En ce milieu de soirée, Samaël s’était délassé un long moment dans la salle de bain, profitant des baignoires pour une fois libres et vides d’intrus. Quelques bulles de bains, une bonne odeur de savon qui lui rappelait très fortement celle du pin, parfum qui le grisait, tout cela l’avait occupé une bonne demi-heure, avant qu’il ne se rende compte que l’heure tournait, et qu’il aurait été sage qu’il se soit déjà retrouvé dans son dortoir. Il était alors sorti paisiblement de la salle d’eau, habillé d’un jean et d’un simple tee-shirt sombre. La malchance avait voulu que, très maladroitement, il fasse tomber dans la baignoire presque vide une de ses chaussures qui dégoulinait maintenant d’eau et de savon. Ce fut donc en chaussette que le Vert et Argent rentrait aux cachots, trainant derrière lui soulier d’où s’échappait des gouttes d’eau qui traçait à sa suite une fine lignée humide sur les dalles noires du château.

Que faisait-il au septième étage, alors, me diriez-vous ? Et bien Samaël avait tout simplement découvert peu de temps auparavant une salle très spéciale, regorgeant bien plus de magie qu’il n’en avait jamais imaginé, et, de crainte qu’elle ne s’enfuit entre temps, il s’était décidé à vérifier qu’elle était toujours à sa place. Aux vues de ses capacités, il n’était pas à exclure qu’elle puisse aussi changer de place, ce qu’il ne l’arrangerait pas. En effet, il avait besoin de cette salle, en avait parlé à d’autre camarades de son dortoir, et ne pouvait revenir vers eux, la mine déconfite, leur annoncer qu’elle avait tout bonnement disparue. Ce fut donc avec un certain empressement qu’il grimpa quatre à quatre en chaussettes les marches qui l’amèneraient au septième étage.

Il courut silencieusement jusqu’à la porte, qu’il vit avec soulagement, et posa sa main sur la poignée. Il hésita un instant, se demandant si quelqu’un était à l’intérieur, puis la curiosité, trop forte et trop tentante, le poussa à exercer une pression sur le panneau de bois, et entrouvrit la porte pour se glisser silencieusement dans l’ouverture. Il découvrit alors un décor impressionnant par son exotisme et son contraste face au couloir austère qu’il venait de quitter. Un décor coloré et cérémonieux qui laissa le garçon bouche bée. Ce n’était vraiment pas ce à quoi il s’attendait ; la dernière fois cette pièce avait été une large piscine dotée d’un plongeoir qui lui avait valut un défi qu’il avait malheureusement perdu. Il lui vint à l’idée de changer lui-même la pièce par la force de son imagination, persuadé d’être seul, pour s’assurer que la pièce marchait toujours, lorsqu’il remarqua une silhouette fine.

De longs cheveux noirs détaché, un sari, dans ce décor… Il ne fallut que peu de temps au Vert et Argent pour comprendre à qui il avait affaire. Samaël se rappelait bien de leur rencontre, lors de sa première année, dans ses tous débuts à Poudlard, dans la forêt interdite, et gardait un bon souvenir de ce moment. Il n’avait entre temps qu’entre-aperçut la jeune fille qui était à Serdaigle, et, étant son aînée d’un an, il ne pouvait la retrouver dans des cours commun. Le garçon émit un petit sifflotement joyeux pour lui faire remarquer sa présence, avant de saluer la jeune fille.

« Bonsoir Ambre. »

D’un geste du bras, il embrassa la pièce avant d’ajouter un commentaire.

« C’est décors d’un bel exotisme. »

Il n’avait en effet jamais rien vu de tel, et aurait été bien incapable de l’imaginer. De nombreuses statues qui représentaient des dieux qui lui étaient inconnus poussaient un peu partout dans la pièce, et Samaël caressa un instant le marbre lisse d’un de ces monuments miniatures. Tout respirait ici le calme, l’apaisement, la piété et la religion. Samaël avait depuis longtemps rejeté la religion, elle n’était pour lui que ces souvenirs d’enfance qu’il avait voulut oublier, et se sentait terriblement mal à l’aise dans cet environnement. Une grimace furtive durcit un instant ses traits, alors que son visage affichait désormais un air impassible.

« Surprenante salle, n’est-ce pas ? »Dit-il, pour couvrir ce silence respectueux qui le gênait tant. « Tu es croyante ? »

Sa question était sans doute idiote, et ce n’était pas par jeu qu’Ambre avait fait apparaitre cette atmosphère de prière et de sainteté. Pourtant, il avait besoin de parler, de briser ce calme qu’il était loin de ressentir.

