[Les premiers paragraphes sont une peu compliqués alors si vous voulez avoir une meilleure vue sur l'intrigue vous pouvez vous référer à l'arbre des Caerwyn]

Ariana Llywarch était retournée auprès de ses ancêtres. Pour une femme de cent onze ans, la nouvelle n’avait rien d’affligeant mais Mervin venait de perdre un témoin précieux. Cette sorcière avait encore toute sa tête. Elle portait le plus lourd des secrets depuis la triste année 1905. Elle n’oubliait pas le mal qu’elle avait fait à sa sœur jumelle en lui volant et son époux et son enfant, elle savait que la lignée des Llywach n’existait plus depuis que sa sœur avait fait passer un enfant illégitime pour le fils d’Ivrin Llywarch. Officiellement, Arianell Caerwyn s’était laissée mourir en 1925, désespérée de ne pas avoir trouvé à se marier. En réalité, la véritable Arianell entamait son lent processus de décomposition aux côtés de la sœur qu’elle avait trahi, dans le caveau des Caerwyn. Cette histoire était sordide. Talesyn, le doyen des Llywarch avait refusé d’enterrer l’intrigante sur ses terres. Une femme qui n’avait jamais porté la descendance de sa famille dans ses entrailles ne méritait pas les derniers honneurs. Malgré ses mensonges, elle n’avait pas été capable de donner un héritier à Ivrin, un seul homme avait poursuivi la lignée, le fils bâtard caché d’une famille beaucoup moins prestigieuse. Les Llywarch s’éteignaient, mais il fallait sauver les apparences pour ne pas donner l’occasion aux héritiers légitimes de dilapider la fortune. Père et fils connaissaient les enjeux et cachaient du mieux qu’ils le pouvaient la vérité aux enfants. Ce n’était pas toujours une situation évidente, surtout lorsque le silence des Caerwyn s’achetait par un mariage affreusement mal assorti. Epona, seize ans, était jetée dans les bras du père de Mervin en août 1998 avec pour seul prétexte de prendre quelques distances avec la famille Tewdwr, trop proche de Lord Voldemort pour garder sa crédibilité dans le nouveau monde…

Le Serpentard barra le nom d’Ariana sur l’arbre généalogique. Peu importaient les conditions de sa mort, personne n’irait réclamer une autopsie, mais il misait sur l’empoisonnement. Cette femme en savait trop et, visiblement, les Llywarch cherchaient à effacer les preuves. Ils pouvaient encore se rebeller. D’ailleurs, le jeune héritier était presque en âge de reprendre le flambeau, il devait rester méfiant. Les Caerwyn n’étaient plus assez puissants pour les intimider. S’il n’asservissait pas très vite les autres familles galloises ce serait au tour des Llywarch de les faire chanter. Après tout, le domaine était bien vide, et son père était un sorcier médiocre, ils ne pouvaient résister autrement que par la ruse. Tout allait bien tant que les Tewdwr étaient maintenus dans leur isolement. Or, la famille sorcière la plus puissante du pays n’avait pas l’intention de se rendre et d’abandonner leurs armes sous le blason rival. Fflam Tewdwr savait très bien ce qui se tramait. Si le ministère n’avait pas commencé à le surveiller de près depuis la découverte de ses liens étroits avec quelques mangemorts assassinés, il ne se serait probablement pas privé d’une petite visite sanglante au château Caerwyn. Sa famille était en danger. Les pions avançaient des deux côtés, la partie promettait la mise à mort d’une lignée et Mervin craignait toujours pour la sécurité de son père. Cette petite guerre qu’il avait entamée derrière son dos pouvait vite tourner au désastre. Heureusement, malgré ses devoirs de préfet en chef à Poudlard, le gallois restait assez libre de ses mouvements. Ses dix-sept ans lui permettaient de transplaner au domaine chaque week-end pour évaluer les risques. Taffy, son elfe de maison, faisait un excellent espion. La brave créature avait réussi à infiltrer le château des Tewdwr à plusieurs reprises et avait finalement assez d’intelligence pour lui rapporter avec précision tout ce qui se tramait du côté de la famille rivale.

