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 Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]
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  • Pénombre Craft
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MessageSujet: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyMar 23 Fév - 20:32:22

[C'était pas la folle inspi, désolée, mais je me rattraperais par la suite, promis ]


Sur la peau blafarde, le bout ganté de ses doigts cherchaient l’endroit qui la faisait souffrir. L’armure de cuir et de pièces métalliques allégées, ouverte sur une tunique claire rendue collante par la sueur et l’effort gênait leur lente progression sur ses côtes. La douleur était à peine supportable et Pénombre grimaçait par instant sous sa propre inspection. Le coup avait été violent, brutal et son angle d’attaque sournois n’avait pardonné l’audace avec laquelle la batteuse avait expérimenté d’autres équilibres de vol. Car ce n’était pas vraiment la triade mythique entrainement-maitrise-réussite qui avait attiré la belle sur l’espace désert du terrain de Quidditch en ces heures matinales, aux aurores d’un samedi glacial, mais plutôt une fascination obstinée pour l’inventivité technique de ses ainés et son dangereux penchant personnel pour l’expérimentation. La structure des formations sportives allemandes par exemple, d’une grande souplesse, permettait d’insérer nombres de feintes et de parades dans les menées, des plus banales aux plus originales, et de créer des conformations de jeu à l’infini, évitant ainsi les fastidieuses circonlocutions dont les élaborations anglaises pullulaient. Comme dans la langue allemande, le verbe projeté à la fin de la phrase imposait un continuel effort d’attention à ses adversaires pour en capter le sens. Qu’ils tendent l’oreille, qu’ils plongent dans ses labyrinthiques constructions à tiroir, ils ne saisiront que trop tard la mélodie gutturale qui les jettera immanquablement jusque dans la défaite. Preuves en étaient que depuis le début de la saison sportive internationale, les équipes de Quidditch de l’Est mettaient bien à mal les clubs professionnels anglais par leur nouveau savoir-faire, aussi efficace que révolutionnaire. Les Busards de Heidelberg avaient ainsi littéralement écrasé les Marteaux de Haileybury le mois dernier et leur récente rencontre avec les Tueurs-de-géants de Gimbi à Noel, les avaient enfin hissés en grand favori de la presse sorcière sportive. Cette attitude volontaire est gagnante, l’Allemagne l’avait développée depuis les origines de son existence dans la Ligue de Quidditch des Champions, dans le but de se forger un levier contre l’importation de joueurs étrangers dans ses rangs, palliant ainsi depuis des dizaines d’années son manque de ressources naturelles en matière de joueurs d’envergure. Mais pour la première fois de son histoire, en couplant une maitrise technique renouvelée avec une philosophie aussi spécifique qu’inédite, elle avait littéralement inventée le design conquérant d’une unité sportive incroyable.

Durant les vacances d’hiver qu’elle avait passé seule, à l’étranger, Pénombre était restée fasciner dans les gradins des supporters anglais, soufflée par l’ingéniosité maligne avec laquelle les allemands avaient disputé, mené et vaincu le meilleur match de Quidditch qu’il lui avait été donné de voir depuis bien longtemps. Et la batteuse n’avait cessé, dès lors, de tenter de s’approprier ce qu’elle avait avidement observé et décortiqué. Hélas, on ne pouvait réanimer une telle œuvre d’art stratégique sans prendre des risques, à la mesure de la prétention de l’exercice. Car la partition précise de leurs complexes manœuvres englobait bien davantage que ce qui lui était visible sur la portée et si elle l’avait toujours su, elle l’expérimentait de nouveau ce matin là. D’une assez douloureuse façon.

Le bruit mat de ses protections au sol ne connut que le vague écho d’un heurt miroir dans les tribunes abandonnées aux périphéries du terrain d’entrainement. La dorsale de cuir renforcée aux fibres de carbone, emportée par l’élan s’échoua contre le manche sombre de son balai de Quidditch, rebondissant sans force en biais, jusqu’à la masse dévastée d’un cognard. Alentour, plusieurs de ses frères avaient connu le même sort cruel et gisaient, béants, le cœur défait, déstructuré, comme autant de cadavres magiquement mutilés dans un cimetière à ciel ouvert. Sa fureur quelque peu apaisée, la Septième année avait entreprit de prendre conscience de l’ampleur des dégâts et s’était rapidement posé aux pieds des anneaux de buts, à l’ombre de leur immenses piliers de soutiens. La côte était cassée. A deux, non, à un seul endroit. Contemplant cette vestigieuse orgie de violences et de destruction en constatant le fait, la Serpentarde soupira. Cette fois-ci, elle ne pourrait couper au détour forcé dans l’antre aseptisée de Madame Pomfresh et elle entendait déjà ses sermons insipides et rébarbatifs lui marteler le crâne avec tyrannie. Il faudrait penser à redoubler de flatteries envers le Professeur Slughorn si elle voulait enfin pouvoir réussir sa potion de reconstruction osseuse. Autrement, la fielleuse infirmière finirait fatalement par cafter aux hautes instances impitoyables, la réalité régulière avec laquelle Pénombre s’auto-blessait à l’entrainement. Pourrie gâtée de pouvoirs et de privilèges par les maitres du Château, il ne serait guère de bonnes augures pour la Préfète en Chef, de souiller son profil sans tâche de la sorte.

Une soudaine bourrasque d’un vent glacial se leva, emportant dans sa violence éclair les dernières résistances de l’attache métallique de sa cape, qui tomba au sol dans un tintement faible et étouffé. Longue langue noire de coton doublé frappée de l’écusson des Serpentard, le par-dessus plana un instant au dessus de la pelouse rase, avant de s’arquer par-dessus les tribunes basses du lieu. Là où il rencontra un obstacle particulier qui interrompit sa tourmente aérienne...


Dernière édition par Pénombre Craft le Lun 15 Mar - 22:35:15, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyMer 24 Fév - 14:43:09

Le soleil n'était plus qu'une pâle boule blanchâtre, dont les rayons maladifs peinaient à réchauffer cette triste journée de février. Le vent agressif, tournoyait en sifflant et en gémissant autour des gradins déserts. Jamais le stade n'avait paru aussi sombre à Keith. Ici une bannière effilochée se balançait tristement au grès des rafales, là c'était un chapeau rouge de supporter malmené par les éléments qui errait comme une âme en peine privée du repos éternel.
Sans les cris de joies, les cornes de brumes et les tenues colorées les tribunes se transformaient en gigantesques colosses immobiles agenouillés dans un morne silence. Véritables géants de bois et de tissu ils semblaient méditer sur la futilité de l'existence et leurs voix mélancoliques se mêlaient aux plaintes lancinantes de la bise. Perdu dans l'ombre au pied d'un de ces monstre endormi, Keith frissonnait dans sa robe de sorcier.

Que faisait il là, drapé dans son orgueilleuse solitude ? Il était parfaitement immobile, sa main avait arrêté sa course, et son stylo reposait inerte sur une page blanche de son carnet-souvenir. De loin on aurait pu prendre pour une de ces statues de marbres qui veillent sur les frontons des cathédrales. Son visage avait la fixité du roc, et c'est à peine si son souffle faisait se soulever sa poitrine. Il semblait figé pour l'éternité, triste fantôme d'un autre âge attaché au lieu qui l'a vu mourir.

Mais il était loin d'avoir quitté ce monde. Au contraire jamais ses sens n'avaient été aussi éveillés. Il percevait ce qui l'entourait avec une netteté surréaliste. Chaque détail faisait frissonner jusqu'à la plus légère corde de sa sensibilité créatrice et artistique. Lorsqu'on se sait condamné à long terme, l'univers se met à résonner différemment à vos oreilles. Les craquements des tribunes, les claquements des bannières, les jeux d'ombres sur les tours du château dans le lointain, le moutonnement d'un ciel d'acier rien n'échappait à l'acuité de son esprit avide de ne rien laisser perdre.
Derrière le bleu de ses yeux, il était en train de brosser un tableau imaginaire d'un réalisme saisissant. Il devait mémoriser chaque détails de la scène s'il voulait pouvoir capturer l'essence de l'instant. Lentement, très lentement pièces après pièces le puzzle de sa toile prenait forme. Il le savait une fois achevée, elle rejoindrait le panthéon de ses meilleurs souvenirs. Tout était là pour mettre en valeur l'élément central de son œuvre.

C'était pour Pénombre qu'il patientait invisible noyé dans les ombres. Voilà plus d'une heure qu'il la regardait évoluer entre ciel et terre ; sombre ange apocalyptique lancé à l'assaut d'une armée de cognards qu'elle démembrait avec une rigueur de métronome infernal.
Il adorait sa cousine plus qu'elle n'aurait pu se l'imaginer, et la perspective de l'oublier lui était insupportable. Comme un explorateur qui fait des provisions avant de traverser de le désert, il cherchait à se gorger de souvenirs pour que son sombre visage soit le dernier à s'effacer emporté par cette tragédie qui le dévorait de l'intérieur. Parfois les mots lui semblaient bien impropres à retranscrire les élans de tendresse brulante qu'il pouvait avoir pour elle. Pâles substituts que ce stylo et ces petits carnets face à la beauté de la réalité et de la mémoire. Néanmoins malgré l'impossibilité de la tâche, il s'accrochait au frêle espoir de créer un souvenir plus dur que le marbre, qui franchirait les phases de son amnésie comme les temples greques traversaient les âges de l'humanité.

La grisaille de l'hiver ne faisait que mieux ressortir le vert de sa cape, et le noir de sa tenue. Le halètement de son souffle court et le fracas de sa batte, résonnaient différemment dans le désert du stade abandonné. Même le vent glacial qui faisait rougir ses joues et voler sa chevelure d'ébène apportait ses notes à cette ode si particulière composée à la gloire de sa chère cousine. Elle irradiait d'une violence et d'une rage à peine contenues ; cette même violence qui avait conduit son père à noyer sa regrettée petite sœur. Elle était une Craft dans toute sa splendeur.

Elle se posa, apposant ainsi l'ultime note à sa danse aérienne. Une a une les pièces d'équipement tombèrent sur le sol, alors qu'un rideau noir s'abattait sur la scène désormais muette. Le Stade aux six anneaux retrouva son immobilité de tombeau. La batte se tut, pour laisser parler le vent. Et l'enchantement du moment se rompit ; ferveur retombée, le spleen mal du siècle allait revenir le hanter.

Comme au sortir d'un songe particulièrement profond, il se réveilla et frissonna sous les assauts de la bise. Il resserra le nœud de son écharpe aux couleurs de serdaigle, et remonta le col de sa veste dans une pathétique tentative de se protéger contre ce froid mortel qui engourdissait son corps et paralysait son âme. Il allait se lever pour s'en retourner à sa morne existence lorsqu'il entendit un léger claquement. Avec amusement il vit la cape soudain libérée s'abandonner au vent et voler vers lui. Keith n'eut qu'à tendre le bras pour arrêter sa course et refermer son poing ganté de noir sur l'objet vagabond. Il serra la lourde étoffe verte contre lui. Le parfum de sa cousine, reconnaissable entre mille, en imprégnait encore les fibres. Un léger sourire éclaira son visage.

La cape dans une main, son carnet mémoire dans la poche Keith franchit la balustrade, et s'avança vers l'étrange chevalière solitaire qui tentait de s'extirper maladroitement de son armure :


-Quand soudain semblant crever le ciel
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir
Lentement les ailes déployées
Lentement je le vis tournoyer
Près de moi dans un bruissement d' ailes
Comme tombé du ciel
L' oiseau vint se poser
Il avait les yeux couleur rubis
Et des plumes couleur de la nuit.


