L'ennui, lorsque l'on s'ennuie, c'est que l'on finit souvent par avoir des ennuis.

Raisonnement implacable, fort d'une étonnante simplicité et, cela allait de soi, emprunt d'une logique typiquement eskarinienne.

Cette conclusion dont le caractère inéluctable toucherait le plus troll des élèves de Poudlard, Eskarina l'avait elle cherchée très loin. Tout un cheminement intellectuel aux airs de véritable parcours du combattant l'y avait menée et ce ne fut qu'à l'aide de son esprit perpétuellement en proie à une flânerie onirique, oisiveté s'il en est, qu'elle s'en sortit. Ce ne fut pas une mince affaire. Son expérience personnelle et souvent malheureuse en avait jeté les bases, la fréquence de ce genre d'expérience personnelle en avait elle constitué le corps, enfin, la dramaturgie avec laquelle se terminait souvent ces expériences en avait scellé le tout. Pour une fois la fillette avait réfléchi et même réfléchi longtemps. Cette brillante déduction ne l'avait ni foudroyée au terme d'un maelström alimentaire ni au pied du lit dès son réveil. Non. Elle s'était assise et avait songé. Peut-être s'était-elle même assoupie, mais cela était peu probable, car ce fut aussi ce jour la qu'elle prit douloureusement conscience, ou se souvint amèrement, que réfléchir fatiguer énormément. Quoiqu'il en fût, elle pouvait désormais dire qu'elle avait su tirer un enseignement de tout ce qui, étrangement, avait une fâcheuse tendance à ne lui arriver qu'à elle et qui, malheureusement, tenait de l'exception chez les autres.
Et l'ennui faisait hélas parti de ce tout.

L'ennui, pour les ennuis, c'est qu'il existe de petits ennuis et de gros ennuis.

De cette seconde conclusion Esk' était moins fière, il fallait dire que sur la forme elle en jetait déjà bien moins... Mais elle en appréciait bien plus la signification, celle-ci se voulait en effet rassurante et excitante. Les petits ennuis étaient ceux que l'on pouvait ennuyer, provoquer et taquiner, sans craindre grand chose, à condition d'être suffisamment rusé. Eskarina se voulait être rusée et se moquait des petits ennuis. Le tout, se disait-elle, avec les petits ennuis, c'est de veiller à ce qu'il n'y en ait pas trop qui vous courent après en même temps, sinon, ils finissent toujours par s'emmêler, trébucher et là, catastrophe, c'est un gros ennuis qui prend le relai. Outre le fait que les petits ennuis devaient probablement courir avec les lacets défaits, Eskarina s'était dit que jusqu'ici, elle avait toujours été très rapide pour prendre la fuite devant ces derniers. Ainsi s'était-elle par exemple remémorer l'un de ses nombreux exploits, à savoir jouer aux devinettes avec la gargouille du bureau de Monsieur le Directeur, un jeu stupide et duquel elle ne voulait absolument pas goûter aux fruits de la victoire. Mais alors que, plus sérieuse, elle pensait sa réflexion arrivée à maturité, d'horreur et de stupéfaction, la frappa une troisième conclusion évidente.

L'ennui, avec les ennuis, c'est que l'on ne sait jamais quand exactement ils vont nous ennuyer.

Si Eskarina était satisfaite de la forme de cette conclusion, elle en était bien moins du sens qu'elle portait. Elle compliquait extrêmement une équation qui était déjà loin d'être simple. Dans une course contre les ennuis tout était rigueur, précision autant que chance, fantaisie et arrogance. Un sprint de métronome dans lequel l'incertitude ne pouvait pas jouer les obstacles. Était-elle ainsi condamnée à vivre dans la peur ?
Et bien non, car, telle une comète par la plus obscure des nuits, une autre conclusion zébra l'esprit alors obscurci par le doute de la Gryffondor.

L'ennui, avec les ennuis, c'est que l'on ne s'ennuie jamais.

