Les grilles de l’ascenseur s’ouvrirent à grand bruit et une voix féminine désincarnée annonça « Niveau 9, Département des Mystères ». Sayannel quitta la cage d’un pas vif et s’engagea dans le couloir d’un pas alerte, les bords de son trench-coat flottant autour de ses chevilles au rythme de son pas.

Il venait de quitter le bureau de Guérin et de se positionner devant l’ascenseur qui le mènerait vers le haut, vers l’Atrium, lorsqu’il avait senti plus qu’entendu des pas au détour de l’angle qu’il venait de passer. Ne désirant pas tuer d’autres personnes et ainsi prendre le risque de se faire découvrir, il s’était rapidement engouffré dans la cage qui descendait et avait été soulagé de voir les grilles se refermer avant qu’un quidam n’apparaisse. Sans trop savoir pourquoi, il avait attendu le dernier niveau avant de sortir… Non, c’était faux. Il savait pourquoi il était sorti ici et non pas aux autres étages. Il se sentait à l’aise ici, comme s’il rentrait chez lui après une longue errance. Pourtant, la conception et le décor n’étaient pas du genre qui lui plaisaient habituellement, cependant il y avait un quelque chose qui attisait ses sens, son excitation.

Ainsi, il s’était retrouvé à suivre le couloir qui menait au Département des Mystères, secteur que peu de personnes pouvaient se vanter d’avoir un jour visité. C’était peut-être cela aussi qui l’avait envoûté, ce sentiment de fascination, de… mystère, c’était le cas de le dire. Le péché mignon de tout historien et archéologue : le secret, le secret caché depuis des lustres, attendant d’être révélé au grand jour, d’être manipulé et compris… Le Département des Mystères recelait tous les plus grands secrets de sorcellerie du monde moderne, mis à part peut-être celui des reliques de la Mort – et encore même cela était incertain car certains Quêteurs des reliques clamaient tout haut que le Ministère s’était emparé des reliques et les étudiait afin de s’en servir. Cette aura d’inconnu qui entourait tout ce qui touchait à ce département ne pouvait qu’attirer l’historien qu’était Sayannel. Par ailleurs il savait que – bien qu’il y ait une « taupe » au Département des Mystères – les Mangemorts n’avaient que peu d’informations sur ce qui s’y passait. Négligence, paresse ou traîtrise, il n’en savait la raison et, à vrai dire, n’en avait cure. D’ailleurs, il n’avait jamais même croisé le Mangemort qui y officiait. A vrai dire, il aurait été incapable de donner un seul détail sur ses caractéristiques physiques ou mentales.

Soudain le viking atteint le bout du couloir, où une porte noire, sans ornementation, était encastrée dans le mur. Les torches disposées à intervalles réguliers sur les murs faisaient tourbillonner des reflets bleutés sur la surface polie de la matière inconnue qui composait la porte. Dans cet éclairage, elle semblait onduler tranquillement, comme un voile. * Le voile du mystère. Que c’est justement nommé ! * pensa l’Ecossais. D’une poussée de la paume, il ouvrit la porte et entra dans la salle dévoilée par l’ouverture.

Elle était de forme parfaitement circulaire, ceinte de murs de la même matière que la porte. Dans ces murs, plusieurs autres portes se dressaient, séparées par des torches. Il n’y avait aucune manière de différencier une porte d’une autre.

Se souvenant juste à temps de ce qu’il avait entendu dire sur l’expédition de Potter deux ans auparavant, il tira sa baguette et eut juste le temps de tracer une ligne flamboyante sur la porte avant que celle-ci ne se referme et que les murs ne commencent à tourbillonner. S’il n’y avait eu son trait inscrit à la va-vite, le Mangemort aurait été incapable de dire par quelle porte il était entré. Toutefois, lorsque le ballet des murs s’arrêta, son signe était encore là, clairement discernable sur une porte légèrement sur sa gauche. Satisfait, il se dirigea vers une autre porte chatoyante immédiatement sur sa droite et l’ouvrit.

