Le jeune homme posa le pied sur le palier du second, et consulta sa montre : neuf heures moins cinq. Parfait... James détestait arriver en retard, ou même pile à l'heure ; cinq minutes d'avance, c'était bien le minimum. Deryn et lui avaient rendez-vous à neuf heures, devant le panneau d'affichage du département des Potions ; la jeune femme n'était pas encore arrivée, pour la pluq grande satisfaction de James. Il aimait arriver le premier à un rendez-vous (pourquoi ? lui-même n'aurait su le dire). L'étudiant alla se poster devant le panneau d'affichage, déposa soigneusement le gros sac qu'il transportait, et relut pour la vingtième fois les notes épinglées sur le panneau. Calendrier de la formation... date des examens... informations diverses... rien de bien nouveau, mais le jeune Kirkby parcourut consciencieusement le panneau, au cas où l'une des notes lui aurait échappé.
Il se sentait un peu nerveux, sans que cela se justifie ; Deryn et lui devaient simplement aller voir le professeur Wyrd pour solliciter l'autorisation d'utiliser le laboratoire de potions, comme il l'avait proposé. Les deux anciens Serdaigle avaient décidé d'un commun accord de se perfectionner en potions, et de profiter de l'offre du professeur... Une salle de potions, avec le matériel, à leur disposition, ce n'était pas à négliger. Pourquoi cette nervosité ? James décréta qu'elle était due au manque de sommeil (il avait dormi quatre heures en tout et pour tout cette nuit-là).
Un brin amusé, il songea qu'il lui faudrait profiter de cette entrevue pour observer attentivement le professeur Wyrd ; Deryn l'avait surpris en disant que l'enseignant était séduisant, et James avait bien sû s'avouer qu'il n'avait jamais vraiment regardé son professeur- pas sous cet angle, en tout cas. Voilà qui méritait qu'on s'y penche.
Il n'était pas tout à fait neuf heures quand Deryn arriva. James fit quelques pas vers elle, un sourire aux lèvres, et la salua courtoisement :

-Bonjour, Deryn. Vous êtes prête à affronter le redoutable professeur Wyrd ?

Leurs condisciples haïssaient cordialement ce professeur, coupable d'avoir giflé son frère cadet en cours. James, quant à lui, ne voyait rien à redire à cette conduite, et Deryn non plus, semblait-il. Si les autres étudiants étaient au courant de leur démarche auprès de Wyrd, les deux jeunes gens passeraient pour des traîtres à la cause- mais c'était bien le moindre souci de James.

Merliiiiinnnn, elle allait être en retard avec tout ça ! Quelle idée elle avait eu d’écrire à un ami avant le rendez-vous hein ? Comme-ci on pouvait pondre une lettre en moins d’une demi-heure ! Deryn jeta un coup d’œil dans le miroir, voir si tout était bien en place. Elle avait enfilé une jupe longue d’un rouge profond, un chemisier blanc sur lequel elle avait épinglé son badge d’étudiante en médicomagie, et s’était coiffée avec soin. Pourquoi ? Comme ça, elle n’avait pas le droit d’avoir envie d’être jolie hein ? Bref, tout allait bien. Elle lissa sa jupe, attrapa son sac de cours et descendit les escaliers menant aux salles de cours à toute allure. Elle aurait pu transplaner mais en vérité, elle se refusait à le faire à l’intérieur d’un même bâtiment.

Il était neuf heures moins deux lorsqu’elle arriva, essoufflée, devant la salle du Professeur Wyrd. James était déjà là, calme et serein comme elle l’avait vu la veille. La jeune fille replaça une mèche derrière son oreille et posa son sac le temps de reprendre son souffle et de calmer les battements désordonnés de son cœur. Il allait falloir qu’elle reprenne le sport régulièrement…

"Bonjour James !"

Avec un sourire, la rouquine chassa de son esprit ce genre de pensées superficielles et se concentra sur le défi du moment. Aller voir le redouté professeur de potion et lui arracher l’autorisation d’utiliser sa super-salle-de-recherche. James semblait avoir la même vision de ce qui les attendait. Sa plaisanterie n’était peut-être pas très bonne mais elle fit rire la jeune fille, ce qui allégea considérablement sa tension. Si elle avait été aussi proche du garçon qu’elle l’était de Livious, elle aurait sans doute répliqué quelque chose sur la lâcheté des hommes ou l’aurait mit au défi de prouver que lui n’avait pas peur mais elle n’osa pas le provoquer. C’était la première fois qu’elle l’entendait faire une blague et elle ne voulait pas le froisser ou heurter sa sensibilité. Il avait été tellement maniéré la veille qu’elle était heureuse de le voir se détendre un peu en sa présence. Peut-être, avec le temps, pourraient-ils devenir amis.

