"Trois, deux, un… Go !"

Vous vous êtes déjà amusé à donner un coup de pied dans une fourmilière, ou à jeter un bête quignon de pain dans des eaux surpeuplées de carpes voraces ? Si oui, vous aurez peut être une idée de l'effet que l'exclamation de Prudence avait pu avoir sur ses camarades. Ils avaient beau ne pas tous être très coopératif, ils se pliaient assez bien au jeu des deux rouquines. Comme les autres filles Niallàn se laissa tomber sur une chaise, l'air aussi blasé que la plupart d'entre elles et attendit que son tour veuille venir. Comme pour les autres filles, ce ne fut pas long. Un petit blond de Serdaigle, un première année probablement, vint lui tenir compagnie et l'adolescente soupira. Dans un sens, le jeune âge de son partenaire n'était pas forcément une mauvaise chose, il éviterait probablement la drague bien trop ennuyeuse que d'autres filles allaient subir. Le gamin sembla hésiter et elle l'encouragea d'un sourire aimable à s'asseoir, parce qu'on n'allait pas y passer la nuit non plus.

- Tu t'appelles Niallàn c'est ça ?
- Oui.
- Moi c'est Ben.

Enchanté Ben, vraiment. Le garçon se lança dans un monologue sur sa famille et ses passions à Poudlard, et la jeune Galloise se laissa aller contre le dossier de sa chaise. L'après-midi s'annonçait interminable. Elle récita une fois dans sa tête le nom des runes, dans l'ordre, puis à l'envers, et acquiesça à une question du garçon, sans vraiment savoir à quoi elle répondait. Comme les autres, elle avait mieux à faire que de se retrouver piégée ici. Seulement contrairement à beaucoup, Niallàn n'avait même pas pensé à échafauder un plan quelconque pour se trouver un cavalier d'infortune et fuir au plus vite. Elle se contenterait d'attendre que la fin vienne, voilà tout. Car il y avait une fin à tout, y compris aux pires tortures.

- Et les ASPICs, c'est dur ?
- Pardon ?

Le manque d'attention de sa camarade refroidit un peu le jeune sorcier qui hésita avant de répéter sa question.

- Oh... Assez mais il suffit de réviser, et puis on y passe tous alors...

Comme réponse évasive, on ne faisait pas mieux, vraiment. Le bonhomme ne s'en formalisa pas et reprit la parole, comblant la jeune fille d'histoires toutes plus banales les unes que les autres, la laissant observer la salle autour d'eux. Un ou deux couples s'étaient déjà formés, quelques uns vraiment pressés de partir, et d'autres couples qu'elle avait déjà vu dans les couloirs, amants de longue date ou qui n'avait simplement pas attendu l'évènement pour se trouver un ou une valentine. Le regard de la rouquine finit par se poser sur Prudence, perchée sur son estrade, en train de faire les yeux doux à un garçon qui n'était autre que Galileo, celui avec qui la Poufsouffle venait presque tout juste de rompre. Elle riait d'un rire feint pendant que, mal à l'aise, l'Italien la comblait d'un humour probablement timide et Niallàn ressentit une vague de pitié pour ce garçon tombé entre les griffes de son amie.

Régulièrement, Prudence regardait sa montre et lorsqu'un sourire ravi éclaira son visage de poupée de cire, Niallàn sut qu'elle n'allait pas tarder à intervenir. Elle sourit une dernière fois à son camarade alors que sa camarade se levait et annonçait d'une voix forte les changements de couple, congédiant en même temps son prétendant en espérant qu'un autre ne daigne montrer le bout de son nez. Ben soupira et disparut en un « bon ben au revoir » timide, et Niallàn se prépara à recevoir le prochain soupirant.


[HRP : La réponse a énormément tardé, désolée. Comme la dernière fois, les couples sont définis dans l'autre topic.]