Ces vers lui étaient venus comme une illumination. Quelle muse joueuse venait de lui inspirer ces lignes ? Il n'aurait su le dire, mais ces paroles lui semblaient particulièrement appropriées. Il les scanda de sa diction claire et recherchée, le cœur léger à l'idée de passer quelques minutes avec sa ténébreuse cousine. Il s'approcha, portant la cape avec cérémonie et lui offrit avec un brin de théâtralité imitant ces tragédies classiques qu'il affectionnait particulièrement :
-Et bien douce cousine, il me semble que tu as égaré quelque chose. Peut être aurais tu du quérir les services d'un écuyer pour te désharnacher ?

Sa bonne humeur retomba, et une sombre inquiétude voila son visage, lorsqu'il constata les martyrs que venait de subir sa cousine. Il avait toujours pensé qu'elle était indestructible et aussi dur que l'ébène, et pourtant aujourd'hui elle lui parut terriblement vulnérable à grimacer de douleur tout en tâtant ses blessures. Il n'avait qu'une crainte : la perdre.
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyLun 1 Mar - 21:27:00

Captant l’échappée sauvage de son ombre cotonneuse, l’héritière des Craft dégaina d’un geste entravé par la douleur sa baguette magique dont elle pointa hâtivement l’ébène noire en direction du fuyard :

« Acci… »

L’incantation mourut à la seconde même où elle aurait dû prendre vie et la magie invoquée se dissolue aussitôt dans les tourbillons éthérés de la brise, emportée bien au-delà de son acuité sensorielle par le vent froid qui condensait son souffle. Une silhouette masculine très singulière se dessina sur son chemin, paraissait s’assembler des nébulosités adjacentes pour constituer une présence constamment espérée, comme le mirage chimérique d’une incitation aussi dangereuse que délicieuse, tout bas murmurée dans l’intimité de ses pensées tourmentées. Sa concentration fut brisée en une fraction de seconde. Ainsi allait-elle périr en enfer, dorer son âme sur les rives oublieuses du Léthé. Et boire. Boire tout son saoul l'eau enchantée, en éclusant tant que faire se pouvait, noyer tout son être sous la frustration d’un désir immolent. Keith Craft. Son seul égal, son unique Alter-ego. L’autre partie et la meilleure, de son identité de lignage.

De cette douce illusion ou de son infernal éveil, elle ne savait lequel des deux était son réel châtiment mais elle sentait s’étirer un fil immatériel dans son trouble, une délicate toile de substance invisible qui l’empêchait de partir à la dérive d’une liesse indicible. Traction infime, elle s’exerçait sur la Vipère au travers des âges, avec une force faible et presque éteinte, trop élémentaire cependant pour s’épuiser à tout jamais. Des années auparavant, Pénombre avait quitté l’obscurité de la matrice, petite créature rouge et sanglante dont le premier acte de vie avait été d’aspirer de l’air en piaulant. Et maintenant, à travers l’irrésistibilité avec laquelle le Serdaigle l’aimantait, ce même instinct l’invoquait. La Ténébreuse parut s’apaiser un instant dans la contre-lumière du jour, sa sombre beauté changeante au rythme saccadé d’un furieux conflit d’émotions. Que n’aimait-elle guère qu’il la surprenne. Jette sa force aguerrie dans une vulnérabilité qui ne lui ressemblait en aucun point et qu’elle peinait à combattre et rejeter.

Mais soudain, elle croisa son regard au loin et le temps perdit brutalement toute signification, son cœur ratant plus d’un battement dans le heurt inopiné. On aurait dit que l’existence même de Pénombre Craft s’était entièrement muée en une nuit sans fin, un abime d’obscurité éternelle, un éden d’un néant aussi intense et brûlant qu’un maelstrom de douleurs et d’extases entremêlées. La Serpentarde ne connaissait plus le soleil, plus la lumière, plus rien d’autre que ces deux pierres intenses et fascinantes qui brillaient dans son esprit tel un phare dans la nuit, auraient sans effort pu la fracasser contre la falaise à ses pieds qui le hissait Dieu de son univers. Parce qu’il gisait inconscient dans des cieux impitoyablement engloutis dans un ailleurs perdu ou parce que le temps lui-même avait suspendu son cours pour eux ? Elle n’aurait su le dire. Sa réalité ne voulait plus connaitre que les instants qui les réunissaient, l’arrachait à toute autre chose, passé et avenir, souvenirs et projets. La soudait comme jamais à l’instant présent.

Courir, marcher. Lequel des deux exécutait son corps, son esprit ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Mais qu’importait finalement. Comme à chaque fois qu’elle le retrouvait.

« Perçant de sa chute les ténébreuses fumées
Traversant les brumes d'un océan d'alcool,
La musique, ce rapace déplumé, inconsolable Orphée,
De ses serres m'emporte. Alors je décolle.

Noyée dans ce dense brouillard d'opium,
Trempée sous une pluie acide de delirium
Je vole, plane, plonge et succombe.
Les ombres pernicieuses dessinent ma tombe.

Craft ! Pourquoi ce soudain naufrage ?
A quoi rime, au cœur de la terre, ce voyage ?
Je me souviens seulement qu'au décollage
Me fuyait ce doux visage... »(*)

Répondit d’une voix égale l’ancienne Capitaine de Quidditch au jeune homme qui venait de lui adresser quelques vers inspirés en guise de salut. Elle maitrisa à peine son avancée en surveillant la douleur de sa côté tandis qu’elle dévorait la distance qui les séparait encore. Keith était encore plus magnétique que dans ses réminiscences, plus beau encore, mélancolie sculpturale et bouleversante, empathie poignante et tragédique que l’on avait immortalisée dans le marbre de ses traits.

Le Cinquième année s’adressa de nouveau à elle, excellent orateur, poli et poète et elle lui céda son attention. Pénombre lui sourit un instant puis rit de bon cœur, une grâce policée brillant ardemment sous l’éclat léger du son bienheureux, pourtant sous-tendu par une note frémissante. Comme tous avant eux, ses dernières cuirasses de peau tannée renforcées de métal allégé par la magie tombèrent, ses protèges avant-bras, puis ses gants telle la métaphore explicite de son offrande à lui. Dépourvue d’armure autant physique que mentale, l’Anglaise n’avait jamais réellement ressenti la nécessité d’hisser le puissant labyrinthe psychique de ses défenses contre lui et il était bien le seul. L'ardent désir de le posséder tenta une fois encore d’entamer la volonté de la sorcière, exigeant sans relâche que s’exprime son instinct le plus primitif, presque autant que celui de vivre. Trop entêtant et attrayant hélas, pour y résister.

La longueur diaphane de ses doigts nus s’étira vers le visage pâle de son cousin et la pulpe tendre de ses extrémités glissa avec douceur sur son menton, remontant lentement sur sa joue gauche tandis que le contact aimé s’étendait dans sa paume froide. Elle avait l’impression de caresser la surface tentante d’un fruit défendu, de sentir son cœur battre à l’unisson avec le sien au travers de la finesse de leur peau. Sang pour Sang. L’ainée s’avança ensuite d’un pas silencieux vers son cadet et sa main stabilisa enfin son emprise contre la nuque masculine, par-dessus la gênante écharpe aux couleurs de Serdaigle. A cette intime distance, ses sens aiguisés d’animagus captèrent bien davantage que les notes singulières de son parfum ou de sa mousse de bain. L’odeur de sa peau, de ses cheveux, l’essence olfactive de tout son être. Un trouble invaincu s’empara de la Ténébreuse et elle le serra un long moment contre elle en inspirant profondément ses effluves, les yeux clos. S’il existait un endroit où elle souhaitait demeurer à tout jamais…

« Keith…. Mon ami, mon sang. »

Murmura-t-elle, d’une voix étouffée par la laine tressée, confidence espièglement échappée de sa conscience apaisée. Le baiser que la Serpentarde déposa finalement sur sa peau, un peu trop proche de la commissure de ses lèvres pour revêtir l’innocence qu’elle lui prêtait habituellement, s’éternisa en un salut caractérisé, une sorte de rituel personnel qu’elle n’exerçait que sur lui.

« Quel bien au cœur et à l’âme il me fait, de te revoir enfin. »

S’amusa-t-elle, légère, en teintant du stratagème la sincérité de ses paroles.

« N’aurais-je porté notre nom que je m’en serais de toutes façons acquittée. Tu sais trop quelle indépendance est la mienne. »

Rétorqua la Vipère en s'emparant d’un geste aérien de la cape tendue.

« Et avec quel entrain, je m’empresse de la regretter ensuite. »

Plaisanta-t-elle en détachant ses yeux du vêtement pour les replonger dans ceux de son cousin.

« Quel vent favorable t’a donc porté jusqu’ici en ces heures si matinales, Keith ? Il ne me semble guère que tu pratiques le Quidditch pourtant. »



[(*) Copyright Narcisse Anasar. Hommage et témoignage de mon admiration pour tes écrits.]


Dernière édition par Pénombre Craft le Dim 14 Mar - 0:43:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyMer 3 Mar - 23:27:34

Comme il était doux de se perdre dans la volupté de la tendre étreinte, et de précipiter là dans ce gouffre d'amour ses tourments et ses souffrances. Le jeune homme sentit son sang bouillonner lorsque les lèvres tièdes de sa cousine vinrent se poser sur sa peau glacée par la bise. Leurs deux souffles si proches, si puissants c'en était presque enivrant. Tétanisé il n'osait plus bouger, prisonnier d'un moment d'éternité qui ne durerait que le temps d'un battement d'aile de papillon. Désespéré, poussé à bout par l'effroyable détresse de son âme, il se précipitait dans les flots pour étouffer dans la grande étreinte de la passion tout ses tourments.

Il sentit sa cousine rompre leur enlacement avec le désespoir d'un naufragé qui voit s'éloigner au loin les voiles blanches du salut. Elle était tout pour lui. Jamais Pénombre ne pourrait imaginer la place à part qu'elle tenait dans le cœur de son protégé. Elle était le soleil noir de sa vie, elle était la mère qui dissipait ses craintes, elle était cette petite sœur qui savait réanimer ce visage de pierre et y faire naitre d'improbables sourires mais elle était aussi ce coupable désir et ce froid calice au fond duquel il buvait l'ivresse de la damnation.
Succube en majesté, reine infernale venue fouler les mornes Terres des mortels, elle le fascinait et il adorait. Le sang des Craft portait dans ses noirs tourbillons le reflet de ces amours coupables, qui de tout temps avaient fait s'unir dans le péché les membres de cette décadente lignée. Comment aurait il pu résister à ce tragique appel qui semblait à chaque pas le rapprocher un peu plus de cette malédiction ?

La lourde étoffe fila entre ses doigts lorsque la ténébreuse lui reprit la cape. C'est presque à regret qu'il abandonna le bel objet aux mains de sa propriétaire légitime.

Leurs regards se croisèrent et se lièrent en une chaîne d'éternité. Étrange moment que celui là, son âme mise à nue se tenait dressée face à un insondable abime qui l'appelait d'une voix douce et enchanteresse ; d'une voix de sirène habituée à damner les mortels. Ah comme il aurait été facile de se perdre dans ces yeux verts et de plonger dans ce gouffre pour tout oublier. Tout autour de lui le monde avait perdu sa consistance pour ne résumer qu'à deux prunelles étincelantes. On dit que les yeux bleus vont aux cieux, les yeux gris au paradis, les yeux noir au purgatoire et les yeux verts...en enfer, ce regard il n'avait qu'à l'embrasser pour ne plus jamais en revenir. Pourtant, comme Ulysse attaché à son mât, il résista à ce diabolique appel et se détourna avec souffrance de la tentation pour lui répondre.

-Tu devrais savoir ma tendre cousine, que des aigles de Serdaigle je n'ai pas les ailes, mais seulement le regard acéré...

