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 La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]
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  • Isaac Deniel
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    Isaac Deniel
MessageSujet: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptySam 26 Déc - 22:00:33

Le sang coulait, brûlant, le long de sa tempe. Il dégoulinait sur sa mâchoire, et colorait l’eau grise du macadam. Le vent soufflait, la pluie tombait sur la neige boueuse de la chaussée. Elle absorbait chaque couleur, disparaissaient sur la souillure de la terre, de la rouille et de ces gouttes trop chaudes, trop rouges. Elles s’égrenaient sous des genoux écorchés, fuyaient des mains abîmées. Ailleurs, elles restaient suspendues aux vêtements, invisibles sur l’ensemble noir du jeune garçon. Ce n’était pas la peine d’alerter les passants, le refuge était à plusieurs rues de là. Un portoloin venait de le jeter à l’extrémité de Londres, dans un de ces quartiers mal famés où il ne mettait jamais les pieds. Ses bourreaux avaient bien choisi la destination, on ne savait jamais qu’il se fasse poignarder en chemin. Ce serait l’occasion d’une belle publicité. Les gentils Carrow se contentent de punition disciplinaire lorsque ces barbares de moldus assassinent sans raison un gamin perdu en banlieue. Il se releva péniblement en appuyant sa main valide sur le mur trempé de la ruelle. L’autre restait crispée, ses doigts recroquevillés souffraient le martyr sous la bise glacée qui mordait leur chair à vif et parfois brûlée. Son bras pendait amorphe contre son corps. Il lui semblait qu’il était cassé depuis deux jours. Mais les repères temporels ne signifiaient plus rien après une semaine à attendre, serré dans le noir le plus profond, l’éclat de la douleur, à invoquer un sommeil qui ne venait jamais. Sa conscience le quittait parfois, lorsqu’un mal trop brutal l’arrachait au monde. Il résistait jusqu’au point de non-retour. Alecto Carrow voulaient le torturer jusqu’à ce qu’il l’implore. Il devait demander pardon, s’excuser d’avoir dévasté le bal de Noël, renier ses horribles tares, accepter sa condition inférieure, au plus bas de l’échelle. Les nés-moldus se soumettraient ou périraient. Elle pouvait toujours rêver. Ne pas céder. L’injonction tournait en boucle dans son esprit, perçait ses yeux pleins de haine, provocants et étonnamment secs. Il ne pleurait pas, il ne ressentait rien. S’il mourrait, ce n’était pas grave. Au moins, l’enfer le digérerait tout entier, au moins, il passerait l’arme à gauche sans ployer devant le monstre.

Quand on survivait de cette façon, on apprenait à réduire ses besoins, à fermer ses pensées, à exister comme un animal en cage. Il s’étonnait de respirer l’air libre et sans chaînes. A la fin, il semblait que cette situation ne s’arrêterait jamais. Un jour, ses dernières ressources l’abandonneraient, il oublierait de se réveiller, et le noir l’engloutirait pour l’éternité. L’au-delà, la paix dans la mort, c’était de belles conneries. Il partirait seul et brisé, le visage pâle, et déformé d’un martyr privé de gloire. Au bout, personne à retrouver, sauf, peut-être la silhouette incertaine d’un jeune homme à demi effacé. L’obscurité, le froid humide et permanent des cachots s’emplissaient de temps à autre de sa timide présence. Sortie de son imagination délirante, coincée entre le morbide et la flamme révolutionnaire, elle était pourtant réconfortante. Alors il opposait à sa résignation têtue une idée ténue, murmurée du bout des lèvres par la vie tenace qui l’attachait à la terre battue de sa cellule. Ce serait dommage de mourir sans le revoir. N’avait-il pas décidé de le retrouver avant le nouvel an ? Oui, c’était la condition pour affronter le deuxième semestre. Mais, à cause d’Apollon, il avait lancé une opération suicide beaucoup trop tôt en s’offrant au bal de l’école une danse avec la faucheuse. Les images de la soirée étaient embrouillées, mélangées. Il se souvenait de pensées qui ne se reliaient à rien, et, les derniers instants s’achevaient sur un black out total. Heureusement, Carrow était là pour tout nommer. Il ne regrettait pas ses déboires, parce que, même sous l’emprise de l’alcool, il les comprenait. Seul le – ou les ? – baiser(s) avec le gyffondor le dérangeait un peu. Il lui trouvait une tête d’abruti fini depuis sa première année. La peine, il devait l’assumer et l’endurer. Ses parents savaient qu’il ne rentrerait pas pour les vacances. Comme à son habitude il n’avait pas donné d’explications précises. Cette année, il restait à l’école. Point. Il n’avait pas le courage d’affronter leurs regards, leurs questions. Il ne les inquiéterait pas plus que nécessaire, il préférait se traîner chez James, même s’il risquait de se faire refouler et renvoyer chez lui. En général, on ne sonnait pas à la porte d’une connaissance qu’on avait perdu de vue plusieurs mois couvert de sang et d’ecchymoses. Il le savait très bien. Mais vers qui se tourner ? Qui ? Il avait choisi de lui faire confiance. C’était une autre époque, un autre monde. Où était-il ce temps d’oubli ?

