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 Le long de la Tamise || Totalement libre ||
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MessageSujet: Le long de la Tamise || Totalement libre ||   Le long de la Tamise || Totalement libre || EmptyDim 29 Juin - 15:53:56

Il coupa le son.

Le riff amplifié par magie résonna encore un moment dans la grande pièce de son loft, avant de s’éteindre en un trémolo pitoyable. Les notes semblaient glisser un moment le long des meubles épurés qu’il avait sélectionnés pour son salon, avant de s’écraser sur la moquette blanche. D’un geste volatile, Shaïlan se leva du canapé noir, et s’accroupit pour observer les corps fictifs des notes se tordre de douleur, cherchant quelque son à produire ; désespérées, elles s’effaçaient de son esprit avec une longue plainte, muette de douleur.
Il sourit. Carnassier.

Et ralluma le son de son immense sono d’un coup nonchalant de baguette magique.

Le son erratique reprit sa place dans le loft, emplissant l’air de vibrations électroniques. Le jeune homme retourna s’asseoir tranquillement, seul, comme à son habitude. Sa baguette en bois d’ébène, noire comme la suie, glissa le long de ses doigts arachnéens et alla s’échouer dans son étui de cuir.
Dans sa main gauche apparut –comme par magie- une cigarette, qu’il alluma lentement, contemplant les lignes qui l’entouraient. Ce loft représentait tant pour lui.. Non parce qu’il était le cadeau de ses vieux pour sa majorité, mais parce qu’il en tirait la plupart de sa force. Dans les rares fois où le jeune désinvolte se trouvait mal, il venait s’aérer l’esprit dans son habitation, caressant les angles et les couleurs de ses meubles, comme il l’eut fait du corps d’une quelconque femme.
En ce jour, aucune créature féminine ne venait troubler son attente paralytique. Il revenait des inscriptions à l’UMA, dont il était sorti plutôt énervé. Certes, il était accepté en tant que futur étudiant langue de plomb, mais la confrontation avec la secrétaire pincée n’avait pas donné une bonne impression du cadre éducatif de sa future université. Même si les paysages tout en courbes et en fractures respiraient la tranquillité et le pouvoir maîtrisé, il ne pouvait détacher son esprit des couleurs chaudement froides qui exhalaient de cette quinquagénaire. Ces jaunes délavés le long de ses vêtements, le rose pisseux de son rouge à lèvres, le bleu usé de ses bottes.. Il en était dégoûté. Cette trahison de la coloration indignement représentée en cette femme..
Mais maintenant, il était parmi le blanc et noir, les lignes pures des meubles high-tech, les lofts modernes que les rues de Londres aimaient à montrer aux passants. Les grandes baies vitrées donnaient sur la Tamise, qui était calme en cette soirée d’été. Quelques femmes achevaient leurs courses, claudiquant sous des sacs de soldes.
Shaïlan sourit. La fin de l’année n’allait pas tarder à arriver, et il trouverait en cette université des occupations à son désoeuvrement lascif. Des runes à disséquer, des arabesques insensées à découvrir, des potions.. des métamorphoses.. Tous ses domaines de prédilection réunis en une seule école.

Tout ce que la cigarette pouvait apporter, mais en moins dangereux.

Tranquillement, il écrasa le mégot dans un cendrier en métal blanc et se releva, avant d’happer son blouson d’un geste ample et majestueux ; qu’il passa sur ses épaules fines, afin d’ajuster les boutons. Le soir commençait à tomber, et comme chaque jour, il tendait à attraper quelques minutes de son temps ennuyeux pour le passer dehors, dans les rues, le long de la Tamise. Aucune de ses connaissances n’avait pris contact pour le rencontrer ce soir afin de pinailler argent, donzelles, cigarettes ou rébellion, il était donc libre de ses mouvements pour quelques heures. Ce qui n’était pas pour lui déplaire, les gris promettaient d’être parfaits, le smog descendait sur les pavés.
D’un cliquètement, les clés de son loft disparurent dans les replis de son blouson, et il descendit quatre à quatre les escaliers en fer, dépliant le col de son habit d’un air sauvage pour cacher ses traits derrière. Quel simulacre d’indépendance..

La lueur d’une clope grésillait entre ses lèvres pâles, alors qu’à l’aide de grandes enjambées, il traversait une venelle qui conduisait à une artère plus important. Bien qu’étrangement agoraphobe, le jeune homme aimait à croiser les âmes perdues des soirs, ou des âmes damnées, selon son humeur.
Ce soir, c’était âmes damnées ; plus intéressantes. Evitant de passer par la rue trop bien fréquentée des péripatéticiennes, dont il n’avait aucune envie ce soir-là, Shaïlan déambulait gracieusement entre les passants, effleurant le chapeau de flanelle d’une vieille dame au visage gommé, soufflant dans les cheveux paille d’un clochard aux senteurs empuanties par l’alcool. Le jeune homme aimait la promiscuité de ce genre de populace, pour lui rappeler son haut niveau de vie ; ce qui était jouissif. Rouler sur l’or, les voir ramer dans leur fange sociale.. Chez eux, les gris étaient souillés, avaient des teintes tourbes et boueuses.
Il arriva dans sa promenade à une place admirablement propre, a contrario des rues encrassées qui en débouchaient. Shaïlan réajusta l’écouteur à son oreille, alors qu’il menaçait de tomber et de le priver de musique. Ces instruments moldus étaient certes archaïques, mais leur utilité n’était plus à démontrer. Il sourit, son cœur battant au même rythme que Daft Punk.
La cigarette tirait sur sa fin, il jeta le mégot sur une plaque d’égout ; il ne prit même pas la peine de tomber dans l’eau sale, ingrat.