[Désolé pour l'attente Tobias et pour ce message franchement moyen u_u]

Résignées, les victimes entamaient des discussions forcées. Certains, comme Ange et Nathan avaient l’air de s’y accommoder, d’autres, comme Page, semblaient sur le point de lancer un sortilège de funruculus à leur malheureux partenaire. Tout en caressant les mains délicates du petit Poufsouffle, Isaac s’amusait des réactions de son entourage. Des garçons louchaient souvent sur lui, il le sentait. Les Gryffondor lui tournaient des regards méfiants, Ange et Nathan l’observaient d’un œil brillant. Son amie avait partagé leur grand secret. Il ne lui en voulait pas, Nathan goutait à la plaisanterie, il ne dirait rien et profiterait du spectacle, c’était mieux ainsi. Il avait hâte de le retrouver pour rire de la supercherie avec lui. Personne dans la salle ne pourrait le démasquer. Orion n’était pas connu pour ses qualités d’observateur, la préfète des Gryffondor, moins dupe, serait privée d’entrevue avec lui, et les autres élèves ne l’avaient jamais approché de près. Il était assez tranquille. Tout se passerait bien, sans vagues. Il ferait chavirer les cœurs solitaires et s’évaporerait dans les méandres du château. Tobias tenait un rêve. Il n’était pas réel. Meira n’était qu’une illusion, elle n’existait pas. Il agitait une marionnette, modelait sa personnalité, ses intonations, façonnait son histoire. La belle israélienne devenait attachante. Les prunelles du jaune et noir lui renvoyaient son image. Il vivait une drôle d’expérience. Isaac Deniel s’effaçait derrière une autre personnalité qui influençait tous ses gestes. Une voix nouvelle, en lui mais étrangère, menait le jeu. Emporté dans son rôle, il répondit sans réfléchir à la première question du garçon. Un petit rire embarrassé s’étouffa au creux de sa paume.

- Mon’accent é si térible ? Sli’ha, j’ispère qua même qué ty m’comprend pars’que j’y souis nouvéle oui, arrivée au début dé la simaine. Et, bekitsour… jy suis irshaélienne, ty cônné Tel Aviv ? C’ié la capital et ma famille vit là-bas. Je dicouvre l’Angleterre, c’est trés jôli ici ! Pas lé même paysage di tout.

Il était vrai que du côté du Moyen-Orient, la végétation était beaucoup moins luxuriante qu’en Grande-Bretagne. Ces poncifs évidents lui permettaient de donner à Meira une culture bien marquée. Les ignorants se satisfaisaient de peu. Les récits de voyages n’étaient, la plupart du temps, qu’un assemblage de banalités. Isaac connaissait bien l’Israël, mais il n’aurait pas besoin de compliquer ses descriptions. Ses auditeurs se satisferaient de peu, puisqu’ils n’y connaissaient rien. Un « chez nous il fait très chaud », dans la bouche d’un indigène devenait vite une information tout à fait exceptionnelle. Il suffisait d’y mettre le ton.
Tobias était adorable, il bafouillait, gêné, rouge jusqu’aux oreilles, et la belle étrangère l’encourageait du regard. Ses doigts glissaient sur le dos de ses mains. Isaac y trouvait un plaisir sadique, mais Meira n’avait pas l’air de réaliser qu’elle était à l’origine de son embarras.
Le poufsouffle retrouva son assurance grâce au Quidditch. Les Canon de Chudley disait-il ? Isaac se garda de lui faire remarquer qu’ils s’étaient lamentablement fait dominer par une équipe en division deux la semaine dernière, Meira ne connaissait pas les équipes locales. Il fallait se montrer naïf et intéressé.

- Beratson ! s’exclama-t-il enthousiaste. Jy veux bien oui ! Lé canon dé Choudelé je ny conné pas di tout. Cyé qoua leurs couleurs ?

