L'attitude de William depuis la rentrée dépassait complètement Page. Elle avait déjà du mal à retrouver ses marques à l'école, et récupérer son ami d'une humeur si massacrante la laissait complètement déboussolée. Suivant les jours, l'humeur de l'irlandaise oscillait entre l'énervement et l'inquiétude : après tout, pourquoi ce fichu rouquin refusait-il de confier à sa presque soeur ce qui le tracassait ? Page était presque vexée que William s'obstine ainsi à ne pas vouloir lui dire ce qui n'allait pas. Elle ne cherchait qu'à l'aider et ce grand benêt la fuyait... Qui d'autre pouvait être mieux placée qu'elle pour l'écouter et le soutenir, après tout ce qu'ils avaient traversé ensemble ? Mais la plupart du temps, la rouquine était surtout inquiète pour son ami. Si elle-même ne se sentait pas encore tout à fait à l'aise dans les murs du château, le voir dans cet état la désolait. Qu'est-ce qui pouvait donc tourner dans sa caboche ? Un souci avec la famille ? Des affaires de coeur ? Une déprime de rentrée ? Elle n'en avait pas la moindre idée, et cela la minait. Alors, avec son tact naturel, la lionne s'était mise en chasse aux informations, ne se rendant absolument pas compte que son obstination pouvait peut-être devenir oppressante pour le préfet. Mais rien à faire, le roux ne lâchait rien, au grand dam de la sale gosse.

Page en venait presque à redouter les rondes préfectorales : c'était le seul moment durant lequel William ne pouvait pas se défiler, et les deux rouquins passaient suffisamment de temps ensemble pour que l'irlandaise essaye de lui tirer correctement les vers du nez. Mais du coup, le préfet était d'humeur encore plus maussade et même si elle donnait le change en le questionnant avec désinvolture, la lionne était mal à l'aise de cette situation. Mais elle finirait par l'avoir. Foi d'irlandaise, elle l'aiderait, même contre son gré, ce fichu rouquin !

Le problème, c'était que la mauvaise humeur de son complice était perceptible au quotidien, et que les autres élèves en faisaient les frais. La soirée d'intégration des Lions n'était pas passée loin de la catastrophe, et depuis, Page s'efforçait d'arrondir les angles au maximum avec les autres pour que son ami ne se mette pas tout le monde à dos pour une mauvaise passade. Bloody Hell, ce n'était pas une mince affaire. Un travail à temps plein pour ainsi dire. Et le pire, c'était que le sixième année ne devait absolument pas s'en rendre compte.

Pour la nouvelle ronde de la journée, Page s'était préparée mentalement. Il ne lui était vraiment pas agréable de passer une heure avec un mur qui allait sauter sur la moindre occasion pour passer sa mauvaise humeur. Pour autant, elle n'avait pas abandonné sa mission et l'interrogatoire se poursuivait, pas forcément de manière très subtile. Et ce qui devait arriver arriva. William craqua, et envoya tout simplement Page se faire paître.

Bon, c'était certain, elle l'avait cherché mais... Elle en resta toute bête. C'était la première fois que son ami lui parlait sur ce ton. Il lui fallut un instant pour que la surprise laisse à nouveau place à son incroyable énergie. La rouquine plissa les lèvres d'énervement, et tandis que le préfet passait ses nerfs sur une bande de Verts et Argents qui avait eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Dans le dos de William, la lionne serra les poings et mima pour elle-même un mouvement d'étranglement pour évacuer sa tension. Elle ne devait pas s'énerver. Elle devait être là pour Will. Elle inspira profondément, mais le roux avait déjà repris la ronde sans l'attendre. La lionne poussa un nouveau soupir. Ce n'était vraiment pas facile. Elle jeta un coup d'oeil en direction de son ami. Il lui revaudrait ça, un jour. Mais pour le moment, il filait à une allure bien trop vive pour être innocente vers l'autre côté du couloir. Page leva les yeux au ciel et se hâta de le rejoindre pour essayer de minimiser tout débordement. Il ne lui fallut pas longtemps pour apercevoir le nouvel objectif du préfet énervé : un autre élève qui traînait dans les couloirs. Pour le coup, celui-ci ne semblait pas avoir de frisbee, mais il était étrange qu'il dévisage ainsi les deux arrivants.