Il se trouvait dans une salle immense ressemblant à un amphithéâtre antique, avec des bancs descendant en rangs serrés jusqu’à une sorte de place tout au fond. L’obscurité aidant, Sayannel ne pouvait qu’entrevoir indistinctement ce qui se trouvait au bas du cirque. Poussé par la curiosité, il referma la porte derrière lui et entreprit de descendre les marches.

Au fur et à mesure qu’il approchait de son objectif, un étrange sentiment s’empara de lui. Ses poils se ressaient sur ses bras, et ses cheveux étaient comme parcourus par un courant électrique. Plus étrange encore, à mesure qu’il descendait, les bords de son trench-coat restaient collés autour de ses chevilles, comme ils l’auraient fait s’il était resté statique en un endroit sans vent. Or ce n’était pas le cas. Il était en déplacement et, selon toute logique, les bords auraient dû onduler au rythme de son pas. Seulement voilà : ils étaient immobiles, comme figés. Etait-ce un maléfice ? Ou simplement l’effet de la puissance brute de la magie retenue dans cette pièce… il n’aurait pu le dire.

Lorsqu’il atteint enfin le bas de la salle, le viking aperçut clairement pour la première fois l’objet qui se dressait au centre de celle-ci. Il s’agissait d’une arche de pierre, une arche immensément vieille. S’approchant encore jusqu’à passer la main dessus, l’archéologue estima son ancienneté à plus de trois mille ans, chose qui aurait dû être impossible. A cette époque les peuples qui habitaient la Grande-Bretagne étaient primitifs, incapables de construire un tel ouvrage. Même leurs sorciers en étaient encore au stade du chamanisme alors qu’en la même période, de l’autre côté de la Méditerranée, les mages Egyptiens contrôlaient déjà le pouvoir pharaonique. Il faudrait attendre quatre siècles avant que les Keltoïs ou Celtes débarquent et prennent possession de l’île, apportant avec eux les plus grands mages du monde antique : les druides. Il était donc impossible que cette arche soit issue de l’île britannique… à moins qu’elle provienne d’Irlande. Y avait-il un fond de vérité dans la légende des Tuatha dé Danan… Etait-ce possible ? Tous les historiens, sorciers ou pas, affirmaient que ce peuple n’avait jamais existé, cependant la légende leur attribuait des pouvoirs incroyables. Ils auraient donc été en mesure de créer un objet dégageant autant de puissance que cette arche… Sayannel se demanda si un autre archéologue avait eu la possibilité de contempler cette structure. Si oui, avait-il perçu la même possibilité que lui ?

Ce mystère l’intriguant de plus en plus, le Mangemort fit le tour de l’objet. L’arche supportait un voile de couleur indéfinissable et impénétrable, bien que d’aspect diaphane. On aurait dit qu’il allait se détacher et s’envoler à la première brise. Il oscillait d’ailleurs légèrement, comme porté par un souffle invisible. Ceci intrigua le géant blond, qui ne sentait aucun vent, de quelque intensité que ce soit. Il se’ rapprocha encore, allant jusqu’à se tenir à un pas du voile. Il l’observa un instant en silence, contemplatif.

Soudain, un murmure le fit se retourner, tirant sa baguette à la vitesse de l’éclair et la pointant sur l’intrus. Rien. Méfiant, il scruta les ténèbres du regard quand un autre murmure le fit se retourner de nouveau. Il ne lui fallut que quelques instants pour comprendre que ces chuchotements provenaient d’à l’intérieur du voile. A l’intérieur du voile… C’était impossible… Ce n’était qu’un voile. Même s’il était magique, il n’y avait pas d’espace, pas de contenant à l’intérieur du voile ! C’était impossible ! Et pourtant les voix continuaient à se faire entendre, indistinctes mais plus insistantes, un peu comme un souvenir dont on peinerait à se rappeler et qui n’apparaîtrait qu’en détails flous, imprécis, déformés. Et elles provenaient bien de l’intérieur de l’arche, c’est-à-dire de l’espace sous l’arche de la largeur des piliers, dans lequel oscillait doucement le voile.

