Samedi, finalement samedi. Le plus beau jour de la semaine, la rédemption, le calme, la paix, le jour où la paresse et de mise et où les travaux sont à proscrire. Samedi, c’est le jour où l’on peut dormir sans se soucier d’arriver en retard à un cours, c’est le jour où notre oreiller est notre meilleur ami et c’est également le jour où, selon Manu, le soleil a le plus de chance de se pointer le bout du nez. Et ce samedi, ce fut le cas. Le Gallois se leva du mauvais pied. Peut-être était-ce la trop grande quantité de Whisky Pur-Feu qu’il avait forcé son estomac à ingérer qui faisait cela, mais sa tête réclamait encore quelques heures de sommeil malgré l’horloge qui sonnait midi. C’est en entrouvrant paresseusement les rideaux qu’il se dit qu’il faisait tout simplement trop beau pour ne pas faire quelque chose de sa journée. Après s’être habillé en vitesse d’un pantalon long noir et d’un t-shirt d’un de ses groupes de musique favoris, l’étudiant se rendit à Pré-au-Lard.

Lucy Ann était partie chez ses parents depuis la veille, laissant son homme derrière elle, question d’éviter la Troisième Guerre mondiale. Emmanuel s’était habitué à cette résistance de la part de sa belle, qui croyait dur comme fer qu’il ne s’entendrait pas avec ses parents. Mais c’était aussi plus sécuritaire. Les parents de sa douce étaient tous les deux moldus, ce qui, en ces temps durs, pouvait causer quelques inconvénients bien désastreux.

Mais en fait, aujourd’hui, il n’y pensait pas trop. Accompagné de ses lunettes de soleil, le Gallois se promenait à Pré-au-Lard à la recherche de quelque chose à faire. Son regard d’émeraude s’arrêta sur la vitrine de chez Honeydukes. Bien entendu, depuis le dernier carnaval, il n’eut pas besoin de racheter de sucreries, mais l’été avait fait son travail sur l’équivalent de son poids en bonbons. Il ne l’avait pas mangé seul, bien entendu. Et il en restait encore un peu, mais ses bonbons favoris avaient été les premiers à disparaître. C’était l’opportunité parfaite de refaire son stock ; Manu ne payait jamais le plein prix chez Honeydukes. Les proprios le connaissaient bien et appréciaient sa fidélité.

Le brun entra dans le magasin, adressant un sourire à l’une des vendeuses qui remplissait les étalages de quelques coups de baguettes ici et là. Il remarqua que le magasin était plutôt vide pour un samedi après-midi. Les gens profitaient probablement du soleil autre part. Le Gallois retira ses lunettes et les plaça au collet de son chandail avant de prendre un grand sac de plastique qu’il comptait bien remplir. Le jeune homme débuta son aventure dans la section des bonbons moldus, des mous comme des durs, sucrés ou acidulés. Pamplemousse, pastèque, raisin, fraise… Il remarqua d’ailleurs une nouvelle variété de bonbons moldus qui présentaient un bonbon d’une certaine couleur et d’une saveur que l’on n’approprierait généralement pas à cette couleur. Il s’en approcha, son regard immédiatement attiré par des bonbons d’un orange très vif et qui devaient goûter le kiwi. Curieux, il en prit une petite poignée et pris un bonbon dans sa bouche. Ouais, ils goûtaient vraiment le kiwi. Le petit goût acidulé arracha un fin sourire au Gallois qui continuait ses recherches, la petite poignée de bonbons dans sa paume.

Entre les allées, il aperçu une silhouette – et un style vestimentaire - qu’il connaissait bien. Il s’approcha un peu de la demoiselle qui semblait vraiment perdue dans ses pensées ; c’était bien Zélie. Même s’ils n’avaient vécu que un mois ensemble et qu’elle était principalement l’amie de sa sœur, ils s’étaient toujours bien entendus. Ce mois là les avait rapprochés. Et puis, il l’avait toujours trouvée mignonne. Mais c’était trop bizarre, c’était pratiquement la meilleure amie de sa petite sœur. Jamais il ne se serait permis d’essayer quelconque forme de séduction avec elle. Certes, il la complimentait, lui faisait la bise et la taquinait, mais pour lui, ce n’était pas de la séduction, tout ça.