La lionne préféra lui laisser le bénéfice du doute. William n'était déjà pas à prendre avec des pincettes, et la simili altercation que les deux préfets venaient d'avoir laissait l'irlandaise passablement tendue aussi. Mieux valait qu'elle se mette dans un état d'esprit ouvert, sans quoi il prendrait des deux côtés.

- Il y a quelque chose qui ne va pas ? lança la préfète d'une voix forte pour devancer l'aimable tirade que son comparse n'allait pas manquer de faire.

Il était à espérer que le pauvre gosse avait le coeur bien accroché, car avec deux préfets roux passablement tendus, la situation risquait de faire des étincelles.

Eh bien, il fallait croire qu'il y avait ce soir un nœud tellurique attirant les rouquins. Car le gamin en fâcheuse position faisait également partie de ce clan si particulier... Coïncidence amusante, lorsqu'il s'agissait de la ronde des deux seuls préfets aux cheveux de feu. Il fallait espérer que ce petit point commun radoucirait quelque peu les sentiments des deux lions... car ce n'était pas gagné. Sans compter que le ton du gamin n'était pas très assuré, et cela ne jouait pas en sa faveur.

Tandis que le gosse s'expliquait, de manière un peu désordonnée, William avait foncé vers l'un des passages secrets du château que les deux Rouge et Or connaissaient. Mais revenait en y ayant visiblement fait chou blanc. Page était resté auprès du Poufsouffle, pas vraiment convaincue par son explication. Il fallait être franchement bizarre pour fixer les gens comme ça... L'irlandaise regarda à droite et à gauche, s'assurant que rien de louche ne trainait dans les parages, puis détailla le gamin des pieds à la tête... Non vraiment, rien de répréhensible... Il devait juste être un peu étrange, dans son monde.

- Bon écoute, tu...
-Et tu espères qu'on va gober ça ? Tu ferais mieux de trouver une autre histoire à servir au directeur de ta maison. C'est comment ton nom, d'abord ?

Ow. Ca, c'était de l'entrée en matière délicate. Bravo William. La préfète inspira profondément une fois de plus. Ne pas s'énerver. Calmer le jeu. Montrer du sérieux et de la cohésion. Tu parles. Les étincelles rouges qui crépitaient au bout de la baguette du sixième année ne présageaient rien de bon. Will était en train de péter un boulon. Elle faillit souffler à son ami que les Poufsouffles avaient une Directrice de Maison, mais elle s'abstint de ce commentaire qui, à coup sûr, allait faire exploser la marmite. Mais, fuck a duck, il fallait vraiment qu'il se calme. Si ça se trouvait, le pauvre petit Pouffy était simplement perdu ! Après tout, la rentrée ne datait que d'une semaine !
Elle foudroya son ami du regard, et essaya de montrer un visage un peu plus aimable au jeune garçon. C'était un coup à ce qu'il prenne les préfets de lions pour des harpies tyranniques ! Essayant de désamorcer la situation, Page posa sa main sur l'épaule de son ami.

- Calme-toi Will... J'suis sûre qu'il va nous dire si quelque chose ne va pas... Et si tout va vraiment bien, on va le raccompagner vers sa salle commune, tout simplement, n'est-ce pas... ? poursuivit-elle, attendant elle aussi le prénom du nouveau.

