Semaine éprouvante... (Privé Pénombre Craft)

Vendredi 9 janvier 1998, soir

La semaine avait été éprouvante pour le nouveau professeur de potions. Entre son cours du mardi soir et ce vendredi, il n'avait pas eu beaucoup de temps à lui. Il devait préparer ses cours, préparer des documents et cetera. Pourtant, en ce vendredi, Killian avait décidé de fermer ses livres et ses dossiers pour la fin de semaine. Assis seul dans son petit appartement de Londres, il choisit de sortir prendre l'air et peut-être faire un tour à Pré-au-Lard question de relaxer correctement.

Il ferma le livre qui était ouvert devant lui depuis près d'une heure et ramassa les feuilles qui étaient éparpillées sur son bureau.

*Un vrai fouilli* pensa-t-il en éclatant de rire.

Tant pis, il rangerait cela plus tard. L'ancien aigle... quoiqu'il resterait toujours un aigle... Enfin, il se dirigea vers sa chambre où il sélectionna une tenue un peu plus ordinaire que ce qu'il portait actuellement. Il sortit un tas de vêtements avant de jetter son dévolu sur un pantalon noir coupé classique et une chemise noire avec de fines rayures horizontales argentées ajustée. Il se regarda dans le grand miroir qui était accroché sur l'un des murs de la pièce et choisit un lacet de cuir couleur bordeaux (rouge) pour retenir sa chevelure. Ensuite, il se dirigea vers la salle de bain où il actionna la douche avant de se dévêtir et d'y pénétrer.

La chaleur bienfaitrice de l'eau relaxa ses muscles tendus et lui permit de se détendre un peu, enfin. Après une semaine, c'était le premier moment de relaxation que Killian se permettait.

*Hum... cela fait du bien...* se dit-il en se masant la tête avec un shampoing doté d'un subtil arôme de rose.

Il prit le temps de se raser avant de sortir de la douche et de se sécher rapidement avec une serviette bien chaude. L'homme revint vers sa chambre où il s'habilla de gestes précis et rapides. Non pas qu'il soit pressé, mais bien que la température dans son appartement n'était pas toujours des plus régulières. Peut-être devrait-il en discuter avec son propriétaire un jour... quand il aurait le temps.

Une fois habillé, il se chaussa d'une paire de chaussures d'un noir légèrement brillant et se retourna vers son miroir en prenant une brosse afin de démêler ses cheveux. Cela fut vite fait et il put y nouer le lacet de cuir qu'il avait sélectionné plus tôt. Par la suite, il sortit de son appartement en verrouillant la porte. Il salua au passage le vieil homme qui surveillait l'édifice... comme si cela servait vraiment à quelque chose...

Il commença par se diriger lentement à travers les rues de Londres respirant l'air froid de cette soirée d'hiver. Lorsqu'il arriva dans un endroit désert et où il savait très bien qu'il ne serait pas vu, Killian transplana en direction de Pré-au-Lard. Arrivé sur place, il respira plus facilement puisque le petit village ne connaissait pas du tout la pollution que Londres pouvait connaître, heureusement. Il déambula dans les rues de l'endroit sans vraiment avoir de plan en tête lorsqu'au détour d'une rue étroite en tournant le coin d'un bâtiment, il percuta quelque chose, quelqu'un peut-être. L'écrivain ne marchait pas rapidement, mais il avait quand même de bonnes jambes et son pas normal n'était pas très lent non plus.

(HJ : à toi de voir...)

[Je ferais mieux la prochaine fois ^^', désolée.]

Dans les rues animées de Pré-au-Lard, la foire de l’hiver se tenait pour le troisième et avant-dernier jour consécutif. Occupant une position proximale avec la célèbre école de sorcellerie de Poudlard qui regorgeait de jeunes clients avides et facilement admiratifs, le petit village offrait un site idéal pour cet évènement festif annuel. Les artisans se déplaçaient de toute la cité pour exposer leurs marchandises aux regards brillants des clients, à celui plus spéculateurs des négociants et la plupart d’entre eux occupaient une place particulière qui leur était réservée depuis des années.