Il continua sa marche, impassible à la femme qui tentait de le séduire avec ses formes aguicheuses, concentré sur la nuance de rouge qui fêtait l’arrivée de la nuit. Rare à avoir, il était l’un des rares à l’apprécier. Qu’importait le reste du monde. Peut-être était-il fou. Mais alors ils étaient plus fous que lui à ne pas le comprendre.
S’il avait toujours réussi ses potions, la maîtrise dans les teintes des couleurs l’avait grandement aidé. S’il avait su déchiffrer des runes, c’est parce que les lignes des symboles lui parlaient et ouvraient leur mystère sous ses doigts.
Le prosaïque ne l’intéressait pas et ne s’intéressait pas à lui, d’ailleurs..

Le jeune homme s’arrêta enfin à une terrasse de café noir de vide, et s’assit lentement sur une des chaises en plastique mises à la disposition des futurs clients. Un coup d’œil vague à la carte, et un verre de whiski apparut devant lui, sans que le serveur eut montré signe de vie ; il devait être en train de courtiser la plongeuse.
Sirotant le liquide aux teintes ambrées, il vit quelqu’un dépasser la ruelle, et s’arrêter au même café. Un peu de compagnie ? Simple passant ? Sombre inconnu ?
Q’importait.
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MessageSujet: Re: Le long de la Tamise || Totalement libre ||   Le long de la Tamise || Totalement libre || EmptyMar 1 Juil - 19:36:22

C'était totalement insensé.
Et terriblement frustrant.
Complètement improbable, aussi.

Le soleil ne tarderait pas à mourir, pour mieux renaître au petit matin. Pour narguer Jude, qui se sentait fébrile comme jamais, coincé dans le petit appartement médiocre avant d'aménager à l'UMA, pour septembre.
Il était sûr qu'une fois là-bas, ses recherches avanceraient un milier de fois plus vite que seul, coincé entre deux étapes clé de sa vie.
Depuis le départ, ses parents n'avaient pas compris, pourquoi certain jour le petit garçon qu'il était restait dans sa chambre verrouillée, ou abordait, lui si timide, certains passants avec un aplomb déconcertant.
Evidemment... personne ne lisait les signes.
Au départ, sa soeur les lui avait envoyé par image. Un nuage blanc, cotonneux, en forme d'ours en peluche; pour lui dire qu'il lui manquait. Que ses câlins lui manquait. Un nuage gris, en forme de carpe, pour lui annoncer l'arrivée imminente de la Tante Frida...
Chaque jour son présage. La protection discrète de la personne qui était son univers éteint... Il allait la voir souvent. Lui parler pour qu'elle ne s'ennuie pas. C'était le moins qu'il pouvait faire pour la remercier...

Mais aujourd'hui, elle s'était tue. Pour la première fois depuis qu'il avait découvert la manière de dialoguer avec elle. Il avait guetté le ciel, les cris d'oiseau, les lumières, les ombres, le miroir. Rien. Rien.
Et c'était terriblement angoissant. Pour la première fois depuis le jour où Sa tombe avait été fermée, il se sentait seul. Abandonné.
Très désemparé. Les messages de Shaula étaient souvent d'une ambiguïté parfaite, mais incroyablement précieuse pour la survie de son frère. Et pour son équilibre mental, mais ça, ça tenait du détail.

La seule explication valable était que Jude l'avait manqué. Ou mal interprété.
Il avait pu rater un indice capital pour sa "quête"; loupé une personne indispensable à sa vie future... Maintenant qu'il y pensait, il n'avait pas observé attentivement les volutes qui s'échappaient de sa tasse de café. Mais d'ordinaire, Shaula n'utilisait jamais le café pour lui parler. Elle avait toujours eu une tendance à la paresse, et avait un rythme de vie calé sur celui de la chouette... Et elle détestait l'amertume des cafés serrés.... Et là où les âmes prenaient leur repos, Jude se prenait à croire que Shaula n'avait pas perdu ses habitudes.

Mais les faits étaient là. Pas de message aujourd'hui. Et une angoisse terrible enfouie en lui, qui le rendait colérique. Et une folle envie d'aller au cimetière balancer son pied droit dans la photo bicolore de sa petite soeur; pour lui rappeler que lui, il ne l'abandonnait pas. Que chaque seconde de sa vie était destinée à la délivrer de la mort. A la serrer dans ses bras.

