« Aie ! » ne put s’empêcher de s’exclamer Précieuse en sentant son crâne heurter une marche.

Même si la douleur était vive et lui rappelait à son plus grand désarroi le massacre de la cabane hurlante, les dégâts corporels étaient moins importants que prévus. Elle avait échappé au pire en ayant le réflexe de s’agripper à la rambarde de l’escalier. La force qu’elle avait mise dans son bras pour éviter de se briser la nuque avait été une réussite puisque sa tête n’avait que légèrement effleuré le sol. Cependant, elle avait en revanche très mal à son postérieur car ses fesses avaient dues à elles seules supporter tout le poids de son corps. Elle aurait surement un sacré bleu pendant plusieurs jours.

Quand William lui fit son habituelle remarque désobligeante de bienvenue, Précieuse sentit son souffle s’accélérer et ses joues s’enflammer. Non. Elle ne supporterait pas sans rien faire les sarcasmes de cet ignoble personnage. Elle allait lui rendre la monnaie de sa pièce ici et maintenant. Et tant pis pour le paquet, cela n’avait plus d’importance vu l’humiliation qu’elle ressentait à présent. L’héritière McLane réglerait seule son compte à ce Sang-de-Bourbe prétentieux.

« C’est ce qu’on va voir Craig, » murmura-t-elle avec rage en essayant de se relever.

Cette scène avait vraiment un air de déjà vu mais son issue serait différente. Contrairement à la dernière fois, elle ne prendrait pas la fuite. Elle se battrait jusqu’au bout même si elle devait en ressortir avec des marques indélébiles. Il n’y aurait qu’un seul survivant.

Plus déterminée que jamais, Précieuse décida de passer immédiatement à l’action pour surprendre son adversaire. Avant de s’être complètement relevée, elle leva brutalement son pied muni de la chaussure à talon qui avait causé sa perte et le planta avec force dans le ventre de son camarade. Puis, soucieuse de ne pas s’arrêter là, elle le poussa dans l’escalier avec toute la force que ses petites mains de gamine voulait bien lui accorder.

« Alors on fait moins le malin J.Craig ? Qui est en haut de la pyramide maintenant ? »


[Je te laisse choisir l’issue de cette action : soit tu dévales quelques marches en tombant pas terre, soit tu arrives à te rattraper]

« Mais qu’est ce que… » prononça Précieuse d’une voix horrifiée en sentant les mains du rouquin se refermer sur la fameuse paire de chaussure qu’elle comptait mettre au bal de Noël.

Elle secoua alors son pied de toute ses forces pour forcer William à lâcher prise (et lui envoyer si possible un coup de pied en plein visage par la même occasion) mais il était déjà trop tard. La lanière qui liait Précieuse et son soulier avait rompu et la chaussure dont la valeur était inestimable gisait entre les mains du Gryffondor.

Le large sourire victorieux qui s’était imprimé sur le visage de la blonde quelques instants auparavant avait à présent totalement disparu. Elle tendait sa main en direction de sa chaussure adorée comme si elle espérait que la vision de cet escarpin décomposé n’était qu’un mauvais rêve.

*Ce n’est que la bride qui a lâché, ça devrait être réparable* songea notre Cendrillon déchaussée avec espoir.

Comme s’il avait lu dans ses pensées, William se hâta de fixer définitivement le sort la malheureuse godasse. Précieuse le regarda d’un air consterné et horrifié puis se ravisa immédiatement pour ne pas lui faire le plaisir de paraître anéantie par cet incident. Après tout, William n’était pas sensé savoir que c’était LA paire, l’unique, la fabuleuse, la magnifique, la toute vernis, la sur-mesure, la seule capable (selon Précieuse) d’aller avec la robe qu’elle voulait mettre à la soirée. Etant donné les moyens de la famille McLane, il n’était pas difficile de faire croire qu’elle en avait des centaines d’autres comme celle-ci. Il était d’ailleurs vrai que Précieuse possédait des tonnes de paires de chaussures allant des ballerines aux bottines en passant par les sandales et les escarpins, qu’elles soient unies ou bariolées, en cuir ou en velours, vernis ou lisse, à talons ou plates, avec ou sans diamants, chics ou tendances. Mais exceptionnellement, la paire qu’elle avait mise ce soir-là n’existait qu’en un seul exemplaire…ou plutôt n’existait plus du tout.