À bien regarder le gamin, il avait plus l'air d'un môme perdu que d'un délinquant juvénile ; chacune de ses réactions tendait à prouver qu'il était non seulement innocent, mais aussi passablement inquiet de se retrouver entre les griffes d'un type aussi aimable que William. Le ton du préfet était à peu près celui d'un agent du KGB débarquant chez un opposant notoire, et les étincelles au bout de sa baguette devaient lui donner l'aspect d'un véritable croque-mitaine. Même Page le regardait bizarrement, et il se rendait compte qu'il était peut-être allé un peu loin. Bon... pas facile, à présent, de faire machine arrière sans perdre la face. Page essayait de calmer son collègue, le première année roulait des yeux effarés, et même les moines copistes avaient interrompu leur tâche pour observer la scène. Pris au dépourvu, William prit une pose un peu moins martiale, desserra un peu sa cravate, tandis que le garçon répondait à sa question. Sammy quelque chose. Le préfet tâcha de se remémorer la cérémonie de la Répartition ; il se rappelait bien cette tête rousse, ce prénom, mais pas la maison dans laquelle l'élève avait été envoyé. En tout cas, il lui semblait bien que ce n'était pas Serpentard... Ce qui anéantissait sa théorie selon laquelle ce garçon appartenait à la même bande que celle à laquelle il avait confisqué le frisbee. Il n'y avait aucune raison pour que des Serpentard acceptent dans leur bande un élève de première année d'une autre maison.

Le garçon tâchait de s'expliquer, et il montra le tableau des moines copistes. Il s'était arrêté, disait-il, simplement pour regarder la peinture. William se souvenait clairement de ses premières semaines à Poudlard ; lui aussi avait passé du temps devant ces portraits animés, et l'explication lui sembla soudain évidente. Désireux de sauver les apparences, le préfet s'adressa aux personnages du tableau qui semblaient passionnés par la querelle :

-Vous pouvez me confirmer tout ça ?
-C'est l'exacte vérité, répondit sentencieusement l'un des moines.
-La vérité toute nue, ajouta un autre.

Les moines ne mentaient pas – d'ailleurs, en général, les personnages des tableaux aidaient volontiers les préfets. Sammy avait donc dit la vérité... Très gêné, William remercia les copistes, desserra à nouveau sa cravate, et, après une hésitation, reprit :

-Je vois que je me suis lourdement trompé... Je te présente mes excuses, Sammy. J'espère que tu ne m'en voudras pas trop.

Quelle image le garçon allait-il avoir des préfets de Poudlard après ça, et des Gryffondor en particulier ? Quoi qu'il en fût, le mal était fait, et il faudrait sans doute davantage que de simples excuses et une poignée de mains pour dissiper le malentendu. William tendit la main au première année dans un geste d'apaisement, en évitant soigneusement de croiser le regard de Page.

"Allez les enfants, on fait la paix ?"

Page avait vraiment l'impression de se retrouver dans le rôle de la maîtresse essayant de calmer un conflit entre deux garnements. Par les caleçons de Merlin, ce n'était pas son rôle. Du moins pas lorsque l'un des deux gamins, en l'occurrence, était son aîné, et portait le badge préfectoral. William réagissait comme un gosse vexé, et Page lui en voulait un peu de passer ses nerfs sur le première année qui n'avait pour ainsi dire rien fait.

Fort heureusement, Sammy - puisque c'était ainsi qu'il se prénommait - finit par fournir un argument permettant de l'innocenter sans aucun doute. Les tableaux. On les oubliait trop souvent. Et cette fois, en plus, il s'agissait d'hommes d'Eglise, dont la parole n'en était que plus crédible du coup. Ouf. L'irlandaise sentit la situation se désamorcer lentement. William revenait à la raison. Après avoir terrorisé le Poufsouffle, malheureusement. La préfète jeta un regard excédé à son ami. Il en avait mis du temps, à comprendre qu'il se faisait des films. Pourtant, intérieurement, elle était vraiment soulagée de retrouver son complice. Elle n'en laissa pourtant rien paraître. Will avait accusé à tort le première année, alors elle pouvait bien faire semblant de désapprouver encore un moment. Ca lui ferait les pieds. Même si elle savait qu'à présent, le roux était dans une position bien ennuyeuse. Comment rattraper le coup, l'aider sans que les deux préfets passent pour des branquignoles au sang chaud ?