Étrange comme après cinq années prononcer cette phrase pouvait encore lui laisser un goût amère sur la langue. L'affront de ne pas avoir été envoyé dans la maison de ses ancêtres pesait encore sur son âme comme un ultime ricanement du destin. Lui Keith Craft, affaibli et malade, condamné à regarder les cygnes de sa famille voler majestueusement alors qu'il devait se dandiner pathétiquement comme le vilain petit canard que tous allaient oublier sur la rive. « Leurs pieds fouleront ma tombe, et c'est en vain qu'ils me chercheront sur la Terre » pensa t'il amèrement.

-... ce n'est donc pas tant pour exercer mon corps que pour te voir jouer que je suis venu braver les éléments.

De nouveau la glace de son visage fondit pour révéler un de ces rares sourires qu'ils ne réservaient qu'à sa cousine.

-Depuis tout ce temps, loin de toi je commençai à languir. Je n'ai pas pu résister plus longtemps.

Il prononça cet aveu sur le ton de la plus extrême simplicité, en la dévisageant. Son regard la couva avec douceur comme pour mieux graver au fer rouge ces traits aimés dans sa mémoire. Son cœur se gonfla de tristesse à l'idée de la perdre à jamais. Ah, comme dans ces moments il maudissait cette amnésie qui le condamnait à doucement se détacher des êtres chers. Comme un baigneur emporté par le ressac de la marré, il voyait ses souvenirs s'effacer alors qu'il s'épuisait en efforts vains.

Devait il lui dire qu'au milieu de ces vacances, il c'était réveillé en sursaut dans sa chambre nue et austère en proie à la plus vive des terreurs ?
Son hurlement inhumain avait couru sur la lande alors qu'il c'était rendu compte que le visage de Pénombre avait déserté son âme. Trempé de sueur, braillant comme un damné il c'était jeté sur son petit coffret d'acajou qui contenait ses carnets et l'avait brisé s'écorchant les mains dans sa folie. Les elfes de maison effrayés avaient détalé loin de ce pâle démon qui parlait tout seul et tournait des centaines de pages avec l'ardeur du désespoir. Mais rien n'y avait fait, jamais l'image chérie n'était revenue. Glacé d'effroi, privé de sentiments, il était devant le néant et autour de lui tout n'était que ténèbres, sans consolation, sans lueur d'espoir. Il était seul, abandonné de tous.
De toute les vacances, jamais le visage n'avait franchi le voile noir de son amnésie, et c'est ce qu'il était venu chercher par cette froide matinée de rentrée.
Mais de cette explication elle n'en saurait rien. Il aimait trop pour l'inquiéter. Il ne voulait pas lui faire partager son fardeau.

Détournant la conversation loin de ce sujet sensible, il ôta son gant de soie et le laissa tomber dans la neige sale, sans plus y prêter attention. Avec une infinie douceur, il effleura doucement les blessures de sa cousine. Pâle caresse évanescente, ses doigts frais parcoururent son épaule malmenée, ses côtés brisées avant de s'arrêter sur sa fine taille. A mesure que son exploration silencieuse lui révélait les dégâts, il sentait une sourde angoisse lui enserrer le cœur dans un étau de peur. Sa gorge se noua. Elle souffrait, il le sentait, il le savait et cette douleur il la partageait de toute son âme.

Sa main remonta, et se posa sur la joue de sa cousine. C'est avec une infinie tristesse qu'il lui demanda :
-Pénombre, quand cessera tu d'éprouver tes limites ? Pourquoi vouloir jouer sans cesse avec la mort ?


Dernière édition par Keith Craft le Lun 15 Mar - 23:10:23, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyVen 5 Mar - 15:00:39

[J'avoue que je ne suis pas très satisfaite de ce post, cela dit, j'espère que ça t'ira quand même ]




Jusqu’à quel point pouvait-elle encore se mentir ? Nier véritablement l’évidence terrible qui tentait de s’imposer avec monstruosité à son esprit et faire semblant... Jusqu’à quelles extrémités sauvages, encore vierges et inconquises pouvait-elle encore présumer de ses forces et mener cette danse improbable, tenter de dominer une situation qui s’entêtait désespérément à échapper à son plus strict contrôle ? Pénombre était pourtant plus que douée en matière de rhétorique, habile et rapide à trouver et développer une argumentation convaincante, logique et parfaitement cohérente à servir ses desseins. Elle avait acquit avec le temps, l’entrainement et au fil de ses propres erreurs, une belle expérience en terme de manipulation au sein de relations humaines complexes, une excellente connaissance du tortueux esprit sorcier, ses indicibles vices et ses désirs les plus inavoués. Elle avait rapidement appris à discerner et identifier sans peine les chagrins insurmontables des blessures restées à vif, les douleurs prisonnières du passé qui entachaient les âmes perdues, abimées qui croisaient son chemin aux dérives infinies de leurs maux existentiels. Il lui était presque devenu aisé de déchiffrer, aux delà de leurs défenses mentales affaiblies par une condition passive face aux aléas du Destin, les traits profonds d’un caractère confus et noueux, égaré dans un tumulte orageux d’émotions trop intenses. Car si l’on savait écouter avec attention, les armes sournoises de la manipulation se puisaient avec aisance dans les confessions verbales même de ces pauvres hères qui ne demandaient qu’à déverser leurs peines à ses pieds.

Mais malgré ces précieux acquis relationnels qu’elle maniait pourtant avec dextérité, la Ténébreuse se sentait injustement dépossédée de ses plus élémentaires moyens de survie, de ses plus fidèles outils de persuasion et de la plus intime de ses armures mentales, totalement à nue et fragile entre les mains et les mots singulièrement appropriés de son cousin, qui maniait avec une redoutable supériorité l’art de la lucidité.

Soudain, détourné de ce vain monologue intérieur que l’ancienne Championne des Reptiles avait entamé avec déraison dans une erreur d’égarement aussi aveu coupable de la souffrance qu’elle savait lui avoir causé en attirant sottement son attention sur la différence de leur blason, qu’inhabituelle faute tactique pour l’aguerrie stratagème qu’elle croyait être, prit vie cette puissante brûlure qui consuma subitement tout son être dans un violent brasier exaltant. Aussi asservissante qu’addictive, aussi fulgurante qu’intense, la douceur douloureuse de cette caresse poétique fut éminemment plus magnétique que le mirage chimérique qu’elle avait toujours suscité et le fantasme inavoué associé à cette concrétisation inattendue, bouleversa la jeune femme. Son pâle regard de jade s’assombrit aussitôt d’un voile effrayant de culpabilité et de blasphème.

Ses facultés animales, dédoublement bestiale de ses propres perceptions humaines, discernaient allégrement les battements sourds du cœur de Keith sous sa peau à elle, frappant parfaitement à l’unisson, la chaleur de ces exquises veines qui véhiculaient dans tout son être, la pureté du Sang qu’ils partageaient. Un violent sursaut d’appréhension lui parcourut l’échine lorsque le brun laissa ses effleurements glisser dangereusement vers sa taille et il lui fallut toute la force vacillante de sa volonté pour résister à l’envie de s’y dérober, supplices insoutenables pour l’âme qui la projetait dans une confusion terrible. Son échine manqua de se cabrer en avant, avide et hors de contrôle tandis que ses muscles se perdaient de tension sous la tunique pâle de son corsage, rendue collante par la sueur et l’effort. Sa respiration saccadée sous le châtiment de sa main rendait un hommage frénétique à l’art subtil du Serdaigle, consumé d’une juste élégance. L’anglaise dérivait ainsi sans y croire dans les limbes acerbes d’un plaisir tabou, l’acide violent de sensations et de sentiments qui s’acharnaient à l’exigence de vivre, sentant l’étincelle au creux de son ventre s’enflammer jusqu’à devenir un véritable brasier tandis que désir interdit et volonté de possession déversaient toujours plus, leurs toxines dans ses veines en un cocktail explosif.

Dans les heures les plus sombres de sa convoitise, d’inavouables fantasmes licencieux se déversaient, se déchainaient furieusement dans son esprit lacéré par le dilemme, semblables à une horde bestiale de loups sanguinaires et affamés, la soumettaient à plonger ses sens dans une extase folle qui lui donnait de terribles vertiges. Mais la culpabilité et le dégoût d’elle-même ressentis après l’assouvissement stimulé de ses déraisons dévastaient tout sur leur passage, vomissaient la furie berserk d’une violence inouïe dans ses veines et elle peinait à contenir, chaque fois, d’affreuses pulsions auto-meurtrières. Dans cette démence destructrice, elle ne s’appartenait plus. Comment pourrait-elle alors décemment répondre à cette question muette qu’elle entendait déjà ses yeux intenses lui poser ? Comment lui avouer que la douleur brute qu’elle s’infligeait sous couvert d’élitisme et de quête de gloire ne servait qu’à expier le péché absolu, consommé par son esprit corrompu, son cœur vicié ? Sa propre haine d’elle-même. Car s’il la jetait dans le feu ardent de l’infernal, elle se savait responsable de la faiblesse de n’y résister et elle se maudissait pour cela.

Mais Keith avait également offert, sans le savoir, un sens profond à la vie de sa cousine car pour la première fois de son existence, Pénombre avait quelqu’un de qui prendre soin, quelqu’un qui, en retour, se souciait d’elle, de son humeur et de ses doutes. Seul, il parvenait à museler les perfides démons qui hantaient sans répit son âme, apaiser les blessures béantes de son esprit et elle ressentait toujours un chagrin indicible et poignant à s’éloigner de lui. Le pilier inébranlable qu’il était à ses yeux, le soutien sincère et dévoué qu’elle n’osait imaginer, rien que sa présence avait le dément pouvoir de repousser n’importe laquelle de ses douleurs psychiques, n’importe laquelle de ses glaciales angoisses, illuminer de sa confiance ses plus noirs cauchemars… Mais le seul être qui avait également une facilité évidente, absolument déconcertante à l’atteindre profondément jusque son essence même, jouant d’ingénieuses tirades mélodieuses sur les cordes sensibles de son âme écorchée, laissant vibrer son entité entière à une harmonie terrifiante d’un bonheur interdit, des notes salvatrices et pures qu’elle n’osait prendre le risque d’écouter aux périls d’en voir la dépendance s’installer. Souvent lorsqu’elle le saluait, elle se sentait étrangement égarée dans les solides bras de son cousin, pleinement déphasée de la blessante réalité au creux de cette sublime étreinte. Une sensation impensable de sécurité l’envahissait à chaque fois, lentement avec un délice redouté et ce malgré la pénible perte de contrôle évidente que son irrésistible abandon constituait. L’émoi troublant, tenace d’être en vie battait violemment la chamade dans sa poitrine jusque dans ses tempes, un affolement paradoxalement serein, une apocalypse magistrale d’une joie insoupçonnée, d’une plénitude mirifique, magnifique. Un apaisement effrayant, qui n’était témoin que d’un chaos d’émotions des plus fantastiques, avait conquit la guerrière au cœur aride.

Ce violent contraste entre ces deux extrêmes était dévastateur pour l’esprit et dans un instant abominable, Pénombre se sentit défaillir. Le cœur serré et l’impression de n’être plus qu’une munificence béante, une onde de désir et de torture mentale la jetait sur le fil du rasoir.

« Je… »

Je te désire, je ne peux vivre sans toi. Je t’aime.

« Je ne crains pas la mort. »

L’espace d’un instant, leurs mains se frôlèrent et ce simple délit pourtant déjà souvent commis dans un passé commun, incita cette fois-ci un violent frisson étourdissant à parcourir électriquement l’échine de la Ténébreuse. Incapable de supporter davantage le poids ravageur de sa main sur son visage, elle la captura avec douceur de la sienne et la lui rendit comme on renonce à respirer.

