Mathias, dans son deux-pièces du centre de Londres, fixait le plafond d'un air rêveur. Ses mains, quant à elle, manipulaient machinalement un jeu de cartes, dont les composantes passaient avec adresse et précision entre doigts et paumes. Ca, c'était papa qui l'avait appris à ses fils. Et c'était pour eux un moyen de s'occuper ou, à quelques occasions (pas vraiment rares pour Livious), de plumer les autres. Derrière ses lunettes, le regard de Mat' s'arrêta sur la pendule accrochée au-dessus de la porte menant à la chambre, chambre qu'il avait partagée pendant longtemps avec une fille.

18h34. Le nouveau Langue-de-Plomb, fraîchement diplômé de l'UMA, avait rendez-vous avec Deryn Cadell. Et quoi que Pierrot en dise, sa relation avait la jeune fille avait toujours été ambigüe. Mathias se redressa, sans cesser de manipuler les cartes, et alla dans le coin cuisine. Alors que sa main gauche jouait toujours, il attrapa la poignée du frigo et tira. S'il fallait retrouver Haddock, mieux valait s'être prémuni auparavant. Il prit donc une Bièraubeurre.

Haddock ? Le Chartier. Animal que Sia, son ex, avait souhaité avoir, mettant comme enjeu sa propre présence. Si Mathias refusait d'avoir comme bestiole de compagnie une boîte poilue à insultes, elle partait. Le débat n'avait pas été bien long, parce que Mathias l'aimait, cette fille. Même si elle pouvait se montrer bien chiante. Et en définitive, la garce s'était tirée du jour au lendemain, laissant à l'aîné des fils Sullivan la garde de l'abominable créature.

Après avoir vidé presque d'un trait la bouteille, Mathias posa enfin les cartes et passa dans sa chambre. N'ayant pas bossé en ce lundi, Monsieur McLane ayant encore quelques détails à régler, Mat' avait passé sa journée en caleçon, à ne pas faire grand chose. Après s'être habillé -pantalon marron, chemise rouge, veste marron, chaussures noires, un assemblage plutôt... hum- il jeta un nouveau coup d'oeil à la pendule. 18h41. Parfait.

Après avoir verrouillé sa porte d'entrée, il jeta un oeil dans l'escalier, puis transplana. Directement dans l'appartement de son frère, juste devant la porte d'entrée. Immédiatement, une assourdissante alarme retentit. Mais elle s'arrêta dans la seconde. Archimède avait reconnu l'aîné de son maître et donc désactivé les pièges. C'est qu'il avait de bons réflexes, ce Fléreur.

"Salut, toi !" lança Mathias, en s'approchant de l'animal.

Il eut le réflexe de sortir sa baguette au moment où la table centrale se dressait, déversant au sol tout ce qui était posé dessus, et menaçait de s'abattre sur lui. Un BANG ! rendit son immobilité au meuble, alors que le Monstrueux livre des Monstres, tapi dans l'ombre, avait été réveillé par le tapage et passait à son tour à l'assaut.

"Qu'est-ce qu'il est chiant avec ses pièges !" s'exclama Mathias en se jetant sur le livre.

Après avoir refermé la sangle, il s'essuya le front sous le regard moqueur d'Archimède.

"C'est bon, ça va, hein."

Le bazar. Comme à chaque fois qu'il venait, Mathias trouvait le bordel. Liv' n'était vraiment pas soigneux. Un rapide état des lieux plus tard, Mathias prononçait quelques sorts pour mettre un peu d'ordre dans la pièce, qui avait pour fonctions salon-bureau-chambre-cuisine.

Lorsque ce fut fait, il ne restait plus que trois minutes avant l'arrivée de Deryn. Archimède était resté à observer, et à présent il semblait plutôt content de voir que quelqu'un, surtout le frère de son maître, en fait, s'était cassé l'arrière-train à nettoyer alors que la propreté et l'ordre ne règneraient pas longtemps.

Soupirant, l'ancien Serpentard s'affala sur le lit. Un truc dur lui labourant le dos, il chercha sous les draps. Un jeu de cartes. Parfait ! Ca l'occuperait bien le temps qui restait. Et l'heure vint, 19h00. Deryn transplanerait certainement ici aussi. Avec... ah non ! Avec Haddock ! Mathias en avait presque oublié pourquoi il était là...

Toujours en position horizontale, les jambes dans le vide, la main gauche sur le ventre, la main droite manipulant les cartes, Mathias attendait. Et il ne sursauta même pas quand le crac caractéristique d'un transplanage retentit dans le petit appartement. Archimède, lui, s'était redressé, mais il n'avait pas à désactiver les pièges, cette fois. Ce qui mena Mat' à se bouger, c'est la voix qui lui avait tant manqué, celle d'Haddock... En fait, non, il ne bougea pas. Il se contenta de pousser un soupir. Puis Deryn s'adressa directement à lui, et c'est là qu'il reprit une position assise.