William commença par présenter ses excuses. Un bon début. Restait à voir si Sammy ne voyait pas définitivement les lions comme deux grands méchants loups. Page fourra ses mains dans ses poches, prenant une attitude plus décontractée puisque la tension était levée à présent.

- Désolée pour notre arrivée un peu brusque Sammy. On venait juste de se taper une bande de ptits fouteurs de bronx, alors du coup, on était un peu échauffés.

Et puis ni l'un ni l'autre n'étaient vraiment dans leur assiette. Mais ça, il n'avait pas besoin de le savoir. Sérieux et cohésion on avait dit.

- T'as bien raison de prendre un peu de temps pour découvrir le château. Il regorge de trésors et de surprises, et, crois-moi, ta scolarité entière sera même pas assez pour découvrir tous ses mystères.

Elle ponctua sa phrase d'un sourire et d'un clin d'oeil. Elle parlait en connaissance de cause, et espérait que le petit nouveau se sentirait à présent un peu plus à l'aise.

Le première année n'était pas rancunier, un bon point pour lui. Il devait être à Poufsouffle, ou alors le Choixpeau avait fait n'importe quoi ! Après une seconde d'hésitation bien légitime, Sammy serra la main que William lui tendait, en essayant même de sourire. Le préfet, lui, ne souriait pas ; il se sentait encore embarrassé d'avoir accusé à tort un élève à peine arrivé à Poudlard, et puis... Et puis il y avait Page. Il devinait son regard sur lui, savait qu'elle lui demanderait des explications une fois qu'ils seraient seuls. Qu'est-ce qui t'a pris, espèce de timbré ? Elle expliquait l'erreur de son collègue, tâchait de rattraper la situation auprès du garçon, et tous ses efforts achevaient d'exaspérer William. Les filles étaient vraiment pénibles avec leur maturité à la noi... Il avait l'impression de s'être fait gronder par la maîtresse, et savoir que la réprimande se reproduirait un peu plus tard l'agaçait profondément. Il s'efforça cependant de faire bonne figure à Sammy, histoire de ne pas compromettre définitivement son image auprès du première année, mais, du coin de l'oeil, il surveillait sa montre. Encore un quart d'heure, et leur tour de ronde serait fini. Tant pis si l'itinéraire défini par Rusard n'était pas parcouru en entier, l'heure c'est l'heure, et le roux entendait bien ne pas faire la moindre minute supplémentaire. La seule chose qui l'intéressait était de fuir la compagnie de Page, et la compagnie de tout le monde d'ailleurs, pour aller s'avachir sur son lit. Depuis la rentrée, il avait passé tant de temps dans cette position qu'il finissait par connaître par coeur le ciel de lit de son baldaquin. Il pouvait dire, les yeux fermés, à quels endroits des fils pendaient, où le velours était râpé...

Page et Sammy parlaient des tableaux, et William se força à se raccrocher à leur conversation. Il se rappela fugitivement sa propre arrivée à Poudlard, sa découverte des passages secrets, des escaliers mobiles... Derrière eux, les moines s'étaient remis à copier leurs manuscrits, mais ils relevèrent la tête d'un air indigné lorsque le préfet déclara en les désignant :

-Il y a des tableaux drôlement plus intéressants que celui-ci, tu sais...

Les moines se mirent à grommeler des protestations, en réaction aux propos du rouquin.Indifférent à l'ire monastique, il poursuivit tranquillement :

-Il y a un chevalier, pas très loin d'ici, le Chevalier du Catogan. Tu l'as peut-être déjà vu ? Un cinglé qui veut attaquer tous les gens qui passent... un peu comme moi, ajouta-t-il à mi-voix. Tu veux qu'on te le présente ? Quand on sait s'y prendre, il est assez sympa...

Bon, aller rendre visite au Chevalier imposait de se détourner un peu du parcours de la ronde, mais ça, c'était très secondaire. Cette année, le roux n'avait aucune envie de se démener pour remplir son rôle de préfet – il n'avait jamais demandé à récupérer son insigne et trouvait que McGonagall avait agi de manière arbitraire en le lui rendant. Il s'était habitué, l'année précédente, à la tranquillité d'un élève ordinaire, de sorte que ses obligations de préfet lui semblaient intenables. Autant faire le guide touristique pour nouveaux arrivés à Poudlard, c'était aussi utile...