Le jeune homme s’approcha donc un peu plus prêt d’elle, par derrière, et vint poser sa main libre sur son épaule pour qu’elle se retourne vers lui. Il lui adressa un franc sourire et se pencha vers elle pour déposer un baiser sur chacune de ses joues.

« Ça fait des siècles, Zélie ! Comment vas-tu ?»

Le Gallois tendit ensuite sa main où reposaient quatre bonbons orange à saveur de kiwi vers Zélie et lui demanda, le sourire aux lèvres, son regard d’émeraude plongé dans le sien :

« Tu veux un bonbon ? »


[Hj: Zézette, l'a les yeux de quelle couleur, au fait?]

Le jeune homme connaissait bien Zélie; il savait très bien qu’elle était extravagante de nature. Ses réactions étaient toujours plus fortes, plus intenses, ses émotions plus vraies, plus viscérales. C’était une jeune femme vraie, honnête, sans pudeur ni gêne. Emmanuel avait toujours aimé cela de la meilleure amie de sa sœur. Il n’y avait pas de secrets avec la jeune Colien. Elle disait les choses comme elles étaient, voilà. Rien n’était complexe. C’était presque rafraichissant.

Et malgré tout ce qu’il savait déjà au sujet de Zélie et ses habitudes excentriques, le cri qu’elle poussa et les mouvements de bras soudains qu’elle fit le surprirent au plus haut point. Peut-être parce que cela faisait si longtemps qu’il avait eu à les endurer…Après un mois, il s’était habitué et se servait même de sa personnalité flamboyante pour s’amuser ; la faire réagir avait été pendant quelques semaines l’un de ses sports favoris. Mais après un an d’absence, à avoir des nouvelles d’elle que de la part de Sally-Anne, le Gallois avait oublié à quel point elle pouvait briller. Après lui avoir fait la bise, il se redressa et la regarda, l’observa. Dans la dernière année, elle avait vieillie. Elle lui semblait un peu plus grande, un peu plus confiante, encore plus jolie que la dernière fois qu’il l’avait vue.

La voir sourire lui fit chaud au cœur. Il ne savait pas trop pourquoi, d’ailleurs. Peut-être parce que cela lui faisait plaisir de lui offrir ce qu’elle semblait chercher depuis si longtemps.

« Ouais, je sais. Je crois que je vais en acheter un petit sac. Ils sont vraiment délicieux. J’vais essayer les violets à la pastèque. », dit-il en jetant un coup d’œil rapide vers les dits violets à la pastèque.

L’étudiant remarqua que le regard qu’elle posait sur lui était lui aussi différent. Elle semblait pendue à ses lèvres, ses yeux plongés dans les siens. Il avait toujours été convaincu qu’elle ressentait quelque chose de particulier pour lui. Après tout, il avait toujours trouvé étrange que, plus d’une fois par semaine, durant son séjour chez sa famille, elle se tirait hors du lit pour venir lui parler jusqu’aux petites heures du matin. Emmanuel était couche-tard et souvent, il avait levé les yeux vers une Zélie en pyjama qui descendait les escaliers, sourire aux lèvres. Mais il appréciait sa compagnie. Et là, en ce moment, il avait envie de revenir en arrière, lui parler pendant des heures et lui souhaiter bonne nuit d’un câlin et d’un clin d’œil.

« Oh, moi, les études… Pas grand-chose d’intéressant en fait. Deuxième année à l’UMA dans la filière académique, mais ça tu le sais déjà, on en a beaucoup parlé l’été dernier. Sinon, ben… L’élève modèle quoi. »

Le Gallois ponctua sa phrase d’un sourire malin. Les deux savaient très bien que Manny était loin d’être un élève assidu et sage. Il n’était pas le vilain gamin du temps de Poudlard, mais disons qu’il était le roi de la procrastination et du « J’ai pas envie ».

« Ah, maintenant, j’suis mieux ? Eh bien, tu m’en vois ravi… »

Il pausa. En fait, il eu du mal à réaliser ce que Zélie lui avait dit. Emmanuel n’était pas étranger aux compliments, mais il fallait bien porter le nom de Zélie Colien pour les faire d’une façon aussi directe. Cela ne lui déplaisait pas, pas du tout même.

« Et toi, tu rayonnes… », ajouta-t-il d’une voix douce.

