Cela faisait un certain temps qu'Ambre n'était pas sortie, et ses joues avaient perdu leurs jolie couleur pain d'épice. Elle avait les traits tirés, et sur ses pommettes, on pouvait deviner les traces de larmes séchées. Ses yeux rouges et fatigués n'amélioraient en rien son aspect actuel. Elle avait énormément maigri, à cause de son régime végétarien, tout d'abord, mais aussi à cause du fait qu'elle ne descendait manger que rarement, et seulement lorsqu'il n'y avait plus personne, c'est à dire le soir, tard. Les elfes étaient habitués à ses visites, et connaissaient la frêle silhouette tremblotante qui, enveloppée dans un saree blanc, venait grignoter quelque chose, histoire de ne pas mourir de faim.
Cela faisait un sacré moment, à présent qu'elle portait ces vêtements blancs. Ses professeurs lui avaient souvent reproché le fait qu'elle ne mette pas sa tenue de sorcière, mais elle leur avait expliqué la raison, et ils avaient compris. La lettre funeste recue quelques mois plus tôt, obligeait la fillette à porter du blanc, rien que du blanc, pendant une période donnée, et de s'isoler le plus possible. Si en un sens cette lettre l'avait libérée d'un grand poid, elle savait qu'elle était une malédiction pour sa famille, famille déjà profondément meurtrie par les lourdes pertes déjà vécues... Mais la lettre semblait alors marquer la famille Nocis à l'encre rouge sang. C'était son grand frêre, celui-là même qui avait pris sa fratrie en main lors de la disparition de leurs parents, qui avait rédigé la lettre, et au travers des mots utilisés, la fillette pouvait ressentir toute la détresse de ses proches.
Ambre poussa donc avec grande peine la porte du hall, elle ferma alors les yeux, humant l'air avec une pointe de délice. Ce sentiment agréable fut pourtant de courte durée, rapidement remplacé par une pointe de culpabilité. Dans son esprit, elle n'était pas autorisée à se sentir bien pour l'instant. Elle avait grandement besoin de ses amis, mais elle n'était pas du genre à aller s'imposer, aussi, cela faisait un certain temps qu'elle errait, seule, le soir, dans le parc ou la forêt, histoire de s'aérer un minimum... Mais les rayons de la lune ne remplaceraient pas ceux du soleil.
Il faisait frais, et la fillette frisonna violemment, mais elle ne s'en soucia pas, habituée à ce genre de réactions-là, liées à la différence de climat entre ce pays, et le sien. Lorsqu'elle leva ses pupilles éteintes et empreintes d'une tristesse infinie et troublante vers le ciel, elle vit sans réellement le voir, que le ciel était complètement dégagé, mais pourtant, il n'y avait pas d'étoiles. A croire qu'elles avaient définitivement déserté la vie d'Ambre.
La petite aiglonne descendit les marches, et se dirigea droit sur le lac, toujours aussi gracieuse et silencieuse. Puis, elle s'assit sur une souche sèche, avant de s'allonger, sans remarquer la silhouette accroupie au pied d'un arbre, et de fermer les yeux. Mais les larmes ne tardèrent pas à se remettre à couler sous ses paupières closes, aussi silencieuses que la fillette...