Devant les regards effarés des élèves qui se décomposaient littéralement sur place, le professeur ne put ressentir qu’une profonde satisfaction. Même si celle-ci était en partie due à son sadisme qui semblait en bonne voie pour entrer dans les annales de Poudlard, le professeur était motivé par d’autres raisons. Les trois étudiants en face de lui sauraient enfin ce que combattre voulait dire. Leurs nerfs allaient être mis à rude épreuve.

En effet, pour Mc Carter, un simple combat contre trois élèves même pas en âge de maîtriser le charme du bouclier était d’une simplicité enfantine. Lui, rompu au duel, pratiquant le noble art tant dans son travail que dans ses moments perdus depuis près d’une quarantaine d’années, l’issue ne laissait place à aucun doute. Toutefois, il ne pourrait pas utiliser le large panel de sorts offensifs qu’il comptait dans ses cordes et qui seraient jugés potentiellement inadaptés voire dangereux par la direction. De plus, l’objectif étant de les entraîner, il ne serait pas très avisé de tous les stupéfixer d’un coup, action très peu enrichissante d'un point de vue pédagogique. Et puis, Mc Carter se faisait un tel plaisir de jouer avec la nourriture…

Mais que l’on ne s’y trompe pas ; cela n’était pas dénué de tout sens des responsabilités et de toute raison. Les élèves verraient leur progression multipliée par deux dans ce duel et auraient l’occasion de faire face à des maléfices nettement différents de ceux auxquels ils étaient habitués. Aussi, lorsqu’ils prirent position avec les regards d’une troupe de condamnés à mort, il attendit, frémissant, leurs sorts.

Sachant qu’ils attaqueraient ensemble et qu’ils avaient une excellente cohésion entre eux, le professeur s’attendait à ce qu’ils frappent de manière presque concomitante. Il misait sur sa rapidité pour parer les sorts des trois en trouvant le moyen de répliquer. Comme tout était une question de réflexe, il en était arrivé au stade du cerveau automatique. Il réagissait sans presque analyser la situation, ce qui n’était pas le cas des étudiants.

La tension entre lui et les trois jeunes duellistes fut perceptible un infime instant, avant que le jeune Russe ne s’écrie « cracbadaboum ! », suivi de très près par l’aiglonne qui lui envoya un sortilège « tarantallegra » et que le Gryffondor ne fonce dans le tas avec un sort de ligotage.

D’abord surpris par la manœuvre du serpentard, le professeur comprit lorsqu’il vit les flocons voler en tous sens. La menace venant avant tout des sorts des deux autres, il attendit la dernière seconde avant d’opérer la savante manœuvre du « pas de côté ». Cette manœuvre consistant donc à faire un écart pour éviter le sort reçu (des années de travail !). Simultanément, il récupéra d’un sortilège les cordes envoyées par le Gryffondor et les renvoya, en les faisant s’animer, dans la seconde en direction du groupe, vers leurs jambes, tentant par là de les faire trébucher ou s’entortiller dans un piège. Si parfaite que soit sa parade, en s’écartant, plus brutalement qu’il ne l’aurait cru, de la direction du sort de la Serdaigle, il manqua de déraper dans la neige et ne dut son salut qu’à ses vieilles bottes qu’il portait à l’aventure depuis toujours et qu’il n’avait pas enlevées depuis lors qu’il enseignait. Vacillant, il réussit à rétablir son équilibre au prix d’un exercice acrobatique dont il aurait bien souhaité se passer.

Enfin rétabli, les flocons dispersés, le sortilège de valse échoué sur un buisson et les cordes renvoyées en direction des trois élèves, il se prépara à parer la seconde attaque, regrettant que son dérapage l’ait empêché d’envoyer une autre salve. Mais, promis, il se rattraperait par après…

Le professeur avait prévu de l’emporter face aux élèves, mais il ne s’attendait pas à ce que ce soit avec une facilité aussi déconcertante. Après avoir eu la chance de l’attaquer et de le mettre en difficulté, chose qu’ils avaient presque réussi à faire, les élèves devaient endurer la suite du duel, dans lequel le professeur allait se livrer à un véritable jeu du chat et de la souris ; le professeur s’attribuant naturellement le rôle du chat. Après tout, le but n’était-il pas de leur montrer ce qu’ils risquaient si, pour une raison quelconque, ils se trouvaient confrontés à un adulte au combat. Son talent de duelliste supérieur à de nombreux sorciers était contrebalancé par le fait qu’ils luttaient à trois.