Rageusement, Jude frappa dans une pierre, qui acheva sa course dans la Tamise toute proche. Pas de brumes; pas de runes. Il se mit à courir, pour chercher un signe, une fumée, un néon à demi éteint qui scintillerait pour sa jumelle...
Le vent froid, lourd de Londres fouettait son visage. Ce soir, l'été serait probablement déchaîné en un orage puissant. Les nuages noirs s'amoncelaient déjà au loin, et dans l'air, additionné aux gaz d'échappement et autres parfums de foule, flottait une odeur plus vicieusement dissimulée... une odeur d'ozone. Et les réverbères éteints, semblaient se courber sur le passage de l'héritier affolé des Wynagor. Les ruelles devenaient de plus en plus sales, de moins en moins touchées par la lumière de l'astre du jour... A croire qu'il avait trop à faire pour échapper aux assaut des nuées noires et éclairer totalement Londres la même soirée...
De plus en plus de voix rauques lui vrillaient les oreilles. Il n'en avait rien à faire, de les bousculer. Ils étaient tous encore vivants...
Il finit par devoir s'arrêter, la respiration sifflante. Le coeur au bord des lèvres, parce qu'il restait moins d'une heure avant le crépuscule. Et qu'elle ne se manifestait pas... Un peu sonné, complètement désespéré, il s'accouda à un mur noir et humide, peu soucieux de son apparence future...
Il releva les yeux, tâchant de remaîtriser son souffle, constata qu'une vieille affiche publicitaire avait été collée... partiellement déchirée aussi. Et le sourire un peu cinglé du jeune homme retrouva une place inespérée sur son visage.
"Allume... une c...lop...e. Et p...r ....ends l...ui du... feu."

Restait à trouver "lui".
Il tourna la tête de gauche à droite, constata que la venelle était pour ainsi dire déserte. Si on négligeait les deux femmes qui le regardaient, la mine aguicheuse, les mains sur les hanches...
Ce n'était pas des lui. Ou alors, des "elles" vraiment bien imitées. Il se détourna, avança vers l'affiche, découvrit la façade d'un pub mal famé. Pour ne pas dire totalement rebutant d'aspect. Jude pouvait presque s'imaginer assis sur un des tabourets de cuir verts craquelé. Pour demander du feu au patron qui ressemblait plus à un mac' qu'à autre chose.
Pourquoi sa soeur souhaitait qu'il aille aborder un type pareil... a tous les coups, il puait l'alcool et avait des tatouages pleins les bras. Et ça, c'était plus que dégoutant.

Il avança pourtant courageusement, replaça une des longues mèches qui lui mangeait les yeux, se composa un sourire crédible, et constata qu'il n'aurait pas à renter.
"Lui", c'était certainement ce gars, seul à table, qui contemplait le vide comme si c'était le spectacle le plus fascinant de l'univers. Et surtout, parce qu'il avait une clope encore fumante posée dans un petit cendrier de table. Que les fumées qui s'en échappaient dessinait un omega distordu avec des airs d'infini sur la fin.
La fin de quelque chose, et le début d'un infini... la perspective était flatteuse.

Jude s'avança en ligne droite, l'air détaché, et encore à distance respectable, pour que l'autre ne croie pas à une tentative d'intimidation, il leva la main.


-S'cuse-moi? Tu aurais du feu pour moi?

Et s'approchant, il pouvait constater qu'un visage aussi.... purement ciselé n'avait pas sa place dans les bas-fond de Londres, même si les ombres que dessinaient les fumées et les éclairages du coin donnaient à ce type une aura totalement déstabilisatrice.
Des yeux trop gris pour une peau trop pâle et des lèvres trop fines.
Un drôle d'air, mi-absent, mi-railleur. Un petit quelque chose d'enfant éteint... pas désagréable à étudier.
Restait juste à savoir ce que sa soeur avait estimé important pour sa journée.
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MessageSujet: Re: Le long de la Tamise || Totalement libre ||   Le long de la Tamise || Totalement libre || EmptyVen 4 Juil - 14:07:18

Il alluma une deuxième clope.
Le fond de verre renvoyait un peu d’ambre, là où il avait omis quelques gouttes d’alcool. Son esprit s’enbrumait petit à petit, dans les limites du raisonnables pour être agréable sans être dérangeant. Après des années à en boire en cachette avec ses camarades de Poudlard, il était mithridatisé des fortes doses d’alcool et n’avait pas souvent de gueule de bois. Il préférait jouer dans le raffinement, espacer la boisson, jusqu’à la limite de l’ébriété. Il en était encore loin, le verre n’était pas rempli jusqu’à son extrême rebord. Ennuyé par le peu de spectacle qu’offrait la vue depuis ce café, Shaïlan se demanda un instant s’il ne fallait pas transplaner sur les bords de la Tamise. Le ciel avait déjà bougé, et la nuit avait gagné les ombres sanglantes qui le teignaient quelques minutes plus tôt. Il n’y avait plus rien d’intéressant à voir. Les étoiles n’avaient jamais vraiment fasciné le jeune homme. Trop lointaines pour que l’on pût discerner la moindre nuance fractale d’un astre, ou les nuages électroniques qui se déplaçaient autour. Les plus proches étaient de simples billes blanches, parfois un contour jaune, comme un mégot de cigarette. Mais jamais il n’y avait d’autre coloration. Et c’était bien dommage.