-C'est par là, fit-il en montrant le bout du couloir. À cinq minutes à pied si les escaliers se tiennent tranquilles. Alors, ça vous branche, une petite visite au Chevalier ?

[HJ : on va essayer de respecter les tours de postage, sinon, c'est galère pour tout le monde à la fois pour trouver des choses à dire/faire mais aussi pour ne pas faire trop de bugs chronologiques .
Donc là, je réponds, ensuite, ce sera à Willou, et de nouveau à toi Sammy, et on garde cet ordre jusqu'à la fin du topic, ouki ?]

Page fut étonné par la bonne composition du gamin : il semblait vraiment compréhensif quant à l'attitude des deux préfets à leur arrivée... La rouquine se disait qu'elle-même n'aurait sans doute pas réagi de la même manière bien, qu'elle se souvienne qu'à son arrivée au château, elle ne faisait pas vraiment la fière. Beaucoup de nouveautés à assimiler, l'éloignement d'avec sa famille... Pourtant, les deux Rouge et Or ne s'étaient pas montrés très avenants de prime abord, et elle était presque soulagée que le première année pardonne si vite. Merlin bénisse la gentillesse des Bronze et Or, hein.
Dans tous les cas, si son bon caractère étonnait l'irlandaise, elle n'était guère surprise par la curiosité que Sammy manifestait : évidemment que c'était bigrement excitant pour un nouveau de découvrir les merveilles de Poudlard, alors il n'allait pas se faire prier pour une visite guidée. Et puis les deux préfets lui devaient bien cela, pour effacer un peu leur entrée en matière un peu brusque.

Lorsque William mentionna le chevalier du Catogan, un large sourire illumina le visage de la quatrième année. Elle avait beaucoup d'affection pour ce petit personnage. Sammy, quant à lui, s'étonnait du nom de celui qu'ils allaient visiter.

- Une raison à son nom ? Pas la moindre idée. On me l'a toujours présenté comme ça, s'tout. Mais tu vas voir, il est cool. En plus, il aime bien les gryffys en règle générale...

Ou toute personne un peu vindicative ou chevaleresque. L'avantage était que la majorité des Lions rentraient dans ces catégories, et que les relations avec le petit guerrier étaient souvent bonnes. L'affaire était tacitement entendue : ils allaient rendre visite au petit héros.

- Il m'a sauvé la mise une fois ou deux... Même s'il a un caractère bien trempé, ce ptit bonhomme est vraiment amusant à voir. Sans vouloir vous offenser, hein, messieurs, poursuivit-t-elle en jetant un oeil vers les moines copistes. Et pis son poney obèse, il déchire.

Il fallait bien avouer qu'elle préférait mille fois le panache de l'homme en armure aux barbants hommes d'église. Le chevalier du Catogan avait aidé la rouquine à plusieurs reprises lorsqu'elle était en fâcheuse posture dans les couloirs, notamment lors d'une soirée agitée en l'improbable compagnie de Fabula...

-Je suis toujours partant pour visiter le château……Par contre…est-ce…est-ce que je pourrais savoir comment vous vous appelez ?
- Fuck a duck, pardon... C'est vrai que tu nous connais pas... C'est plus facile pour les lionceaux, ils mémorisent leurs préfets dès le premier soir ! J'm'appelle Page, Page McHenry. Et le roux grognon là, c'est William Craig. On est en quatrième et cinquième année, finit-elle en pointant son ami du pouce.

Ce n'était pas très sympathique d'en remettre une couche, mais il l'avait mérité. Et puis à coup sûr Sammy prendrait ça comme de l'humour. Enfin elle espérait. L'idée était quand même de finir de détendre l'atmosphère.

- Bon, on y va ? C'est par là !

Adressant un sourire aux deux garçons, l'irlandaise prit la direction des escaliers mobiles.