Un orange du plus mauvais goût, songea-t-il. Entre eux, la discussion était bien partie. Elle était mignonne, innocente, Isaac n’avait pas l’habitude d’aborder les gens de cette façon. Il savourait avec Meira les bons côtés d’un échange paisible, en se demandant vaguement pourquoi il était incapable d’établir un contact pacifique avec ses camarades. Sous ses cheveux blonds, cela lui semblait presque naturel.
Les dix minutes passèrent très vite. La cloche teinta et leurs mains se séparèrent.

- C’iétait bien non ? J’éspére qu’on sy reverra, té my parleras un peu plus dé ton équipe préféré, d’accord ? A biétôt Tôbias !

Meira esquissa son plus beau sourire. Tobias la rechercherait-il dans les couloirs ? Il n’avait pu retenir cette malice cruelle. Son personnage devait parler comme s’il existait. Il lui dessinait un avenir qui ne pourrait jamais être. Son rôle l’exigeait. Meira appartenait au présent. Il ne mentait pas tant qu’elle s’exprimait à travers lui. Il donnait du rêve à un enfant. La belle orientale lui offrait un merveilleux souvenir. Son jeu n’était finalement pas aussi sadique qu’il l’avait pensé. Avec Tobias, la méprise devenait plus touchante. Des perceptions inattendues recouvraient ses mauvaises intentions. Cela ne le dérangeait pas, au contraire. L’expérience était très intéressante.
Il suivit un instant le petit Poufsouffle du regard, puis renversa sa tête dans sa paume avec une nonchalance calculée en remontant une jambe sur sa cuisse dénudée. La jupe grise recula légèrement, et Meira ne s’en inquiéta pas. Ses yeux de jade guettaient le prochain prétendant. Les premières années étaient mignons, mais Isaac espérer rencontrer un jeune homme de son âge, Orion par exemple…

Calypso passait un super moment avec Erwan. Au début, ça avait été un peu bizarre. Qu'est-ce qu'on pouvait bien raconter à un garçon plus âgé d'une autre maison qui n'avait rien à faire d'une gamine ? Surtout dans le cadre d'un speed-dating... Néanmoins, une fois que la rousse ne s'était plus focalisée sur ces rendez-vous minutés, elle avait pu se détendre et apprécier le Gryffondor. C'était vraiment un garçon plein d'humour avec qui on ne se prenait pas la tête. Elle était contente finalement d'avoir eu l'occasion de faire sa connaissance. Cependant, toutes les bonnes choses avaient une fin et très vite la clochette retentit, la coupant en pleine phrase. Avec une moue un peu dépitée, l'aiglonne vit alors partir le lion.

- Bye Erwan...

La chaise ne fut pas inoccupée longtemps et ce fut Gauvain qui prit place. L'avantage, c'était qu'au moins avec lui, la rouquine n'aura pas le stress qu'elle avait eu au début de ce traquenard. Face au jeune garçon, Calypso était moins déstabilisée et pour cause ! Ils étaient dans la même équipe de quidditch et se voyaient tout le temps. Pourtant, il était vrai que, malgré tout, ils ne se connaissaient pas plus que ça. Ils n'avaient pas les mêmes amis et ne semblaient pas partager les mêmes centres d'intérêts.

- Coucou! Bon je propose d'éviter le quidditch, sujet trop bateau pour nous deux. Autant se prendre au jeu, parce que en fait, je te connais pas si bien que ça! Alors, dis moi, tu as des frères, des soeurs? Tu as déjà un Valentin? Dis-moi tout!

Et bien que de curiosité tout à coup ! Calypso le regarda un peu surprise par la succession de questions. Visiblement, le bleu et bronze semblait s'être pris au jeu du speed-dating et cherchait à en savoir le plus possible en un minimum de temps.

- Salut Gauvain ! Ouais, c'est vrai qu'on se parle pas trop, c'est dommage... Alors j'aurai bien aimé avoir des frères ou des sœurs mais je suis fille unique. Je vis juste avec mon père. Et toi, tu en as ?