"Salut Deryn..."

Il n'y avait pas beaucoup d'entrain dans sa prise de parole, mais c'était plutôt compréhensible vu qu'il était censé récupérer le chartier... Et l'animal l'observait, incapable de dire quoi que ce soit à voix haute, visiblement indécis face au fait de revoir son ancien propriétaire.

"Salut, toi."

Mathias n'avait même pas fait semblant d'être content de retrouver Haddock. Parce qu'il savait pertinemment que ça n'aurait absolument rien changé à l'attitude de la créature...

"Bien vu, le silencio." dit-il en se levant enfin.

Fêter des retrouvailles par un échantillon des plus belles insultes du répertoire n'était pas la meilleure chose à faire, l'initiative de l'étudiante était donc tout à fait bienvenue.

"Il t'a pas trop embêté, quand même ?"

Bien sûr que si, Haddock avait été chiant et encombrant... A la base, c'est Livious qui l'avait eu, Mathias n'y était donc pour rien si Deryn avait eu à se le coltiner par la suite... En fait, la question montrait volontairement, même si c'était à un moindre niveau, pourquoi Mathias avait été à Serpentard... Ce côté là ressortait de temps en temps, de façon délibérée ou non, et bizarrement, jamais avec la famille. Mais avec les autres, sans souci !

"Peut-être qu'avec les autres, c'est pire, en fait..." ajouta-t-il, comme si de rien n'était.

Non, vraiment, il devait se calmer. Quoi qu'il en soit, il ne s'excuserait pas pour ces quelques mois, parce qu'il ne reconnaissait en aucun cas qu'il était en faute dans la situation. La coupable, c'était Sia, qui était partie comme ça en lui laissant le chartier. Et Livious, qui avait chargé Deryn de s'en occuper. Lui, il n'était qu'une victime dans l'histoire. Rien de plus.

Mathias laissa Deryn parler, assimilant au fur et à mesure ses remarques et questions. Un somnifère. Ah oui, c'était une bonne idée. Après, il fallait qu'Haddock accepte de le prendre, ou alors qu'il ne se méfie pas, le saligaud. La SPAM. Ca, c'était une idée. Allait-il céder et emmener le chartier là-bas, où il serait bien traité ? Quand même, c'était à réfléchir... Ensuite, elle n'avait pas compris. Ou plutôt, pas entendu. Ou les deux. Ou tant pis. Mathias soupira, avant de se lever. En deux secondes, il était devant Deryn. Il avait presque zappé sa question.

"Excuse-moi, ça va passer."

Rangeant le jeu de cartes dans sa poche -il ne faudrait pas oublier de le laisser avant de partir, il mit ses mains sur les épaules de l'étudiante.

"Je suis désolé pour ces quelques mois. Je ne pensais pas que mon frangin te refilerait ce..." Il s'interrompit pour jeter un oeil à Haddock, qui, ne pouvant parler, semblait l'insulter du regard.[/i] "... boulet. Merci de t'en être occupé."

Voilà, finalement, il s'était excusé. Ses mains retombèrent le long de son corps.

"Bon alors, toi. J'ai pas encore décidé de ce que je vais faire de toi. Si tu veux rester avec moi, ça dépend de ton attitude."

Ne pouvait répondre, l'animal détourna simplement la tête.

"Hum... Tu veux boire quelque chose ?" demanda le Langue-de-Plomb, en reportant son attention sur Deryn.

Par réflexe, il récupéra le jeu de cartes et se mit à le manipuler. Alors que les cartes passaient avec dextérité entre les doigts de sa main gauche, il ouvrait le frigo de sa main droite.

"Y a pas grand chose..." constata-t-il.

En plus du bordel ambiant régnant dans l'appartement -avant bien sûr qu'il n'ait fait le ménage, il s'avérait que les courses ne suivaient pas non plus... Sacré Livious. Il faudrait qu'un jour Liv' vienne chez lui, passer ne serait-ce qu'un après-midi pour voir ce qu'était un logement entretenu, que ça soit sur le plan du ménage, de l'intendance ou autre préoccupation d'un appartement.

"Une bièraubeurre ou du jus de citrouille ?"

Classique, certes, mais indémodable. Au moins, il y avait quelque chose à boire. Mathias n'aurait pas supporté d'aller faire quelques emplettes...


[hj : désolé pour le retard et la qualité ^^"]