Sayannel était stupéfait par ce mystère. Il était loin d’être un novice en matière de magie obscure, antique, oubliée et plus encore, cependant ceci dépassait tout ce qu’il connaissait et pouvait imaginer. Ici, il comprenait le secret dont s’entourait ce département. Il avait l’intuition que si cet artefact était révélé au public, quiconque le comprendrait et le maîtriserait possèderait une main-mise sur le monde. Le pouvoir de cette arche était immense, au-delà des limites du compréhensible. S’il avait cru en un dieu, le Mangemort aurait été convaincu qu’il s’agissait là d’un objet créé par Dieu lui-même.

Un bruit de pas léger en haut du cirque le fit se retourner de nouveau, la baguette dressée, prêt à attaquer. Il aperçut une silhouette vague entrer dans la salle, sans pour autant être capable de dire si celle-ci l’avait vu ou non. D’instinct, il s’accroupit derrière un pilier de l’arche, à l’opposée de là où était le nouvel arrivant. Il ne voulait pas prendre le risque de se battre en duel contre quelqu’un qui vivait dans cet endroit. Qui savait quel genre de magie inconnue il maîtrisait ? Sayannel n’avait jamais été homme à reculer devant un duel, quand bien même son adversaire aurait été plus puissant, toutefois ce qu’il venait de découvrir dans cette salle l’incitait à la plus grande prudence. Pointant sa baguette vers la silhouette, il attendit, tendu.

[Youpi, enfin, voilà la réponse : 3. J'espère qu'elle est satisfaisante.]

Enfin, enfin, son beau département était de nouveau en état. Après un inventaire minutieux des bibliothèques et différentes salles, des mois de rénovation et de réparation, Grim pouvait enfin retourner se terrer dans son bureau pour travailler.
Il avait longtemps attendu ça, de même que ses collègues. Désormais, il pouvait continuer son travail précieux.
Dans certaines salles, les stigmates de la terrible agression étaient encore visibles. La salle du temps surtout, avait été vidée de beaucoup de ses biens. Détruits, écrasés, perdus à jamais. Dans l'idéal, le russe aurait aimé faire subir le même sort aux responsables, il l'avait dit et redit, ruminé sa rancœur à toutes les sauces, durant longtemps.
Maintenant,le fait d'être la l'adoucissait un peu, plus besoin de radoter sur le mal qui avait été fait ou sur les terribles actions commises, il fallait juste se remettre au boulot.
Dès qu'il avait apprit la nouvelle, tout avait été laissé en plan dans son labo, même Peluche n'eut pas le droit à son câlin d'au revoir, et le blond fut la bas en quelques minutes.
C'était comme rentrer chez soit après un incendie, il y avait tant à faire partout. Nul doute qu'il ne pourrait pas vraiment rentrer chez lui avant un long, très long moment. James ferait la gueule, Peluche en profiterait pour le griffer, mais peu importait.

Son bureau, déplacé le temps des travaux, avant retrouvé sa vraie place. Tous les dossiers, les rapports, les photos, les échantillons de machins et les bouts de trucs avaient été foutus en bordel. Saccagé, abimés par des déménageurs peu précautionneux. Un chapelet de jurons tous plus grossiers les un que les autres se fit entendre en russe. Rien que pour tout remettre dans l'ordre, il en avait pour des heures. Et il était hors de question qu'il laisse une partie de ses archives personnelles dans cet état. Commença donc un très long travail fastidieux de classement et d'inventaire. Les heures passaient, le papier s'étalait autour de son bureau, et petit à petit, les choses rentraient dans l'ordre.
C'était pourtant tard lorsqu'il eut enfin finit, continuant de maudire tous les déménageurs et leur progéniture sur trente générations.
Mais peu importait, après tout, c'était son tour de garde. Désormais et pour éviter d'autres problèmes d'intrusions, les langues de plombs avaient décidé de faire leur tour de garde, se relayant pour ça. La décision avait été prise quelques semaines auparavant lors d'une réunion, et avait été largement approuvée. On ne pouvait juste pas laisser un tel endroit sans surveillance.
Son bureau rangés et ses placards enfin bien ordonnés, il sortit en fermant sa porte. Un livre en main, il commença à déambuler, vérifiant chaque pièce une première fois.