Une information intéressante lui était parvenue deux semaines plus tôt. Les Tewdwr cherchaient le soutien d’une lignée anglaise très influente et cette dernière avait profité de leur faiblesse pour monnayer ses forces. Ils voulaient un objet très rare, un artefact dont l’existence appartenait à la légende, le Torque d’Arzhel. Les croyances celtiques avaient rattachées son pouvoir à celui d’une divinité. En réalité, le bijou était capable de transformer la chair de celui qui le portait en fumée, autrement dit, de le rendre intouchable. Mervin n’avait jamais considéré avec sérieux l’existence d’un tel objet. Pourtant, les Tewdwr prétendaient le posséder depuis des temps immémoriaux et il aurait été bien imprudent de leur part de mentir sur une transaction aussi importante. Avec l’assassinat d’Arianell, le jeune Caerwyn ne pouvait prendre le risque de laisser les Tewdwr se rapprocher des grandes familles anglaises. Il fallait intercepter cette transaction coûte que coûte. Mais de quelle manière ? Alors qu’il avait quitté Poudlard en pleine semaine et qu’il surveillait les fenêtres crasseuses d’un troquet de l’Allées des embrumes, il n’était pas du tout sûr de son coup. Il tenait sous sa cape une imitation parfaite du Torque d’Azrhel, le fruit d’une nuit entière de métamorphose. L’idée était simple, il allait intervertir la marchandise en faisant diversion auprès du coursier. L’ennui, c’était que le correspondant n’était pas là. Assis à la table du fond, un jeune homme ombrageux à peine plus vieux que lui attendait. C’était Ceithin Tewdwr, le dernier descendant. Ce dernier jetait des regards méfiants et impatients autour de lui. Voilà qui ne l’arrangeait pas. Le retard du coursier annonçait probablement un changement de dernière minute. S’il n’entrait pas, une subtilité risquait de lui échapper mais il ne pouvait pas se faire repérer, Ceithin connaissait son visage.

Hélas, il n’était plus temps de réfléchir. Mervin rabattit prudemment sa capuche et entra en voutant ses épaules pour imiter le pas lourd d’un homme boiteux. Les estropiés n’étaient pas rares en ces lieux, et peu de personnes s’affichaient à visage découvert. Ceithin posa un instant son regard sombre sur lui et s’en détourna avec mépris. Un homme au pied bot ne pouvait pas être son correspondant. Bien. L’entrée était réussie, il ne lui restait plus qu’à trouver un poste d’observation idéal. Le lieu était bruyant, toutes les tables étaient chargées d’ivrognes permanents mais la meilleure place était occupée par une silhouette solitaire qui, comme Ceithin, ne participait pas aux gaillardises ambiantes. Coïncidences ? Ici, rien ne tenait jamais du hasard. Avec un peu de chance, il pourrait trouver un allier ou lui soutirer quelques informations. Il s’approcha d’un pas un peu plus vif pendant que l’héritier Tewdwr reposait un regard pensif sur la porte et tira une chaise à côté de l’autre homme.

- Toutes mes excuses pour ce retard Ceithin…, murmura-t-il d’une voix doucereuse en tendant une main en signe d’amitié. Notre programme a changé…

Si l’homme était du côté des Tewdwr, il prenait un risque énorme, mais son intuition lui murmurait que ce scénario était stratégiquement impossible, beaucoup trop risquée. Maintenant, il devait évaluer très vite le potentiel de son complice éventuel. Il aviserait en fonction de sa réponse. S’il était là pour les mêmes raisons que lui, il y avait des chances pour que sa curiosité fût piquée. Dans l’autre cas, il s’étonnerait bêtement et ne lui serait probablement d’aucun secours. Par mesure de prudence Mervin garda une main posée sur sa baguette.