Qu'est-ce qu'elle savait au juste sur lui ? Pas grand-chose, hormis qu'il avait un cousin pouffy et un horrible béguin pour Ange. D'ailleurs, ce n'était un secret pour personne, il n'était pas vraiment discret. La fillette espérait qu'elle cachait mieux ses sentiments...

- Sinon, je crois que c'est un peu tôt pour un Valentin. On est encore trop jeunes...Enfin, pour moi...

Ou du moins c'était ce qu'elle voulait bien faire paraître. Il fallait bien avouer que Calypso mourrait d'envie d'avoir un certain Valentin, un blond qui occupait ses pensées depuis quelques semaines, mais elle n'avait pas envie que ça se sache. Elle préférait rester dans l'ignorance que de vivre le rejet. Certes, ce n'était pas très courageux mais tout le monde avait ses défauts.

- Au fait, tu étais avec Ange tout à l'heure, non ? Ca s'est bien passé ?

La rouquine n'avait pas vu avec qui il était mais elle imaginait que Gauvain avait dû sauter sur l'occasion pour discuter avec la Serpentard. Souriante, elle attendit que son camarade de maison lui confie quelques détails.

Un seul garçon méritait de tomber dans le piège du déguisement. S’il venait à lui, il réussirait un véritable coup de maître, remporterait une victoire éclatante, à savourer, comme il se devait, avec Ange, Lou et Nathan. Il entendait déjà l’écho de leurs rires moqueurs. Tobias était la victime d’une plaisanterie anodine. Il ne connaîtrait jamais la vérité, et personne à Serpentard ne se souviendrait de lui. Un poufsouffle de première année, anonyme et discret marquait peu d’esprits. Qu’il fût le frère de Fabula ne changeait pas son rang. La Serdaigle ne faisait pas davantage parler d’elle. On lui reconnaissait tout au plus une rivalité avec le cousin McLane et un talent certain pour le Quidditch. Non, il réclamait une cible de qualité, Sa proie favorite, Orion O’Neill. Et, comme attiré par son invocation mentale, le quatrième année s’approchait de lui. Il l’étudia à la dérobée, en jouant de la discrétion féminine. L’exercice ne lui semblait pas difficile. Beaucoup de jeunes filles aimaient, comme lui, se faire désirer. Le poisson glissait vers lui. Il avait perçu son éclat au milieu des visages trop connus ou peu attirants de ses comparses. En effet, Meira n’avait rien à envier à ses rivales. Les gamines de douze ans n’étaient pas de taille, et ses rares aînées ne dégageaient pas un charme époustouflant. Ces petits bouts de femme de quinze ans ne maîtrisaient pas encore leurs atouts. Isaac, à l'inverse, avait bien étudié son rôle. La grâce des grandes dames l’avait toujours fasciné. Il les suivait souvent, d’un regard plus intrigué qu’intéressé, lors des réceptions mondaines. Elles savaient plaire et confondre leurs interlocuteurs. Il semblait parfois que la séduction posait les bases de leur haute éducation. Leurs petites ruses l’avaient beaucoup inspirées, et sa nature d’allumeuse en devenir rendait crédible l’habile tromperie. Orion, qui ne se refusait jamais une jolie fille, s’y était laissé prendre. Isaac était flatté. Le bleu et bronze récompensait ses efforts, honorait sa beauté maquillée. Un merveilleux sujet s’offrait à lui. La partie devenait enfin intéressante.