« En parlant de cela, j’avais quelque chose pour toi. »

Les longueurs d’albâtre de son index et de son majeur accolées se coulèrent sur ses clavicules, avant de disparaitre sous le coton humide et froissé de sa tunique, tirant de son corsage côté cœur, le petit parchemin malmené d’une photographie. A en juger par l’aspect très entamé de ses extrémités, et ce malgré le sortilège de protection auquel on l’avait visiblement soumis et qui vernissait encore sa surface, cela faisait certainement un long moment que Pénombre en faisait l’usage qu’elle venait de lui révéler, non sans gêne. Imbibé de transpiration et de parfum, l’image animée du cliché magique représentait la silhouette proche des deux héritiers Craft, se détachant d’un paysage extérieur du parc tandis qu’ils erraient, heureux, l’un en compagnie de l’autre.

« Elle a été prise par hasard, l’année dernière par un jeune reporter de la Gazette que j’avais envoyé sur le terrain. Elle m'a suffisamment portée chance, je voudrais que tu l’aies maintenant. »

Sa main, nerveuse et frémissante, la lui tendit, ses yeux captés par le symbole, ne voulant croiser son visage.
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyDim 7 Mar - 16:37:50

La mort - maussade compagne de route de Keith – avait déjà moissonné son tribut d'âmes innocentes pour n'en laisser que des tiges brisées et des pétales fanées. Le jeune homme craignait cette arbitraire main du destin, qui lui avait ravie sa belle Ophélie. Odieuse servante des Parques, la Grande faucheuse avait tranché la ligne de vie du petit ange, avant d'abandonner sa dépouille à l'oubli de flots ténébreux. Lorsque le loch avait refermé ses rideaux de velours sur le corps brisé, c'est l'âme ébranlé du jeune homme qu'il avait englouti. Pourtant même brisé et rongé par le ver cruel de la culpabilité, l'amnésique avait su triompher de ce coup du sort, il avait eu la chance de trouver en Pénombre la main caressante et l'étincelle de lumière qui l'empêcha de plonger à jamais dans l'obscurité. Que son âme sœur disparaisse, et il partirait avec elle à la découverte des neufs enfers de Dante.
« Bien sur belle cousine que tu ne crains pas la mort, mais je doute que tu ai déjà senti son haleine fétide souffler dans le creux de ta nuque, je doute que tu ai déjà vu sa silhouette encapuchonnée t'épier de son regard moqueur à l'ombre des tombes »; pensa amèrement Keith en observant l'héritière du clan se gausser superbement du destin. « Tu ne la crains pas, mais moi je la crains pour deux. Disparaît et c'est moi que le poids de ton cadavre noiera dans les profondeurs de l'Hadès. Je suis enchainé à toi, douce et tendre amie, et que tu le veuille ou non nos âmes sont entrelacées comme deux vignes qui auraient poussés côtes à côtes et que même le feu ou la hache ne pourraient séparer. La mort, j'ai appris à la sentir et à la fuir, mais je t'en fait le serment je ne la laisserais pas t'emmener », jura silencieusement le garçon.

Ce serment ce n'était pas la première qu'il se le faisait. Parfois, le soir lorsque du fin fond de l'obscur manoir il entendait les murmures d'Ophélie baigner les plages de galets de sa solitude, alors il descendait jusqu'au lac. Et là, seul, immobile, drapé dans une cape d'ombre avec la Lune pour unique confidente il allait s'asseoir sur la falaise pour pour veiller sur sa petite sirène. Comme elle devait avoir froid, blottie au milieu des nénuphars et des ajoncs, comme elle devait languir du soleil avec les brochets pour uniques complices. Mélancolique, Keith lui tenait compagnie. De sa voix douce et tremblante il lui parlait, il lui racontait. Il lui lisait même parfois des passages de ses carnets-mémoires et l'âme errante lui répondait en dansant pour lui d'improbables valses avec des feux follets rieurs. Elle offrait à ses tourments une oreille tendre et affectueuse. Il ne quittait sa veille méditative qu'aux premières lueurs de l'astre sanglant et il n'oubliait jamais de lancer un bouquet sur les flots assassins, en faisant promettre aux grenouilles d'en fleurir la tombe de la sainte qui reposait en ces eaux. Ce petit rituel était son serment. Il était la plaque de marbre sur laquelle il avait gravé en lettres de feu « Plus jamais », ces deux mots qui protégeraient Pénombre plus surement que la plus solide des cuirasses.

Le contact avec la main de Pénombre fut un délicieux électrochoc qui le ramena à la vie, et qui ancra son esprit dans le monde mortel, loin des errements incertains de ses souvenirs confus.

« Bien sur qu'elle ne craignait pas la mort , comment aurait il pu en être autrement ? » pensa le brun en observant sa cousine glisser sa main dans son corsage. Tout dans son apparence semblait la consacrer comme immortelle. Elle avait une beauté qui transcendait les âges et qui semblait à même de prendre la Mort dans ses filets. Rome pourrait bruler, qu'elle se dresserait encore sur son piédestal, fière et orgueilleuse en dominant des champs de ruines et de cendres balayés par les vents.
Il y avait en elle les redoutables séductions qu'on peut supposer d'un démon. Elle en avait la silhouette souple et nerveuse, le visage ténébreux et ardent et cette sauvagerie audacieuse et froide qui soulève dans les âmes l'appétit de voluptés coupables.
Pourtant derrière ces yeux fauves qui évitaient les siens, Keith savait qu'une âme orageuse comme l'océan grondait. Elle était comme une statue de verre et s'il était impossible de seulement rayer sa carapace, un petit coup donné au bon endroit pouvait la réduire en miette. Cette faiblesse qu'elle tentait de dissimuler maladroitement, Keith la lisait et voulait l'en protéger. Elle était cette petite touche secrète, cette note mélancolique qui faisait résonner leurs âmes à l'unisson. Bravache Pénombre l'était..Mais immortelle en aucune manière. Achille au féminin, elle dissimulait son talon derrière de fantastiques prouesses martiales et mentales.

Aussi lorsqu'il la vit si vulnérable, si hésitante à l'idée de révéler le secret de cette photo, il n'eu qu'une envie : la prendre dans ses bras et la serrer très fort contre sa poitrine. Pourtant il n'en fit rien, il n'avait pas envie de la froisser, et accepta la photo avec un sourire de gratitude.
-Merci Pénombre. Ça me touche vraiment...Je...Lui d'ordinaire si fière en bafouillait presque en sentant le petit bout de papier glacé entre ses doigts. Les mots qui d'habitudee volaient entre ses lèvres, avec la légèreté d'une botte d'escrime peinaient à sortir. Ils se bousculaient en un troupeau informe, et tous lui paraissaient plus impropres les uns que les autres à retranscrire son trouble.

C'était étrange, en tenant cette photo encore humide, il avait l'impression de posséder un petit bout d'âme de sa cousine. Il eu envie de porter ce souvenir de papier à ses narines pour en respirer le brulant torrent d'effluves qui s'en échappaient, sources de voluptés condamnables et d'élans dévorants d'une tendresse passionnée. Frémissant de tout son être, il se retint, et laissa ses yeux plonger dans le flot du passé.


La première vague de douleur le frappa, avec la puissance d'une lame de fond qui pulvérise une digue. Les fouets barbelés de sa maladie entrèrent en action et se mirent à déchiqueter son esprit avec une férocité sans cesse renouvelée à mesure que le flot ininterrompus de souvenirs venait se presser contre ses fragiles défense. Un voile sanglant s'abattit devant ses yeux, alors qu'explosaient en vagues successives les migraines lancinantes qui déchiraient son âme.

On dit que lors des famines les plus cruelles, il suffit de donner un bout de pain à un affamé pour le tuer à coup sur. Il en était de même ici, comme l'estomac se révolte après une période de jeun face à une nourriture trop riche, ce souvenir fulgurant et brutal choqua son esprit malade, qui se cabra face à l'afflux du passé qui menaçait de briser le voile immaculé de son amnésie. Ce n'était pas la première fois que Keith était victime d'une crise, en fait ces dernières réapparaissaient dès qu'il tentait de renouer avec son histoire.
Pourquoi Keith avait il choisit de conserver ses souvenirs sur du papier plutôt que sur un support plus visuel, photographique ou même cinématographique ? Tout simplement pour éviter de trop brusquer une âme, rendue hypersensible par le mal qui la dévorait.

Il se dégageait de la photo une telle image de félicité, de joie, de bonheur simple et sans tracas...Cela fut radical pour la raison vacillante de l'aiglon. Un maelström de couleurs chatoyantes, de pensées éphémères et de reliques d'un autre âge et d'une autre époque tournoyèrent en sifflant comme un ouragan. Les années passées avec Pénombre avaient laissé un sillon d'or dans sa pensée, qui désormais venait de s'enflammer pour mieux l'annihiler.

Plus maigre que jamais, le visage pâle fondu au feu d'un mal intérieur, le jeune homme frissonna. Il était un Craft, il ne devait pas faiblir, il ne devait pas s'incliner. Il se devait de rester droit face à la tourmente, pour lui, pour sa famille, pour son honneur et pour Pénombre. Pourquoi fallait il que les plus complets plaisirs, s'accompagnent des supplices les plus violents ? Bonheur et douleur étaient intimement liés chez Keith.

Ébranlé, il vacilla.
Sa voix à peine plus qu'un murmure franchit la barrière de ses lèvres, pour venir caresser celle qu'il chérissait :
-C'est tellement beau, c'est tellement...

Ses yeux se fermèrent, alors qu'il tentait de puiser en lui les forces nécessaires à repousser les assauts sauvages de sa maladie. Mais une dernière charge impétueuse, le piétina, et le laissa le nez dans la poussière.
Comme la majestueuse statue de César qui trônait au centre de Rome, il frissonna sous les assauts des barbares qui saccageaient l'immortelle citée. Il trembla sous le fer de leurs haches. Et s'effondra sous les coups de boutoirs de leurs béliers. Son marbre se fendit, et il tomba à genoux aux pieds de Pénombre la photo encore dans sa main.

-...douloureux. Triste aveu que celui de sa faiblesse.

Des larmes fières roulèrent longtemps dans ses cils, avant de s'en aller mourir silencieusement avec une majesté désolée le long de ses joues.
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyLun 8 Mar - 9:03:45

[Superbe ton rp ]



« Keith ? Keith ! Qu’est ce que… ? »

La puissante faiblesse qui s’empara soudain de son cousin réveilla brutalement les obscurs instincts de domination qui ne sommeillaient jamais que partiellement dans l’être d’ombres que Pénombre devenait. Le pouvoir, la supériorité qui la jeta soudain dans un rapport de force aussi inégal qu’avantageux pour elle chassa immédiatement le dilemme violent qui la déchirait l’instant d’avant. Avec brutalité, ses yeux clairs s’emplirent d’une bestialité cruelle et impitoyable tandis qu’un feu nouveau évapora douloureusement son sang dans ses veines. Le déclin d’énergie fulgurant du Serdaigle, qui refusait cette mort l’imprégnant pourtant jusqu’aux tréfonds de son conscient nécrosé, prête à venir le faucher dans son existence fragile, déroba subitement toute chaleur à la diaphanéité de son visage et elle l’observa s’effondrer avec tension, électrique. Sous l’influence néfaste de la domination, les pensées et l'esprit de la sorcière subissaient un changement profond et inquiétant, quelque chose d’étrange et d’alarmant que Keith n'avait très certainement jamais expérimenté auparavant, en compagnie de la Serpentarde. Ses impressions, ses ressentis, ses sentiments, tout devint chaotique à l'extrême, jusqu'à complètement disparaître, engloutis dans une furieuse abîme tourmentée de psyché. De ce chaos émergea tout d'abord un sentiment écrasant. De la haine... D'une intensité démesurée qu'aucun mot ne saurait décrire. Puis le besoin vint rapidement, un goût inhumain pour le sang et le supplice imprégna alors jusqu’aux tréfonds de l’âme Ténébreuse, de la rage et un désir d’asservir très dévastateur, couple au combien dangereux que suivit bien d'autres démences encore...Tous ces sentiments devinrent horriblement magnifiés devant l’aspect singulièrement pathétique de la situation jusqu'atteindre la violence d’une véhémence corrosive qui tenta de s’imposer par-dessus la subversion déchirante de sa soumission. Ils n’appelaient qu'à répandre la douleur et la souffrance dans leur sillage et de par leur candeur, leur nature et leur extrême, devenaient un véritable cauchemar vivant pour l’esprit tourmenté de la Milicienne. Un voile d'ombre tomba peu à peu sur son visage pour y révéler deux feux verdâtres à la lueur malsaine qui lui tenaient désormais lieu de regard, leur délicatesse ravagée par la manifestation décadente de la faiblesse de Keith. Le silence l’asphyxiait comme une odeur fétide, la tordait dans ses griffes tremblantes, approchait sa gueule ravagée de son esprit dans un réflexe dicté par le bruissement cendreux des époques, une terrible décadence millénaire, la procession infinie de jours, de mois, d’années qui avait observé la lente agonie d’un Clan qui avait basé son absolu survie dans le sang, le péché, la damnation et le meurtre.