Quand William jeta la chaussure à ses pieds, Précieuse songea pendant un moment à la laisser là pour ne pas s’abaisser devant le préfet des Gryffons. Mais elle réalisa aussitôt qu’elle avait besoin de faire le deuil de cette paire pour se sentir à nouveau plus forte. Elle se pencha donc et attrapa la lanière déchirée du bout de ses doigts. Elle la contempla ainsi un instant sans rien dire avant de relever la tête vers son interlocuteur pour prendre la parole.

« La différence entre toi et moi J.Craig, c’est que quand je perds quelque chose qui m’est cher je peux toujours le remplacer. »

Elle lui fit un regard plein de sous-entendu puis examina une fois de plus ce qu’il restait de sa chaussure.

« Une paire de perdue comme celle-là, c’est dix de retrouvées quand on s’appelle Précieuse McLane », mentit elle.

Puis, comme elle n’avait plus rien à perdre dans l’instant présent, elle prit le talon biscornu dans la paume de sa main et se servit de la chaussure comme arme pour assiéger son ennemi. Elle essaya tant qu’elle pouvait de viser la tête du rouquin afin de le rendre si possible aussi rouge que son blason [Je te laisser décider de la réussite des coups]. Si son sang giclait sur les marches de l’escalier, elle serait ravie d’être la première à pouvoir le piétiner.

Piètre satisfaction que celle de saccager les chaussures de Précieuse McLane, mais il fallait se contenter de ce qui se présentait... William avait bien compris que cet escarpin était d'excellente qualité, probablement d'une marque renommée, mais il était loin de se douter de sa rareté... Dommage, car savoir qu'il avait bousillé un article créé sur mesure pour son ennemie aurait été une véritable félicité pour le rouquin. La mine défaite de la blonde, son indignation qui lui coupait le souffle, l'effort qu'elle faisait pour ne pas avoir l'air consternée, tout cela était déjà tellement réjouissant... Même la perfide allusion à la mort de sa mère (c'est du moins ainsi que William comprit la phrase) ne parvint pas à le faire sortir de ses gonds ; il faut dire qu'il s'était juré de ne plus laisser cette prise à Précieuse, et il faisait un effort pour ne pas céder à la rage... De même qu'il se força à continuer d'afficher un sourire narquois- mais il n'eut pas à se forcer longtemps ; lorsque la Serpentard prononça son propre nom comme s'il se fût agi du plus respectable des titres de noblesse, le rouquin éprouva une franche envie de rire, et son sourire s'élargit. Ce qu'elle était drôle, alors... Il secoua la tête comme pour désapprouver une sottise d'enfant, et répondit seulement :

-Pauvre fille...