Un sourire avait accompagné cette dernière conclusion. Une fois cet argument bien ancré dans le chewing-gum qui lui servait de cerveau elle se sentit comme libérée d'un poids énorme, celui de l'ennui. Il était une bien belle grimace, avec la langue, le regard niais et tout et tout... faite à L'Ennui avec un grand E. C'était donc débarassée de toute crainte qu'elle rivaliserait encore d'incongruités, de loufoqueries en tout genre et autres incroyables aventures dans le château. Intense soulagement.
Cependant, à peine sorti de ce casse-tête des plus complexes, elle était à nouveau tombée de manière guillerette dans le gouffre béant que lui proposait l'ennui. Ne se lasserait-il donc jamais ? Un nouveau sourire s'était alors dessiné sur le visage déjà peint d'un véritable masque de malice de l'exubérante gryffondor. Le défi était de taille et une fois de plus, elle le relèverait.
Elle, ne se lasserait jamais.

L'aventure lui tendait les bras, les ennuis aussi, et à vrai dire, ça tombait plutôt bien.

Son dévolu s'était jeté, inexplicablement, sur un objet propice à toute sorte de trucs incroyables : une pièce vide.

Parce qu'une pièce vide, ça a peu de chance de toujours l'avoir été.
Parce qu'une pièce vide ça ne l'est pas sans raisons.
Parce qu'une pièce vide ça ne l'est plus dès qu'il y a quelqu'un dedans.
Parce qu'une pièce vide ça ne l'est jamais vraiment.
Parce qu'une pièce vide ça cache toujours quelque chose...
... et que quand quelque chose est caché c'est avant tout pour que quelqu'un le trouve.
Parce qu'en somme, à une pièce vide, on ne peut pas lui faire confiance.
Jamais.
Même pas pour être vide.

Eskarina se trouvait donc dans cette pièce vide qui ne l'était pas sans raisons, qui ne l'était même plus depuis qu'elle y était et qui de toute façon ne l'avait pas toujours été et ne l'était même jamais vraiment. Cette pièce cache quelque chose, conclut-elle alors tout naturellement. Mais quoi ?
La fillette s'assit au centre de la pièce, dos à la porte, face au mur. Face à sa farouche détermination quant au véritable mystère qu'était cette pièce, l'idée étrange, timide et inhabituelle qui s'était invitée dans la tête d'Eskarina prit ses jambes à son cou. Non, elle ne ferait pas mieux d'aller travailler à la bibliothèque plutôt que de, une énième fois encore, se raconter des histoires.

Un dragon ?
Non...

C'était officiel, Page allait une fois de plus au devant de gros ennuis. Et une fois de plus, le petit P argenté qu'elle arborait sur la poitrine ne lui serait d'aucun secours. Au contraire.

C'était bien beau de représenter l'autorité, de pouvoir retirer des points à ses condisciples et tout ça. Mais il y avait le revers de la médaille. Le fait que vous deviez montrer le bon exemple, que vous passiez plus de temps en ronde dans les couloirs que sur un balai au terrain de quidditch, que vous ne pouviez plus vous battre gentiment sans risquer de perdre le double des points. Ah, ça, si Dumbledore avait voulu freiner les ardeurs de la petite rousse, il n'aurait pas pu mieux s'y prendre.

Bien sûr, Page était fière de l'honneur que lui avait fait le directeur en la nommant préfète. Et elle était contente de pouvoir aider les autres élèves. Seulement, c'était parfois pesant. Car la petite irlandaise était d'une nature hyperactive, et faire des bêtises -pas forcément volontairement d'ailleurs - était partie intégrante d'elle même. Elle entretenait donc une relation d'amour haine avec son poste de préfète qui était parfois des plus déstabilisantes.

En l'occurrence, Page se trouvait dans la phase haine (la phase amour prenant tout son sens lorsqu'elle pouvait remettre en place ces sales vermines de Serpentard).
Evidemment, elle savait qu'elle n'avait pas le droit de pénétrer dans l'aile Nord du 5e étage. Elle n'était pas sourde, elle avait bien entendu ce cher Rusard en parler au repas de début d'année. Mais instaurez un interdit qu'une envie irrésistible prenait la deuxième année de le braver. Pas par mépris de l'autorité non, mais vraiment par pure curiosité.
Mais cette fois, les choses ne s'étaient pas exactement passées comme prévu. Elle s'était faite discrète pourtant. Elle avait pris d'infinies précautions. Mais il fallait croire qu'elle avait atteint l'excellence de la discrétion du temps des BR et que depuis, elle s'était encroûtée. Car à peine avait elle lancé son Alohomora et poussé la lourde porte de bois que le cliquetis de griffes sur la pierre avait retenti à ses oreilles.