S’il mourrait, elle pourrait enfin se libérer de l’impardonnable blasphème de l’aimer. S’il mourrait, son âme se délivrerait du poids écrasant de ses limbes d’enfer, ses chaines invisibles qui faisaient d’elle la propriété inconditionnelle et soumise de ses obsessions et qui devenaient désagréablement éclatantes d’insanités et de contraintes aux franches sonorités du prénom de son cousin. Si seulement, il périssait…

C'est alors qu'elle lui sourit, dévoilant des dents d'une blancheur carnassière. Un instant, elle joua avec l’idée cruelle d’accentuer sa torture par la magie ou la barbarie mais sa soif de pouvoir insatiable et de domination s’effilochaient déjà en morceaux, s’affaissait comme aspirée de l’intérieur par le souffle des Anges, la saccade sourde de ses peines. Elle aurait abattu son arme le cœur léger, contre la promesse d’être libérée de toute cette folie dévastatrice mais sculpté dans le marbre, le visage de Keith la contemplerait et l’atteindrait toujours. Une douce fatalité dont il fallait hélas, porter le fardeau. Elle sentit un frisson de désespoir captif lui parcourir l’échine et elle comprit qu’elle ne pourrait en supporter davantage. L’hésitation fut balayée en une fraction de seconde et Pénombre posa doucement ses mains sur l’arc tendu de ses épaules. Elle plia avec lenteur ses solides appuis antérieurs pour poser genou au sol, l’encre de sa cape se refermant sur eux comme un suaire. Ses prises s’élevèrent comme l’espoir à son visage et la Ténébreuse dégagea doucement les mèches sombres qui lui barraient le regard, glissant avec tendresse ses lèvres sanguines sur la peau pâle et froide de son visage. Elle embrassa doucement le sillon salé de ses larmes en remontant avec grâce la piste de son chagrin tandis que son souffle tiède longeait les courbes de son profil. Son menton, la ligne de sa mâchoire, ses joues bien aimées, les couvrant d’une myriade de baisers attentifs, suave et chauds.

Lorsqu’elle parvint à hauteur de ses tempes, l’ancienne Capitaine de Quidditch porta ses bras nus autour des épaules masculines du garçon, l’enserrant avec une infinie tendresse contre sa poitrine en calant délicatement la tête du sorcier dans le creux de son cou. Quelle était donc ce brutal et douloureux aspect de sa déficience dont il se protégeait avec tant de secret ? Cela avait-il un rapport avec l’impitoyable dégénérescence de sa mémoire ? Cette photographie lui avait provoqué un tel choc qu’il était impensable que seule sa représentation en soit à l’origine. Les deux héritiers Craft n’abordaient jamais l’indécent sujet de leurs faiblesses respectives et si elle se sentait responsable du mal qu’il supportait justement à cause de son ignorance, Pénombre savait qu’elle ne franchirait jamais les frontières de son intimité, si ruinée soit-elle.

« Je suis désolée. Je ne voulais pas te faire de mal. »

Sans relâcher sa prise sur lui et avec d’infinies précautions, elle laissa son dos se dérouler au sol comme un serpent, s’allongeant dans l’herbe froide du terrain de jeu en l’entrainant dans son inertie. Les longues jambes de la sorcière se disposèrent naturellement de part et d’autre du corps de Keith, se plièrent à peine pour lui aménager le cocon confortable de son corps tandis que la douleur de sa côte brisée lui arracha un gémissement rauque. Contre son cœur, la sorcière sentait les formes familières du visage du garçon, sa respiration profonde, de plus en plus régulière à mesure qu’il se calmait.

« Keith, s’il te plait… Dis-moi que tu vas bien… »

S’embusqua-t-elle. Sa voix n’était qu’un murmure léger, presque intérieur mais les vibrations basses de ses paroles ne relevaient toutefois la moindre marque des intonations classiques qui amenaient habituellement l’interrogation. Pénombre voulait savoir et il était évident qu’elle ne se laisserait pas distraire par l’une des ingénieuses pirouettes habituelles de l’Aiglon. Câlins, satinés et réguliers, ses doigts opalescents caressaient le profil accessible du visage de Keith et glissaient par vagues affectueuses dans ses cheveux en dispersant leur enivrant parfum dans l’air. Piégée dans le délice de cet instant, l’ancienne Championne du Tournoi des 4 maisons ne revint à elle qu’après un long moment passé ainsi, à le tenir dans ses bras, tout contre elle en patientant sa réponse. Elle tendit alors une main vers le ciel, se jouant de la lumière du soleil afin de faire naître des ombres sur le pâle visage de son cousin. Sa voix plus légère tenta d’attirer son imagination vers d’autres horizons, loin de la terrible souffrance qu’elle savait lui avoir infligée :

« Lorsque j’étais plus jeune, mon père m’emmenait souvent chasser le mbwun* avec lui, je restais des heures à écouter la forêt m’expirer les odeurs de la piste que je suivais. Je me souviens qu’une fois, après des jours de traques, j’étais enfin parvenue jusque la tanière de l’un d’entre eux. En as-tu déjà vu, mon cher cousin ? Des cornes de bouc d’une longueur incroyable, et une face de crapaud répugnante. Des sortes de dragons à moitié amphibies dont la masse écailleuse bloquerait le plus large des couloirs de l’école et un rire si assourdissant, qui rugit avec une telle furie dans la nuit. »

Trois de jours de coma avaient suivi la bravade de l’expédition mais elle éviterait de lui confier les détails sanglants de l’incident pour ne pas briser l’effet d’insouciance qu’elle distillait à ses confidences.





*The Who Walks On All Fours
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyMer 10 Mar - 8:56:19

Keith avait honte du pathétique spectacle de son impuissance. Lui qui d'ordinaire était si digne, si noble, véritable soleil couchant d'une élégance désabusée, n'avait rien pu faire contre les tourments qui venaient de briser le marbre de sa splendide impassibilité. Son visage habituellement serein n'était plus qu'un masque dramatique comme un pâle reflet du brasier de douleur qui flamboyait derrière ses yeux clos. Les tempêtes qu'il enfermait honteusement par delà les barrières d'une maussade noblesse venaient de submerger les fragiles digues de sa volonté. Et son âme brisée, ballotée par les vagues traitresses de sa maladie errait comme un voilier démâté sur les flots de sa tragédie. Cet Ouragan que Pénombre venait de réveiller, elle seule avait le pouvoir de le dompter et de le calmer. Mystérieuse déesse des vents, elle faisait naitre sous ses brulantes caresses des iles de douceur et de tendresse au milieu de ce chaos mugissant.

Les plus cruels supplices finissent toujours par s'estomper. Les flots ravageurs de sa douleur refluèrent doucement face aux tendres attentions de la Ténébreuses, et ils le laissèrent nu, tremblant et désarticulé, comme une vieille épave sur la plage déserte de son déshonneur. Il tenait encore dans son poing fermé, la petite photo qui avait été la cause sa chute. Elle n'avait plus de sens pour lui. De ces souvenirs qui l'avaient terrassés il n'en gardait aucune trace, et les sonneries stridentes de leurs mélancoliques appels décroissaient dans le lointain, absorbées par les brumes ouatées de son amnésie. Le tourbillon de couleur s'effaça aussi rapidement qu'il était apparu, et le voile blanc retomba comme une chape plomb sur les cendres de son passé. Rien avait changé en apparence, et pourtant le mal était fait.

Cette scène infamante allait le poursuivre toute sa vie comme la marque au fer rouge appliquée sur l'épaule d'un galérien. Il lui serait désormais impossible de se défaire, même dans l'oubli, de ce cruel moment d'humiliation. Pour la première fois un Craft venait de courber l'échine et de ployer le genoux devant un adversaire. Il avait été écrasé par le despotisme tyrannique de sa dégénérescence qui venait de l'avilir sous le regard de sa cousine. Cette dernière avait beau tarir de ses suaves baisers les larmes de son déshonneur, ses joues garderaient à jamais les pâles sillons creusés par les torrents cristallins de son impuissance. Voilà bien la preuve de la faiblesse de son sang, là où ses glorieux ancêtres rugissaient et grondaient, lui se contentait de miauler comme un chaton affamé et abandonné. Et pourtant dans l'ombre rassurante de la cape de la Succube, il se plaisait à rêver et à espérer. Il ne voulait qu'une chose : qu'elle le pardonne. Mais de cette muette supplique, aucun son ne vint caresser les oreilles de la Panthère.

Douleur et bonheur étaient décidément intimement liés chez Keith. Alors que son esprit peinait à panser ses blessures, son corps se réchauffait doucement au contact de son âme sœur. Cette félicité éphémère encore tremblotante comme une braise noyée dans la cendre d'un âtre éteint ne demandait qu'à se rallumer. Il se faisait l'effet d'un mourant à qui l'on accorde ses dernières volontés. Il venait de rejeter bien malgré lui le touchant cadeau de Pénombre, et elle cherchait quand même à le bercer, à le réconforter ; lui qui était si injuste avec elle ! Elle aurait du l'abandonner sur le stade, et lui donner le coup de grâce comme on abat un cheval de course qui a chuté. La tête calée dans le creux de la nuque de Pénombre, il frissonnait à mesure que son trouble s'évaporait.

Il étaient si proches...Trop peut être...

Elle avait pour lui des gestes tendres et passionnés. C'était tellement rassurant. Jamais le jeune homme à l'enfance si malheureuse n'avait eu la chance de se sentir aimé, protégé ou choyé. Depuis la mort d'Ophélie, les saisons avaient disparues et sa vie n'était plus qu'un hiver triste, gris et glacé où Pénombre allumait parfois d'éphémères printemps.

Elle l'attira et il se laissa entrainer comme on chute dans un abime sans fond. Leurs deux cœurs battaient à l'unisson, et son sang frissonnait dans ses veines comme s'il avait voulu passer de l'un à l'autre. Pour une fois ses tourments étaient apaisés. Couché sur elle, et blotti contre elle, il laissait les paroles légères de Pénombre voler autour de lui comme autant de notes d'une chanson qu'elle fredonnait. Il ne pensait à rien, il était simplement en paix avec lui même, et ses cinq sens savouraient avec délice l'instant présent. Peu importe s'il devait tout oublier le lendemain. Dans sa poche son carnet souvenir se fit tout petit jusqu'à disparaître de ses préoccupations. L'avenir ne lui paraissait soudain plus aussi sombre qu'à l'accoutumé, et dans la tiédeur de leur étreinte son âme vagabondait comme libérée de ses entraves terrestres alors que esprit tentait de refermer ses blessures encore vives.