Est-ce cette expression de mépris et de pitié qui énerva la blonde ? ou son geste était-il mûrement réfléchi ?... Quoi qu'il en soit, elle empoigna feu sa chaussure, et se mit à cogner sur William avec. Par chance, elle tenait son arme improvisée par le talon, la partie la plus dangereuse ; et elle frappait avec l'étroite semelle, ce qui laissait peu de surface pour faire vraiment mal au préfet. Il reçut quelques coups, stupéfait, avant de réagir... Ce n'est pas la douleur qui le fit bondir, mais un souvenir pénible. Ultan Bower l'avait cogné, beaucoup plus douloureusement, à coups de chaussure... Il lui semblait encore entendre le bruit mat de la semelle contre sa peau.
Poussant une sorte de feulement de rage, le rouquin se jeta sur Précieuse, les mains tendues devant lui.
On ne tape pas une fille, souffla à son oreille une petite voix détestable.
C'est pas une fille, c'est un monstre, un être nuisible, une saloperie vivante, répliqua une autre petite voix, que le roux se hâta d'écouter.
Au diable les principes, McLane ne méritait qu'une bonne volée, ça lui apprendrait la vie...
Le garçon avait pour lui la force physique, et il put, sans trop de peine malgré les coups qui continuaient à pleuvoir, empoigner le col de la robe de son adversaire. Sa main gauche fermement cramponnée à l'étoffe, il abattit sa main droite sur le visage de la blonde, autant de fois qu'il le put... Précieuse continuait à frapper de toutes ses forces, et le roux sentit l'escarpin lui éclater la lèvre supérieure... Pas beaucoup, c'était sans doute une simple égratignure, mais le goût du sang décupla la colère de William. Il empoigna une mèche des cheveux blonds, tira dessus, et s'apprêta à coller une nouvelle gifle à la Serpentard.
Mais les éléments en avaient décidé autrement. Sans crier gare (et pourquoi l'aurait-il fait ?), l'escalier sur lequel ils se trouvaient se mit à bouger brusquement- assez brusquement pour faire perdre l'équilibre aux deux combattants, trop occupés à se battre comme des chiens pour rester debout. Ils tombèrent ensemble, dévalèrent les marches, dans une mêlée indescriptible, leurs têtes heurtant le marbre des marches... Débandade complète, ou presque : aucun des deux ne renonçait à essayer de faire du mal à l'autre.
Ils atterrirent douloureusement sur le palier, prêts à continuer leur combat- mais quelqu'un se trouvait là, quelqu'un qui les regardait d'un oeil noir... William essaya de se dégager pour voir à qui il avait affaire, mais McLane le bloquait, et il fallut que la personne parle pour qu'il la reconnaisse.

Filius Flitwick discutait sur le pallier de la salle des professeurs avec Severus Rogue, sur leur habituel désaccord sur la meilleure façon d'enseigner. Si Flitwick expliquait que les élèves avaient besoin d'être écoutés attentivement, Rogue prônait une toute autre manière : la sévérité. Enfin le minuscule professeur en avait maintenant bien l'habitude, depuis toutes ces années, mais il n'arrêtait cependant pas de penser que Severus Rogue n'avait pas tellement sa place auprès d'élèves que Dumbledore lui confiait et que donc il espérait retrouver en entier à la fin de l'année.

Le petit professeur prit donc congés de son collègue et décida de se rendre dans la tour de Serdaigle afin de voir avec les préfets de la maison dont il était le directeur quelles étaient les nouveautés de la semaine.

Il commença à grimper quelques marches lorsque un bruit se fit entendre, quelques escaliers au-dessus. Ce n'était pas un bruit habituel, c'était plutôt le bruit d'une lutte furieuse que se donnait deux créatures enragées. Flitwick se dit alors qu'il fallait tout de suite arrêter ce carnage, la sécurité des élèves du château était en jeu !

Il pensa d'ailleurs aller chercher le professeur Dumbledore, mais à vrai dire le temps pressait. Il s'arma donc de sa baguette magique. Il s'avança d'un pas légers vers les prochaine marches mais il n'eut cependant pas le temps de grimper la première que deux élèves déboulèrent les marches d'escaliers et se retrouvèrent devant le professeur d'enchantements.

Flitwick qui avait perdu son sourire habituel tapait du pied d'un air impatient. Il s'adressa alors aux deux jeunes sorciers, couverts de poussières et de traces de bagarre.

« Alors tous les deux, que s'est-il passé ? »

Mieux valait qu'ils aient une bonne excuse car se battre ainsi dans les couloirs aurait pu blesser un ou des innocents et dans ce cas les conséquences auraient sans doute étaient plus lourdes en gravité.

« J'exige des explications ! N'avez vous pas honte, deux préfets en plus ! Votre conduite est scandaleuse ! » s'écria-t-il d'une voix aigüe.