Elle avait beau être en quatrième année, elle savait qu'elle était bien loin de connaître tous les secrets et toutes les histoires du château. William lui en faisait une nouvelle fois la preuve en lui apprenant que Peeves avait été encore plus pénible auparavant qu'il ne l'était maintenant. Et ce n'était pas peu dire.

En tous cas, Sammy semblait plutôt ouvert et réceptif à tout ce qui l'entourait. Page sourit en l'entendant évoquer l'allure du Baron Sanglant. C'est sûr qu'il y avait un tas de fantômes plus sympathiques que lui entre les murs du château...

Une explosion de cartes mit un terme à la discussion et l'escalier daigna enfin bouger sa carcasse pour leur permettre d'atteindre l'étage supérieur. Les trois élèves se remirent en route et suivirent de longs couloirs (avec un tel trajet, il était à espérer que le petit chevalier qu'ils allaient visiter n'était pas en vadrouille ailleurs !). Leur déambulation les faisait passer devant tableaux, armures et sculptures, que l'irlandaise prenait toujours autant de plaisir à détailler... Et puis ce fut un miroir qui croisa leur route, et la vision arracha un sourire à la préfète. William n'avait pas manqué non plus de remarquer leur reflet.

- Ouais, mais on a bien grandi depuis, hein...

Le petit groupe aurait-il croisé ce miroir l'an passé qu'ils auraient pu y voir un signe pour la relève du combat des roux. Mais aujourd'hui, Page était encore amère des souffrances passées, et elle ne souhaitait pas à Sammy de devoir rejoindre un quelconque gang... Sûr que c'étaient des souvenirs forts, très forts, mais ils n'étaient pas tous heureux, loin de là.
La lionne secoua la tête pour masquer son trouble. Pas besoin d'ennuyer Sammy avec ses états d'âme. Lui, il était innocent, et il avait une année calme qui s'ouvrait devant lui. Enfin du moins elle l'espérait.

Le son d'une horloge résonna dans les couloirs, et le préfet rangea précipitamment son insigne, sous le regard étonné de l'irlandaise. Qu'est-ce qui lui prenait ? Il était vraiment bizarre ces temps-ci. Et même si elle n'était pas vraiment une afficionado de l'autorité, elle considérait que ce badge, c'était un peu plus qu'une simple permanence dans les couloirs. Elle jeta un regard d'incompréhension à son ami, mais ne renchérit pas. Son attitude était assez éloquente et n'appelait pas de commentaire. Ca le regardait de toutes façons. En revanche, elle ne toucha absolument pas à son insigne. Il était là et le resterait.

Quelle étrange équipée. Sans arrêt, la tension revenait pointer son nez entre les deux roux, et le pauvre Sammy ne devait pas vraiment comprendre ce qui se passait. Une fois de plus, Page essaya de se raisonner pour chasser son trouble. Heureusement, ils arrivaient enfin.

- Ah, tu vois le grand tableau là-bas, Sammy ? fit-elle en désignant un impressionnant cadre doré qui trônait au bout du couloir, bien dans l'axe de la circulation, ben c'est celui-là !

De lourds rideaux pourpres, retenus par des cordes dorées aux noeuds pendants flanquaient la toile. La mise en scène était plutôt réussie pour mettre en valeur le tableau. La peinture en elle-même représentait un vaste paysage vallonné, dans lequel quelques haies et petites habitations étaient disposées. Mais pas de trace du chevalier.

- Ben mince... D'habitude, il reste dans les parages. C'est pas de chance, après avoir traversé tout le château. Messire... Messire ? appela la rouquine dans l'espoir de le faire apparaître.

Page ne put s'empêcher de sourire en entendant William appeler le chevalier. Il savait y faire le bougre. Il fallait dire que la plupart des Lions avaient appris à traiter avec le petit combattant. Il avait un a priori positif sur les membres de la maison de Godric, et la plupart le lui rendaient bien. La rouquine lui avait même déjà demandé de l'aide, qu'il s'était empressé de lui apporter. Bon, il fallait faire un effort de langage, mais ça marchait toujours, et il fallait avouer que la compagnie du cavalier était souvent sinon intéressante, au moins amusante.