Une main posée sur la chaise libre, son beau prétendant lui demanda avec pudeur s’il était seul. Meira se redressa doucement et lui renvoya un sourire radieux en hochant la tête. Ses prunelles brillantes s’attardèrent sur le physique du Serdaigle. Elle le détailla sans retenue, d’un regard lent, à la fois surpris et intéressé. Isaac savait que cette grande supputation ne troublerait pas le préfet. Le garçon faisait à peu près tout ce qu’on voulait de lui s’il se sentait admiré. Avec lui, le jeu serait différent. Le Serpentard lui laissait volontiers le rôle du séducteur, puisqu’il s’y retrouvait si bien. Ce serait le meilleur moyen de rire de lui, de l’encourager à se perdre, de mettre à mal un couple qui battait déjà de l’aile, pour un garçon travesti en femme. Isaac se montrerait le plus désirable, le plus affolant possible. Orion abaisserait toutes ses défenses, l’occasion était trop belle. Il l’entrainerait dans ses bras, et le relâcherait traître et bafoué. Neoki n’avait visiblement pas le pouvoir de garder son petit amant. Face à lui, elle ne faisait pas le poids. Elle le comprendrait aujourd’hui, car oui, il avait bien l’intention de diffuser la rumeur, alors qu’il se trouverait sous une forme féminine, sur le même terrain qu’elle, et cela, l’apprendrait plus tard, lorsqu’il retrouverait son vrai visage. Mais, sous les fards, sous les cheveux longs, les traits restaient les mêmes. N’en déplaise à son charmant compagnon, il ne tombait pas dans ses filets par hasard. Homme ou femme, le préfet des verts et argent ne le laissait pas de marbre. Un jour, il serait bien obligé de le reconnaître.

En attendant, Orion tirait les cartes habituelles. Le pauvre n’avait jamais appris à faire dans la finesse. Il faudrait qu’il lui explique quelques trucs un jour. Un bon séducteur ne sort jamais le même jeu deux fois de suite. Sa lourdeur découragerait les plus idiotes, et les groupies ne restaient pas, elles cédaient aux modes, vénéraient un temps et n’aimaient pas. Etait-il trop superficiel pour le voir ? Neoki s’était entichée de lui. Isaac la jugeait stupide, fade, sans intérêt. Il fallait être limité pour s’accrocher sincèrement à ‘Perfect Prefet’. La sixième année était, d’une certaine façon, une perle rare.
Isaac s’amusa beaucoup du numéro d’Orion. Il hésitait entre l’éconduire dans les règles de l’art ou lui autoriser le succès. La dernière idée l’emporta. Son prétendant charmait une image. Il serait la princesse parfaite, celle qui ne se laisse jamais gagner par la colère. Il incarnerait l’humilité et la candeur afin de confondre sa proie, de l’approcher à nouveau, et sentir son débat intérieur, les désirs qui s’opposaient à sa raison, à ses serments de fidélité…
Meira souligna ses compliments par un petit sourire gêné. Elle baissa les yeux, s’attarda sur les mains du garçon, et murmura d’une voix douce :

- Merci… Je souis Meira, nouvélle oui… - Elle leva un regard timide vers Orion. - Ty seré donc si cônnu ? Mais disolé, ty n’me dis rien di tout… Parce que j’m’y en seré souvenu aussi jy pense… - Ses lèvres s’étirèrent, espiègles, comme si ses sous-entendus lui paraissaient terriblement audacieux. - Jy n’auré pas oublié ton visage et pouis… l’insigne de… comment vous dites, Perfé ? C’est une poste d’honneur non ?

Un index délicat pointa le blason d’argent et l’effleura. Le doigt glissa, léger, sur la plaque métallique, et Meira ne quittait pas son interlocuteur des yeux. Elle attendait sa réponse, ne demandait qu’à être impressionnée. S’il ne se trompait pas, Orion trouverait le prétexte excellent. Il était capable de le baratiner dix minutes sur le sujet, mais les thuriféraires du poste de préfet n’étaient qu’une façon d’attacher la belle israélienne à lui. Plus entreprenant, Isaac lui fit quelques appels du pied. Sa jambe croisée heurta doucement celle du Serdaigle. Le contact n’était pas très franc. Il laissait planer le doute, la thèse de l’accident. Le garçon devait rêvasser, interpréter à partir de soupçons, imaginer qu’il l’avait gagnée, tout en laissant un « peut-être » en demi-teinte. Cette technique, perfide, égarait plus surement l’esprit qu’un geste éloquent.