Venus de bourgs et de fermes par dizaines, ceux qui étaient en mesure d’accomplir le voyage avaient désertés les rues, plus dangereuses et moroses que jamais de Londres et se rendaient à Pré-au-Lard pour y vivre une semaine de folles festivités, avides de s’extirper d’un quotidien désespéré et oppressant, menaçant. Sur les centaines de stands et dans les pavillons, sur des innombrables chariots et sous les auvents dressés en hâte, partout sur la place centrale du village et débordant dans les
veines de la cité qui y débouchaient, acheteurs et vendeurs vantaient et marchandaient les produits variés et colorés de leur dur labeur. Partout où l’on posait le regard s’offraient mille merveilles à la contemplation, à l’imagination et malgré l’heure avancée de la soirée, les animations battaient encore leur plein ici, là pour un court instant se concentrait une fortune incalculable en galions et en articles de prix facilement transportables. De riches peausseries aux infinies palettes de couleurs différentes, de somptueuses fourrures et des objets de cuir finement découpés et assemblés, des cotonneries délicates et des capes de voyages chaudement doublées… De solides coffres en bois durs des tropiques à fond illimité où conserver ses achats en toute sécurité au cours des voyages, de délicats peignes en ébène et peau de vipère pour embellir la chevelure des dames, des bijoux délicats d’argent et d’or, en émeraude et opale et pour les protéger, des frondes au manche fonctionnel et à la visée précise, des bombabouses explosives ou aveuglantes, des boules puantes à émanations variables -

« - dont vous ne serez pas déçu, par Merlin, j’en fais le serment ! »

Tavernes et bouchons impromptus servaient à la foule assoiffée de la Bieraubeurre et du vin, de l’eau-de-vie et des alcools plus insolites encore provenant de l’Est et du Nord. Les vendeurs ambulants encensaient leurs fruits ou leurs produits frais, ou des ragoûts épicés et du poulet caramélisé, cuits sous vos yeux sur des grils magiques ou du charbon de bois. Sous le regard tolérant de la garde municipale, tire-laine et autres escrocs erraient tranquillement dans la foule en quête de proies. Des femmes de petite vertu entreprenantes au rire sec et mécanique tentaient d’attirer marchands et clients loin du tumulte de la journée. Acrobates, comédiens et chanteurs de rues ajoutaient leurs distractions éclatantes aux foules pressées.

La foire de l’hiver de Pré-au-Lard était un imbroglio de couleurs chamarrées, d’odeurs exotiques, de bruits stridents et de corps bousculés. L’atmosphère de la fête engloutissait le village tout entier et l’échec de la tentative d’une célèbre bande de hors la loi pour dévaliser les lieux la veille était déjà un sujet de conversation d’un intérêt dépassé.

En retrait et en hauteur par rapport au cœur battant du village, Pénombre Craft observait la scène d’une attention distraite et vague, ses yeux clairs aussi indéchiffrables et calculateurs que le regard d’un chat, à l’autre bout d’une pièce mal éclairée. La longueur interminable de sa chevelure de jais ondulait avec légèreté dans son dos, encadrant une sombre silhouette féminine immobile, enveloppée d’un long manteau noir frappé au cœur du blason argenté de sa famille. La permission de sortie exceptionnelle qu’elle avait obtenue à la faveur d’un après-midi en extérieur prendrait fin bientôt et il faudrait alors regagner l’enceinte de l’école avant les heures imparties. Dans les profondeurs de sa poche intérieure, la précieuse petite fiole plate de poudre de soupir qu’elle était venu acquérir à l’occasion se réchauffait doucement contre la soie bordeaux de sa sobre chemise, ornée d’empiècements de cuir noir et d’habillements ajourés qui suggéraient la beauté qu’ils enveloppaient. Un pantalon ajusté, savamment taillé dans une matière guerrière semblable au cuir de la sangle qui maintenait sa baguette magique contre le côté de sa cuisse gauche, enserrait ses longues jambes finement musclées tandis qu’une délicate ceinture ombreuse s’attachait à ses hanches par un entrelacs compliqués, métalliques et argentés. Enfin, de gracieuses hautes bottes ébène, à demi-talons se devinaient sous l’épaisseur du tissu et jusqu’aux niveaux des mollets de l’ancienne poursuiveuse, achevant au détail, sa tenue de sortie.

Mais tandis que la Ténébreuse s’apprêtait à délaisser son promontoire pour la foule en contrebas, son soudain volte face la heurta rudement avec un obstacle imprévu. L’élan l’emporta contre le torse d’un homme inconnu qui sembla compenser sa force par de plus solides appuis. Le choc provoqua sa plainte étouffée et sa main glissa d’instinct vers le manche de sa baguette magique. Elle se recula à peine de lui, incertaine du degré de danger qu’il représentait pour elle, sceptique donc quant à la meilleure distance à adopter.

