Il y avait des jours où on n’avait vraiment pas envie de se laisser surprendre. Ces fameux jours où, encore ensommeillé il vous arrivait de descendre à la cuisine en calbute, la vague intention de boire un café malgré l’heure très matinal qu’indiquait l’horloge. Mais c’était évidemment peine perdue lorsque vous viviez dans une énorme demeure où un nombre assez flou de personnes logeaient. Biensûr qui venait prendre son café à 4h38 un lundi matin ?

Personne et s’était une évidence irréfutable. C’est ainsi qu’un beau lundi de janvier (beau c’est seulement pour la forme), Arsène Vawdrey, ayant négligé son rasoir et son peigne, était descendu boire son fameux café après une nuit très agitée… de cauchemars. Le tout dans un magnifique caleçon, que je ne décrirais pas, totalement dépourvu de cœur rose , la ferme intention de se secouer un peu avant de prendre une douche et d’être présentable.

Mais c’était sans compter sur Izlaya Cummings, étudiante à l’UMA en 1er année Académique qui avait des idées toutes aussi loufoque que son professeur. Le café coulait dans la tasse quand un bruit de pieds sur le carrelage s’était fait entendre, laissant un Arsène admirateur sur la créature aussi réveillée que lui qui avait fait son apparition. Première impression passée, le regard non dissimulé de la jeune femme en avait dis long sur la tête qu’il tirait.

Soupirant, Arsène avait lâché un vague « bonjour », avait embarqué la tasse de café pour remonter dans sa chambre, un air franchement irrité sur le visage. Et ce n’était que la deuxième fois qu’elle lui laissait des envies de meurtres.

Mais pourquoi il repensait à un truc pareil ? Probablement parce qu’il passait ses journées à espérer ne pas la voir apparaître à tout bout de champ. Non que la jeune femme n’était pas charmante du tout, bien au contraire il avait eu l’occasion d’entrevoir de la belle marchandise et ses aires faussement sévères qu’elle avait affiché en sa présence ne le laissait pas de marbre.

Ce soir-là, aucune raison de paniquer, il ne l’avait pas encore croisé et doutait de la présence de la jeune femme dans la somptueuse maison de Thadeus. Une envie de bain moussant s’était fait sentir après une journée le nez fourré dans des bouquins poussiéreux de la bibliothèque de son collègue. Sa chambre restant le seul endroit totalement sécurisé de cette bicoque, le noiraud y noua donc sa serviette de bain autour de la taille et entra dans la Salle de Bain qui jouxtait sa chambre.

L’air y était humide, apparemment quelqu’un venait de prendre son bain et il fut ravi de sentir la chaleur de la pièce lui chatouiller le corps. Première étape : le miroir. Il était proche du but et il ne devait pas se relâcher s’il voulait qu’elles disparaissent définitivement. Depuis qu’il était confiné dans le Manoir Mc Lipswitch, Arsène avait passé une bonne partie de son temps planté devant ce même miroir à opérer sur son propre visage, défiguré par deux cicatrices. Une ne se voyait pratiquement plus et disparaissait dans sa barbe naissante. La deuxième quant à elle ne disparaitrait jamais vraiment, lui barrant la joue avec ravage.

Avant de recommencer son manège chirurgical à l’aide de sa baguette, le médicomage au chômage sortit son nécessaire à rasage et commença à se badigeonner de mousse 100% moldue, fournie par un camarade d’infortune. Mais Arsène retint un instant son geste. Ses yeux venaient de croiser d’autres yeux à travers le miroir. Vivement, il se retourna vers la baignoire d’où émergeait une tête qu’il connaissait bien. Son blaireau à la main, il laissa s’écouler quelques secondes avant de lâcher.

Bonsoir ! J’espère que je ne vous dérange pas ?!

[HJ : Excuse-moi pour le retard ]

Que faire ? Repartir comme si, encore une fois, rien ne s’était passé ou rester et… et quoi au juste ? C’était une bonne question et quoi qu’il en soit, il en avait assez de devoir se retenir de sourire à pleines dents dès qu’il croisait la jeune demoiselle ou que ce fut.

Après tout, pourquoi ne pas rester pour une fois ? Ne serait-ce que pour enfin faire connaissance. Car malgré toutes ces rencontres impromptues, ils n’avaient jamais pris le temps de discuter, préférant s’ignorer délibérément durant les réunions et autres rassemblements, tenté d’oublier qu’ils se connaissaient, bien malgré eux.

C’est ainsi que l’ancien Médicomage se retrouvait un blaireau à la main, de la mousse blanche sur le bas du visage, une simple serviette autour de la taille, appuyé contre le lavabo de manière négligée évitant de montrer qu’il était quelque peu troublé par un renouvellement de la situation. C’était quand même dingue cette histoire !

La remarque de la jeune fille le fit rire. Vraiment elle ne manquait pas d’audace. Il n’avait que quelques petits pas à faire pour la voir aussi nue qu’un vers. Mais plutôt que de le faire, Arsène préféra se retourner vers le miroir pour terminer ce qu’il venait de commencer ; raser sa barbe naissante.

Si je ne vous dérange pas, dans ce cas vous ne verrez aucun inconvénient à ce que je termine de me raser.

Tout en gardant la jeune étudiante à l’œil, Arsène reprit son activité pour faire disparaître le petit duvet qu’il avait au bout du menton. A vrai dire, il n’était pas tout à fait à l’aise de se faire surprendre de la sorte par une jeune femme. Biensûr elle était fort jolie et il l’avait déjà remarqué dans les couloirs de l’UMA même si elle ne suivait pas ses cours. Néanmoins, il était plutôt du genre à prendre lui-même les devants et à ne pas se laisser piéger par des donzelles en manque d’amour. Quoi qu’elle n’avait pas vraiment l’allure d’une jeune femme à la recherche d’une aventure et encore moins d’être après lui. Non en fait il était plus que persuadé qu’elle subissait tout comme lui leurs rencontres impromptues, d’ailleurs il en eut très vite confirmation.

Je n’en sais rien. C’est peut-être le Castel de Thad’ qui nous joue des tours ou votre sens de l’orientation qui vous mène à moi…

A travers le miroir, le hors la loi sourit à la jeune femme d’un air taquin. C’est clair qu’elle n’avait pas l’air à l’aise du tout. Était-ce raisonnable de rester ainsi dans la salle de bain si elle si trouvait ? Encore que c’était quand même en partie sa salle de bain vu qu’elle avait un accès direct à sa chambre. Mais peut-être était-ce aussi le cas de celle d’Izlaya. Mais il n’avait pas envie de partir, prenant soin d’être aussi précis que possible et de prendre son temps, Arsène continua son rasage comme si de rien n’était, entamant la conversation.

Je vous ai déjà croisé à l’UMA, vous y êtes étudiante n’est-ce pas ?

Après tout, pourquoi ne pas briser la glace. Même si sa question coulait de source...