Le reste de cette genèse de nuit restait quant à lui intéressant. Le gris.. Pour un peu, le jeune homme aurait eu des petits cœurs dans les yeux ; mais il n’était pas dans un cartoon, plutôt dans une vie bien réelle et bien passive. Et puis, ce n’était pas son genre d’afficher sa passion. Marmoréen, comme à son habitude, il resta à la terrasse du café, contemplatif, se demandant l’espace d’une seconde ce que l’inconnu pouvait bien venir faire ici à une heure pareille. Il semblait ne pas trop savoir où il était, ou ce qu’il voulait.

Les quelques secondes qui suivirent entre la vision de cette ombre errante et son interpellation furent floues la mémoire du futur étudiant. Etait-il tant captivé par un réverbère cassé, d’où coulaient des ombres intrigantes par leur couleur indéfinissable, ou bien l’alcool était plus dérangeant qu’il n’y paraissait ? Incapable de répondre à sa propre question, il effaça ce mystère de son esprit rapidement. Comme beaucoup d’adolescents mal dégrossis de son âge, il n’aimait pas à se dire qu’il avait échoué dans quelque chose. Sûr de lui en toutes circonstances, sûr de ses mains exercées et habiles, sûr de sa perception unique du monde, sûr de son attrait physique, sûr de lui et de lui seul.
En apparence du moins, et pour lui également. Mais là n’était plus la question. Le jeune homme qui apparut à la faveur de la lumière du bar venait de l’accoster, encore quelques mètres en arrière.

Visiblement, il semblait préoccupé par quelque chose. Des fantômes passaient le long des traits fins et encore juvéniles de son visage, des ombres passaient dans la pupille dilatée de son œil. Passablement intrigué, Shaïlan fouilla dans la poche de son blouson, à la recherche d’un briquet. Quand ses doigts eurent saisi le Zippo de métal dont il ne se séparait que rarement, il l’envoya négligemment à son interlocuteur, qui l’attrapa vivement, malgré son apparente nonchalance. Un sourire apparut sur le visage du jeune rejeton des Koran. L’inconnu était différent des quelques quidams qu’il avait croisés dans sa soirée. Son regard avait une couleur qu’il ne connaissait pas, mais il était voilé par un mystère qui semblait l’accaparer à l’instant même. Il semblait… ailleurs. Les minuscules braises de sa cigarette donnaient un peu de couleur à son teint pâle et imberbe, les angles de ses joues renvoyaient une ombre sur les yeux, intéressante. Le tout donnait un jeune homme de son âge, un peu négligé, un peu propre sur lui, sûrement décadent. Et, Shaïlan devait se l’avouer… Il était plutôt mignon. Mais là s’arrêtait l’attrait. Il ne se sentait pas joueur ce soir.
Plutôt mélancolique-contemplatif, et la compagnie d’un jeune homme de la même humeur n’était pas des plus désagréables.


- Comment tu t’appelles, l’ami ? T’as l’air paumé, viens t’asseoir.

Les mots un brin déformés par le filtre de sa clope, sur laquelle il tirait un peu de fumée, il l’invita en un sourire en coin à prendre place à côté de lui. Etait-il possible que ce jeune homme soit sorcier ? Son visage lui rappelait quelque chose de lointain qu’il n’arrivait pas à saisir. Peut-être un camarade à Poudlard, dont il aurait toujours vu le visage et jamais connu le nom. Ce n’était pas trop tard pour l’apprendre, d’ailleurs…
Son interlocuteur hésitait, mais vint finalement s’asseoir. Shaïlan pensa intérieurement qu’il lui faudrait également se présenter. Mais plus tard, ils avaient le temps pour la conversation, la nuit était seulement à ses débuts et le gris n’avait pas encore laissé place au noir. Viendrait bientôt l’heure des magouilles, dealers, chats noirs et autres angles bruts. Ca ne serait pas inintéressant, d’autant qu’il côtoyait à présent quelqu’un qui saurait l’empêcher par sa simple présence de trop plonger dans son délire. Ce n’était pas plus mal.

Shaïlan se tourna vers le garçon assis à côté, accoudé à la table en vieux plastique qui leur servait d’intermédiaire. La fumée de leurs deux cigarettes se mêlait étrangement ;action du vent, certainement. Loin d’être mal à l’aise, le jeune homme l’étudia des yeux dans le moindre détail, croisant maintes fois son regard. Pas un mot n’était encore échangé, il faudrait attendre que chaton décline son identité avant de parler. C’était la moindre des politesses. Ou alors, il faudrait à nouveau amorcer la conversation, qui était à son point mort.
Peut-être que chacun attendait la
fin de sa clope avant de commencer.

Il verrait. Mais là, ce n’était plus à lui de parler. Simple code d’adolescent mort qu’il s’était fixé. Une mèche sombre tomba négligemment devant son front, sans qu’il n’y fasse vraiment attention. Il essayait de déterminer si ce type avait le potentiel pour être un sorcier. C’était loin d’être facile, d’autant que malgré ses yeux habitués, il ne percevait aucune baguette magique dans les plis de ses vêtements… C’était étrange.