Bloody Hell, Miss Teigne, déjà ?

Sans prendre le temps de réfléchir, la fillette avait remonté sa capuche pour que l'animal ne la reconnaisse pas -oui Page accordait à l'effroyable chatte une conscience suffisamment malfaisante et maligne pour reconnaitre les élèves qu'elle croisait et faire son rapport à son maître, elle préférait donc rester prudente - et s'était engouffrée par l'entrebâillement de la porte, pour se réfugier immédiatement derrière une vénérable colonne de pierre.
L'endroit était assez peu éclairé... Un bon point pour la Teigne, un handicap pour la rousse. La fillette laissa entrer le chat à sa suite et contourna en silence la colonne au fur et à mesure que la bestiole s'engageait dans le couloir sombre. Aussi vite que possible, la gamine avait jailli pour sortir précipitamment de l'aile nord et avait claqué la porte derrière elle, espérant coincer l'infernale bestiole à l'intérieur et être tranquille un bon moment. Seulement, Miss Teigne était plus rapide que ne le laissait supposer sa dégaine de vieux chat miteux, et elle avait presque réussi à attraper la préfète. Presque.
La queue de l'animal était restée coincée dans la porte et un miaulement déchirant avait retenti, alertant sans aucun doute Rusard le tocard.
Rentrant la tête dans les épaules, la fillette s'était mise à courir éperdument, tournant l'angle en manquant de tomber, et dévala les escaliers vitesse grand V. Au moment d'atteindre le palier du 4e, ce maudit escalier entama sa rotation perverse, éloignant d'autant le salut de la petite irlandaise.

Prenant appui sur la rambarde, la rouquine sauta par dessus et atterrit lourdement sur le palier, étouffant un cri. Sa cheville n'avait vraiment pas aimé. Se mordant la lèvre, la gosse poursuivit sa course en boitillant, tourna dans le premier couloir venu et poussa la première porte salvatrice qu'elle trouva.

Elle la referma immédiatement, cherchant son souffle. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu'elle n'était encore jamais venue dans cette pièce. Bon, si l'exploration du niveau 5 avait été un échec, elle aurait au moins découvert quelque chose au niveau 4. La pièce était complètement vide, à l'exception de... d'une frêle silhouette, assise au centre.

*Dammit, me voilà coincée !*

Page cherchait déjà un moyen de se débarrasser de ce témoin gênant - Stupéfix, corruption à grand coup de chocogrenouilles - mais elle finit par reconnaitre une petite Gryffondor de première année. Bizarre, elle ne bougeait pas beaucoup...

- Euh... Esk'... Ca va ?

Clopinant, la rouquine s'approcha de la fillette pour voir si tout allait bien.

Une salle de réunion secrète ?
Pas bête ça...
Un peu trop classique.
Et petit.

Stoïque, concentrée, figée dans une position suffisamment confortable pour accueillir ces deux états, Esk' poursuivait silencieusement son investigation mentale. Ses yeux étaient clos, pour voir ce qui était invisible on en avait pas besoin, inutile de se distraire. Ses oreilles s'efforçaient de ne rien entendre, c'était un poil contre nature mais avec un peu d'entrainement on finissait par entendre le silence. Quant à son nez, il avait bien du mal à faire abstraction de l'odeur humide de renfermé qu'emprisonnait la pièce. La fillette était donc parfaitement hermétique à toute sorte d'intervention extérieure, si bien qu'elle n'entendit pas sa préfète entrer. De même elle ne se rendit pas compte que, la porte désormais close, le noir était presque total. Une bonne chose cela dit, car du noir elle en avait une sacrée frousse. Alors une pièce vide qui cachait quelque chose et qui était remplie de noir...