Ses cheveux noirs dégoulinaient devant ses yeux rougis et cernés. Il n’essaya pas de les repousser. Ils cachaient en partie ses contusions, c’était ça de gagné pendant que son écharpe de Serpentard masquait la plaie profonde et écœurante de sa mâchoire, ouverte jusqu’à l’os. Dire qu’il allait prendre le métro avec cette allure de pauvre victime. Les gens se détourneraient, aussi mal à l’aise que lui. Il y aurait des murmures choqués, et tous seront soulagés de son départ. Personne ne viendrait lui demander ce qui lui était arrivé. Il ne répondrait pas et les gens le savaient. Un miracle de volonté l’éloigna de la rue. Chaque pas étirait son cœur. Il descendit les escaliers du métro en se demandant comment il allait les remonter. Son corps était celui d’un pantin démonté, décharné, côte cassée, hanche sévèrement endommagé. S’il tombait, il ferait peut-être un bruit de verre brisé. Même sa valise pesait plus lourd que lui. A l’intérieur, une blessure plus grave que les autres, tranquilles tant qu’il était allongée, allait peut-être le tuer. Il y pensait vaguement. Ça ne l’alarmait pas. Que pourrait-il y faire ? Il ne demanderait pas d’aide. Les moldus autour étaient incapables de comprendre ce qui lui arrivait. Toute cette population qui menait son petit chemin de vie à l’abri des soucis l’exaspérait. Et c’était pour cette fourmilière misérable et puante qui grouillait sous les trottoirs, entre deux tunnels de métro qu’il supportait tout ça ? Y avait-il un combat qui méritât vraiment le sacrifice ? La foule du wagon bondé détourna la tête au lieu de lui laisser un siège. Mais s’il s’asseyait, il n’était pas sûr de se relever. Morose, il regardait les arrêts défiler. La tête lui tournait, la touffeur ambiante l’oppressait. Au cœur de la ville, il trouverait son salut, près de Regent’s Park, à Westminster. Il aurait pu effectuer le parcours les yeux fermés. Combien de fois l’avait-il fait pourtant ? Trois. Sa solitude à Poudlard, et les larmes contenues en retenue l’avaient souvent ramené sur le trajet.

A la sortie du métro, tourner à droite. Il marchait plus vite tout à coup. Le vieil immeuble était deux rues plus loin. Son cœur souffrait et accélérer. Ce serait drôle de le revoir après tout ce temps, et, surtout, de paraître dans cet état. A travers les vitres des magasins il voyait bien qu’il n’était plus que l’ombre de lui-même. Il ne ressemblait à rien. Cette pensée lui donnait presque envie de pleurer. Il avait la nausée. Sur le seuil du bâtiment, il caressa le nom du jeune homme du bout du doigt avant de sonner. L’attendait-il encore ? Et si son mec était là ? Il risquait d’être très encombrant. L’idée était stupide finalement. Il jugeait déjà plus sa sage de repartir il ne savait où lorsque la porte poussa un grésillement strident. Il l’ouvrit, emprunta l’ascenseur grillagé qui l’éleva jusqu’au dernier étage. Le plancher gémissait sous son pas hésitant. Il se dirigea vers la bonne porte et frappa… deux fois. Une. Deux. Un temps de repos au milieu. Les cheveux lui barraient toujours le visage lorsque James tira la poignée. Il posa sur lui un regard vide.


- Salut… Je peux rester chez toi quelques jours ?
demanda-t-il d’une voix terne, faible et cassée par les cris, le mutisme et l’humidité.