Comme il s’y attendait, les élèves répliquèrent par des sorts nettement plus classiques, ce qui lui laissait l’occasion de riposter allègrement et sans trop de danger. Le plus grand désavantage des jeunes élèves restait leur faible panel de sorts et l’impossibilité d’utiliser la métamorphose. Lorsque Mc Carter vit les deux jets de lumière se précipiter vers lui, il envoya presque simultanément sur chacun d’eux un rayon lumineux, le premier télescopant le sortilège de pétrification qui alla s’écraser contre un hêtre tout proche, le second déviant le sort de désarmement de sorte qu’il retournât en direction des élèves.

La manœuvre n’avait pris qu’un instant. Le professeur fit ensuite un mouvement circulaire sec dirigé vers les élèves et un éclair bleuté jaillit de sa baguette pour fuser vers les trois jeunes. Il commençait à s’amuser ; le début de la peine débutait aussi pour ses adversaires. Il leur avait envoyé un maléfice encore gentil dont l’effet n’était autre que de propulser celui qui était visé à une distance raisonnable, c’est-à-dire cinq mètres environ, la plupart du temps par un magnifique vol plané. Le but n’était pas de les mettre hors d’état, sans quoi le duel ne saurait pas se poursuivre.

Pour ajouter à son plaisir, il éprouvait une joie luciférienne intense en leur envoyant des sorts informulés qui tenaient les élèves sous l'angoisse de découvrir par quoi ils seraient attaqués. Il comptait bien employer au maximum le sorts qu'il connaissait, même s'il se doutait bien qu'un seul duel serait trop peu pour tous les utiliser. A son actif, il avait même inventé un sortilège dans son jeune temps.

Estimant que rajouter une couche serait vraiment faire montre d’un sadisme dépassant les bornes, le professeur n’en rajouta pas, d’autant plus qu’il n’avait plus le temps. En dépit de sa vitesse, enchaîner trois sorts à la suite prenait du temps et le professeur ne jetait tout de même pas des sorts plus vite que son ombre. Un sourire sardonique fendant son visage, il regarda les trois élèves se débrouiller avec les contre-attaques, ne négligeant pas de se tenir prêt ; il se serait couvert de ridicule s’il se laissait battre.

Lorsque le professeur vit son maléfice être habilement paré par le Gryffondor, il salua mentalement l’ingéniosité des trois enfants qui arrivaient à maintenir une certaine protection entre eux et à chercher à le frapper. Toutefois, l’assaut suivant arrivait. Presque simultanément, les deux élèves lancèrent leurs sorts. Tandis qu’un sortilège de conjonctivite lui fonçait dessus, un imposant bonhomme de neige fut amené juste au-dessus de lui. Se préparant à renvoyer la balle à l'envoyeur, le professeur hésita à parer, n’arrivant pas à déterminer le danger le plus urgent, et ce fut cela qui le perdit…

En effet, peu habitué à ce qu’on lui renverse un quintal de neige et une carotte glacée sur la tête, il entreprit de se débarrasser de cette menace en premier. Il fit un grand mouvement rapide avec sa baguette et envoya la pesante réalisation d’hiver s’écraser contre un arbre, non loin de trois enfants, projetant de la neige glacée tout autour, comme précédemment avec les flocons du Serpentard. Cependant, alors qu’il venait de faire cela, il sentit ses yeux s’enflammer et s’embuer, brouillant sa vision. Il avait cru être le plus rapide et voilà qu’il était frappé par un sort. Grognant de douleur, car ce sortilège était peu agréable, il dirigea sa baguette en direction approximative des élèves, et fit jaillir une sorte d’onde mauve énorme de son arme qui fonça en direction des trois jeunes. Puisqu’il ne savait plus viser, il allait employer les grands moyens. Vu son large rayon d’action, ce sort ne serait pas paré par quelques oiseaux. Et vu sa puissance, il détruirait les simples obstacles qui se dresseraient sur sa route.

Déjà l’onde, continuant sa course vers les adversaires, frappait une branche d’arbre qui se fendit en plusieurs morceaux dont certains exposèrent même. Ils ne pouvaient fuir, leurs chances d’échapper tous à la vague étaient quasi-nulles. Le professeur pourrait éprouver la joie sans bornes d’en voir valser un à distance en tourbillonnant dans les airs. Car, oui, il ne s’agissait à nouveau que de faire expulser les adversaires à distances, exceptés que ceux-ci devaient faire face à un sort à large rayon d’action et qu’ils voltigeraient dans les airs un peu plus, se retrouvant à moitié groggy à l’atterrissage.