Lorsque le petit chevalier les salua, Page esquissa une petite courbette en tenant les pans de sa jupe, pour lui faire plaisir, mais sans trop en faire non plus - elle n'était pas véritablement ce qu'on pouvait appeler une damoiselle. Les deux autres roux avaient également joué le jeu, et en avaient même remis une couche, pour être certains. Will avait renchérit au sujet d'un adoubement et Page leva les yeux au ciel, amusée. Jamais il ne résisterait à ça. D'autant plus que Sammy faisait parfaitement le jeune page attendant la sentence.

Pourtant, le chevalier du Catogan semblait hésiter.

- Ma foi... Tu me parais tout à fait volontaire mais... Vois-tu, jeune damoiseau, je refuse cet honneur à un jeune blaireau qui se réclame d'être mon page depuis maintenant deux ans et qui attend que je le juge prêt pour l'adoubement...

L'homme sous l'armure semblait peser ses mots, comme s'il ne voulait pas blesser le première année, ce qui était assez étonnant.

- Il ne serait pas juste envers lui qui tente de faire ses preuves quotidiennement que j'adoube le plus pur inconnu, pour sympathique qu'il fut, au seul crédit de... deux préfets de gryffondor, poursuivit-il après avoir vérifié l'identité des demandeurs en hochant le heaume.

Page fit une petite moue. Il n'avait pas tord, mais bon, ç'aurait été si cool pour Sammy !

- Néanmoins, dans ma grande mansuétude, j'accepte, si tu le souhaites, que tu te réclames de ma suite.

Arf. Il ne proposait même pas le titre de page. Dur en négociation, le petit bonhomme. Pour essayer de rassurer Sammy et éviter qu'il ne soit trop déçu, l'irlandaise glissa discrètement un mot au Bronze et Or :

- C'est vachement exigeant ce genre de boîtes de conserves... Ca fait deux ans que Tobias lui court après sans résultat. Il se fait désirer le bonhomme.

Le heaume se tourna vers la préfète d'un mouvement sec, comme pour lui signifier que les bavardages n'étaient pas acceptés en ce grave instant.

- Qu'en dites-vous jeune damoiseau ?

Un peu en retrait, William observait avec attention le Chevalier du Catogan, en espérant une réponse favorable. Il estimait que présenter Sammy au chevalier et en prime lui obtenir l'adoubement serait une bonne façon de se faire pardonner ses manières un peu brusques... Le souci était que tout dépendait d'un gentilhomme caractériel, très à cheval sur le protocole, et qui ne plaisantait pas avec le cérémonial... Il prenait son temps, examinait tour à tour les trois élèves, visiblement réticent à accorder ce qu'on lui demandait. Bien sûr, Sammy lui semblait trop jeune pour prétendre à l'adoubement, et même à un titre de page... Le préfet des Lions écouta, sans élever d'objection, le monologue du chevalier, et la mention d'un « jeune blaireau » le laissa perplexe. Qui pouvait bien avoir la fantaisie de harceler le Chevalier pour obtenir sa bénédiction ? Page semblait plus au courant que lui, et il se promit de l'interroger à ce sujet, lorsqu'ils auraient quitté le vaillant guerrier.

Le chevalier venait, royalement, de permettre à Sammy de se réclamer de sa suite, pensant avoir fait un très grand honneur au garçon, et, de fait, William se lança dans une révérence exagérément basse pour le remercier :

-Grand merci, Messire, pour votre générosité.

Il avait parlé d'une voix de stentor absolument inutile, uniquement destinée à couvrir la voix de Page qui le traitait de « boîte de conserve »... Même s'il ignorait totalement ce qu'était une boîte de conserve, le chevalier du Catogan risquait de ne pas apprécier la comparaison, et de tirer son épée pour châtier les insolents... Toujours fort, au cas où Page n'aurait pas terminé ses propos irrespectueux, le roux ajouta :

-Il ne nous reste qu'à prendre congé et à quitter vos terres, si vous nous le permettez.
-Allez donc, jeunes damoiseaux et gente damoiselle, je vous accorde le sauf-conduit jusqu'aux confins de mon domaine. Que Dieu vous garde !