Pas d’entrée en matière, rien. Un garçon insolent, en pleine forme, aurait pu demander la même chose. Sans doute la volonté stupide de se montrer encore fort. C’était tellement pathétique qu’il préférait des retrouvailles tristement ironiques. Ses yeux ne suppliaient même pas. Ils hésitaient entre la dureté d’airain et le vide abyssal. Au final, l’apparition du jeune homme le troublait peu. Il était ailleurs, là où les émotions ne vous atteignaient plus.


Dernière édition par Isaac Deniel le Mer 22 Sep - 15:44:59, édité 2 fois
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyDim 27 Déc - 11:18:14

Une odeur de brûlé flottait dans l'appartement depuis plusieurs heures, sans que James semble y prendre garde. Dans le salon, au fond d'un chaudron abandonné, une potion ratée achevait de caraméliser, dans de délicats relents de pneu fondu. Le maître des lieux se tenait dans la cuisine, d'assez mauvaise humeur, et dans une tenue peu affriolante : une chemise peu ragoûtante ouverte sur son torse nu, pieds nus, un vieux jean constellé de taches, pas rasé, pas coiffé, une cannette de bière à la main. Le ménage n'avait visiblement pas été fait depuis plusieurs jours : de la vaisselle sale s'empilait dans l'évier, des emballages vides jonchaient le sol, dont un nombre appréciable de bouteilles de toutes tailles. Sur la table, le cendrier débordait de mégots, et une cigarette oubliée achevait de se consumer sur le rebord. James tenait ce rythme effréné depuis Noël – depuis, plus précisément, qu'il était rentré de la sinistre fête de Noël donnée au manoir familial. Il aurait préféré, comme d'habitude, s'y ennuyer à périr ; mais cette année, père et grand-père avaient jugé bon de disserter sur les devoirs à l'égard de la famille, sur l'honneur du clan, sur l'obéissance filiale... Une entrée en matière qui n'avait pas manqué de déboucher sur une conversation déprimante : James était prié de s'intéresser de près à une jeune fille d'excellente famille, avec laquelle Peter et Thomas souhaitaient s'allier. Bon, la demoiselle, de nationalité hongroise, ne causait pas un traître mot d'anglais, mais a-t-on besoin de se parler pour s'épouser ? Il suffisait de dire oui, peu importe que ce soit en anglais, en magyar ou en cambodgien...

-Mais... Pourquoi moi ? s'était étonné l'heureux élu. Pourquoi pas George, ou Edward ?

Patiemment, comme s'il avait été un enfant attardé, on lui avait expliqué qu'on réservait ses aînés pour des alliances de plus de prestige ; en somme, qu'on lui refilait le lot de consolation. Et quelle consolation ! Une Hongroise avec laquelle il ne pourrait pas tenir une conversation, mais dont le père appartenait à la haute société de son pays, et était un expert reconnu dans le monde clos de la magie noire. Lord Kirkby avait assuré qu'elle était « très jolie », mais cette déclaration ne rassurait pas James qui savait pertinemment que son grand-père, si ses intérêts l'exigeaient, pourrait tout aussi bien le marier à une chèvre... À compter de ce moment, le benjamin de la famille avait cessé de toucher aux plats, et s'était uniquement consacré à boire, ce qui lui avait valu quelques réflexions bien senties sur son comportement indigne. À la fin de cette charmante petite séance, il avait regagné son logis, malgré les protestations maternelles (« James, tu es ivre, tu ne peux pas transplaner dans cet état ! ») et s'y était enfermé pour ruminer à son aise. Il avait essayé de préparer une potion figurant dans le livre qu'on lui avait offert, mais faute de racines de gentiane, il avait mis des racines de marguerite, d'où le ratage qui empestait l'atmosphère ; sans se donner la peine de nettoyer, le jeune homme avait simplement déserté le salon pour se replier dans la cuisine. Bientôt, il devrait quitter la cuisine dont le sol encombré de détritus en tout genre commençait à être passablement dangereux. Pas plus tard que le matin même, il avait marché pieds nus sur une capsule de bière, mais l'incident ne l'avait pas incité à faire le ménage ; il s'était contenté de flanquer un grand coup de pied dans le tas de bouteilles qu'il avait répandu aux quatre coins de la pièce.