« Je dois avouer que je suis terrifiée mais je sais que je peux compter sur vous pour me protéger de ses mains lestes n’est ce pas ? »

Et sans lui laisser le temps de répondre, elle lui fit un grand sourire pour bien montrer qu’elle n’avait pas peur et qu’elle plaisantait, avant de frapper trois coups secs à la porte, juste au moment ou l’aiguille des secondes en passant sur le 12, marqua le début de la neuvième heure sur la montre de Deryn.

« Aléa Jacta Est. » ajouta-t-elle tranquillement, se demandant si le Professeur Wyrd savait que le pas de sa porte était considéré comme un Rubicon londonien.

Depuis presque une heure, le "redoutable" professeur de potion était penché sur son prochain cours. Il lui avait d'abord fallu trouver non seulement une potion utile pour toutes les formations mais aussi adaptable à un cours et réalisable en plusieurs étapes. Après quelques recherches, il en avait trouvé plusieurs et avait longuement hésité sur celle qui serait le sujet du cours à venir. Puis, ayant enfin porté son choix sur la Goutte du Mort Vivant, il s'était penché sur le protocole évaluant les quantités de produits nécessaire. Il avait même décidé que l'université financerait l'un deux puisque ses élèves semblaient si près de leurs sous, il prendrait sur lui de trouver et se procurer la bonne quantité de l'ingrédient le plus onéreux et le plus dangereux. Ceci décidé, il s'était attelé à la réalisation de la potion pour non seulement la connaître sur le bout des doigts et n'avoir aucune surprise, mais aussi évaluer le temps de sa réalisation.

A chaque fois qu'il avait un moment de pause, il prenait des notes, faisait des commentaires, envisageait un moyen d'améliorer la potion (mais ces détails ne seraient pas repris en cours), etc. Il était justement en train d'écrire, surveillant sa montre attentivement, quand on frappa à la porte. Il cru avoir mal entendu avec les bruits du feu mais il doutait d'avoir "rêvé" qu'on vienne le déranger. Terminant de noter son idée, il maugréa un "C'est ouvert" visiblement trop bas puisque sans réponse. Un nouveau regard à sa montre lui indiqua qu'il avait tout juste le temps de vérifier l'identité de son visiteur.

Il ouvrit donc la porte et se rendit compte que le visiteur était deux. Kirkby, qu'il avait interrogé en cours, et une jeune fille dont il ne connaissait pas l'identité. Il les regarda un instant avec méfiance puis soupira :

"Entrez, je suis à vous dans un instant."

Sans plus de cérémonie, il se détourna d'eux et au moment même où sa montrer sonnait la fin du temps d'attente, il faisait couler dans son chaudron des morceaux de pierre broyée n'en oubliant pas un bout. Il plongea ensuite une longue cuillère en bois dans son chaudron et tourna douze fois dans un sens et douze fois dans l'autre. Il sorti l'objet en le laissant au dessus du récipient pour que la moindre goutte restant dessus réintègre la potion et il éteignit le feu.

Son regard perçant fixait le liquide avec satisfaction. Retournant à son bureau, il prit quelques notes et leva enfin les yeux vers ses visiteurs. Il se demandait bien ce que lui valait une visite de si bon matin un jour où les élèves n'avaient pas cours. Il retourna vers son potion, une louche à la main et préleva un peu de la potion qu'il déposa dans un godeau.

"Que puis-je pour vous, jeunes gens ?"

Vega avait parlé sans les regarder en tendant son prélèvement à un petit rat en cage posé sur une étagère. La bestiole renifla et se détourna du liquide.

"Créature idiote !" Jura-t-il entre ses dents avant d'ajouter à la potion une quantité approximative d'une mixture ressemblant furieusement à du jus de citrouille.

Voyant que le rat commençait à laper, il fit face à ses élèves, attendant une réponse.