Un vampire ?
Non, il n'y a pas de crottes de chauvesouris.
Et puis il m'aurait déjà mangé.
A moins qu'il ne me juge trop maigre à son goût.
Alors oui, peut-être un vamp...

S'inquiétant de ses sinistres pronostics la gryffondor sentit une présence, un imperceptible frisson lui courut le long de la colonne vertébrale pour finalement entamer un numéro de claquettes sur la piste qu'offrait sa nuque. Il est là !

" - Euh... Esk'... Ca va ? " Pardon ? Est-ce que ça va ? Page !?

Un vague sentiment de soulagement dissipant lentement les brumes de son effarement passager, Eskarina sentit qu'il était temps d'ouvrir les yeux. Il faisait plus noir qu'avant. Enfin le mystère pouvait attendre, la réponse qu'elle devait à sa préfète non.

- Euh ouais... 'Fin non... Il y a quelque chose de louche là. Dans la pénombre elle tenta de discerner le visage bordé de roux de sa camarade, histoire d'être sûre que ce soit bien elle et pas un de ses êtres odieux se nourrissant de sang. Non ? Elle parlait bien entendu de la pièce. Cette foutue pièce vide qui... Bref vous savez quoi. L'arrivée en catastrophe de la rouquine, sa respiration haletante et saccadée, sa cheville amoindrie et le fait qu'elle se cache étant tout un ensemble de faits dont son esprit semblait avoir fait abstraction, pour le moment. Il fallait dire qu'il avait longuement travaillé et que la fatigue l'avait alors de suite enveloppé de ses bras aimants. Cette même fatigue le berçait et lui s'y offrait volontiers. Eskarina était en effet atteinte de paresse intellectuelle, particularité qui lui avait joué plus d'un tour lors des différents cours en tout début d'année. Elle n'était pourtant pas moins intelligente que les autres, pas plus bête non plus d'ailleurs. Elle réfléchissait simplement moins, différemment et pas toujours sur ce dont on lui demandait de se concentrer. Voilà tout.

Comme après un long sommeil, au sortir d'une certaine torpeur, elle s'étira et secoua sa tête de droite à gauche. Elle avait les idées claires ou presque, suffisamment du moins pour juger qu'il était grand temps d'allumer la lumière. Lumos, fit-elle machinalement, joignant la baguette à la parole. Elle lança un regard gênée à Page, elle avait assisté au cours de Rogue et à la ridicule tentative de combat face à l'épouvantard. A onze ans plus grand monde n'avait peur du noir, c'était puéril. Eskarina si. De tout les sorts qu'elle avait appris celui-ci était donc son préféré, utile et facile, rapide aussi. Il fallait dire qu'elle ne connaissait que très peu de sorts et que de sa baguette elle était aussi habile que de ses mains, maladroite quoi. Alors elle en était fière.

Troublant, dévorant de curiosité, d'intérêt aussi, le regard d'Eskarina s'était fermement agrippé au visage de sa vis à vis. Cette dernière étant debout et Esk' assise, la première année était contrainte de loucher, mais elle louchait habilement. La possibilité que Page puisse avoir quelques ennuis commençait à timidement bousculé les quelques neurones paresseux et endormis aptes à tirer une telle conclusion dans les recoins conscients de son esprit. Peut-être jugeaient-ils que leur hôte, Eskarina, avait suffisamment à faire avec les siens, d'ennuis...

- Qu'est-ce que t'en dis ? Ajouta-t-elle avec une pointe d'insistance qui se voulait en fait être de l'excitation.

La morsure gelée de la pierre commençant à désagréablement lui mordiller les chaires, Eskarina se leva. Page s'agitait beaucoup, enfin plus que d'habitude pour être précis. La préfète semblait perturbée, ou tracassée du moins. Ce n'était pas très rassurant. Elle a dû sauter un repas, le goûter probablement, conclut tout naturellement une Esk' à la logique toujours aussi impressionnante de simplicité et inattaquable.

- Écoute... Pour l'instant, je vois pas grand chose mais... C'est possible qu'il y ait quelque chose. Il faut s'attendre à tout dans ce château. Déjà, c'est très bizarre que la pièce soit si... vide.