« Voilà une embuscade finement menée, Monsieur. Puis-je dû moins connaitre votre nom avant que vous ne tentiez de me dépouiller ? »

Killian s’était perdu dans ses pensées et dans un récapitulatif de sa première semaine de travail. Absorbé dans les méandres de ses réflexions où venaient aussi se mélanger des histoires du passé, l’homme avait perdu la conscience de ce qui l’entourait et, ainsi, il entra en collision avec quelque chose qu’il n’avait pas remarqué avant. Difficile de remarquer quelque chose qui se trouve au tournant d’un édifice... Enfin, il heurta une jeune femme qui se retrouva ainsi collée sur son torse puissant. Une plainte fut émise par la dame tandis que le jeune écrivain poussait un soupir d’agacement. Il n’avait pas encore pris le temps de regarder vraiment ce qui l’avait percuté, mais il déplorait fortement que les gens ne fassent pas davantage attention à ce qui les entourait souvent. Cela le rendait malade à quel point les jeunes gens avaient tendance à se croire plus grand et plus important que les autres et à quel point ces derniers ne prenaient pas le temps de regarder où ils allaient. C’était malheureux, vraiment.

La personne qui l’avait heurté se recula un peu après avoir glissé une main vers sa cuisse gauche. Cette distance permit à Killian de mieux regarder cet individu. Sans la dévisager, il la détailla doucement afin de savoir exactement ce qui se trouvait devant lui. Alors, première constatation, c’était une femme, une jeune femme en fait. Ni très jeune ni vieille. Une longue chevelure de jaie cascadant dans le dos de la dame et des yeux d’un vert que Killian n’avait jamais vu malgré toutes les personnes qu’il avait rencontrées dans ses voyages. Époustouflé par la beauté de la jeune fille, l’homme resta d’abord sans voix et immobile, son regard se perdant tantôt dans la pureté du regard de la femme tantôt dans les détails de ses vêtements ou de ses atours. Bien que son regard se promène et s’arrête parfois sur les courbes de cette charmante inconnue, ce regard n’était pas vraiment déplacé et n’insistait pas sur des endroits où il aurait été peu honorable d’insister. Bien entendu, Killian ne put s’empêcher de laisser glisser son attention vers le corsage de la belle ténébreuse, mais il évita d’y rester et de s’y perdre car cela aurait été une belle erreur.

*Ne jamais se perdre à la première rencontre* pensa-t-il en souriant.

“Voilà une embuscade finement menée Monsieur. Puis-je du moins connaître votre nom avant que vous ne tentiez de me dépouiller ?” avait dit l'étrangère.

Magnifique douche froide pour Killian. Lui embusquer une si jolie damoiselle!? Ainsi, cette étrange beauté le réduisait à un homme de mauvaise réputation et à un voleur qui plus est. Déstabilisé par cette provocation et légèrement offensé, l’aigle fit un pas vers l’arrière et plongea son regard dans celui de la jeune femme avant d’amorcer une réponse. Que devait-il répondre à cela ? Il était vrai qu’avec ses habits sombres, il pouvait passer pour un homme sans scrupule et de mauvaise réputation, mais comment faire réaliser à cette damoiselle qu’il n’en était rien. Était-il nécessaire qu’il le fasse après tout ce n’était qu’une étrangère dans sa vie et possiblement ne la reverrait-il jamais... qui pouvait savoir en fait.

Killian plongea son regard bleuté dans les prunelles d’émeraude de la belle damoiselle qui lui faisait face. Comment pouvait-il amener les choses et prouver, hors de tous doutes, à cette jeune femme qu’il était de bonne famille et respectable ? Bien qu’il ne se demande si cela en valait vraiment la peine, il parla d’une voix douce et tranquille.

“Une embuscade, demoiselle ? Il n’en est point, je ne faisais que me promener au hasard de ces rues tandis que mon esprit vagabondait à travers mes soucis quotidiens et la beauté de cette soirée.”

Il fit une pause.

“Je suis un honnête citoyen, tout comme vous j’en suis certain et je ne suis pas en ces lieux pour dépouiller qui que ce soit. Je ne suis ici que pour profiter de la pureté de la nuit pour y laisser couler mes pensées en toute quiétude... Est-ce mal damoiselle ? Est-ce que cela fait de moi un homme de mauvaise réputation qui serait prêt à s’en prendre aux jolies dames ?”

Il eut un regard gêné, encore une fois sa bouche avait parlé sans vraiment consulter sa tête. L’écrivain fit une nouvelle pause durant laquelle il observa encore la belle étrangère. Avec attention, il regarda les vêtements de cette dernière et se concentra plusieurs secondes sur le blason argenté qui ornait son manteau.

