Roulerouleroulerouleroulerouleroule. Ca ? Oh, le Poudlard Express glissant sur des.. rails, étrangement. Le Poudlard Express ? Mais si, vous savez, cet espèce de long train peint avec goût en un rouge éclatant et dont l'office consiste à acheminer vers leur légendaire école de jeunes sorciers de onze à dix-sept ans. D'ordinaire, il résonnait rarement de cris de joie – toute éducation magique qu'il enseigne, l'établissement dumbledorien restait justement un établissement, et même les serdaigles les plus acharnés ne vont pas travailler en hurlant de bonheur- mais ce jour-là, une étrange agitation régnait plus ou moins à bord. Si l'on ajoute l'astre éclatant, la chaleur trop lourde pour un mois de septembre et les conversations excitées tenues au fil des couloirs, le pourquoi du comment s'éclaire d'un jour nouveau.. toujours pas ? Précisons donc que l'express avançait dans une direction diamétralement opposée au lieu maudit qui pendant dix mois presque complets avait entaché l'innocente jeunesse de ces pauvres enfants d'une marée de principes encombrants, de sortilèges effrayants et de cours barbants. Bon, n'exagérons rien. Toujours est-il que, délivrance ou non, ce retour tant attendu -ou craint, sait-on jamais- ne pouvait signifier qu'une chose: été, vacances, liberté.. un peu plus d'une chose, quoi. Mais trêve de prologue.