-Ne t'inquiète pas Pénombre, je vais bien. Sous la pâle caresse velouté des doigts de sa cousine, son mensonge ne lui paraissait plus aussi énorme que cela et il le murmura avec toute l'ardeur que l'on met à rassurer un être aimé.

C'était elle qui avait manié le poignard qui venait de le transpercer. La photo que Keith tenait encore dans sa main attestait du crime involontaire de la Panthère. Mais Keith savait qu'elle n'était pas coupable. Comment lui en vouloir ? Comment lui dire que ses excuses n'étaient pas justifiées ? Si douleur il y avait eu, c'est lui qui ce l'était infligé tout seul, et les reproches avec lesquels elle se flagellait n'avaient pas lieu d'être.
Il était un petit papillon de nuit amoureux d'une flamboyante étoile. Parfois lorsque tout à sa passion il s'approchait trop près, un formidable retour de flamme venait lui réapprendre qu'il n'était qu'un pauvre mortel. Pouvait on pour autant en blâmer l'astre céleste ?

Mais ce que son esprit poétique parvenait à exprimer du bout de la plume, sa langue était bien en peine de le retranscrire. Il aurait tellement voulu sortir un joli vers, une jolie phrase pour la remercier de ce qu'elle faisait, pour la dédommager des trésors de patience qu'elle déployait avec lui ou tout simplement pour lui conter à quel point il était heureux qu'elle enchante le Monde de son Impériale présence. Mais ses lèvres restaient muettes.
Car ses sentiments, enfants monstrueux de son esprit ruiné, il n'osait pas les exposer à la lumière du jour. Ces derniers se trainaient lamentablement dans la poussière corrosive et les déchets de son âme malade. Ils rampaient dans la fange comme l'Albatros de Baudelaire à qui on a coupé les ailes, et piaillaient d'infâmes imprécations haineuses à l'encontre du monde, de la vie et du destin. Alors il les dissimulait comme le patriarche d'une auguste lignée enferme dans un placard quelques bâtards dégénérés, fruits honteux et non assumés de sa semence. Ainsi rares étaient les fois où les lourds rideaux de velours de cette âme secrète s'écartaient pour laisser filtrer un peu de son mystère.

Mais ce que les mots ne pouvaient retranscrire, peut être pourrait il...Non c'était trop audacieux...Trop fou...Encore que...

Le petit conte de Pénombre ne lui parvint que de très loin comme étouffé par une ivresse grandissante. Il aurait été bien en peine d'en saisir le sens, même si la musique avait admirablement caressée son ouï et apaisée son âme orageuse.
Lové contre elle, il se perdait dans un cercle de sensations intenses dans lequel il roulait et errait un peu hagard. Dans la discrétion de ses pensées, bonheur et mélancolie se disputaient cette âme incertaine en proie à d'étranges courants. Et alors qu'il s'abandonnait à une douce et rêveuse tendresse, il sentait naître en lui un lien d'acier forgé dans l'enfer d'une implacable passion. Cette chaîne qu'on venait de lui passer subrepticement autour du cou, semblait l'attirer et le pousser à commettre...
Mais sa volonté vivifié des plus célestes inflexions d'une affection sainte et pure se cabra pour lutter contre cette attirance.

Toute paix abandonnée, il regardait la jolie main de la Ténébreuse jouer avec les ombres. Cette main qui pouvait tour à tour le plonger dans des torrents de voluptés, ou faire naitre les plus délicates poésies.

Un vent de flamme soufflait maintenant dans son être tremblant. De fiévreuses turbulences, et des frissons ardents et empoisonnés l'asphyxiaient impitoyablement pour mieux le damner. Son cœur qui battait contre celui de sa cousine, était désormais un foyer d'où s'étendaient et rayonnaient le long de ses veines des ardeurs dévastatrices. Il n'avait qu'un désir : s'enlacer à elle tout entier pour ne faire plus qu'un.

Qu'elles étaient ces passions qui explosaient en lui avec fureur ? Keith perdu n'y comprenait plus rien. Toute légèreté l'avait quitté. La trêve tacite qu'il avait conclu, sous le bienveillant arbitrage de Pénombre, avec ses tourments venait de se rompre. Et le ciel éclairci de son âme se couvrit de lourds nuages noirs et hostiles, dont le grondement sourd menaçait de se transformer en tonnerre fracassant.

Il étouffait. Il aurait voulu repousser ces doigts qui jouaient dans sa chevelure et qui y laissaient des sillons brulants....Il...

Il devait fuir, il devait agir. Son âme chevaleresque refusait ce que ses sens ordonnaient. S'il avait pu, il serait parti en courant comme un dératé, sans même un regard en arrière. Il se faisait l'effet d'être un pestiféré, qui voit les premiers symptômes sur son corps, et s'enfuit pour ne pas avoir à révéler la teneur de sa maladie à sa famille. Pénombre ne devait rien savoir de ses tourments. Elle le rejetterait, et l'abandonnerait s'il se laissait aller à une telle faiblesse.

Avec une infinie lenteur, il se redressa au dessus d'elle en prenant appui sur l'herbe gelée, et abandonna à regret ce corps qui trahissait des saveurs inconnues et des arômes qu'il n'avait pas encore respiré. Il ne bougeait qu'avec milles attentions et précautions pour ne pas martyriser ce corps stigmatisé par les cruelles attaques des cognards. Il n'avait qu'à rouler sur le côté pour échapper à son martyr.

Leurs têtes étaient si proches...Leurs souffles se mêlaient dans un nuage de buée cristalline et devenaient indissociables.
Tout à sa folie, le jeune homme maudit sa décadente lignée. Il maudit ce sang impur qui le poussait dans ses derniers retranchements. Mais la partie était mal engagée, et c'est avec terreur qu'il voyait ses défenses tomber les unes après les autres à mesure que l'ennemi franchissait les fortifications qu'il avait établi à la hâte.
Il respirait avec les langueurs enflammées des mystiques, cette rose ténébreuse sans se soucier des épines qui lui infligeaient de profondes blessures. L'haleine tiède de Pénombre sur son visage, le noyait dans les pulsions écrasantes d'une asphyxie de voluptés.

Vaincu, il l'était depuis longtemps, peut être même depuis quatre ans et ce premier contact furtif entre leurs deux mains à la table des aigles. Comme un joueur d'échec couche son roi avec fatalisme lorsque résonnent les cors sauvages de la défaite, il plongea dans cette mer de douloureux délices et déposa un baiser sur les lèvres chéries de sa cousine. Il y mit sa tendresse, son amour ses passions et beaucoup de douceur.

Oh, ce ne fut qu'un chaste baiser. Leurs lèvres ne firent que s'effleurer furtivement. Et pourtant ce contact agit comme un électrochoc pour Keith. Effrayé par ce qu'il venait de faire il écarta sa tête et détourna le regard honteux. Son cœur battait avec frénésie et puissance, comme le glas d'une église lointaine qui annonce quelques funestes drames. Ses ardeurs loin d'être apaisées ronflaient avec la puissance d'un brasier à peine contenu mais désormais, l'ombre cornue, ailée et griffue de la damnation éternelle se dressait devant lui ; ou plus précisément entre Pénombre et lui. Il compris avec horreur qu'il venait d'écrire en lettres de sang une nouvelle page de sa tragédie, alors que dans le ciel la sombre roue du destin continuait son infernale rotation. Mais avait il vraiment eu le choix ?

-Oh, Pénombre...Pardonne moi...

Ses paroles tombèrent doucement de ses lèvres comme les perles de sang d'une plaie qui commence à saigner.
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptySam 13 Mar - 23:18:51

« Elle a perdu tout espoir dans le Paradis mais s’accroche à l’espoir plus grand de la damnation éternelle. »

Virginia Woolf.




C’était un compte à rebours. Comme le calme avant la tempête. De longues secondes s’égrenant en condensant l’air de sourdes menaces qui ne parvinrent longtemps à murer Pénombre dans le vain désaveu qu’il n’en était rien. Son cœur battait sans répit la peur implacable qui l’habitait, celle de céder à la tentation auquel aspirait de toutes ses forces, son inconscient profané de désirs affreux et de périr dans les flammes de la damnation éternelle, expiant sans fin l’infâme insidieux et terrible que son esprit avait osé caresser ; Celle de la souffrance qu’elle savait infliger trop facilement, trop souvent à Keith, la caresse corrosive qui le détruisait un peu plus à chaque fois qu’elle l’approchait. Et cette terreur sépulcrale la consumait de l’intérieur depuis de trop longues années maintenant, n’épargnait jamais sa quiétude des sévices sadiques des ronces amères de la culpabilité et du mensonge.

Il lui mentit. Mais il demeurait bien trop touchant dans son abandon, désarmant dans sa quiétude apaisée pour qu’elle ose dissiper l’illusion traitre qu’il devait entretenir de son méfait. Car il émanait en effet de Keith une innocence enfantine, une douceur angélique qui semblait si irréelle dans la noirceur putride du Monde, un merveilleux songe inachevé qui s’évanouirait au moindre geste déplacé, au premier soupir. Olympienne chimère inaccessible puisqu’imaginaire, totalement inventée, trop aimée pour exister réellement et pourtant si persistante à l’esprit… Lorsqu’il se redressa sur elle, les appuis que son corps masculin prit sur celui de Pénombre lui ravivèrent à l’esprit d’autres situations amplement plus intimes et charnelles qu’elle avait jadis partagé avec de nombreux amants mais qu’elle s’était toujours défendu d’associer aux tendres souvenirs de son cousin. Une tension dérangeante en emplit l’atmosphère, comme autant de promesses menaçantes de foudre, de tempête et d’orage, veinant l’air d’étincelles aussi crépitantes qu’invisibles.

Mais soudain, la vie du Serdaigle entra en collision avec celle de Pénombre et le paradoxe, le délabrement moral de son acte la projeta dans une tourmente infernale. Effarée, elle porta ses doigts à ses lèvres, sans oser toucher ce que Keith avait effleuré des siennes. N’était-ce pas un cruel mirage ? Une déviance putréfiée que ses fantasmes frustrés avait invoquée pour la confondre sournoisement dans ses sacrifices de renoncement ? Pour la pousser à s’assouvir ? Cueillir et dévorer le fruit mûr qu’elle avait attiré jusque sur son corps ? Mais déjà l’éden rêvé s’évaporait dans l’expiation et la crainte pour ne laisser qu’un océan aride de souffrances et de manques. Paroles émancipatrices et mauvaise conscience de son orateur, Keith lui présenta de vaines et tristes excuses auxquelles il ne semblait que trop croire. Mais plus il se fustigeait, plus il excitait la névrotique convoitise de la Serpentarde qui n’aspirait dans sa nature qu’à dominer toute existence sur terre et au-delà. Ce qu’il lui avait osé lui faire ne possédait pas assez de pouvoirs pour rassasier l’insatiable soif qu’elle avait de lui mais c’était déjà bien trop pour retenir le fléau igné que son baiser avait libéré.

Imperméable aux hurlements déchirants de son âme, incapable de la moindre objectivité, ses mains autonomes de raison, insultantes d’outrages se glissèrent avec une infinie mais ferme douceur de part et d’autre de son visage et elle le captura jusqu’elle en tirant doucement sur les attaches de sa mâchoire. Plus injonction muette qu’invitation, elle scella enfin ses lèvres dans le plaisir d’un sévice corporel maléfique.