Le petit chevalier eut un geste auguste de bénédiction, et il entreprit de se remettre en selle – sans parvenir à lever le pied assez haut pour enfourcher sa monture.

-Bon, c'était déjà un bon début, fit William en s'éloignant du tableau dans lequel le chevalier venait de se fracasser au sol dans un bruit de ferraille. Au fait, ajouta le préfet à voix basse, quand il tombe de cheval, il faut faire comme si de rien n'était, sinon ça le vexe.

Les trois adolescents poursuivirent donc leur route sans même se retourner, laissant le chevalier reprendre ses tentatives équestres. Lorsqu'ils eurent atteint l'extrémité du couloir, le préfet s'arrêta et fit :

-Voilà, Sammy, tu as pu rencontrer le plus grand cinglé de Poudlard... mais au moins, il t'a à la bonne, maintenant. Si tu as des soucis, il t'aidera autant que possible. Il a l'air complètement timbré, mais il vaut mieux l'avoir de son côté...

Assez content d'avoir présenté Sammy au Chevalier, William adressa un regard à Page. On pouvait s'arrêter là pour aujourd'hui, et laisser quelques surprises à Sammy. De toute façon, la découverte de Poudlard n'était jamais terminée, et même Dumbledore, après des années, affirmait qu'il ne connaissait pas tout du château et de ses secrets...

Oui, bon, elle avait peut-être parlé un peu fort lorsqu'elle avait qualifié le petit chevalier de "boîte de conserve". M'enfin bon, il ne fallait pas le prendre comme ça. William était trop précautionneux. Avec toute la ferraille qu'il avait devant les oreilles, sûr qu'il n'en avait pas saisit un traître mot. Sa réaction n'était dûe qu'au mouvement des lèvres de la rouquine, obligé.

Dans tous les cas, Sammy eut la bonne idée d'accepter la proposition du petit chevalier. C'était certes un lot de consolation un peu minable à côté d'un adoubement, mais bon, refuser aurait sans doute déclenché sinon sa colère, au moins son mépris.

Les trois roux prirent congé du petit bonhomme et s'éloignèrent. Page ébouriffa les cheveux du première année.

- Bien joué Sammy. Comme le dit William, c'est un bon allié. Et au moins, tauras fait tes armes en exploration de couloirs, ce soir...

Les deux préfets échangèrent un regard. L'heure tournait. Ils avaient fait faire un bon petit tour au gamin, il était temps e remonter en salle commune. Le Poufsouffle lui-même annonça qu'il allait se mettre sur le chemin du retour. Sauf que voilà, il ne savait plus trop où c'était, le retour. Page sourit. Ce n'était pas évident de s'y retrouver, quand on débarquait.

- On va t'accompagner jusqu'aux escaliers. Après, pour toi, c'est tout simple : tu descends au plus bas, tu traverses le grand palier pour atteindre le hall et ensuite, direction les cachots. J'peux pas t'aider plus, après, c'est caché l'entrée... Et puis nous, on va aller dans le sens opposé, puisqu'on montera vers les tours...

Elle adressa un sourire encourageant au gamin. Sûr qu'il allait trouver. En réalité, rejoindre les salles communes, ce n'était pas bien difficile, surtout pour les Verts et les Jaunes : ils suffisait de descendre au plus bas. Et après, on retrouvait toujours ses marques !
Le trio de roux arriva rapidement à la cage d'escaliers mouvants.

- C'est là qu'on se sépare. Bonne soirée Sammy. Ravie de t'avoir rencontré.

William salua aussi le première année, et les deux préfets attaquèrent l'ascension. Ils avaient une paire de marches à gravir pour atteindre les tours.



[Fini pour Willou et moi a priori. Si tu veux boucler, aucun souci ]