiste ainsi que d’un aventurier dans l’âme.

Lavande était également entièrement d’accord concernant l’expressivité des yeux de son ami. Il est en effet habituel de considérer que les gens aux yeux sombres peuvent faire passer moins d’expressions dans leur regard sous prétexte que celui ne varie pas beaucoup dans les nuances de couleur, mais c’est totalement faux. Ce n’est pas parce qu’un regard ne s’éclaircit pas, ou bien qu’il ne se fonce pas qu’il ne peut pas transmettre un large éventail d’émotions. Et pour cela Alan était un livre ouvert, en tout cas pour Lavande. Dès qu’il était heureux, inquiet, en colère, surpris, cela se voyait immédiatement sur sa figure. La façon dont ses sourcils se positionnaient, dont il fronçait plus ou moins le nez, la taille de son sourire, des petits détails qui pouvaient en révéler beaucoup à qui savait les déchiffrer. Et apparemment, Lavande n’était désormais plus la seule en dehors de la famille de l’ex blaireau à pouvoir prétendre le faire. Lynn l’avait rejoint et c’était bien la preuve que, au-delà d’une attirance physique existante ou non, la jeune femme comprenait l’étudiant. Il suffisait de l’entendre constater à quel point le sourire d’Alan se faisait parfois désirer : elle ne l’avait croisé qu’une fois mais cela lui avait suffi à tirer de pareilles conclusions.

Ravie de ce qu’elle entendait, Lavande décida de ne pas embêter plus que ça son amie. Certes, elle aurait pu lui demander des détails plus précis, en particulier sur le postérieur du sieur Desoya -il s’agissait en effet d’une partie du corps masculin qu’il fallait toujours observer avec grande attention et elle était certaine de l’avoir suffisamment répété à son amie pour qu’elle le retienne- mais elle choisit de la laisser respirer sur ce coup-là. Surtout que bon, Alan était son meilleur ami, alors s’attarder un peu trop longtemps à causer de ses fesses, bah ça faisait franchement bizarre quoi ! Ça faisait partie de ce genre de sujets sur lesquels on passait au plus vite, question de principes.

-Mais, c'est étonnant, si les filles lui courent après, pourquoi est-ce qu'il est toujours célibataire ?

Excellente question ma chère Lynn. Elle-même se la posait bien souvent, sauf que depuis l’épisode de Pré-au-Lard, elle avait eu sa réponse définitive et elle tenait en trois mots funestes : Honor Mac Tansey, la vipérine blondasse. Avant, elle n’avait pas fait le lien car elle pensait qu’Alan ne se souvenait pas de leur rencontre à cause du sortilège d’Oubliettes dont il avait été la victime, mais maintenant elle savait d’où venait le problème. Non seulement, Alan avait eu des sentiments apparemment partagés pour la Serpentarde, mais ensuite il l’avait cru morte et pour finir cette crétine finie s’acharnait à faire de sa vie un enfer. Pas étonnant que le pauvre gars préfère se tenir le plus éloigné possible de la gente féminine, il avait un passé douloureux derrière lui. C’était d’ailleurs aussi pour ça que Lavande mettait tant d’espoirs dans cette nouvelle amitié en formation car s’il y avait bien une fille capable de montrer à Alan ce que cela signifie d’être aimé pour soi et rien d’autre, c’était bien Lynn. De la même façon qu’Alan serait parfait pour faire oublier à Lynn ses démons familiaux. Elle était gentille et attentive, il était loyal et protecteur. D’où l’impatience de Lavande à voir les choses progresser, mais en même temps, elle ne pouvait pas se permettre de presser les deux protagonistes ou bien, les connaissant, ils risquaient fortement de se braquer. Enfin, en attendant, elle pouvait toujours répondre à Lynn. Sans tout lui raconter, ce n’était pas son rôle, elle pouvait tout de même éclairer quelque peu sa lanterne.

-Disons qu’il a un rapport au sexe féminin un peu particulier. Attention pas qu’il soit gay ou quoique ce soit d’autre, c’est juste que sa dernière aventure si je peux parler comme ça, même si j’ai l’impression que c’était beaucoup plus fort que ça, s’est très très mal terminée. Alors depuis, il est extrêmement frileux question sentiments. L’amitié, c’est désormais un terrain qu’il connaît et sur lequel il s’engage sans difficultés, mais dès que la ligne commence à se brouiller, il recule brusquement.

Elle était parfaitement consciente que dire cela à Lynn n’allait pas rassurer la jeune femme mais il fallait qu’elle soit au courant. S’il y avait une chance que ces deux-là finissent ensemble, ils devaient savoir qu’ils avaient tous deux des problèmes. Ils devaient se donner le temps de s’apprivoiser. Justement, c’était ce qu’elle devait dire à Lynn pour l’encourager, exactement ses mots-là.

-Il est un peu comme un animal blessé, qui retourne dans sa tanière lécher ses blessures dès qu’on s’approche un peu trop. Ce dont il a besoin, c’est de quelqu’un pour l’apprivoiser.