« J’en ai tellement besoin…»

Encore… Encore. Mon Amour, encore. Tue-moi que je meure car je ne peux vivre sans ivresse pour toi, qu’elle me consume et me noie, me brise et m’annihile, quand les ténèbres planent sur moi en replis étouffants et épais pour étrangler mon souffle et broyer le cœur en ma poitrine, accroupis sur mon ventre comme un succube chaud et enflé. Quand je gis brûlante de douleur, impatiente et malade, à écouter le galop dément de mon pouls, le marteau de mon cœur et sentir venir, sans nulle cure possible, ma dernière heure. Pose ton souffle froid sur ma chair brûlée de fièvre car je me damnerais pour ces lèvres de glaces qui calcineront mon âme empoisonnée de ton être. Porte-moi sur les terres inexplorées de ton corps, sur le délice de ces sentiers inconnus où je perdrais toute raison jusqu’à m’y fondre entièrement car en nul autre endroit je ne souhaite vivre ou mourir. Tu es mon Valhalla personnel, l’enfer de ma damnation éternelle. Je t’appartiens corps et âme, au point fasciné que je les détruirais pour toi.

Fulgurant, son instinct prédateur et dominant les fit basculer tout deux d’un geste, l’un prenant la place de l’autre tandis qu’elle approfondissait son fiévreux baiser d’un désir sauvage, furieux, désespéré et absolu. Comme si sa propre vie en dépendait, comme si celle de tout l’Univers était enchainée à l’accomplissement primordial de cet acte de blasphème et d’abandon. A cet instant précis, la Rusée sentit chaque parcelle de son corps transpercée par un arc électrique insoutenable de puissance qui corrompait toutes sensations sur son passage en un atroce supplice de délices, à la fois extase intolérable et douleur abyssale, transcendant pourtant ces deux états extrêmes, diamétralement opposés. Intimement liés. D’irrépressibles frissons secouèrent avec ferveur l’intégralité de son corps encore engourdi par la chimère insensée de cette réalité et de ses atroces conséquences tandis que continuait de se propager à travers tout son être la brûlure aigue d’une énergie terrible. En violant avec incestuosité l’innocence de son tendre cousin, elle savait renoncer à son âme et la sienne, piétiner ses principes, subir une profonde et irréversible déchéance de toute cette substance ignoble qui la constituait.

Mais l’exultation démoniaque était à la hauteur de l’horreur du péché et son esprit fou s’éclaboussait avec vertige d’ordures et de sang, d’un appétit avilissant pour l’interdit absolument infernal de cette chair défendue. Cette volonté de puissance et de possession se nourrissait paradoxalement aux sources même d’une constriction inextinguible qui l’avait étouffée si longtemps sous l’impitoyable abdication et la repentance d’un Clan maudit depuis des siècles. Une résignation malheureuse qui n’immunisait hélas, nullement contre la faute… Posséder ses lèvres, goûter sa bouche, caresser sa langue l’étourdissait, l’enivrait, la shootait comme si son sang n’était plus que drogue pure et feu malin, métal en fusion dans ses veines déchirées d’extase. Un baiser foudroyant, à la dimension abominablement biblique.

Destinée Craft avait enfanté un monstre, et du même synchronisme, la lignée secondaire des Craft avait mis au monde les théories vivantes qui permettaient de confondre et de détruire cette exécration. Formidable organisme à susciter le mal mais sans le contenir, Keith était la lumière qui alimentait la nuit qu’était Pénombre, son antithèse la plus fondamentale qui lui permettait à la fois d’exister et de mourir. Apres des siècles de saturnales sanglantes, voilà que le maitre et l’esclave, les héritiers de la branche principale et secondaire échangeaient de nouveau leur place pour célébrer la décadence de leur nom. Les actes de l’Anglaise s’ouvraient sur une envergure si bestiale et si primale que son âme vacilla sous son incommensurable influence ravageuse, ses veines rendues saillantes par le désir.

Pas dupe de ses zones d’ombres, la Ténébreuse ne connaissait pourtant que trop bien ses déficiences, la fragilité de ses barrières qui la séparaient à grand peine de sa propre ignominie mais cette lucidité obsédante et poussée à l’extrême lui interdisait d’en appeler à une croisade du bien contre le mal et l’incitait plutôt à lui substituer le combat du préférable contre le détestable. Elle n’avait ainsi jamais pu renoncer à fréquenter le jeune garçon qui, elle ne pouvait l’ignorer, provoquerait un jour sa perte. Son rapport oblique vers la vérité, ses hypocrites stratégies d’évitement censées lui garantir la survie à l’exposition des radiations submergeantes qu’émettait l’aura du Serdaigle n’étaient que poussières aux yeux, fausse excuse qui lui permettait de maintenir l’équilibre précaire de sa raison. Mais dans cet univers de mensonges sous contrôle et de trahisons à soi-même, l’harmonie hypnotique d’un baiser volé, entêtante et dangereuse n’aurait jamais dû exister.

La vague dévastatrice de repentance qui aurait dû l’abattre telle le châtiment divin mérité ne vint pas, la contrition bénite restait muette, se recroquevillait en grésillant quelque part aux tréfonds de son âme, dans d’incandescentes sources de chaleur malsaines, laissant au final une mêlée morte et calcinée de cendres fumantes. La fustigation véhémente qui l’avait toujours retenue, cette passion à se maudire, à se lacérer si nécessaire pour protéger les êtres aimés céda en même temps à la perdition absolue que le triple sceau de l’amour, de la fraternité et de l’anathème. A l’ankylose de la rétention aurait dû succéder l’avalanche pénitentielle imposant l’expiation de sang au péché commis mais rien ne vint. Pas même le moment où la culpabilité morale, métaphysique ne permettait plus de se dérober à toute responsabilité, la dette envers les morts devenant plus forte alors que le devoir envers les vivants.

« Je… Je perds le contrôle. Va-t-en ! »

Au contraire, Pénombre s’enflammait avec démesure, son hésitation momentanée, calcinée par l’intensité de l’ardeur éveillée. Son regard de damné trahissait la vivacité corrosive d’une vénération enflammée, éclat presque fou qui brûlait aussi insolemment, aussi ardemment que les flammes avides d’un Feudeymon. Le cœur de l’Animagus battait frénétiquement dans une passion démente, une ignominie ravageuse, frappait sa poitrine avec puissance, se fracassant chaque fois davantage dans sa prison thoracique et elle avait une démesurable envie de contempler sa nudité, de le posséder, de souiller sa chair dans la sienne. Un cœur enflammé, ardent, enragé, hurlait de tout son désespoir l’enfer qui le retenait prisonnier, insupportable obstacle insurmontable qui lui faisait mal, mal à en mourir. La Vipère avait besoin d’annihiler, de brûler, de se perdre encore plus loin et plus dangereusement que jamais dans des méandres autodestructeurs, sans vraiment savoir si elle allait en revenir intacte, s’abimer et se punir à en perdre la raison, pour enfin ressentir ce monstrueuse déshonneur qui aurait dû la consumer tragiquement. Ses émotions enflant, grondant comme un raz-de-marée. Le summum dévastateur survint brutalement juste avant qu’elle ne rompe avec rudesse son baiser, poussant la brune dans ses derniers retranchements mentaux.

Une effroyable jouissance mourut avant même de naitre, sans jamais atteindre son cœur paralysé, quand le plaisir l’enveloppa de nouveau pour l’attirer dans la violence plus viscérale de la prise de conscience. Presque aussi effrayant, abject et abominable que le péché originel, l’ancien poison de la damnation, Pénombre avait osé salir la blancheur immaculée et angélique de son propre cousin, son seul égal, son unique Alter-égo. Accomplir un acte impardonnable d’abjection.

Féroce, l’esprit critique se dressa contre lui-même pour consumer les dernières défenses de son porteur, dévorer dans une sorte de cannibalisme barbare chacun de ses garde-fous et se mit soudain à tout détruire, à tout incendier sur son passage, d’une volupté obscène qui ne laissait rien debout. L’héritière des Craft avait succombé à l’extasiant péché d’inceste et il y avait quelque chose de profondément dramatique dans cette odieuse prise de conscience tandis qu’en sa victime, elle ne percevait plus l’image sereine de son unité mais le miroir fragmenté de ses déchirements, la glorification charnellement détournée de son admiration sans faille pour lui. Comment avait-elle osé ? Se voulait-elle à se point le seul siège de l’inhumanité en acte qu’elle portait cette malfaisance répugnante en exergue comme d’autres leurs décorations ?

La clarté limpide de ses iris irradiait à présent des reflets fauves tandis que ses prunelles obscures s’étiraient comme déformées par la présence d’un nouveau centre de gravité en invoquant la bête qui se terrait dans les profondeurs maitrisées de son âme. Sous la violence de l’énergie magique invoquée, les longues mèches obscures de l’Anglaise se délièrent de sa natte, comme électrisées par la manifestation chaotique et invisible d’un pouvoir qu’elle ne parvenait plus à canaliser. Car une partie de son être répondait aux violents stimuli animaux que provoquait son échaudement physique tandis que l’autre moitié combattait avec faiblesse la bestialité qui se condensait, se densifiait dans un furieux instinct de survie. La magie nécessaire à la métamorphose fut libérée avec toute l’ardeur animale qui la consumait de désir pour Keith mais elle ne trouvait nul réceptacle où agir tant la raison de la Ténébreuse se murait dans un déni subversif. Ses griffes acérées, intermédiaires entre humain et bête, lui arrachèrent ses vêtements d’une gifle violente et dénudèrent son torse avec une sauvagerie licencieuse. De longues estafilades parallèles se dessinèrent dans le sang sur la peau marmoréenne du Serdaigle, tranchant d’un terrible contraste avec la tendre pâleur de son corps. Puis vifs comme l’éclair, ses prises menottèrent ses poignets tandis qu’elle stabilisait, haletante, une position à califourchon sur lui. La tendance de son bassin était très explicite contre celui du garçon, sa prise ferme et tyrannique ne lui autorisant quant à elle, le moindre mouvement. Il était entièrement à sa merci. Et n’y avait qu’un pas qui la séparait de l’impardonnable.

Enfin, comme pressenti, elle but, but les eaux de Léthé avec la folie aveugle d’oublier les chaines qui l’avaient toujours entravée loin de lui. Le goût sacré du sang Craft sur sa langue confinait dangereusement son esprit à la folie mais elle ne pouvait s’empêcher d’embrasser ses blessures, de laper ses plaies d’une interminable caresse à l’indécence libidineuse. La rugosité animale de sa langue courrait sous sa clavicule, sur son poitrail, ses pectoraux en s’abreuvant à la source même du péché, ses lèvres retroussées par-dessus des crocs acérés qui écorchaient la toile fine de l’œuvre qu’il était. L’harmonie fusionnelle que la Ténébreuse avait passé des années à construire avec son animae volait dangereusement en éclats et l’exercice était incroyablement dévastateur pour l’esprit. Si Pénombre ne se stabilisait pas rapidement, elle se perdrait bientôt dans un état de folie permanent comme cela se produisait souvent au cours du cheminement de maitrise du don.

Il y avait l’odeur âcre de la souffrance. La douleur comme si rien ne pouvait plus l’arrêter, mettre radicalement un terme à sa progression maléfique, désastreuse, endiguer ce fléau ravageur, néfaste exterminateur, qui consumait sa personnalité dans une tempête infernale. Et il y avait tellement pire que la mort sur son champ de bataille, tellement plus avilissant, infiniment plus douloureux que ce néant inquiétant qui succédait à la plénitude de la vie. Là, sur le chemin des Enfers, c’était comme si l’acier incandescent d’une lame lui giflait le visage, cautérisant affreusement sa chair fumante qu’il fendait sans vergogne. Et sous la monstrueuse affliction ressentit, saturant cruellement d’affreux stimuli ses sens écorchés, fulgurante douleur aussi mentale qu’émotive, la saccade effrénée de son souffle s’échappait dans un bouleversant sifflement entre ses dents serrées. Car il y avait ô combien plus effroyable que ses terribles peurs sous jacentes de le perdre ou sa dévastatrice passion pour lui. Que ses immondes et répugnants démons muets qui l’observaient silencieusement se tordre d’une violente souffrance méritée. Il y avait amplement pire…

La sensation de mourir vint, plus forte que toutes les autres lorsque commença à se désolidariser son âme. Pénombre se figea soudain, le visage intensément tendu de douleurs en se redressant sur lui, le visage taché de sang comme une souillure permanente. Sa silhouette s’anamorphosait, ondulait, indécise et complètement déphasée par les furieuses volontés contraires qui secouaient son être tandis que sa main griffue et rougie passa sur son visage blême de pensées d’expiation et de perdition dont les yeux vides densifiaient encore davantage l’horreur qu’il s’en dégageait. Enfin, elle hurla de douleur, incapable de se maitriser, brisée par la déchirure chaotique de son âme. Un cri horrible, inhumain, mi-bête, mi-homme, à glacer le sang dans les veines. Une hymne funeste de douleurs soniques, plaintives, tournoyantes qui explosa rapidement en une nova de hurlements poignants qui auraient brisé la pierre sans mal.