Une vague nausée, après quelques jours de ce régime à base d'alcool et de tabac, lui tortillait l'estomac, et il se décida à faire quelque chose à quoi il avait refusé de s'abaisser depuis son retour : boire de l'eau. Il dut retourner les placards pour trouver un verre propre, et grimaça en avalant une gorgée du liquide glacé. Eurk... Un peu d'eau coula de sa bouche sur sa poitrine, et il frissonna. Le contact froid l'avait un peu réveillé, et il se rendait compte qu'il vivait dans une véritable porcherie. Il faudrait nettoyer tout ça...

Découragé par avance, le jeune homme se traîna jusqu'au canapé du salon, et appela, à voix haute, l'elfe du manoir familial. Il avait parfois recours à ses services, lorsque l'ampleur de la tâche l'effarait ; la petite créature se montrait ravie de devoir remettre en ordre le joyeux bordel de « monsieur », alors il serait inhumain de la priver de ce plaisir... Une heure plus tard, l'appartement resplendissait, à la différence de son occupant qui n'avait pas quitté son canapé. Il avait suivi d'un oeil torve les évolutions de l'elfe, et l'avait congédié en lui offrant une tablette de chocolat pour le remercier ; regarder travailler l'elfe l'avait épuisé, et la perspective de prendre une douche lui semblait insurmontable. Il restait donc affalé sur son canapé, le regard vide, essayant de ne penser à rien.

Le tintement métallique de la sonnette le réveilla – tiens, il s'était assoupi – et il se leva lentement en se demandant qui, parmi ses connaissances, pourrait avoir l'idée de sonner... Sans se presser, il alla ouvrir, en marmonnant quelques imprécations à l'encontre de l'abruti qui osait le déranger, sans doute un voisin en rupture de sel ou de farine...


-I... Isaac ?

Il fallait de bons yeux pour reconnaître Isaac dans ce garçon contusionné, sanglant, famélique... Son visage présentait toutes les nuances des hématomes – bleu, vert, jaune, violet, rougeâtre, presque un arc-en-ciel. Qu'avait-il fait pour être dans cet état ? Il s'était jeté sous le Poudlard Express ? Il avait essayé d'embrasser un dragon ? Le jeune homme n'imaginait pas quel genre d'ambiance régnait à Poudlard, et il était bien loin de se douter que ces marques résultaient de pratiques pédagogiques nouvelles...

-Viens, entre, murmura James, brutalement dessaoulé, en s'avançant sur le palier pour prendre la valise.

Il tracta la malle jusque dans l'entrée, et guida doucement le Serpentard jusque dans le salon, sur ce même canapé qu'il venait de quitter. Voir Isaac dans cet état lui retournait l'estomac, et il eut besoin de quelques instants pour arriver à parler :


-Isaac... Qu'est-ce que... qu'est-ce qui t'est arrivé ?
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  • Isaac Deniel
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    Isaac Deniel
MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyJeu 31 Déc - 19:49:36

Il était arrivé, le corps en miettes, sur ses deux pieds. Ses os exécutaient un bel exercice d’équilibriste. Il tanguait, s’appuyait sur la hanche droite, boitait, se courbait, mais ne tombait pas. S’il renonçait, faiblissait un seul instant, c’était le trou noir assuré, la chute fatale, le crâne ouvert sur le pavé, la nuque renversée dans les escaliers. La mort n’était jamais loin. Elle rôdait autour de ses pas, suggérait l’accident idiot. On n’avait pas idée de s’obstiner autant. La nature n’aimait pas les survivants. Des obstacles et des prédateurs arrivaient toujours à temps pour abréger leurs souffrances. Les hommes avaient créé l’hôpital, installation rassurante qui tenait les êtres au bout du chemin à l’abri des regards. Réparés, raccommodés, ils revenaient en civière ou en cercueil dans les familles, beaux ou laids, comme avant. Il fallait donner l’illusion que rien, malgré les malheurs, n’altérait la vie. Son obstination rompait la logique. Il n’avait pas le visage du visiteur surprise. A ce stade, il pouvait tourner un film d’horreur en postulant pour le rôle du zombie de retour à son domicile. Hélas, James jouait très mal l’abruti non pas surpris par l’aspect étrange de son cher compagnon mais par son arrivée inattendue au beau milieu de la série sentimentale de l’après-midi. La question exacte était « Mais qu’est-ce que tu fais là ? », puis, seulement, le masque de stupeur, les cris d’un côté et les succions de l’autre. Le truc, c’était que malgré le caractère totalement improbable de la scène, ils affrontaient tous les deux la réalité. Isaac luttait contre l’évanouissement. Son organisme s’affaiblissait à vue d’œil, et ce n’était certainement pas le fait d’une présence démoniaque ou d’une bactérie mutante. James, stupéfait, s’empressa de le faire entrer et le dirigea, comme un infirme aveugle, sur un canapé. Difficile d’ignorer son visage gonflé, tuméfié, éraflé, et maculé de sang séché. Ah l’odeur du sang, âpre et métallique. A moins de se faire vampire il se demandait s’il pourrait la sentir un jour sans avoir le cœur au bord des lèvres. Une vraie gonzesse, diraient les monuments de testostérone qui ne supporteraient pas la moitié de ce qu’il avait vécu. Le plus drôle de l’histoire était que ce n’était pas terminé.