- Ouais... C'est ce que je disais, commenta gravement la fillette. Ça cache toujours quelque chose une pièce vide.

- Mais tu sais, j'étais encore jamais venue ici avant aujourd'hui...

- Oui, moi non p'...

La rouquine n'était décidément pas dans son assiette pour autant que put en juger une Eskarina toute bousculée, bâillonnée et nonchalamment trainée vers le coin le plus sombre de la pièce. Pour ne rien arrangeait à la situation, il faisait noir et elle n'aimait pas du tout ça. Quelqu'un, ou quelque chose, marchait dans le couloir, d'un pas lent et lourd. Un pas du genre de ceux que l'on ne veut surtout pas entendre quand on est tapis dans le coin le plus noir d'une salle vide remplie de noir. Un pas inquiétant. Un pas qui ne finit jamais de passer. Blottie derrière elle, un bras encore autour de sa taille et l'autre tout juste ôtée de sa bouche, Page n'en menait pas large non plus. La préfète des gryffondors était pourtant d'une vivacité et d'un courage sans limite, aux yeux d'Eskarina en tout cas et jusqu'ici. Mais en attendant elle semblait avoir peur et, la peur, s'était quelque chose de contagieux. D'autant plus lorsque l'on était déjà pas rassurée.
Eskarina n'était pas très rassurée.

L'ennui, avec les ennuis, c'est que l'on sait jamais quand exactement ils vont nous ennuyer.

Les pas s'interrompirent. Elle serra les jambes, on était jamais trop prudent. Elle tenta de se retourner, de se retrouver nez à nez avec sa camarade, de retrouver une once de lumière dans son regard au quotidien brûlant de vitalité, or, et c'est ce qu'il y a de plus insupportable avec le noir, elle ne trouva pas grand chose de ce qu'elle cherchait sinon les ténèbres. Elle savait pourtant Page être là, tout prêt. Mais, comme atteint de claustrophobie, elle se sentait oppressée par son obscur environnement. Prononcer ne serait-ce qu'un murmure était de toute façon exclu, à quoi bon prendre le risque. Et puis, en de telles circonstances, toute tentative de discrétion autre que l'état le plus amorphe et silencieux qui soit se serait nécessairement soldée, chez la fillette, par un hurlement des plus stridents. Ainsi se contenta-t-elle de déglutir, ça ajoutait au tragique de la situation qui plus est.

Un reniflement. Un silence, angoissant, parce que la situation actuelle de nos deux héroïnes l'exige. Les pas reprirent. S'éloignèrent. Disparurent. Et puis plus rien...

... Rien ?

Rien, sinon un duo respiratoire saccadé, soulagé et calé sur la même note du "ouf, on l'a échappé belle". Le pire dans cette histoire, réalisa Eskarina, c'était le sentiment de culpabilité qu'elle avait éprouvé en se cachant. Pour une fois, lui semblait-il, elle n'avait rien à se reprocher. Mais Page, elle, devait avoir ses raisons et Merlin sait que la préfète rouge et or a des ennemis ici au château...

- Lumos, murmura une Eskarina passablement secouée avant de plaquer sa baguette contre sa poitrine inexistante. Sa gorge semblait comme prise d'une terrible crise d'urticaire, ça la démangeait, la brûlait et finissait par bêtement irriter ses yeux. Oui, inexplicablement les larmes lui montaient. Et elle devait ce pitoyable état au noir. Pourtant elle était une gamine courageuse, qu'on se le dise, mais pas à plein temps voilà tout. Son regard, électrique et encore terrifiée, se posa sur Page, lourd d'interrogations. Elle aurait voulu crier, mais quelque chose comme de la sagesse, ou plutôt l'instinct de survie, murmura au plus serein de ses neurones que "les pas" avaient certainement de bonnes oreilles. Sortir, détaller au grand jour, ne serait pas non plus une bonne idée, "les pas" pouvaient ne pas s'être éloignés très loin. Vilement.

- C'était quoi ça ? Glissa Eskarina à sa complice dans un murmure inaudible. Je l'aime de moins en moins cette pièce vide moi...