*Mais à quoi tu penses ? Parler ainsi à Zélie. T’es casé, mon homme. Et tu l’aimes, ta Lucy Ann. Alors dit à ton cœur de se calmer tout de suite. Il a pas à battre aussi rapidement…*

Sa conscience lui disait que ce n’était pas sain ni normal qu’il appréciait autant revoir Zézette. Bien vite il se ressaisirait. C’était probablement parce qu’il ne l’avait pas vue depuis si longtemps et qu’ils avaient développé, au fil du mois qu’ils avaient passé plus ou moins ensemble, une amitié particulière. Il était heureux de la voir, c’était tout. D’ailleurs, il ne voulait pas que cela se limite à une rencontre fortuite dans le magasin de bonbons. Il voulait lui parler longtemps. Ou la revoir.

Les deux, peut-être ?

«T'es occupée, dit? Un peu plus tard, je veux dire... Enfin... Tu as quelque chose de prévu ce soir?»

Emmanuel Perks ou comment tourner autour du pot...

«Wow! Que des Efforts Exceptionnels et un Optimal? Mais c’est super, ça, Zélie !»

Décidément, la Française trouverait toujours une façon de le surprendre. Pas qu’il avait douté des capacités cognitives et scolaires de la demoiselle – et puis, elle était à Serdaigle après tout – mais les résultats qu’elle avait obtenus étaient vraiment excellents, exceptionnels, quoi. Lui aussi avait eu des notes très acceptables, mais rien dans ce genre-là. Le gallois avait suivi les mouvements de Zélie, la suivant jusqu’aux boîtes de bonbons. Il attendit patiemment qu’elle termine et fit le plein à son tour. Mais en réalité, il n’était plus aussi attiré par les bonbons. De revoir l’Aiglonne lui avait changé les idées. Son regard vagabondait entre les bonbons, le plafond et les yeux clairs de son interlocutrice. Il esquissa un fin sourire avant de refermer la boîte de bonbons, son regard languissant peut-être un peu trop longtemps contre celui de la Française. Et il trouvait, au fil des secondes, des minutes, qu’elle rayonnait vraiment.

D’ailleurs, la réaction qu’elle eut à son compliment lui arracha un rire. Il avait en effet remarqué que l’Aiglonne s’était blondi les cheveux – cela lui allait à merveille – mais ce n’est pas ce qu’il l’avait poussé à lui faire un tel compliment. Elle semblait tellement plus vivante, plus heureuse, plus adulte. Devait-il jouer à son jeu et faire l’innocent ou encore devait-il lui dire, comme ça, ouvertement, ce qu’il pensait vraiment d’elle ? Le Gallois se mordit doucement la lèvre inférieure.

« Ah oui, bien entendu. C’est le soleil dans tes cheveux, ça m’éblouit. » , se contenta-t-il de dire d’un air visiblement taquin.

Est-ce qu’il était vraiment en train de faire ce qu’il croyait qu’il était en train de faire ? L’étudiant fut prit immédiatement un d’un sentiment de culpabilité, ses yeux d’émeraude se posant brusquement sur le sol tandis qu’il réfléchissait. Il faisait de l’œil à Zélie. Voilà. C’était si simple mais si complexe à la fois. Il osait, malgré tout l’amour qu’il portait à Lucy Ann, malgré le fait que la jeune femme qu’il se surprit à courtiser était la meilleure amie de sa petite sœur. Il espéra alors un instant qu’elle lui dise qu’elle était occupée ce soir-là, qu’elle devait étudier. Un tout autre son vint à l’oreille de Manu. Elle acceptait. Et c’était quoi, cette histoire de viol ? Quelques secondes passèrent avant que l’étudiant remette tout en contexte.

Il n’y avait pas de mal à aller prendre un café avec Zélie. Prendre de ses nouvelles, quoi. C’était tout à fait chaste, amical. Et puis, avec elle, il fallait tout prendre avec un grain de sel.

« J’ai plus de classe que cela, Zézette. Et puis si j’étais ce genre de mec, je l’aurais fait bien avant. Si ce n’est pas consentant, ce n’est pas amusant. »

Le jeune homme rempli son sac de diverses sucreries et, lorsqu’il jugea qu’il fut suffisamment plein, le referma et s’approcha à nouveau de la Serdaigle. Il était plutôt près d’elle, en fait. Assez près pour qu’il puisse la toucher et assez loin pour se retenir de ne pas le faire. Il lui sourit, la regardant de haut. Parce que bon, elle était plutôt petite et lui, plutôt grand.