La nuit était bien entamée, et il continuait à marcher en lisant lorsqu'un bruit se fit entendre. C'était léger et lointain, mais il avait une excellente ouïe et connaissait les bruits qu'on pouvait entendre dans son département lorsque la nuit tombait. Alors qu'il était censé être seul, ce n'était pas normal d'entendre une porte qui se fermait.
Le russe fit quelques pas pour se rapprocher de la source du son, baguette déjà en main, aux aguets. Quelques bruits de pas se firent de nouveau entendre, plus loin. La cible se déplace, les pas s'éloignent.
Grim continua sa marche, tranquillement, la personne, quelle qu'elle soit, s'était dirigée vers la salle de la Mort.
Cette fameuse salle, et ses murmures à peine audibles, des murmures à vous glacer le sang, selon le russe.
Il tourna un couloir, passa une porte, en claqua une autre, puis fut enfin dans la salle circulaire. Ses yeux se fixèrent sur le voile automatiquement, qui ondulait faiblement. Des murmures se firent entendre, parfois étouffés par le bruit de ses pas sur le sol tandis qu'il descendait.
Ou se cachait l'intrus? Avait-il été bloqué dans cette salle, non pas par un maléfice, mais par sa volonté, souhaitant s'attarder un peu plus vers l'arche?

Le langue-de-plomb arriva enfin en bas de l'escalier en marche, sur le qui-vive. Il ressentit plus qu'il ne vit l'ombre cachée derrière un pilier. Pas de peur, mais une tension bien présente. L'intrus se savait en mauvaise posture, Grim pouvait le percevoir, presque le flairer.
Automatiquement, il se tourna, pointant l'endroit de sa baguette. Était-il tombé face à un espion? Un petit curieux qui avait décidé de s'introduire ici?
La présence étrangère l'agaçait, il se sentait presque agressé qu'un autre ait pénétré ici de nuit, sans son accord.

-Sortez de la, on va pas y passer la nuit.

Air calme, voix monocorde, pas d'agression directe. Si possible, avant de démonter la tête à l'autre, il allait s'arranger pour savoir pourquoi il s'était introduit la. Et puis, parfois, dans ce genre de cas, parler d'abord et taper après pouvais s'avérer être une bonne tactique. Mais parfois seulement, parce qu'en général, taper d'abord se révélait bien plus efficace vu les énergumènes auxquels le mangemort pouvait avoir affaire. Tendu à son tour, baguette en main, pas directement pointée sur la personne, mais prêt à réagir au moindre signe violent, il attendit que l'étranger daigne enfin montrer son visage.

« Sortez de là, on va pas y passer la nuit. »


Sayannel soupira. Il n’avait pas été assez prompt pour se dissimuler correctement et la confrontation semblait désormais inévitable. Une confrontation qu’il aurait volontiers évitée. Il n’avait désormais plus que deux choix possibles. Il pouvait tenter de prendre le nouvel arrivant par surprise et le maîtriser, chose qu’il doutait de pouvoir réaliser aisément, ou alors il pouvait avancer à découvert pour se révéler et tenter de s’en sortir en dialoguant. Cruel dilemme.