*Il doit s’agir du blason de sa famille* pensa-t-il en tentant de voir s’il le reconnaissait ce qui n’était, malheureusement, pas le cas.

Le regard de Killian parcourut encore le corps de son interlocutrice doucement avant de se reporter sur son visage. Il ne pouvait s’empêcher de voir entre elle et Mina – sa dernière compagne – certaines ressemblances. Au premier regard posé sur la femme, il avait eu l’impression de recevoir un coup de couteau en plein cœur en croyant revoir celle avec qui il avait partagé près d’un an et demi de sa vie avant que cette dernière ne choisisse de s’en aller... comme toutes les autres.

Un voile de tristesse passa dans le regard de l’homme avant qu’il ne secoue la tête doucement afin de chasser de vieux démons de son passé. La douleur était encore présente dans son cœur et cela l’avait longtemps bloqué à plusieurs niveaux... et le bloquait encore parfois.

“De plus, soyez logique damoiselle, pensez-vous que si j’étais ici pour m’en prendre à vous je vous donnerais mon nom ? Sérieusement...”

Un rire mélodieux et pur fusa de ses lèvres.

“Je ne le pense pas... Il vous serait trop simple après cela d’aller retrouver les policiers pour leur faire part de votre mésaventure avec moi.”

Killian fit un pas vers la jeune dame afin de reprendre la place qu’il avait quitté.

“Cependant, comme je n’ai rien à craindre à ce que vous connaissiez mon identité et comme je sais que je suis un homme respectable, je ne vois pas d’objection à vous dire qui je suis.”

L’homme sourit avant de faire un rapide mouvement vers l’oreille droite de l’étrangère.

“Mon prénom est Killian” murmura-t-il avec douceur.

Il reprit sa position normale prestement, mais il avait tout de même eu le temps de respirer les arômes qui se dégageaient de la chevelure de la jeune femme.

*Juste Ciel Killian!* pensa-t-il en réalisant le mouvement qu’il venait de faire *Un jour, tu vas te prendre une gifle...*

Honnêtement, le jeune écrivain ne savait pas réellement pourquoi il avait fait ce mouvement vers la belle dame qui se tenait devant lui. Il l’avait fait, c’est tout, sans vraiment réfléchir, d’instinct. Il avait voulu se rapprocher d’elle...

“Peut-être, désormais que vous connaissez le mien, pourrais-je connaître le vôtre milady ?”

La bise se faisait de plus en plus fraîche et Killian resserra les pans de son manteau sur lui tandis qu’il attendait la réponse de la ténébreuse.

Homme de taille raisonnable, long et mince, de belle prestance et soigné, l’obstacle de chair qu’elle venait de heurter n’était pas si désagréable à regarder. Il arborait visiblement une trentaine bien installée, des manières courtoises et distinguées qui le plaçaient directement dans la caste favorisée des instruits de la société magique. Son visage aux traits fins mais altiers respirait une certaine androgynie asiatique qui éveilla à l’esprit de la Féline, des souvenirs particuliers qu’elle conservait de Seymour Tienyue. Les deux hommes portaient de la même façon leur longue chevelure noire, fait coincidencieux qui l’interrogea sur le possible lien de parenté qu’il pouvait exister entre eux. La conjoncture était d’une probabilité si faible cependant que Pénombre se surprit à s’en moquer intérieurement car malgré toute la complicité qu’il régnait entre les deux Serpents, Seymour ne lui avait jamais exposé la moindre photographie ou portrait de sa famille. Un peu susceptible et orgueilleux toutefois, l’étranger qui lui faisait face n’avait su faire preuve de la légèreté d’un humour qui aurait été plus que bienvenu pour détendre une situation pourtant des plus banales dans ces quartiers peu fréquentés. Sa façon de s’adresser à elle était plutôt plaisante dans sa recherche et sa politesse, ce qui ne manqua pas d’interpeller la Septième année. Car en effet, peu d’individus parmi la racaille des bas fond s’exprimait de la sorte et il devint évident que l’homme n’était pas le danger offensif qu’elle avait présumé de primes abords. S’agissait-il d’un orateur ? D’un écrivain ? D’un maitre conférencier ou d’un expert en communication, elle n’aurait su le dire mais son aisance d’élocution autant que la richesse de son vocabulaire ne passaient pas inaperçu.