Ce gars respirait la magie, mais rien ne l’indiquait. Shaïlan n’avait donc plus d’autre choix que de reprendre, la voix basse, indifférente :

- Pas bien bavard, toi. C’est dommage, c’est le silence qui a le moins de couleurs. Il est terne, il n’a aucune forme. Qu’est-ce qui t’amène dans ce ghetto de Londres ?
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MessageSujet: Re: Le long de la Tamise || Totalement libre ||   Le long de la Tamise || Totalement libre || EmptyDim 6 Juil - 13:12:26

Le briquet fusa, en même temps que l'invitation à s'asseoir..
Preuve qu'il avait bien interprété. La voix de l'inconnu, joliment cassée, sonnait comme un air de rock sur phonographe... en accord parfait avec les néons verts pâles du bar intérieur.

Il s'assit, une fois sa clope allumée et posa entre eux le briquet de l'inconnu. Son nom? Etait-ce donc si important...
Il avait déjà vu ce type. Maintenant qu'il portait son verre à ses lèvres, le jeune homme en était convaincu... mais où?
Les cheveux un peu plus courts, peut-être? Et si on ajoutait quelques rondeurs sur les angles de son visages, un uniforme...?
Pas celui des Gryffondors... trop froid. Trop vif.
Pas celui des poufsouffles... ça ne collait pas. Et Shaula -si elle avait connu Poudlard- aurait certainement détesté les Poufsouffles... Elle aurait certainement été à Serpentard. Ou avec lui...
Serpentard, peut-être, pour lui. Ou pas.
Si il l'avait simplement croisé en rue? Ou dans un magazin? Il ne pouvait que difficilement lui demander s'il croyait à la magie. Ou sous-entendre sans passer ni pour un illuminé ou pour un pervers. Ce n'était peut-être pas le but premier de cette histoire, surtout que sa baguette magique était restée sur la table de chevet, à côté de la photo de Shaula. Jude s'assit finalement, toujours méditatif.

La sensation de brûlure de la cigarette eut pour effet de calmer définitivement la colère qui l'avait rongé toute la matinée...
Son interlocuteur était plongé dans ses contemplation, sa cigarette bien en place. Le vent, mêlant les arabesques de fumées, vint également déplacer les cheveux des deux gars... Jude se demanda si Shaula pouvait s'incarner en choses sans corps pour agir près des vivants. En souffle délicat. Ou en affiche déchirée. Si finalement, ce n'était pas en attendant mieux... Dans le doute, il cilla, inspirant à plein poumon la brise pourtant lourde et polluée.
Il saisit sa cigarette d'un geste un peu trop aristocratique pour une ruelle comme celle-ci, fit tomber la cendre, dont une partie fut chassée par le vent vers... d'autres âmes perdues; qui pouvait savoir?
Plus de messages, dans les dessins de nicotine? Plus que les souffles qui emmêlaient les boucles...
L'autre reprit, d'un ton plus indifférent, figeant ses yeux gris sur l'hâlo d'un réverbère, et comme toujours, l'esprit d'analyse de Jude tenta de disséquer les propos, alors qu'il tirait sur sa clope. Couleur et formes? Ce type était un artiste?


-Comme toujours, répondit-il en choisissant ses mots avec soin, c'est au hasard que je dois mes allées et venues. Ca a quelque chose de magique, je trouve, de se laisser guider dans l'existence par quelque chose d'aussi.. imperceptible pour le commun.

Un petit sourire, vite effacé au moment où le jeune homme reprit une bouffée profonde de sa petite drogue... La seule qu'il consommait. La plus létale... petite sécurité, juste au cas où il ne parvenait pas à accomplir son but. Pour attendre moins longtemps la fin du calvaire.
Du bar s'échappait maintenant une musique lourde, rauque, pleine de saxophone et de batterie, un air délavé et entêtant, comme un souvenir de jour d'excès, aux séquelles un peu trop présentes. L'endroit en serait presque devenu agréable.


-... ou d'un façon plus pragmatique, on peut dire que je cherchais quelqu'un et du feu. Au choix, il n'y a pas de mauvaises réponses de toutes façon, souffla-il en même temps qu'un nuage.

Il tourna ses prunelles vers son interlocuteur, laissa à nouveau un sourire flotter sur ses lèvres. Il l'intriguait, ce brun. Un peu trop à l'ouest pour ne pas être qualifié de "paumé" lui aussi. Un peu trop sûr de lui pour ne pas paraître ici dans un but précis. Il attendait quelqu'un, lui aussi? Un détail? A voir comment il fixait le petit morceau de ciel, par intermittence, l'héritier Wynagor finit par se dire qu'il devait attendre que les étoiles s'allument..

-Au fait. C'est Jude. Et je ne crois pas au silence... surtout pas un soir d'orage. , acheva-t-il en faisant à nouveau tomber la cendre de son presque-mégot. Il hésitait à demander s'il n'avait pas l'impression de l'avoir déjà vu. Parce que c'était excessivement cliché. Et parce qu'il s'estimait bien plus fin que ça..