Elza errait de compartiment en compartiment, désoeuvrée. Elle n'y entrait d'ailleurs jamais, se contentant d'ouvrir grand la porte, d'y promener un regard critique avant de la refermer. Plus pour embêter un minimum le monde que par réelle curiosité, d'ailleurs. De toute façon, elle n'avait pas pris le temps de lier réellement connaissance pour aller s'asseoir en compagnie de deux trois autres gamines et discuter du beau temps et du beau temps. Comme si les gens n'avaient que ça à faire.. il n'avaient que ça à faire, en plus. Rétrospectivement, la fillette regrettait Poudlard pour tous les mauvais coups qu'on pouvait y faire, pour les rencontres incongrues et les découvertes magiques. Pas encore pour les cours, hein. L'été était pour elle annonciateur d'un ennui qu'elle n'aurait jamais cru ressentir avant de découvrir le monde des sorciers. Enfin bref, elle errait donc dans les couloirs, improvisant de temps en temps quelques remarques totalement hasardeuses et bien souvent dénuées de sens au second quidam croisé. Le premier quart d'heure de voyage s'était déroulé sans trop de heurts: la fillette interrogeait le chauffeur sur des questions profondément complexes et réclamant une subtilité rare ("c'est comment, le verbe de mouvement pour le train ? En principe on devrait dire traîner, mais ça veut dire autre chose. Pourtant il ne court pas, il ne vole pas non plus, alors qu'est-ce qu'il fait ? Est-ce que vous avez déjà écrasé quelqu'un ? Vous vous êtes arrêté pour voir ? Est-ce qu'il y avait des morceaux partout ou on reconnaissait encore la personne ? Pourquoi vous êtes là, puisque le Poudlard Express est un train magique ? Vous ne servez à rien, en fait ?") jusqu'à ce que le pauvre homme, excédé, l'envoie "jouer plus loin". Elle s'était félicitée des intonations à l'agacement mal contrôlé. Sans doute un cracmol. Qui d'autre accepterait d'occuper un poste si méprisable ? L'imagination de la gamine prit le large. Les cracmols, réprouvés, rebuts et honte de la communauté sorcière. Pourquoi ne les abattait-on pas ? Ils pourraient servir de viande, par exemple. Oui, la chair de cracmol se vendait en boutiques spécialisées. Forcément. Enthousiasmée par cette idée, elle partit à la recherche de quelqu'un d'autre à désespérer. Parce que parler à de la vulgaire chair à pâté, hein.. dépravant. Elle croisa la dame avec son chariot, celle qui invariablement grinçait son éternel "Qui eeeeeeest-c'qui voudrait queque chôôôse ?" et, après avoir examiné avec circonspection son étal coloré ou se côtoyaient dragées surprises de Bertie Crochue, chocogrenouilles et divers produits citrouillés -les sorciers fourraient de la citrouille partout, allez savoir pourquoi- l'interrogea sur la possibilité de trouver là-dedans quelque chose qui soit intégralement composé d'humain. Ben oui, dans les contes moldus, les sorcières sont tout de même réputés pour leur anthropophagie. Et le visage peu attrayant de la femme laissait supposer qu'il n'y avait pas là de réputation usurpée, bien que l'hypothèse qu'elle soit la soeur jumelle d'Ombrage était plus probable. A propos de la dondon rose.. Elza aurait donné cher pour savoir ce qui lui était arrivé. Et encore plus cher pour connaître l'identité de leur nouveau prof de défense contre les forces du mal.. peut-être un mangemort ? Mais bref, la dame-chariot ouvrit des yeux exagérément grand lorsqu'elle s'aperçut que sa jeune interlocutrice ne plaisantait pas, éclata d'un rire éraillé puis lui adressa un tendre sourire digne des pires représentations de ces êtres occultes nommés croque-mitaines. Elle ébouriffa ensuite les cheveux de sa victime avec un "gentille petite" plus ou moins inapproprié. L'enfant demeura stoïque mais jeta un sort au résultat grouillant sur une grosse boîte de glace à la citrouille avant de s'esquiver en douce. Suite à cette mésaventure au demeurant peu passionnante, la petite asiatique commença à déambuler jusqu'à ce que son esprit maladivement inventif se trouve un nouveau passe-temps: jouer les autres maisons. Débarassée de son uniforme et donc de son insigne, c'était en jean et t-shirt d'un gris décoloré qu'elle accostait ses chers camarades. Elle se faisait tour à tour passer pour une sage petite serdaigle ou une stupide gryffondor, ajoutant un rien de perversité, empruntant sans vergogne des noms entendus dans un compartiment x ou y. Mimer la poufsouffle lui donnait plus de fil à retordre: un esprit aussi brillant que le sien, interpréter un blaireau ! Impensable. Quoique, justement, elle se devait de tout réussir.
Ce fut donc dans la peau de ce qu'elle espérait être un substitut de jaune et noire qu'Hell oscilla dans tout le wagon. Le problème étant qu'ayant peu eu affaire à ce genre de bestioles, elle n'avait en tête que des stéréotypes, ce qui se résumait à peu près aux épithètes suivants: timides, maladroits et euh.. timides. Elle marcha donc en traînant les pieds, tant et si bien qu'il suffit d'un virage un peu serré pour que la loi impitoyable de la gravitation se fasse ressentir. Heureusement, de longues lianes dorées descendirent du ciel pour passer devant ses yeux telles le viatique inespéré qu'elles étaient *musique d'église*. Elza les saisit et s'aperçut..
... Qu'en fait de lianes faites de fils d'or, c'étaient la tignasse blond platine d'une pré-adolescente classée inconnue et qui devait actuellement ressentir une certaine douleur dans la région du cuir chevelu. Surprise, la brunette lâcha prise -après s'être redressée, tout de même- et énonça d'un ton aussi plat que déplacé, tentant sans résultat notoire d'incarner la gêne:

- Désolée, j't'avais pas vue. Enfin si, mais pas par le bon bout. Par contre, il ne faut pas te fâcher parce que je suis à Poufsouffle et que je m'excuse. Ah, et j'ai pas fait exprès, aussi.

A peu près aussi convaincant qu'un Rusard en bas résilles.

[Euh, j'ai fait ce que j'ai pu :sifle: Si ça ne te vas pas j'édite, of course]