Parce qu'à n'en pas douter cette pièce vide cachait quelque chose.
Parce qu'à n'en pas douter ce quelque chose était louche.
Enfin, parce qu'il était désormais certains que les deux fillettes n'étaient pas étrangères à ce quelque chose de louche et caché dans la pièce vide.
Pas du tout.

Les deux noisettes qui lui servaient d'yeux littéralement suspendues aux lèvres de sa préfète, Eskarina se calmait peu à peu, si bien que lorsque la rouquine posa une main fraternelle sur son épaule, sa farouche détermination s'effondra. Les explications de son ainée, modèle de vertu et de réussite s'il en est, étaient plutôt confuses et volontairement très approximative. Esk' était quelqu'un de curieux, dans tout les sens du terme d'ailleurs. Or la gamine se contenta d'un hochement de tête passif et compatissant, le genre de situation que décrivait Page elle ne le connaissait que trop bien. Elle comprenait de plus très bien combien il était difficile à la rouquine de toujours être parfaite, elle qui ne l'était pour ainsi dire jamais. La conclusion de cette sombre histoire était désormais bien évidente, Page est une élève comme toutes les autres.

- Esk... Excuse moi pour tout à l'heure. Je voulais pas t'effrayer. Mais euh... T'inquiète, pour me racheter, si y a le moindre truc louche dans cette pièce, je m'en chargerai moi même !

Lorsque la seconde année s'excusa, Esk' fronça les sourcils, l'allusion au noir n'était pas évidente. Au contraire la préfète avait très bien su identifier la peur. Elle baissa la tête. Honteuse. Elle serait capable de filer un coup de pied à Goyle si on le lui demandait, de se battre contre toute une horde de Serpentard s'il le fallait et que les circonstances l'exigeaient vraiment, elle n'avait pas peur des hippogriffes, des araignées et de toutes les bestioles imaginables, elle n'avait pas une peur extrême de Rogue non plus, mais le noir, c'était une autre histoire. Le fait que Page put penser une seconde qu'elle était une de ses gamines peureuses et pleurnichardes fit justement bouillir les larmes déjà écumantes et dangereusement perchées aux coins de ses yeux. Mais quand la rouquine bomba le torse et se grandit telle une véritable lionne, Eskarina sourit alors. La grimace qu'avait arraché sa cheville douloureuse à la fillette n'y était sûrement pas étrangère. La première année ne pensait cependant pas que sa complice était souffrante, blessées, juste qu'elle faisait le clown pour détendre une atmosphère pesante d'électricité.

- Dis-moi... Tu veux qu'on inspecte les lieux, pour s'assurer que tout va bien ?

- Euh... On peut pas sortir tout d'suite de toute façon. J'veux dire, ptêt qu'Rusard il est pas allé très loin hein. La gamine remua mal à l'aise, l'ennui, avec les ennuis, c'est qu'on peut en rire une fois qu'on est sûr qu'ils finit de nous ennuyer, se dit Eskarina histoire de puiser un peu de courage en son for intérieur. Non, toutes ces tribulations dans cette pièce vide et obscure ne l'ennuyait pas, à vrai dire elle s'amusait, elle en rirait cela était certain. Mais elle ne savait ni quand et ni comment ? Jaune était la couleur qui s'imposait pour le moment avec éclat à son esprit. L'adrénaline c'était un truc génial, mais fallait faire gaffe à l'overdose, au surmenage. Mettant un coup de pied dans la fourmilière de ses idées, Eskarina finit alors sa réponse avec un semblant d'aplomb. Le château était un véritable labyrinthe cousu de passages secrets, de pièces oubliées et autres secrets. Il était magique qui plus est. Alors...

- J'sais pas ce que t'en penses toi, mais moi j'dis que cette pièce elle a un truc de louche. Une pièce vide ça peut pas être aussi bête que ça en a l'air non ? Et puis pourquoi elle serait ouverte cette pièce vide en plus, s'il y a rien à voir dedans...

Les phrases que construisaient Eskarina étaient comme à son habitude très brèves, du moins elles le paraissaient souvent. En effet, les mots s'enchainaient les uns derrière les autres, rapidement, tous collés les uns derrière les autres. L'articulation n'était pas l'un de ses rares points forts. Mais, si la plupart des adultes devaient parfois se concentrer, cela ne semblait pas trop déranger les élèves de sa génération.