C'était ça, le plus grand problème des conversations. Toutes les questions pouvaient être prise d'au moins 3 façons différentes, et quand il s'agissait de les poser sans guide, Jude avait toujours eu des difficultés. Il se prit à espérer que ce n'était pas le cas de son interlocuteur....
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MessageSujet: Re: Le long de la Tamise || Totalement libre ||   Le long de la Tamise || Totalement libre || EmptySam 12 Juil - 16:15:52

Hasard et magie dans la même phrase, le commun.. Pouvait-il s’agir d’une formulation plus recherchée que ce qu’elle laissait paraître au premier abord ? Se pouvait-il réellement que cet inconnu aux yeux lunatiques soit un sorcier, et que les deux jeunes hommes aient étudié la magie ensemble à Poudlard ? Ce n’était pas à exclure. La nicotine apportait des bribes de souvenirs, une image trop floue par-là, quelques sons mêlés à un quidam.. Observant les traits fins et encore jeunes de Jude, Shaïlan pensait qu’il devait avoir sensiblement le même âge que lui, à quelques mois près. Ce hasard faisait décidément bien les choses. Si en plus il se trouvait avec un élève de Poudlard de la même promotion que lui.. Non, une année de plus, sûrement, sinon il s’en rappellerait.. La soirée prenait un tournant décidément bien intriguant. Le ciel n’avait pas une couleur orthodoxe pour la saison et mettait bien trop de temps à s’éteindre. Peut-être que sa prière avait été entendue et que les étoiles retardaient leur arrivée pour ne pas gâcher l’incendie de l’horizon, derrière ce toit trop sombre.

Etrange, trop étrange soirée. Et ce sourire flottant sur la commissure des lèvres de Jude, n’était-ce pas intriguant ? Ou alors ils étaient les seuls à s’amuser de cet instant peu commun.. Quelques cendres de cigarette jaillirent du cendrier à la faveur du vent, trop intrépide pour se contenter de la fumée. L’éclat orangé fusa un instant du papier consumé, avant de virer à ce bleu électrique caractéristique à la cigarette. Et la musique vola un peu avec les reliquats de leur vice, grésillant sous la vieillesse et la vitre du bar qui l’empêchait de partir du bâtiment.
L’ambiance était aux réminiscences, une très légère teinte de repenti et de secret, ce Londres disparu des siècles passés, comme il en existait encore dans les livres. Et les deux jeunes avaient très certainement trop d’orgueil pour ne pas voir les nuances du temps qui passait.
Pas de mauvaise réponse.. Shaïlan ne pouvait qu’approuver intérieurement les propos nicotinés de Jude.

Tout dépendait toujours de la façon dont on prenait la question, tout ça tout ça… Les questions existentielles qui ne faisaient vivre personne et embêtaient tout le monde.. Mais le futur étudiant aimait à se les poser ; se croire philosophe, ou hors du lot. Sachant parfaitement qu’il n’était rien de tout ça. Juste une très fine barrière entre l’illusion et l’utopie, qu’il frôlait souvent par témérité… ou courage, qui sait.

Les yeux du jeune homme assis à ses côtés se fixèrent dans les siens. Provocation, compréhension, ou simple contemplation ? Et encore ce petit sourire nuancé. Que pouvait-il donc trouver à sourire dans son visage ? Qu’avait-il de risible ou d’amusant ? Préférant laisser glisser sans trop y réfléchir, Shaïlan acheva son mégot de cigarette d’un air distrait, tout en écoutant à nouveau l’autre parler. Il était passé de complètement tacite à bavard, depuis quelques minutes. Peut-être que certaines craintes ou méfiances avaient été levées le concernant ; tout du moins, il l’espérait. Bien que lui-même assez circonspect face à des gens qui lui semblaient inconnus, il n’aimait pas sentir ce relent de suspicion dans les conversations.
Mais il devenait paranoïaque. La discussion n’avait rien de tout cela et Jude parlait simplement d’orage, de silence, de non-dits.

S’ensuivit le silence entre eux deux, alors qu’ils achevaient leur cigarette avec un peu de décalage. Légèrement trop absorbé par le ciel en fusion pour porter une réelle attention au jeune homme, il ne prit pas la peine de lui répondre tout de suite. Machouillant vaguement le filtre consumé de son ancienne cigarette, il hésita à en reprendre une autre. S’imposait-elle vraiment, au risque de lui encrasser les poumons pour le reste de la soirée ? La nicotine n’était pas à ce point indispensable à son organisme, qu’il faille lui en apporter en continu… Non, c’était plus une sorte de code, un rituel entre jeunes adultes.


- Bien que le silence me soit indifférent, il possède également un secret qui nous dépasse, quelque chose d’impassiblement magique.. intéressant à étudier. Tu peux m’appeler Shaïlan.