Ayant attendu de savoir où il fallait qu'il se dirige, le petit Rupert s'installa finalement en face d'Hayden, les joues rouges. Le premier passage n'avait pas réussit à le rendre assez confiant, et c'est après quelques secondes d'hésitation qu'il regarda la demoiselle dans les yeux, le sourire timide.

"Bonjour ... tu es Hayden ? En ... enchanté de faire ta connaissance, moi c'est Rupert."

Ne sachant pas trop quoi dire, il fit l'effort de se creuser l'esprit à la recherche de quelque chose. Être seul en face d'une fille le rendait toujours nerveux, et cette fois-ci ne dérogeait pas à la règle, mais le Gryffondor sentait qu'il fallait surmonter cela. Il reprit quelques courtes secondes plus tard la parole, toujours un peu rouge, mais le regard déterminé.

"Il me semble t'avoir déjà vu ... ça devait être pendant le cours de Défence Contre les Forces du Mal sur les Inferi ... à côté de Revan, je crois. Je peux me tromper ..."

*Non mais quel abruti je fais, parler de cours ... et de celui du Professeur Rogue ... faut que je me rattrape ... réfléchis ...*

Voulant changer de sujet, afin d'éviter de s'embourber, il posa ses avant-bras sur le bord de la table, alors que ses mains étaient à l'instant d'avant cachées dessous. Il se stoppa dans son élan et reprit calmement sur une autre idée.

"Tu as envie de parler de quelque chose en particulier ?"

Ne sachant et ne voulant pas draguer, il semblait tout-de-même évident au petit blond que de laisser choisir son interlocuteur, ici son interlocutrice, choisir le sujet de discussion permettait d'éviter d'ennuyer ou d'irriter l'autre. A vrai dire, il ne savait pas non plus de quoi parler, rien ne lui venant à l'esprit.

Le trouble, la gêne ne le frappaient pas. Isaac ne se laissait pas distraire. Son âme gardait sa froideur habituelle. Derrière ses sourires, sous le masque avenant de Meira, il était d’une indifférence marmoréenne. Rien ne l’affectait, tout l’amusait. Il agitait les ficelles d’un pantin vivant, il niait sa personnalité, instillait la passion, l’égarement dans l’esprit de son beau prétendant. Orion était à lui. Ses charmes trompeurs embaumaient son corps transi. Il était la courtisane, l’affolante tentatrice et le préfet de Serdaigle se glissait, doucement, entre ses mains d’albâtre. Il donnait du sens à son rôle, l’acceptait, suivait, sans résister, les paroles envoutantes de Meira. Et les lèvres, subtiles et pleines, déroulaient un ruban de soie, trop doux pour qu’on osât le lâcher. Dix minutes les liaient, mais il ne les oublierait jamais. Elles se situaient hors du temps. Le monde s’arrêtait avec les yeux bleus d’Orion. Il se figeait, face à l’insolite, stupéfié par la magie d’une beauté inattendue, irréelle. L’inconscient du garçon devinait l’imposture, et le mirage, le sentiment de se trouver en présence d’un être exceptionnel, défiant l’ordre des choses, attirait ses sens. Sous les fards, le plus délicat des hommes ne sera jamais une femme. L’attitude et les gestes créaient l’illusion. Mais la nature hésitante accomplissait l’enchantement, en diffusant autour de sa créature incertaine une aura éthérée, captieuse et enivrante. Isaac ne renvoyait pas à Orion l’image d’une superbe jeune fille. Le travestissement était réussi, sa pantomime évinçait les derniers soupçons, et il surpassait son sexe d’emprunt. Parce qu’il jouait, parce qu’il reproduisait les mouvements d’aguicheuses pleines de dignité, il devançait ses semblables d’un instant. Il profitait, goûtait un état délicieux, savourait sa victoire en baignant ses prunelles tourmalines dans celles de sa proie, acculée, piégée par ses caresses.