[J'essaye de ne pas trop faire trainer les choses...^^]

Un mouvement d’inquiétude s’empara de lui lorsque l’homme refusa sa main. Le moindre détail avait son importance. Si son interlocuteur refusait de collaborer, il serait coincé. En outre, Ceithin pouvait jeter un regard dans leur direction et noter que les deux clients ne partageaient aucune camaraderie. Son entrée en scène manquait finalement de naturel mais l’encapuchonné dévoila une partie de son visage en signe de confiance. Il était jeune, yeux bleus, visage vraisemblablement fin. Malgré son excellente mémoire, Mervin fut incapable de poser un nom sur le personnage. Il n’était pas gallois, c’était à peu près certain, et son accent anglais le confirma. Son interlocuteur ne manifesta pas la moindre surprise. Il engagea la conversation dans un murmure, prêt à écouter la suite des instructions avec la plus grande attention. L’esquisse d’un sourire se dessina sur les lèvres ombragées du Serpentard. Il n’était pas temps de révéler son visage, la présence de son vieux cousin lui interdisait de baisser la garde. Mais il avait vu juste en s’installant à cette table. L’anonyme était venu pour le torque et sa réplique signifiait qu’il avait très bien compris sa ruse. En effet, il ne pensait pas duper l’intermédiaire de Ceithin en se faisant passer pour ce dernier. L’ambigüité était chassée sans la moindre prudence. Bien. Il était donc inutile de perdre son temps.

- C’est évident non ? Dit-il d’un ton caressant. L’intermédiaire a du retard. Ils sont au courant pour les fuites, et ils chercheront probablement à brouiller les pistes. Un coursier serait facile à neutraliser, pas le fils héritier…

Si le jeune homme n’était qu’un simple curieux, cette absence de contexte risquait de le troubler. Mais la nature de son futur partenaire importait peu. Il avait besoin d’un allié. Son esprit tournait à une vitesse incroyable. Il analysait toutes les possibilités. Pour une transaction aussi importante, les correspondants n’avaient jamais de retard. L’absence était synonyme d’imprévu. A partir de là, deux possibilités s’ouvraient. La première voulait que d’autres sorciers sur le coup aient supprimé l’intermédiaire. Dans quel cas, l’homme qui se présenterait à Ceithin n’aurait pas d’autre fonction que celle de lui dérober son bien. Or, l’échange ne devait pas connaître d’imprévu. Il fallait simplement s’arranger pour que le torque soit remplacé par le leurre. Si personne ne se présentait, Ceithin se retrouvait seul, il devrait donc rejoindre son intermédiaire ailleurs. Mervin redoutait le transplanage. Si le jeune Tewdwr quittait ce bar, il perdrait probablement sa trace… Baissant encore la voix il ajouta :

- Je suis venu m’assurer que la transaction n’ait pas lieu… Mais je tiens à préserver les apparences. Je suis prêt à vous aider si vous promettez de suivre mon plan. Je sais comment transformer un vol en malentendu…

Il souleva sa cape d’une main rapide pour révéler la réplique parfaite du toque d’Arzhel. Le sorcier ne pouvait refuser la chance qu’il lui offrait, puisque leurs intérêts se rejoignaient et qu’il ne convoitait pas l’objet. Mervin savait qu’il était nécessaire d’agir très vite. Leur proie ne resterait pas éternellement dans cette taverne. Si le point de rendez-vous avait changé, il rejoindrait la rue pour transplaner. D’ailleurs, l’attitude de Ceithin s’était modifiée. Il fixait désormais la table avait intérêt. Quelqu’un était probablement passé pour l’ensorceler avant l’arrivée de l’héritier… Les dernières consignes étaient apparues, et le jeune homme lança soudain des regards plus inquiets autour de lui, ceux d’une bête traquée. Il ne se sentait plus en sécurité. Son regard se reporta avec attention sur la table. Il fallait agir très vite… Mais il ne pouvait pas intervenir lui-même.

- Ceithin connait-il votre visage ? demanda-t-il plus rapidement.