Le garçon était entré sans frapper, et avait découvert à son très grand étonnement une pièce exotique représentant un temple correspondant certainement à la religion de la demoiselle présente, Ambre. Samaël l’avait rencontré lors de sa première année à Poudlard, aiglonne de troisième année maintenant, dont la particularité était de devoir écrire sur un calepin ce qu’elle ne pouvait prononcer. Ce mutisme n’avait pas déplut au Vert et Argent qui avait apprécié le calme dont la fillette était capable, lui qui, intérieurement, bouillonnait toujours de diverses émotions. Son visage pourtant paraissait une fois de plus calme, presque indifférent, tandis qu’il était en vérité heureux de rencontrer la demoiselle.

Alors qu’il lui faisait remarquer sa présence, celle-ci lui répondit par un salut courtois que le garçon avait oublié. Trop de temps s’était passé depuis lui dernière et unique rencontre pour qu’il se souvienne de toutes les particularités de ce pays qui lui semblait si lointain et si différent. Ce qu’il en savait, c’était Ambre qui le lui avait apprit, et sans doute ne saurait plus voir une partie de cette contrée autrement que par les yeux de l’Aiglonne. Encore une fois, c’était ses souvenirs, ses souhaits qu’il pouvait découvrir dans cette salle si étrange, et en prenant conscience, il eut soudain l’impression d’être particulièrement sans gène, et recula d’un pas, s’apprêtant déjà à sortir.

Cependant, il ne pouvait partir ainsi, sans explications, et ne savaient pas comment les aborder. Il commenta alors vaguement la salle, avec un fin sourire factice, trop mal à l’aise dans ce lieu débordant de sérénité où il ne sentait pas à sa place. Il lui demanda alors si elle était croyante, question qui n’avait d’autre utilité que de briser le silence, puisque le décor parlait de lui-même. Samaël était impressionné par toutes ces statuettes aux yeux luisants qui semblaient pouvoir juger d’un regard la vie d’un homme. Un vague instant, il se demanda ce qu’ils en penseraient, s’ils lisaient la sienne, avant de secouer la tête pour chasser violement cette idée. C’était précisément pour éviter ce genre de tourment qu’il avait laissé tombé toute religion.

La jeune fille fit alors quelque chose d’étrange, elle s’approcha de lui avec une pate jaune, rouge et blanche. Le Vert et Argent estima qu’elle allait lui raconter ce à quoi pouvait servir ces substances, mais Ambre se contenta de lui apposer une trace jaune et rouge, faisant ainsi de même sur elle. Son front ainsi marqué, Samaël retint avec peine le mouvement de recul qu’il avait amorcé alors que les doigts de la fillette l’avaient effleuré. Les gestes de la jeune fille n’avaient rien d’hostiles, au contraire, mais Samaël se demandait ce que cela pouvait bien signifier. Une demande de conversion ou un simple accueil chaleureux ?

Il eut cependant la réponse rapidement, alors qu’Ambre reprenait son petit calepin et inscrivait son message qu’il lut ensuite. Elle lui adressa la bienvenue chez elle, avant de commenter à son tour cette salle d’impressionnante, ce à quoi il hocha la tête dans un signe d’acquiescement. Impressionnante c’était le moins que l’on puisse dire… Le jeune Serpent frôla de son index les deux taches rouge et jaune qui ornaient son front, avant de regarder à nouveau autour de lui. Toutes ces couleurs, tous ces parfums, c’était tout à fait ce qu’il avait cru comprendre de ce pays à travers films et livres ; à travers Ambre aussi.

« Je ne voulais pas te déranger. »Commença-t-il doucement. « Je peux te laisser si tu souhaite te recueillir. »
Il esquissa un fin sourire, pour lui faire comprendre que cela ne le blesserait pas qu’elle souhaite qu’il la laisse seul.

« Ce en quoi je ne te serais d’aucune utilité ! »Ajouta-t-il, avec un air ironique.

Mais Samaël était incapable de lui expliquer son malaise, se refusait d’en parler ouvertement. Trop de temps était passé depuis leur dernière discussion et s’il n’éprouvait aucune méfiance envers la fillette, il n’y avait pas entre eux cette habitude de discussion qui lui aurait permis une plus grande liberté, une plus grande désinvolture. Le Vert et Argent se contenta alors d’attendre le verdict de la jeune fille, alors que ses doigts se promenaient légèrement sur les fils des tapis colorés.