Des gestes simples, légers, frôlaient le Serdaigle. Isaac maintenait la tension. Le souffle de milles promesses chargeait l’atmosphère, et l’esprit de son beau préfet s’échauffait. Son assurance filait, ses rires, plus nerveux devenaient des aveux muets. Qui séduisait l’autre ? Orion cherchait une place qu’il n’arrivait plus à trouver. L’ignorance de Meira le mena sur une voie plus libérée. La fierté dissipa ses dernières vapeurs, et il parla, d’une voix plus maîtrisé, de son poste de préfet. L’étrangère l’écouta avec attention. Elle hocha la tête. Ses longs cils balayaient paresseusement l’éclat fasciné de son regard. L’esquisse d’un sourire ponctua ses explications. Puis, Orion lui rappela le nom de sa maison. Une tâche écarlate maculait sa poitrine, il arborait le blason des lions, s’abritait sous l’étendard de ses rivaux, d’une population à forte concentration de roux, comme le fit remarquer son prétendant. Allez savoir pourquoi, les chevelures flamboyantes se bousculaient dans la salle commune des rouges. Il était presque criminel d’arborer une couleur trop brune ou trop blonde, ça faisait mauvais genre, Serpentard aux dires de certains. Un petit rire lui échappa, et manqua d’entamer sa couverture. La petite tirade d’Orion était très drôle, mais, s’il se moquait ouvertement de la masse douteuse des Gryffondor, il s’éloignerait de son rôle. Pour la première fois de sa vie, Isaac retint ses sarcasmes, et s’efforça d’exprimer un amusement perlé.

- C’est donc si térrhible d’étre roux ? C’est vré que vous én avé bicoup ici… ça m’surprend un peu, piske chez moi y’en a pas di tout…

Au lieu de glousser bêtement, il préféra ajouter une remarque candide, une lapalissade. La conversation n’avait pas d’importance. Elle ne servait qu’à faire diversion pendant que la pointe de son pied effleurait la jambe d’Orion. Le contact n’échappa pas à sa proie. Il sentait que le piège se refermait sur lui. Mais que dire ? Que faire ? Meira, imperturbable ne disait rien et attendait, curieuse, la suite de leur charmante rencontre. Elle ne s’excusait pas, comme si elle n’avait rien remarqué ou, à l’inverse, tout calculé. Le rythme de la conversation était rompu, et le temps qui leur était accordait s’égrenait dangereusement. La jeune fille attendait, guettait une réaction, une note d’espoir accrochée à ses prunelles. Orion était coincé. Soudain, il hésitait, bafouillait, saisissait des mots qu’il rejetait aussitôt. Isaac le fixait avec insistance, ne perdait rien du spectacle, de l’agitation qu’il provoquait. Mais Meira, plus innocente, fronçait légèrement les sourcils, intriguée, presque inquiète. Un rire nerveux revint, puis, la question tant attendue fut libérée. Avait-elle un copain ? La jeune fille eut un air égarée. Ce n’était pas difficile, Isaac était lui-même pris de court. Il ne pensait pas qu’Orion serait si prompt à céder. La pensée de Noéki lui opposait un bien faible rempart. Il rendait déjà les armes, à trois minutes à peine de la fin. Un silence pesant tomba. Son regard s’adoucit, et il appuya plus franchement sa jambe contre celle d’Orion. Elle bascula sur le côté, comme une femme renversée dans les bras de son amant. D’un air pensif, Meira murmura :

- Il y avé un garçon dans mon pays… Mais comme j’y souis partie, il a préféré qu’on se quitte… ça ne lui convené plus… - Elle eut un sourire désabusé, et haussa les épaules en soupirant. – Alôrs non, j’ny ai personne…

Un peu embarrassée, la belle examina ses ongles vernis. L’entrevue s’achevait. En toute logique, elle devait renvoyer la question à ce garçon qui lui plaisait déjà beaucoup, mais ce serait donner au Serdaigle une chance de se reprendre, de lancer subitement le nom de Neoki. Il fallait que la petite amie officielle restât de côté, donner la possibilité à Orion d’entretenir son effet, le tenter encore, se mettre, sans lui laisser le choix, entre la préfète en chef et lui. Pudique, Meira leva un regard vers lui. Ses lèvres tremblèrent, puis elle l’appela avec une réserve touchante.