Plus qu’à attendre la réaction de son interlocuteur. Et, s’il ne se trompait pas, alors Jude comprendrait.. D’un œil indifférent, le jeune homme tenta d’examiner un peu la tenue de l’autre. Dans quelle maison aurait-il pu être s’il avait été sorcier ? Trop passif, pas assez de fougue pour avoir été rouge. Poufsouffle ne lui convenait pas non plus, il valait bien plus que ces reliquats.. Et trop franc pour avoir été à Serpentard également. Serdaigle était le plus plausible ; attentif mais rêveur, il semblait studieux. Nonobstant cet étrange voile qui apparaissait de temps à autre devant ses yeux lorsqu’il détournait la tête, il était parfait pour le rôle.. Restait à prouver si son esprit d’analyse avait gardé son intégrité. Bien avant, Shaïlan aurait opté pour la question franche, sans préambule. Les temps avaient passé et ses propos étaient heureusement plus nuancés qu’avant. C’est pourquoi il murmura, le regard tourné vers Jude en attente d’une réaction quelle qu’elle fut :

- Dis-moi, Jude.. les aigles aiment-ils les serpents ? Les étoiles sont proches, ce soir, on peut voir les constellations. Et ces deux animaux sont proches l’un de l’autre..
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MessageSujet: Re: Le long de la Tamise || Totalement libre ||   Le long de la Tamise || Totalement libre || EmptyDim 20 Juil - 14:53:14

L'étrange "Lui" se mura dans le silence un moment encore. Guettant, semblait-il, dans la fin du crépuscule un détail, perdu dans les nuances empourprées des nuages qui annonçaient l'orage.
Cette nuit, il faudrait qu'il pense à écouter. Souvent, lorsque le temps étaient à l'apocalypse, Shaula avait plus de facilités à se manifester. Comme si le chaos lui permettait d'échapper un instant encore à cette prison immatérielle qui les séparaient.
Et l'idée d'éclats de lumières, et de chocs électriques distrayant un vigile déjà surmené n'était pas pour déplaire au jeune homme, qui reprit une bouffée, les yeux abandonnés aux nuées.
L'idée que son étrange vis à vis pouvait peut-être, lui aussi, connaître quelqu'un que l'intangible cachait l'effleura.
Si c'était le cas, ça expliquait que Shaula ait voulu qu'il se rencontrent. Mais Jude la contrarierait pour la première fois. Il n'était pas question qu'il parle de quoique ce soit concernant son passé ou sa chère petite soeur à personne. Même sous les indications de celle-ci... trop de risques. D'avoir mal, principalement.

La réponse le fit presque sursauter. Mais le prénom le conforta dans l'idée qu'ils se connaissaient mieux qu'il n'y paraissait. Shaïlan, c'était... un serpentard. Oui... celui qui ricanait, en sortant des toilettes, l'air ailleurs. Le regard aussi brumeux que Londres, un soir de septembre.
Enfin, c'était le plus plausible.
Par contre, la suite devenait plus angoissante. Etait-ce un hasard si ce type évoquait les constellations? La promiscuité, également, et l'influence qu'elles pouvaient avoir? Il avait encore loupé quelque chose.
Un détail, certainement, adressé à ce Shaïlan par le défunt... dans le ciel d'orage.
Le souffle de vent revint, soulevant une vieille page de journal, souillée par les égouts, ou autre chose. Un vent de question, glacial, que l'étudiant tenta de calmer en écrasant consciencieusement son mégot sur le cendrier miteux.


-C'est d'un cliché de juger une personne à sa maison. Comme si on avait pas tous tout un tas de petites choses plus noires et plus blanches en nous... comme si un bout de tissus avait le droit de déterminer par avance avec qui on s'entendra le mieux. Et comment on réagira en fonction des autres. Comme si on ne pouvait pas changer en 7ans...

Cependant c'était bien de la nervosité qui transparaissait de son
attitude, il le sentait. Ou un reste de ce qu'avait été sa colère.Il fallait qu'il rattrape le coup, pas besoin de Shaula pour le savoir.


-Et de toutes façons. On est dehors, ce n'est plus vraiment les maisons ou les constellations qui comptent ou dictent quoi que ce soit... mais je ne peux que t'aimer ce soir, c'est toi qui a le briquet, dit-il en ressortant une autre clope.

La nonchalence était une jolie parade à de nombreuses questions personnelles. Et vu la façon dont son interlocuteur maîtrisait l'art des mots et de l'ambiguité, il n'y avait aucun doute à avoir quant à sa compréhension du message. Peut-être même qu'il parviendrait à s'attirer un éclat de rire de l'étrange personnage...

[c'est pas génial, je sais, mais j'parviens pas à mieux
Neutral j'espère que ça t'ira quand même, Shaï' ]
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MessageSujet: Re: Le long de la Tamise || Totalement libre ||   Le long de la Tamise || Totalement libre || EmptySam 26 Juil - 20:15:09

Le grésillement de son mégot qui alla finir sa course dans le cendrier était pour rappeler et s’accorder avec le doux murmure rouillé du phonographe. C’en devenait presque pittoresque. Il ne manquait au tableau que le clochard essoufflé, un peu de pluie, et leurs souvenirs partagés. Le mauvais temps ne viendrait très certainement pas, le temps étant bien trop léger pour lui laisser la place. Et puis, les couleurs n’étaient pas à la pluie. Si le gris-ville était si coloré ce soir, c’était bien conséquence aux multiples teintes du plafond étoilé ; étiolé. Car il fallait l’admettre, ce n’était plus du sang qui peignait les nuages, mais bien de la nuance tempête. Avec un léger désappointement assujetti à la nicotine, Shaïlan reporta son attention complète sur Jude. Le grésillement venait seulement de s’éteindre, laissant place à une certaine attente entre eux. L’un attendant la réponse, l’autre attendant le meilleur moment pour la proposer. Au vu des regards que l’un l’autre s’interchangeaient, cherchant à lire qui le jeu du serpent, qui les attentions de son congénère, Jude savait très clairement à quoi l’allusion référait. Il était donc scolarisé à Poudlard en même temps que Shaïlan, peut-être une année de décalage.