Comme pour donner tort aux prévisions alarmistes de Deryn, Vega Wyrd reçut fort civilement les deux étudiants, et ne manifesta aucune irritation en entendant leur requête. Au contraire ; il leva les yeux vers les deux jeunes gens, manifestement intéressé par ces solliciteurs, beaucoup plus intéressé qu'il ne l'était, d'ordinaire, par les étudiants. A sa décharge, il fallait dire que nombre d'étudiants avaient tout du parfait cornichon ; James se rappelait encore, avec dédain, la réaction outrageusement offusquée de certains lors du premier cours, leurs minables petits principes... choses éminemment méprisables aux yeux du jeune Mangemort.
Wyrd conduisit les étudiants jusqu'à une petite pièce attenante à son bureau, et leur fit signe d'avancer. Le jeune Kirkby fit quelques pas sur le sol étincelant, observant avec grand intérêt la pièce et le matériel qu'elle contenait. Une rangée de casiers, des paillasses, et, sur des étagères, des dizaines d'instruments, chaudrons, pipettes, balances... Plus quelques armoires de bois, servant probablement à stocker les ingrédients- le grand-père de James en utilisait aussi, affirmant qu'il fallait préserver certains ingrédients de la lumière.
Wyrd mit un terme provisoire aux observations du jeune homme, en énonçant les consignes propres à la salle. Réaliser des potions diluées... dommage, mais compréhensible ; laver le matériel, la moindre des choses ; ne pas toucher aux potions en cours, évidemment. Et inscrire son nom sur un cahier. James jeta un coup d'oeil audit registre ; les colonnes étaient vierges, attendant leurs noms. Fallait-il indiquer quelles potions ils avaient l'intention de réaliser ? Machinalement, James tira de sa poche un parchemin soigneusement plié ; Deryn et lui-même avaient établi une première liste de potions intéressantes, et le jeune homme pensait opportun de la soumettre à Wyrd, pour avoir son avis et son approbation.
Kirkby tendit la liste à l'enseignant, tandis que Deryn posait quelques questions. Lorsqu'elle eut terminé, Wyrd ne lui répondit pas immédiatement, mais regarda James d'un oeil interrogateur ; le jeune homme murmura :

-Ce sont les potions que nous comptons étudier, professeur...

Il n'ajouta rien ; l'enseignant voulait, apparemment, prendre la parole, répondre à Deryn, et il avait seulement requis une explication indispensable ; pas la peine de faire un discours... et les réponses aux questions de Deryn l'intéressaient aussi.

Sur le parchemin, James a écrit:

Polynectar ?
Felix Felicis
Potion de réparation osseuse
Aiguise-Méninges
Potion de nettoyage des blessures
Philtre d'Ombre instantanée

[post nul, désolé]

Le professeur Wyrd parcourut rapidement la liste que James lui avait remise, sans faire d'autre commentaire que "vous êtes bien en formation Langue-de-Plomb ?". Le jeune homme acquiesça d'un "oui, monsieur" murmuré, en se disant que ces quelques mots ne présageaient rien de bon ; sans aucun doute, Wyrd trouvait la liste trop ambitieuse et- dans son cas- sans grand rapport avec la formation. Il est vrai que le jeune Kirkby avait bien d'autres motifs de s'intéresser aux potions que ses seules études, et que ces motifs l'entraînaient vers des mélanges peu usités... Encore s'était-il retenu de mentionner les potions estampillées "magie noire", qui le dénonceraient immédiatement.
Soucieux de ménager son suspense, le professeur répondit à Deryn, puis alla chercher des rats dans la pièce voisine avant d'en venir à la liste. En son absence, les deux étudiants s'étaient regardés, un peu inquiets ; de lui seul dépendrait l'autorisation de travailler telle ou telle potion, et il importait de le convaincre.
Lorsque Wyrd revint avec la cage, James observa un instant les rongeurs qui y ronflaient avec entrain, mais reporta très vite son attention sur l'enseignant qui en venait à la fameuse liste.
Trop ambitieux... Voilà, le mot était lâché. Les deux jeunes gens visaient des mélanges trop compliqués, ou trop spécialisés... James hocha la tête pour montrer qu'il comprenait les réserves émises par Wyrd, puis hasarda :

-Si je peux me permettre, professeur. Nous souhaitons progresser en potions, et votre proposition en est l'occasion... Nous avons sélectionné ces potions d'un commun accord, en choisissant des mélanges qui nous intéressaient tous deux. Vous dites que nous sommes ambitieux, je n'aurai pas l'impudence de vous contredire... Mais justement, il nous a semblé qu'être ambitieux était l'une des conditions pour apprendre et progresser. Nous sommes... comment dire ? impatients de nous mesurer à des protocoles exigeants, tels que ceux que nous devrons utiliser dans notre vie professionnelle... Et dans le calme de ce laboratoire, nous pourrions le faire dans un cadre plus détendu que celui des cours, puisqu'il n'y aurait ni note, ni examen ; simplement pour l'étude... C'est du moins ainsi que nous avions compris votre proposition, comme une invitation à approfondir nos connaissances... à aller plus loin... Bien entendu, si vous le souhaitez, monsieur, nous pourrons vous remettre un compte-rendu de TP à chaque fois que vous le demanderez. Nous comprenons parfaitement -il se tourna vers Deryn pour quêter son approbation- vos réticences à laisser des étudiants encore débutants travailler ces potions, et cela vous permettrait de contrôler notre travail... Quoi qu'il en soit, si vous formulez une interdiction, quelle qu'elle soit, nous la respecterons totalement.