Avant de prendre une décision, il décida d’analyser brièvement les éléments de la situation. Tout d’abord, il se trouvait en plein tort. Il était illégal d’entrer ici sans autorisation et l’autre avait donc tout pouvoir pour l’attaquer si l’envie l’en prenait. Ensuite, stratégiquement parlant, il se trouvait en position d’infériorité. Le fait de se trouver en position surélevée procurait à son adversaire l’avantage d’une meilleure précision et d’une vision plus globale. Son adversaire aurait-il été de force égale à la sienne que le Mangemort aurait tout de même tenté le coup mais – et c’était là un autre point à prendre en considération – rien n’était moins certain. La tranquillité du ton de l’inconnu forçait l’admiration. C’était une voix monocorde, presque lasse. Comme s’il s’ennuyait de la situation. Il y avait deux manières d’expliquer ce ton : ou le jeune homme – puisque c’était d’évidence une voix jeune et masculine – tentait de l’impressionner, ou il était vraiment aussi calme qu’il y paraissait. Etrangement, Sayannel aurait parié sur la deuxième possibilité. Il n’y avait pas de bravade dans le ton.

Le viking pondéra ses options un instant avant de se décider finalement. Il se releva à moitié puis, avant de quitter sa cachette lança, en guise de prévention, un sort de bouclier. L’air miroita devant lui puis redevint normal. Ce n’était pas grand chose et ça ne dévierait certainement pas des sortilèges puissants comme ceux qu’il avait l’habitude d’utiliser mais c’était toujours mieux que rien. En cas d’attaque surprise de l’autre, cela pouvait lui procurer une fraction de seconde de répit qu’il pourrait alors mettre à profit pour prendre l’avantage. Cette microseconde pourrait se révéler cruciale.

Jugeant qu’il avait pris suffisamment de précautions, Sayannel se redressa complètement et, tenant sa baguette pointée vers l’étranger, sortit lentement de l’ombre de l’arche. Il avança jusqu’au bord du cirque, tout en bas des rangées de sièges, tranquillement. Il prenait soin de ne faire aucun geste brusque qui eût pu déclencher une offensive de la part du jeune homme. Lorsqu’il arriva au pied des marches qui menaient au fond de la salle, il releva la tête, sa baguette toujours pointée vers l’inconnu, et observa celui-ci à travers la pénombre.

L’homme qui le surplombait était – comme il l’avait deviné – jeune, pas plus d’une trentaine d’années. Plus près de la vingtaine que la trentaine d’ailleurs, à en juger par son air un tant soit peu enfantin. Il avait des cheveux blonds plutôt longs, bien que moins que ceux du viking. Il était imberbe et avait des traits réguliers quoiqu’un peu affinés. Ses yeux bleus brillaient dans l’obscurité. Sayannel pesta intérieurement. Le jeune homme ressemblait singulièrement à ce qu’il avait lui-même était quinze années auparavant, la barbe en moins. Les mêmes cheveux blonds et longs portés détachés, avec une certaine décontraction ; le même regard légèrement ennuyé, le même port arrogant, sûr de lui. Même les yeux portaient en eux une certaine similitude, bien que ceux de l’historien aient été – et soient encore – d’un bleu bien plus pur et glacial.

Sayannel se rendit compte qu’il retenait sa respiration. Il se força à relâcher la tension et à respirer normalement. Si cet homme était un ennemi, il devait avant tout garder son calme. Une fois qu’il se fut maîtrisé, il scruta plus en profondeur l’aspect de celui qui l’avait surpris. Cette seconde inspection confirma son premier sentiment de déjà-vu. Il était certain d’avoir déjà eu sous les yeux cette silhouette. Oh, bien sûr, il en avait vu un équivalant très semblable dans sa jeunesse, dans son propre miroir. Cependant cela allait plus loin qu’un simple rappel de jeunesse. Il l’avait déjà vu ailleurs.

Soudain, il sut. Ce jeune homme qui le toisait, impavide, du haut des marches était un Mangemort ! Oui, il en était certain ! Il se souvint l’avoir vu dans le repaire, au cours d’un rassemblement. Bien évidemment, tous étaient masqués, tous les participants n’étaient pas des Mangemorts de confiance, cependant même le masque ne pouvait cacher certains détails. La chevelure, par exemple. Surtout si elle était longue et de couleur claire, comme c’était le cas ici. Le masque ne pouvait non plus dissimuler le regard. Or des yeux comme ceux-là ne passaient pas inaperçus, loin de là.