En tout cas c’était dans cette optique qu’elle voyait leur relation maintenant qu’elle avait un peu de recul sur la chose. Non qu’en le rencontrant, elle se soit dit : « Celui-là, il va falloir y aller mollo et l’apprivoiser peu à peu », mais dans les faits c’était ce qu’elle avait fait. Plus à l’instinct qu’autre chose d’ailleurs. En fait, elle avait raté son orientation, ce n’était pas Médicomage qu’elle devait viser comme job, c’était Psychomage, ça lui irait bien mieux !

- C'était aussi mon cas quand on s'est rencontré… et si toi tu as un talent certain pour ça, je ne sais pas si moi je suis capable d'apprivoiser qui que ce soit !

C’était une réponse si typiquement Lynnienne -ouaip elle inventait des mots un problème avec ça peut-être ? - que Lavande ne put retenir un léger sourire d’apparaître sur ses lèvres. Le jour où Lynn aurait confiance en elle serait à marquer d’une croix blanche. D’ailleurs, ne voulant pas s’embourber dans une discussion vaine où elle tenterait de convaincre Lynn qu’elle était parfaitement capable d’apprivoiser qui que ce soit tandis que Lynn lui rétorquerait qu’elle était une utopiste finie et que ça n’arriverait jamais, elle laissa couler. Par contre, la proposition suivante ne la laissa pas indifférente, loin de là.

-Oui, oui tu as raison. Moi aussi, il faut que je trouve le cadeau de Parv’ aujourd’hui, sinon je sais pas quand j’aurais le temps de revenir sur Pré-au-Lard.

Elles se levèrent donc ensemble, réglèrent leurs consommations et quittèrent le pub. Resserrant leurs écharpes respectives au passage d’une rafale de vent plus forte que les précédentes, elles reprirent la direction de Derviche et Bang en discutant de tout et de rien. Une fois arrivées, elles poussèrent la porte et purent apprécier la douce chaleur qui se diffusait à l’intérieur de la boutique bigarrée. Lavande se tourna alors vers Lynn.

-Si tu sais ce que tu veux et que tu préfères ne pas perdre de temps, vas au rayon pierres précieuses, je te rejoins dans un instant, il faut que j’interroge le gérant sur l’étoffe pour Parv’. Tu m’expliqueras toutes les spécificités des gemmes après. A moins que tu n’préfères m’accompagner, à ta guise.

Laissant à la Gryffondor le choix de la suivre ou de partir vers le présentoir à pierres, Lavande se dirigea vers le comptoir où un homme entre deux âges, qui commençait à avoir la crâne bien dégarni farfouillait désespérément dans des cartons en marmonnant des insultes. N’osant pas trop le déranger, Lavande attendit quelques secondes mais comme il n’avait pas l’air de remarquer sa présence, elle finit par s’éclaircir la gorge.

-Hum, hum. Excusez-moi … Monsieur …
-QUOI ? Vous ne voyez pas que je suis occupé !
-Et bien, je suis désolée mais c’était pour un renseignement.
-Ya marqué agence de renseignements à l’entrée peut-être ?

Agacée par l’attitude de l’homme, Lavande lui rétorqua.

-Non, mais si vous voulez que les gens vous achètent quoique ce soit, il faudrait peut-être penser à être un peu plus aimable avec les clients potentiels. Parce que déjà que votre boutique est introuvable et ne paye franchement pas de mine, on aimerait bien, une fois qu’on y est enfin arrivés, être traités avec un minimum de courtoisie.

L’homme releva le nez et marmonna des excuses avant de reposer les cartons sur le sol.

-Scuzez-moi mademoiselle, vous avez raison. C'est que mon apprenti n’est pas venu aujourd’hui et je suis seul pour tout gérer alors je me suis un peu emporté.

Un peu ? Il se foutait de sa gueule ! Et puis, franchement qui est-ce qu’il essayait de tromper en lui disant qu’il était occupé, il n’y avait pas un chat dans la boutique à part Lynn et elle, alors le « je suis débordé » il le ferait croire à qui il voulait mais pas à elle, elle n’était pas née de la dernière pluie. Néanmoins, malgré les manières déplorables du bonhomme, Lavande choisit de ne pas envenimer la situation et de jouer la carte de la diplomatie.

-Je comprends, ce n’est pas bien grave tant que vous pouvez répondre à ma question. Est-ce que vous vendez des étoffes capables de reproduire la moindre nuance de couleur à volonté ? J’ai fait toutes les boutiques du Chemin de Traverse et personne n’en avait mais on m’a dit que vous pourriez peut-être me dépanner. Je suis prête à mettre le prix s’il le faut mais dans les limites du raisonnable bien entendu.
-Mhh, cela fait longtemps que je n’en vends plus mais si vous êtes chanceuse, j’en aurais peut-être quelques-unes en stock dans l’arrière-boutique. Attendez ici, je vous prie.

Demande stupide, elle n’allait pas s’enfuir après avoir fait tout ce chemin. Ce type avait vraiment un sens des affaires à chier. Elle attendit néanmoins sans commenter.