- Rak rega… Orion… Ty n’crois pas qu’on pourré se r’voir ou s’écrire ?

Pas un mot, pas un compliment. Tout était suggéré et, même s’il n’avait rien mis de particulier dans son ton, on le devinait suppliant derrière la retenue des mots. Sa main s’aventura une fois de plus vers celle de son partenaire, plus timide cette fois. Les doigts, émus, se posèrent sur ceux du garçon, comme pour l’empêcher de partir tandis que le glas retentissait.

[Séléna désolée j’avais zappé le topic. Bon ben je clos pour moi, on se recroisera mieux une autre fois pour la prochaine année ]

Premier tête à tête avec Ange, il lui sembla avoir à peu près assuré. Il était difficile de regarder vers elle, mais ses mots d’approbations avaient suffit à le soulager. Ce moment restait néanmoins très gênant et il prédisait un moment tout aussi gênant qu’il faudrait briser lorsqu’ils se retrouveraient seuls. Mais il n’était pas plus mal d’avoir commencé comme ça, jamais il n’aurait osé tenter quelque chose dans un autre contexte, ne s’y prêtant pas. Il s’étonnait lui-même que le sujet qu’il ne pensait même pas envisageable avec elle ait pu venir si facilement (plus ou moins). Finalement les speed dating, c’est pas si mal. Qui aurait cru qu’il gagnerait son premier rendez vous avec une fille de cette façon ? A savoir s’il le raconterait ainsi plus tard …
Mais le tour suivant était arrivé. Nathan esquissa un petit sourire à celle qui semblait s’annoncer comme sa future petite copine, murmura un petit « à tout à l’heure », puis se leva pour aller s’assoir à la chaise suivante. Il se retrouva en face d’une serdaigle qui semblait un peu plus jeune que lui. Elle boudait et l’ accueilli en disant qu’elle avait envie de massacrer quelqu’un. Nathan se sentait lui tout léger, tout bien, tout heureux. Il sourit même sans savoir pourquoi et répondit à la jeune fille :

« McLane, Nathan McLane »

Il lança un regard dans la salle pour voir sur qui était tombée Ange, il ne voulait pas qu’elle ait plusieurs rendez vous et lui qu’un. Il vit qu’elle était avec un gryffondor de l’équipe de quidd, rien à craindre de ce petit là …
Il aperçu que la porte de sortie était entre ouverte, regarda vers la fille en face de lui puis lui dit :

« Tu as de la chance, je suis de bonne humeur, sinon j’aurai sûrement essayé de te faire boire le jus de moutarde que j’ai dans la poche. Mais je crois que t’es aussi contente d’être là qu’un hypogryffe dans un bassin, donc si tu veux, discretos, on peut un à un sortir d’ici, la porte là bas est ouverte. Perso, j’ai eu tout ce qu’il me fallait et maintenant ceux qui restent sont ceux qui veulent être là … j'ouvre la route»

Il se leva, sans se presser pour ne pas attirer les soupçons, il devait faire comme si il allait aux toilettes.

« A une prochaine donc, mais je ne garanti pas d’être aussi sympa, surtout si c’est sur un terrain de quidditch l’aiglonne ! »

Il marcha vers le coin des toilettes, mais s’éclipsa discretos par la porte, espérant ne pas se faire rattraper par une organisatrice, mais elles semblaient tellement occupées de leur côté que cela ne risquait pas.

[parti]