Bien. Une inconnue résolue de plus dans l’équation de cette rencontre. Pour résumer, le viking était en situation de violation de zone légalement interdite à l’intérieur du Département des Mystères, département qui devait être – après le Bureau des Aurors – la partie la plus dangereuse du Ministère. Il avait été pris sur le fait par un collègue Mangemort qui le dominait à présent, ne l’ayant probablement pas reconnu. Chacun des deux pointait leur baguette sur l’autre. Oui, c’était un résumé tout à fait correct de la situation. Il ne restait plus qu’à voir comment l’affaire allait tourner.

Calmement, imperturbable, Sayannel posa le pied sur la première marche qui menait à la sortie et commença à grimper. Il prit soin de le faire lentement, sans geste brusque et en restant à portée de la baguette de l’autre Mangemort. C’était un risque qu’il courait car plus la distance s’amoindrissait plus il lui serait difficile de réagir à temps en cas d’attaque, cependant c’était probablement la seule façon de faire comprendre au jeune homme qu’il n’avait pas d’intentions belliqueuses. Lorsqu’il fut arrivé une dizaine de marches en dessous de lui, il s’arrêta de nouveau. Le moment crucial était venu : celui de la parole. Il savait qu’il devait faire très attention à ce qu’il dirait. Aucune de ses paroles ne devait pouvoir être interprétée de manière agressive ou il se pourrait que l’autre le prenne comme un signal d’animosité.

- Me voici… » Alors qu’il cherchait le nom du jeune Mangemort, un mot aux consonances slaves résonna à ses oreilles et il le saisit au vol, si bien qu’il n’eut qu’un imperceptible instant d’hésitation. « Grim. Service du Seigneur des Ténèbres. Si nous discutions calmement, en gens civilisés ? On pourrait commencer par ranger l’armement, non ? »

Pour preuve de bonne foi, Sayannel abaissa de quelques millimètres le bout de sa baguette. Bien évidemment, il garda tout de même le jeune homme en ligne de mire. Tant que l’autre n’aurait pas commencé à ranger son attirail, il ne relâcherait pas sa vigilance. Il ne la relâcherait pas même après d’ailleurs. Il sentit la tension qui régnait entre lui et son collègue. Il fallait qu’il la dissipe avant de pouvoir parvenir à s’expliquer avec lui. Il y avait encore trop de risques que la rencontre tourne au désastre pour l’un ou l’autre des deux hommes.

Le viking savait avoir été hâtif en parlant du Lord d’entrée de jeu, toutefois il était certain que l’autre était véritablement un Mangemort. Il n’en avait aucun doute. Et, de toute manière, s’il n’en était pas un, Sayannel était assez confiant en ses propres capacités pour se croire capable de survivre – sinon remporter – à un affrontement entre eux deux. Mais, bien évidemment, l’idéal restait qu’il n’y ait pas de confrontation. Il doutait qu’une amitié puisse s’instaurer entre eux, comme ça, dès le premier abord. Peut-être plus tard, qui sait ? En tout cas, l’ambiance serait, même en cas d’entente, assez tendue.

- Désolé de te déranger dans tes occupations. Mais je n’ai pas pu résister à la tentation. Cette salle est… envoûtante. »

Il eut un sourire narquois en prononçant ces mots. Envoûtante. Oui, le mot était particulièrement bien choisi. L’arche et le voile avaient un effet hypnotique pour qui les avaient déjà vus – et c’était le cas du Mangemort. Enfin bon, là n’était pas sa principale préoccupation du moment. Il devait convaincre un Mangemort de ne pas se jeter sur lui comme un fou furieux. Il ne restait qu’à espérer que le jeune homme n’était pas le Mangemort moyen, c’est-à-dire le barbare sans cervelle qui attaquait tout ce qui bougeait et même parfois – il l’avait vu de ses propres yeux – ce qui ne bougeait pas. Si Grim était un Mangemort de ce genre, les choses s’annonçaient plutôt mal…