Elle était vraiment mignonne.

« Ce que tu veux. Prendre une Bieraubeurre ? Je te raccompagnerai à Poudlard après, s’il est tard. Et il va probablement être tard quand je vais vouloir te laisser aller.»

Il pausa.

« Si ça ne te dérange pas, bien entendu. »

L'étudiant sentait que son interlocutrice était en pleine réflexion; son regard ne semblait pas vouloir se fixer à un seul endroit, ses mouvements étaient un peu plus lents qu'à son habitude, elle était plus calme. Il se demandait d'ailleurs à quoi elle pensait. Peut-être aux mêmes choses que lui. À leur relation qui, après un an sans se voir, semblait encore plus forte, plus solide, mais différente. Teintée de quelque chose qui n'était pas innocent, de quelque chose de plus adulte qui n'avait pas pu se développer avant, à la fois à cause de leurs situations respectives et simplement parce que ce n'était pas le temps. Un doute régnait toujours dans l'esprit du gallois; il était déjà amoureux d'une femme, qui était d'ailleurs l'enseignante de Zélie. Situation étrange et délicate, en bref. D'un autre côté, les deux tourtereaux ne s'étaient pas parlés depuis leur violente engueulade et Emmanuel n'était pas certain de l'état ou de l'avenir de sa relation avec l'Anglaise. Peut-être que c'était le temps parfait pour en profiter...? Il ne voulait pas volontairement faire de mal à Lucy Ann. D'un autre côté, qu'est-ce qui lui disait que sa rencontre avec la Française mènerai à quelque chose? Peut-être qu'elle ne partageais pas cet étrange sentiment qu'il avait de la serrer dans ses bras. Et encore, il n'était pas certain de la nature de ses propres sentiments envers l'Aiglonne. C'était peut-être simplement qu'elle lui avait beaucoup manqué...

Beaucoup, beaucoup manqué.

Les yeux verts du gallois croisèrent ceux de la jeune femme alors qu'elle enlaçait son bras autour du sien. Il lui sourit légèrement. Ses yeux étaient plus brillants que jamais et il sentait les ailes de quelques petits papillons caresser les parois intérieurs de son estomac.

« Tu es en train de me dire que tu serais consentante? Décidément, vous êtes toujours aussi peu gênée quant à vos requêtes et désirs, Miss Colien », répondit-il en laissant aller le bras de la demoiselle.

La réponse positive que lui rendit Zézette le rassura et l'inquiéta à la fois. Cela réduisait la distance entre les deux jeunes gens. Pas la distance physique – ils étaient déjà suffisamment près- , mais plutôt morale, émotionnelle. Le jeune homme savait qu'en passant du temps avec elle dans un contexte plus intime et où ils pourraient parler calmement en tête-à-tête, sa volonté risquait de prendre un bon coup. Il perdrait probablement l'envie de se retenir et laisserait aller sa pudeur, sa retenue. Il n'avait pas particulièrement envie de se retenir, à son âge. Depuis son engueulade avec Lucy Ann, il ne sentait plus autant le besoin d'engagement sérieux. À dix-neuf ans, selon lui, on ne devait pas se restreindre mais plutôt tenter de vivre la vie à son maximum. Sans toutefois manquer de respect à quiconque. En fait, Manu n'était pas certain de quoique ce soit. Mais en attendant, depuis cet après-midi nuageux, il se considérait comme étant libre de faire ce qu'il voulait bien faire.

« La soirée à boire? Zélie, tu te dévergondes! » dit-il en s'approchant lui aussi du comptoir.

Le gallois paya à son tour son sac de bonbon, profitant de son rabais de client beaucoup trop régulier et se dirigea vers la porte de sortie. Il se figea pendant un instant lorsqu'il sentit les longs doigts graciles de la Serdaigle enlacer les siens, plus rudes et épais. Bien vite, ce sentiment d'incertitude laissa place à un profond bien-être. C'était parfait ainsi, sa main dans la sienne, sa peau contre la sienne. Manu laissa son regard caresser celui de Zézette pendant quelques secondes avant de lui sourire sincèrement et de dire de sa voix chaude et réconfortante:

« Allons-y, Miss »

Il ne remarqua même son pouce qui, naturellement et délicatement, s'était mit à caresser la main qu'il tenait dans la sienne.