Vaincue, l’identité humaine céda son influence agonisante à la bête et disparut dans les profondeurs obscures de son essence tandis que l’ocelot se matérialisait enfin. Même à travers la félinité pelucheuse de ses traits, une douleur accablante, corrosive se trahissait par delà l’ambre dévastée de ses yeux et bientôt la silhouette fauve du prédateur se perdit par delà les frontières floues de la forêt interdite dans une fuite effrénée que la conscience ne pouvait hélas, imiter.
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MessageSujet: Re: Grandeur et ascendance [PV] [Terminé]   Grandeur et ascendance  [PV] [Terminé] EmptyLun 15 Mar - 22:14:15

Ce baiser sauvage que lui rendit sa cousine lui fit tout oublier. Pendant de trop rares secondes il ne fut plus rien, juste deux lèvres qui se pressaient contre la bouche adorée. Il avait l'impression de ne faire plus qu'un avec celle qui régnait sur son existence. C'était comme si leurs deux âmes avaient fusionnées dans une céleste extase. Pouvait on rêver plus belle communion ? Plus beau partage ? Ils étaient deux faces d'une même pièces, il étaient deux moitiés aussi proches indissociables. Ce sang qui bouillonnait dans ses veines était le même que celui qui colorait les joues de Pénombre et il était inéluctable qu'ils cherchent à atteindre dans l'étreinte de leur enveloppes mortelles l'harmonie de leurs âmes.

Mais cette tendre fusion fut brisée, vampirisée, et même pulvérisée par l'ardeur bestiale de la Ténébreuse. Comme un nageur qui a besoin de reprendre son souffle Keith voulut rompre l'étreinte pour revenir à la surface, mais il ne put. La poigne de fer de la serpentarde l'emprisonnait aussi surement que le carcan d'airain qui enchaine la victime à la table du bourreau. Il se noyait dans cet embrasement contre nature. Cette douloureuse passion que lui imposait son âme sœur, ne lui fit que mieux prendre conscience de sa malédiction qui le condamnait à subir cet amour corrosif, venimeux et implacable dont la seule issue ne pourrait être que tragique. La funeste vérité qui nait dans le désespoir le plus absolu l'éclairait et ne lui laissait voir qu'une mort assurée et prochaine, dont la route était pavée entre la honte et le remord.

Le visage adorable de sa cousine, d'ordinaire astre sans nuage de la pâle existence de l'amnésique, n'était désormais plus qu'un masque sombre, funèbre et ténébreux qui le terrifiait. Il aurait voulu fuir le brasier dévorant de ces deux yeux verts qui brulaient du même éclat malsain qu'une nappe de feu grégeois perdue sur une mer d'obscurité, mais il était comme paralysé. Cette tempête qu'il avait imprudemment réveillée de ses lèvres, courbait, brisait et déracinait tout dans son âme désolée. Il sentait passer dans son esprit de monstrueuses fumée, à tel point qu'il lui semblait que sa tête n'était plus qu'un champs de cendres. Derrière le voile noir de son impuissance ne demeurait plus que l'image de cette Succube de ténèbres et de flammes qui martyrisait son corps et enchantait ses sens.

Pourtant Keith n'avait jamais autant aimé Pénombre qu'à cet instant. Il était de ces martyrs, qui trouvent la passion la plus pure au cœur des tourments les plus cruels. Il aurait pu tenter de fuir, de se débattre ou de la frapper lorsqu'elle lui ordonna de s'éloigner mais il n'en fit rien. Au contraire, il ferma ses deux yeux bleus, et son visage de marbre s'apaisa. Il se faisait l'effet d'être un de ces fougueux destriers qui, lors des plus âpres batailles au moment où ils sont éraflés au poitrails par les lances adverses, ressentent un incompréhensible attrait pour la douleur, qui les pousse à se précipiter plus en avant sur les dards coupants pour s'y enferrer jusqu'au cœur avec un hennissement déchirant. Des larmes aussi pures que cristallines dévalèrent le long de ses joues, comme l'ultime témoignage de cette innocence qu'il sacrifiait à celle qu'il ne pourrait jamais cesser d'adorer. Cette virginité d'âme et de corps, qu'il avait jadis élevée comme une stèle en l'honneur d'Ophélie, il était résolu à l'abandonner en pâture aux sombres instincts de sa tendre cousine.

Il venait de porter innocemment à ses lèvres une coupe de tendresse qui se révéla contenir un putride breuvage aussi froid que la mort, aussi glacé que le néant. Mais ce calice d'amertume qui empoisonnait ses sens et révoltait son esprit il était résolu à le boire jusque à lie...Juste pour Pénombre... Il aimait la Panthère, du plus beau des amours, et ne souhaitait qu'une chose, subir avec elle cette malédiction que des Dieux rieurs avaient gravée en lettres feu au dessus de leurs deux berceaux. Cette chaîne de fer froid qui les poussait dans les bras l'un de l'autre, il ne pouvait la nier, et si Pénombre choisissait de l'assumer alors il devrait faire de même ; peu importe ce que ça devait lui couter. Il promena un œil hagard sur la double voie tortueuse que la fatalité avait fait suivre aux deux héritiers Craft, jusqu'à ce point d'intersection où elle les avait brisés l'un contre l'autre. Il sentit alors un accès de mélancolie lui fendre le cœur, lorsqu'il comprit qu'il n'y aurait jamais d'issue heureuse à cette tragédie.

Keith ne frissonna même pas lorsqu'elle lui arracha ses vêtements. Il était comme insensible à la morsure de la terre gelée et aux mortels baisers du vent. Car l'hiver, la glace, le désespoir, étaient déjà en lui, accompagnant comme autant de sombres écuyers la nuit qui venait de s'abattre sur son âme. La sauvagerie de Pénombre avait déchirée la toile abstraite sur laquelle il avait peint l'illusion d'un amour vierge de toutes souillures, et il voyait avec horreur naître en lui de sordides pulsions qu'il ne pouvait maitriser.

Il ne pouvait s'empêcher de subir avec délectation les blessures sanglantes que les griffes de sa cousine imprimaient à son torse, comme autant de preuves vivantes de son amour. Ah, comme il bénissait cette douleur et chérissait ces souvenirs que Pénombre était en train de graver en lettres de écarlates sur sa peau d'albâtre, devenue désormais l'égale d'un de ses petits carnets bleus.

Un feu brulant le dévora, et un frisson mortel l'anéantit lorsqu'il sentit la langue râpeuse du félin se glisser sur torse. Ce qu'il ressentit à ce moment là ? Un véritable sabbat endiablé de désirs inassouvis, de regrets tranchants, d'éphémères pulsions ou de sauvages répulsions, hurla et tourbillonna dans son esprit, pour mieux l'égarer et le perdre aux franges de la démence. Il ne pouvait que subir les ardeurs du brasier qu'il avait jadis enfermé dans son sein et que Pénombre attisait désormais de son souffle fiévreux. Ce même souffle qui caressait le visage de Keith comme autant de barbillons acérés, à chacun des halètements hachés de la Ténébreuse.

Vaincu, brisé, damné...Il ne put empêcher ses yeux de s'ouvrir pour contempler celle qui le tourmentait...Et alors il sut...Et alors il comprit...

La malédiction des Craft était sur eux, et pesait de tout son poids sur le bonheur de Keith. Cette sauvagerie, et cette férocité que mettait sa cousine à le lacérer n'était que la triste réminiscence de la folie destructrice qui avait poussé Cairius à commettre le plus terrifiant des crimes. Comme dans une réécriture diabolique du Portrait de Dorian Gray, il s'imaginait arracher et déchiqueter de ses ongles les tableaux de la grande galerie, pour enfin révéler sous les austères figures colorées de ses ancêtres les monstres qui couvaient en eux. Tous fous...La décadente lignée était née dans le sang et s'achèverait dans le sang. Terrifiant spectacle que de voir ces milles ans de démences et dégénérescence fouetter les ardeurs de Pénombre. Pourquoi combattait elle ? Pourquoi cherchait elle à résister ? Il n'avait qu'une envie lui crier : Vas y tue moi ! Met fin à cette abominable mascarade ! Puisse les monstres s'entretuer et se dévorer entre eux et ne plus jamais fouler de leurs sabots fourchus cette terre ivre, d'avoir trop bu la vie de leurs innocentes victimes. Ah comme il aurait aimé qu'elle lui arrache la jugulaire de ses crocs écarlates de son propre sang. Il ne voulait qu'une chose allait pourrir en enfer, et laisser la plus profonde obscurité ensevelir ses regrets.

Mais de ce carnage rédempteur qu'il implorait de toutes ses forces il n'en fut pas question. Et le crescendo atteint son paroxyme par une note de la plus exquise intensité dramatique. La transformation définitive de Pénombre en ocelot, vint clore cette tragédie, par un hurlement d'une splendeur crépusculaire.

Hébété, Keith sentit ses chaînes se rompre et il put voir avec l'impuissance du désespoir celle qu'il avait toujours aimé disparaître...

Un long sanglot le secoua et l'ébranla :

-Reviens Pénombre...Je t'en supplie...

Le jeune homme en larmes tenta de se relever, mais ses jambes tremblantes ne purent le porter et il retomba lourdement dans la neige

-...Reviens Pénombre...Ne me laisse pas seul...

Pathétique, éplorée, il rampait derrière les petites traces rondes des coussinets du félin, son torse nu laissant de longs sillons sanglants dans l'herbe gelée.

-...Reviens Pénombre...Je t'aime...

Ce n'était rien de plus qu'un murmure, juste un souffle comme l'ultime expiration d'un mourant.

-Rev...

Son râle se perdit et son front vaincu heurta le sol avec dureté. Quelques flocons joueurs vinrent sautiller dans ses cheveux.



* * *

Épilogue.


Le stade était désormais silencieux et désert comme assoupi sous sa couverture hivernale.

Frissonnant sous les rafales, les tribunes, véritables géants de bois et de toiles, grinçaient et discutaient sous les assauts de la bise. Elles avaient été les témoins privilégiées de cette tragédie déchirante qui venait de se jouer à l'ombre de leurs majestés muettes. Et les rafales lancinantes qui serpentaient entre leurs colonnes massives se faisaient l'écho de leurs commentaires tour à tour intéressés ou désabusés.

Avaient elles apprécié cette sombre reprise des Atrides au pied des Six Anneaux ? Nul ne pourra jamais le savoir.

Dans le ciel plusieurs nuages crevèrent, et un rideau de neige tomba sur cette scène mélancolique comme poussière dans un théâtre ruiné. Aucune ovation ne vint saluer le départ des acteurs. Personne ne prit la peine de battre le rappel, de toute façon ils avaient déserté les planches et la lumière pour l'ombre et l'oubli.

Un chapeau de supporter balloté par le vent, une bannière qui claque, quelques flocons...


* * *

Quelque part un félin courait...

Quelque part une main écrivait...
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