Le professeur, cependant, ne pouvait leur envoyer une autre salve, ses yeux l’irritaient trop. Pointant sa baguette sur ses globes oculaires, il murmura quelques mots et une douce lumière apaisante fusa vers ses yeux, atténuant leur rougeur et mettant fin à la conjonctivite. Il continuait toutefois à voir un peu brouillé et à ressentir une faible douleur permanente dans sa tête. Une fois le duel fini, il s'occuperait de régler le problème correctement à l'aide d'une potion.

Pointant à nouveau sa baguette en direction des trois élèves, il regarda les effets de son sort sur ceux-ci et restant bien prêt à riposter. Au moins un d’entre eux serait immanquablement touché et, alors, il serait satisfait. Après tout, le proverbe convenait parfaitement dans ce cas-ci : œil pour œil, dent pour dent.

Alors qu’il mettait sa main devant ses yeux pour éviter les gerbes de neige glacée qui partaient dans tous les sens après l’explosion du malheureux bonhomme de neige, Nikolaï entendit le grognement de douleur qui lui confirma que son sort avait réussi. Une fierté teintée d’un minimum de remords d’avoir blessé son prof s’empara alors de lui. Il avait touché l’insaisissable McCarter, le prof de Duels Auror ! Bien évidemment, ce n’était que grâce à l’aide de ses deux amis mais ça n’enlevait rien à l’exploit. A eux trois, ils l’avaient fait, ils avaient atteint le prof et dans les règles de l’art qui plus est. Il aurait bien voulu exprimer sa joie et féliciter Akiko et Sandro mais il n’en eut pas l’occasion car McCarter était loin d’être hors-jeu et le sort qu’il leur renvoya se présentait comme fort dangereux.

En effet, tout végétal ou animal qu’il frappait se retrouvait en pièces, ce qui était loin d’être rassurant. De plus son rayon d’action le rendait absolument impossible à éviter. Le Russe chercha donc désespérément quelque chose avec quoi se protéger. Mais rien ne semblait suffisamment puissant pour supporter la déflagration sans se désintégrer, ce qui s’annonçait très mal du point de vue de l’adolescent. Il repassa alors dans sa tête tous les sorts qu’il maîtrisait en priant pour que l’un d’entre eux puisse stopper la vague violacée qui se dirigeait droit vers eux mais il dut se rendre à l’évidence : rien ne lui venait à l’esprit. Il se prépara donc à l’impact et fut surpris d’être soulevé du sol lorsque le sort le frappa de plein fouet. Il s’était attendu à un sort d’attaque vu l’effet sur les oiseaux de Sandro, pas à un sort d’expulsion pourtant c’était bien ce qui était en train de lui arriver : il avait voltigé de plusieurs mètres en arrière. Un regard derrière lui apprit en outre qu’il était sur le point de s’écraser contre un arbuste. Paniqué à l’idée de la douleur qu’il risquait de ressentir, il lança un sortilège de réduction sur l’arbuste qui prit effet une seconde avant qu’il ne se vautre dessus. Ce qui fit qu’il s’érafla passablement le bras sur l’arbuste désormais nain mais à part ça la neige autour de lui amortit sa chute. Quelques gouttes de sang vinrent tacher le blanc immaculé du paysage mais un rapide coup d’œil le rassura sur l’état de son bras : ce n’était que très superficiel. Par contre, il se sentait néanmoins épuisé au possible. Il chercha donc des yeux Sandro et Akiko pour voir s’ils s’en étaient mieux sortis que lui ou non. Parce que si la réponse était non, il était personnellement plutôt pour la proposition d’une trêve. Ils avaient réussi à toucher le prof au moins une fois, l’honneur était sauf, pas la peine de s’acharner alors qu’ils étaient à bout de souffle et à court d’idées. En tout cas, c’était le cas pour lui, après ce qu’il en était pour les deux autres, il n’avait aucun moyen de le savoir. Il espérait néanmoins qu’ils étaient sur la même longueur d’onde parce que, sincèrement, il n’allait pas tenir encore très longtemps à ce rythme-là.