Si cela pouvait fléchir l'enseignant, Deryn serait certainement d'accord, songeait James, pour mettre au propre les notes qu'elle prendrait forcément et les rendre à Wyrd... Lui-même n'y voyait qu'une nouvelle occasion de progresser, en soumettant son travail à un professeur, même s'il n'y avait pas d'obligation à le faire... Ainsi, l'enseignant pourrait pointer les erreurs, les approximations, et également juger du sérieux des deux jeunes gens...
Une fois de plus, Wyrd voulait se donner le temps de la réflexion. Il se tourna vers Deryn et l'invita à poser ses autres questions ; James écouta avec attention, car le problème des unités chaudron l'intéressait aussi. Il aurait pu travailler dans le même chaudron que Deryn, cela aurait résolu le problème, mais ils préféraient avoir chacun son chaudron, chacun son mélange, de façon à mieux identifier les erreurs commises.
La question suivante rejoignait un peu ce que le jeune homme avait dit au sujet des interdictions ; ils les respecteraient scrupuleusement, ne serait-ce que pour prouver leur bonne foi, mais il fallait les cpnnaître...

[... et hop un post pour ne rien dire... désolée^^"]

Avant même que le Professeur Wyrd ait le temps de lui répondre, James embraya avec les questions qui les taraudaient tous les deux. Deryn laissa passer un léger sourire. Elle aimait bien l’impatience du calme jeune homme. Cette soif de savoir qui rejoignait la sienne. On leur disait d’être patients et c’était compréhensible. Mais par Merlin, ils avaient vingt ans. Ils avaient beau comprendre la patience, celle-ci n’était pas encore encrée dans leur personnalité. L’ancienne serdaigle savait être aussi patiente qu’une autre en général mais rarement lorsqu’il s’agissait de sa passion.

Puis, Vega se tourna vers elle. Contrairement à James, cette fois, Deryn ne prit pas de notes. Elle avait une mémoire essentiellement auditive et ne voyait donc pas le besoin de dessiner ce qu’elle entendait. Par contre, il était visible qu’elle était passée en mode « »écoute attentive ». Ses lèvres répétaient en silence les mots du professeur pour bien les inscrire dans sa mémoire. Finalement, après avoir laissé un silence, elle hocha la tête. Elle avait bien comprit le principe. Après tout, « sentir » ce qu’il fallait faire était ce qui distinguait un bon potionniste d’un simple exécutant. Elle ne savait peut-être pas ce qu’elle devait choisir à présent, elle apprendrait. A force d’essayer, de se tromper, de tester et de sentir. La gêne et la peur laisseraient la place à l’assurance. Ils deviendraient aussi bons que leur professeur.

Que dire de plus ? Pas grand-chose. Evidemment, Deryn était déçue d’apprendre qu’elle ne pourrait pas encore modifier un protocole mais c’était à prévoir. Quand à son projet d’en CREER un, c’était hors de question dans cette salle. Elle aurait du le savoir. Soyons franc, elle le savait, elle avait juste espéré que ce soit possible. Et puis, si on y pensait sérieusement, Vega n’avait rien interdit du tout. Il avait fortement déconseillé (et ils allaient suivre ses conseils, cela allait sans dire. Non seulement ils étaient raisonnés mais en plus, il avait toute autorité pour leur interdire l’accès à la salle. C’était tout simplement trop bête.) mais il n’y avait rien d’irréversible. Peut-être avec le temps allaient-ils réussir à lui prouver qu’ils avaient le niveau pour faire ce qu’ils voulaient. En attendant, s’entraîner et progresser n’avait rien de dégradant.

James avait du se faire les même réflexions puisqu’il répondit en ce sens. De son côté, Deryn se contenta d’hocher poliment la tête. Qu’il s’exprime pour les deux, il le faisait parfaitement depuis le début.

Encore une fois, un sourire vint jouer sur les lèvres de la jeune femme aux sous entendus de la question de son camarade. Elle avait comprit la promesse implicite qu’il faisait de ne pas désobéir. James maniait les mots comme un virtuose, jouant facilement sur plusieurs tableaux. Deryn était sure qu’il ferait un très bon langue de plomb. Elle avait vraiment hâte de travailler avec lui, de laisser son esprit si particulier accompagner le sien. Ils étaient assez différents pour se compléter parfaitement.

Deryn recula d’un pas, laissant les hommes discuter entre eux. Elle n’avait rien à dire, aucune question à poser. L’ordre dans lequel ils traiteraient leur liste lui était assez indifférent à vrai dire. Elle laissait avec plaisir le commandement du binôme à James. Il savait sûrement mieux qu’elle.