Le hasard faisait bizarrement les choses, que deux jeunes marginaux de l’école croisent leur route dans cet endroit si brumeux de Londres, que la technologie semblait avoir oublié. Peu de lampadaires, les quelques rares étaient blessés ou poussiéreux. Le bar en lui-même était un modèle d’ancienneté ; mais Shaïlan y allait souvent pour son alcool bon marché, et le point de vue sur la Tamise. Etrangement, Jude s’agitait sur sa chaise. Avait-il froid de ce coup de vent, ou bien.. ? Incertain de la marche à suivre sur sa réflexion, le jeune homme préféra ne pas s’en formaliser et tourna les yeux vers sont interlocuteur, qui reprenait la parole. Et en effet..

Ses certitudes venaient de se confirmer. Jude était un sorcier, un ancien élève de Poudlard. Chacun de ses mots le criait, ses mouvements infimes, ses yeux qui cherchaient quelque chose, encore et encore.. Qu’avait-il donc à attendre ; espérer, que ses yeux sursautent à chaque détail ? Il semblait bien trop nerveux, même s’il ne le montrait pas. Les formes de son visage avaient changé. Les angles étaient accentués, et les lignes de son front étaient à présent visibles. Peut-être était-ce les pupilles, fibrillant légèrement, ou alors les lèvres légèrement entrouvertes pour laisser passer les restants de fumée. Ou bien alors le teint un peu blanc depuis que la nuit était tombée, avec des ombres accentuées et allongées par un lampadaire vigoureux. Ou bien tout simplement son imagination qui lui jouait des tours dès qu’il se laissait aller à la contemplation ou au vice.
Shaïlan ne pouvait que remercier le ciel de lui offrir pareil sujet d’observation. Cet air vague et autrepart, un peu de mystère sur les lèvres..

Oui, Jude était vraiment un type étrange. Bien différents de tous les autres qu’il avaient pu croiser dans les couloirs réputés de Poudlard, ou dans les rues plus fréquentées comme le Chemin de Traverse. Moins.. réel, Jude était quelqu’un d’ailleurs. Le prosaïsme ne lui allait pas et c’était tant mieux.

La dernière phrase du jeune homme assis à ses côtés acheva de convaincre Shaïlan que celui-ci était étrange. Aimer simplement pour la possession d’un objet aussi ridicule qu’un briquet ? Ou était-ce encore une des nuances dans leur discussion, qui la rendait difficile à cerner ? Fronçant un instant les sourcils, le jeune débauché baissa le regard vers le petit objet, posé entre eux sur la table. Carré, sur une table ronde. Les coins etoffés, arrondis. Un briquet simple, en somme. Et pourtant, les lèvres à peine dessinées de Shaïlan s’étirèrent en un doux sourire vicié. Sans lui et sa flamme salvatrice, la cigarette entre les dents de Jude n’était que du pur décor. Ainsi, ils s’étaient fixés cette compréhension de l’autre sur le briquet qui luisait, inconscient. Intriguant, tellement intriguant.

D’un geste léger, un peu désintéressé, le jeune homme attrapa le briquet entre ses doigts pâles, et l’admira un peu à la lueur des lampadaires :


- Que dirais-tu si le briquet.. disparaissait ? Après tout, même si les maisons ne font pas tout, que nous sommes à l’extérieur et que nous sommes majeurs, il y a tout de même des qualités.. ou des défauts, propres à chacun des quatre blasons. Je voulais juste m’assurer que nous n’étions pas incompatibles.

Quelques mots sans sens aucun, dits pour combler –agacer- et attirer son attention sur le briquet, qui fusa en direction de Jude dans un mouvement nonchalant. Une fois le bout de sa clope embrasé, il semblait à nouveau moins nerveux, comme si le besoin de nicotine le rongeait en permanence. La première bouffée tirée, recrachant un peu de fumée, Shaïlan s’amusa vaguement à la démêler des doigts, lui-même résistant à la tentation de prendre également une seconde cigarette. Bien qu’il sût se retenir d’en griller une, l’envie était croissante, et il passait les quelques secondes qui suivirent à suivre du bout des doigts, des ongles, les volutes que lâchait Jude. Le temps était décidément au passé et à l’ambiguïté.

Le briquet se remit presque de lui-même entre eux deux, neutre. Signe du destin ou hasard pur qui avait décidé de l’endroit où la main de Jude le lâcherait, toute cette rencontre était habitée par les signes, les sous-entendus, les hasards. A en devenir parano, pour sûr.


- Mais pour le moment, le briquet n’est à personne. Ou plutôt, à celui des deux qui en a le plus besoin, on peut dire. Pourquoi tu t’agites comme ça ? Je mords pas.

Pas méchamment, en tout cas..
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