Ambre le regardait, également ravie de retrouver le jeune homme qui l’avait tant marquée lors d’une escapade plutôt humide dans la forêt interdite. Elle avait été honorée de pouvoir lui montrer ce qu’elle lui avait montré. Mais ce qui avait le plus surpris la petite aiglonne, c’était plutôt cette confiance aveugle qu’ils avaient rapidement placé l’un en l’autre. Oh, rien de réellement concret, mais, certainement rassurée par la méfiance de Samaël, ne l’avait curieusement pas vu comme une menace. Et pourtant, celui-ci avait ce qu’il fallait pour effrayer.

A cet instant très précis, la petite Indienne ne se doutait pas qu’il fut heureux de la revoir. A vrai dire, elle ne s’en souciait pas, aveuglée par son propre plaisir. Cependant, elle n’était pas totalement aveuglée, et elle avait, avant d’effectuer sa petite cérémonie, vu le pas en arrière esquissé par son camarade, mais elle n’avait pas réagi tout de suite, pour la bonne et simple raison qu’elle n’avait pas cherché à l’interpréter. En revanche, une chose très précise ne lui échappa pas, et elle la comprit immédiatement. Cette chose, c’était le regard étrange que Samaël jetait précisément aux yeux des idoles.

En effet, elle n’eut aucun mal à saisir ce que signifiait ce regard, car lorsqu’elle était toute petite, sa première visite dans un temple reste un morceau d’anthologie… Elle à eu peur d’une des idoles, représentant un dieu à tête d’éléphant, communément connu en tant que Ganesh… La petite avait aussi senti ce regard inquisiteur braqué sur elle, d’autant plus qu’elle venait de faire une énorme bêtise… Un sourire amusé avait alors éclairé son visage. Elle se doutait que cette « répulsion » de la part de Samaël tenait de toutes autres sources.

La petite Aiglonne avait également ressentit ce très léger frissonnement de la part de son camarade, lorsqu’elle avait approché ses doigts du front du garçonnet. Elle semblait avoir oublié qu’il était méfiant à son égard. Et la petite ne pouvait pas lui en vouloir, en effet, ce geste pouvait être interprêté de multiples manières, et cela, la petite Indienne sembla l’avoir oublié. Une fois son petit rituel de bienvenue effectué, elle se mordit la lèvre, observant en coin la réaction du garçon, guettant le moindre frémissement… Il n’avait pas fallu longtemps à la petite pour comprendre que si elle voulait déchiffrer les signaux envoyés par Samaël, elle se devait de ne pas les manquer, parce qu’ils ne paraissaient qu’une seule fois. La petite se détendit lorsque lui même parut rassuré en lisant sa note.

« Je ne voulais pas te déranger, je peux te laisser si tu souhaite te recueillir. »

Ce ne fut pas tant le ton adorable que le Vert et Argent qui réchauffa la petite Indienne, mais plutôt cette esquisse de sourire, à laquelle elle répondit chaleureusement.

« Ce en quoi je ne te serais d’aucune utilité ! »

La petite aiglonne ressentait clairement le malaise derrière l’ironie, mais elle ne chercha pas à le décrypter. Après tout, c’était son monde à lui, et elle n’avait strictement rien à y faire. Cependant, elle décida de changer l’atmosphère en se contentant de secouer la tête, trop heureuse de le voir dans son monde pour le laisser s’échapper si facilement, pour signifier qu’au contraire elle était ravie de le voir ici. Puis, l’invitant à la suivre, elle s’approcha de l’autre porte, le cœur battant. La main sur la poignée, elle ferma les yeux, priant silencieusement pour que derrière se trouve ce qu’elle espérait trouver.

Puis, elle ouvrit les yeux, et fit basculer la poignée. La porte s’ouvrit, donnant sur une véranda toute simple, bordée d’un petit muret blanc, et de laquelle partaient trois petites marches donnant sur un petit parc largement ensoleillé, contrastant avec le temps plutôt maussade de l’Angleterre à cette période.
Les quantités incroyables d’espèces de plantes exotiques parsemaient le petit parc de touches multicolores, le faisant ressembler à un tableau d’aquarelles. Un parfum étrange flottait, étrange car composé du mélange subtil de toutes les senteurs de ce qui les entouraient.

La fillette se retourna alors, histoire de savoir si il l’avait accompagnée, ou s’il était resté dehors, un sourire enchanté sur les lèvres : la salle semblait avoir représenté toute l’Ashram, dans laquelle elle avait passé le plus clair de sa jeunesse.


[HJ: Pardonnes si incorrections il y a.... mais prise d'insomnie soudaine, je n'ai pas dormi depuis 4jours et 3 nuits.... et je suis en bonne voie pour terminer la 4ème nuit, et attaquer le 5ème jour...
Si on ajoute ça aux 5heures quotidiennes depuis mercredi de concours blanc, ça fait un cocktail détonnant! :-/ ]