« Et pourrais-je savoir ce qui vous permet d’en être aussi certain, Monsieur ? Je pourrais très bien être le prédateur que je vous accusais d’être. »

Piqua-t-elle avec mutinerie en se donnait quelques petits airs canailles. Après tout, il était bien naïf de s’avancer d’une façon si exposée lorsque l’on bousculait quelques passants égarés sur son chemin. Etait-il légimens, devin ou simplement inconscient ? A son regard égaré sur les courbes voluptueuses de son corps, Pénombre présuma lui plaire et profita de son trouble pour confondre son assurance bien trop confiante et appuyer sa gène avec perfidie :

« Sérieusement ? Oui. »

Brava l’ancienne Capitaine de Quidditch, insolente et sûre d’elle en balayant les fanfaronnades de son interlocuteur d’un geste ample de sa main gantée.

« Vous m’auriez logiquement déclaré votre surnom de voleurs afin de nourrir votre légende, mon cher. Il en est l’usage courant chez les hors la loi, ne le saviez-vous pas ? »

Rétorqua moqueuse, la sorcière. Quoi de plus mesquin et bas que d’insulter les connaissances d’un homme que l’on devinait cultivé ? Mais soudain, le doux visage de l’Asiatique s’approcha si près du sien que la Préfète en Chef pensa un instant qu’il allait l’embrasser, approche cavalière à souhait certes, mais qui ne lui aurait guère déplu, il fallait se l’avouer. Il n’en fut rien cependant, l’inconnu se contenta seulement de lui glisser son prénom au creux de l’oreille et de se retirer, d’un geste égal. Killian, exactement comme l’un de ses jeunes chiens fous qu’elle avait attiré jusque sa couche, le mois dernier. Etrangement, alors qu’en toutes autres circonstances, l’Anglaise aurait certainement douté de la sincérité de ses soudaines confidences et de la facilité avec laquelle elle les avait obtenues, elle lui accorda sans peine le bénéfice du doute et s’inclina sans broncher à lui prêter le prénom déclaré.

« Si vous aviez si peu à craindre quant à me révéler votre identité, si vous étiez un homme si respectable que cela vous aurez honoré plutôt que bafoué de me l’avouer, pourquoi ne pas m’avoir donné le nom associé à ce prénom dont vous vous êtes paré, Killian ? »

Le ton restait mutin et insolent, quoique dénué d’agressivité et d’offenses. Qu’il sache juste à quelle personnalité sauvage et piquante il avait affaire. A son tour, la Milicienne se pencha brièvement en avant, se hissant sur l’appui de cuir de ses hautes bottes pour atteindre le cou de l’homme, en stabilisant son équilibre par une main délicatement posée sur son épaule.

« Le mien est Pénombre. Pénombre Craft. Mais le noble blason des miens sur ma cape vous l’aura déjà renseigné. Si tant est que vous soyez au fait de son existence ancestrale, bien entendu. »

Les évènements inattendus gagnaient en complexité et en intérêt grâce à la surprise infime qu’elle décela sur ses traits. Il ne savait pas. Comme cela était amusant. Pourtant, les médias les plus tentaculaires avaient longtemps relaté la mort tragique du patriarche du Clan Craft, dont les circonstances restaient si obscures et confuses qu’elles n’avaient su empêcher l’infâme prolifération des mois durant, de toutes sortes de rumeurs acides, destructrices et mensongères qui le présentaient à la vue de tous comme un odieux traitre à la juste cause, partisan cruel et barbare du Lord Noir. Personne n’ayant vécu dans le monde sorcier ces 4 dernières années ne pouvait ignorer cette sombre histoire, ni l’aspect du Blason de cette lignée qui avait été souillé dans la boue et la malédiction, l’accusation et le scandale. Avait-il vécu en si totale autarcie qu’il avait été épargné par le vomissement abject des détracteurs du Clan Craft ? Ou son désintérêt du monde l’en avait préservé ? Feignait-il ? Mentait-il ? L’avait-on envoyé pour l’approcher et l’espionner ? Lui soutirer par la torture ou la séduction, quelques informations sur le sujet ? La liste secrète des dangereux collaborateurs de son père ? Qui diable pouvait-il être ?

« Et si vous m’accompagniez plutôt prendre un verre au Trois balais pour vous faire pardonner de votre incroyable maladresse ? Nous pourrions également faire davantage connaissances si vous le désirez et poursuivre cette conversation plus au chaud qu’ici ? »

Proposa la Serpentarde en tendant avec désinvolture sa main vers l’avant bras de l’homme. Autant prendre les devants pour découvrir et parer ses petites manigances sordides.