- T'peux allumer ta baguette avant de répondre, s'teuplait. Conclut la rachitique fillette avec précipitation, d'un ton moins excité et un poil plus lent et bas que précédemment. S'il y avait quelque chose à voir dans la pièce il faudrait bien un peu de lumière non ? Dans le noir on ne voit rien et... Le noir... Il est vachement noir et effrayant quand on y pense à deux fois.
Alors deux baguettes valaient mieux qu'une.

Galvanisée par la lumière baignant désormais la pièce, la bonne volonté et l'attention que Page lui accordait, Eskarina s'empressa de rester immobile. Oui, immobile. Stoïque. Figée. Son regard supervisa une poignée de secondes les investigations de la fillette puis s'éteint. Dans cette pièce vide elle y était restée un bon moment et les yeux ouverts elle n'avait rien vu. Les yeux clos elle n'avait non plus rien vu, mais pas pour les mêmes raisons cependant. Alors il ne lui restait plus qu'à fermer ses yeux sur sa tête, laisser quartier libre à son esprit qui ne demandait pas mieux et...

C'était bien connu, quand on cherche quelque chose on ne le trouve jamais. Quand on ne le cherche plus, ce quelque chose était sensé nous trouver. Or, dans la pratique, exception faite des ennuis, ce raisonnement ne valait pas pour grand chose. Le meilleur moyen de trouver ce que l'on cherche restait donc de le chercher, même si c'est pas très évident. Je sais c'est très confus. L'esprit d'Eskarina est confus comme ça. Un passage secret, s'exclama-t-elle alors mentalement. C'était évident, les passages secrets étaient typiquement le genre de trucs que l'on ne trouvait pas quand on les cherchait. La gamine flanqua un nouveau coup de pied dans la fourmilière de ses pensées, debout les ouvrières, au boulot ! Paresseusement, s'entichant d'un air de rien, enfin pas tout fait, car cet air se voulait être celui de l'individu qui faisait tout et n'importe quoi excepté chercher un passage secret, Eskarina fit quelques lentes enjambées dans la salle. Enfin appuya-t-elle, toujours l'air de rien, sa main sur une pierre tout à fait anodine, choisie au hasard et parce qu'elle était plus petite, plus sombre et plus suspecte que toutes les autres.

Rien.

Pourtant ça se passe comme ça dans tout les livres que j'ai lu, commenta la fillette. Le héros, qui avait le droit de pas en être tout à fait un, trouvait le passage secret d'un geste tout à fait anodin. Poser son chapeau sur le crochet le moins brillant d'un porte manteau mural, vouloir lire le livre le plus inintéressant d'une bibliothèque poussiéreuse, souhaiter décrotter un vieux et bête chandelier... Et ! S'appuyer contre la plus insignifiante des pierres d'un mur dans une pièce vide ( et normalement sans issue ) étaient tout un ensemble de moyen infaillible pour trouver un passage caché et secret.
Page choisit ce moment pour seretourner. Esk' troqua son air d'air de rien contre un masque contrarié.

- Bon, de mon côté, je crois que c'est mort... J'ai rien trouvé...

- Moi non plus... C'est pas normal. Ma technique marche tout le temps d'habitude, dans les livres, pourtant. La gamine se fendit enfin d'un sourire triomphale. Ah mais non ! Elle se tassa, craintive, les yeux rivés vers la porte. Rusard rôdait. Je sais. Ce qu'il y a à trouver n'est pas encore là, c'est tout, conclut-elle plus bas un regard entendu vers Page.
C'était évident.

Eskarina faisait référence à tout ce qu'il pouvait se passer dans une pièce vide et normalement déserte dans un château aux couloirs, aux salles communes et même aux toilettes, surfréquentés.
A l'évidence, comme cela était évident, elle n'avait pas senti le besoin de le préciser, se contentant d'élargir son sourire envers Page et de hôcher la tête victorieusement en attendant que la préfète partage la saveur de cette première victoire avec elle.