James, lui aussi, faisait pâle figure. Où était passé le garçon toujours très bien soigné de l’été dernier ? A travers le voile de sa vision, Isaac lui avait trouvé une mauvaise mine, un visage mal rasé et une tenue de chômeur alcoolique. Effet dépression ou révisions ? Il n’avait pas la tête à s’inquiéter pour lui, mais la désagréable impression de déranger, d’être un poids pour son hôte le tenaillait. Il détestait son état. On aurait dit un vieillard, il ne lui manquait plus qu’un déambulateur. Ça lui donnait envie, soudain, de tout fracasser. Pourquoi ne pouvait-il pas se redresser, fier et droit, plaisanter, reprendre ses allures d’adolescent effronté au lieu de vaciller comme un ancien combattant effondré ? La douleur éclatait dans son crâne. Il résistait, soutenait le regard de James, impavide sous son teint de plus en plus blanc. Il était fort. Il n’avait pas parcouru toute la capitale pour tomber ici, alors que l’asile s’ouvrait, que le jeune homme était prêt à le recevoir sans lui poser de question, parce qu’il allait mal, parce qu’il avait besoin d’aide. Mais non ! Il tenait debout, les os brisés, c’était rien, ça se soignait. S’assoir, lentement, réveillait les plaies tout juste refermées, pressait les ecchymoses, déplaçait les os cassés. Il avait pincé ses lèvres, gonflées à force d’être déchirées par ses dents lorsqu’il refusait d’hurler. Des larmes perlaient au coin de ses yeux vitreux. Un simple malaise passager, il avait l’habitude. James l’observait, silencieux. Quoi, le spectacle ne lui plaisait pas ? La douleur devenait si vive qu’elle se muait en révolte, une crise, un délire post-mortem, quand la victime, sentant son heure venir, se rebelle une dernière fois contre cette puissance qui s’obstine à le quitter. C’est la honte qui le submerge. Une vérité cruelle le frappait, il n’était rien de plus qu’un homme.

Ce qui lui était arrivé ? Pleins de choses sur lesquelles il préférait ne pas revenir. Avec les mots, l’héroïsme passe vite pour ridicule. Et, surtout, les paroles se bloquaient au fond de sa gorge. C’était comme si on le maintenait dans une bulle à part, qu’il n’y avait plus rien à dire, rien à changer, rien à faire. James n’avait-il pas une petite idée de tout ce qui se passait dans le monde sorcier en ce moment ? Il réagissait comme tout le monde sans doute. Au fond, il connaissait la réponse mais refusait de la voir. C’était facile quand on avait une longue lignée magique à présenter, on pouvait se la couler douce l’âme en paix pendant que meurtres et disparitions inexpliquées se multipliaient. Bougon, plus fermé que jamais, Isaac baissa les yeux. Son attention fut retenue par une canette de bière coincée entre deux coussins. C’était stupide, mais il fallait qu’il fasse quelque chose, n’importe quoi, afin d’oublier son état, d’en minimiser la gravité. En voilà un remontant intelligent ! Plutôt crever que réclamer une aspirine. Têtu comme il l’était, il attrapa la canette de sa main valide, l’ouvrit avec le pouce et bu une gorge sans vraiment savoir à quoi s’attendre. Il s’était habitué à la bieraubeurre et aux cocktails sucrés. L’amertume de la boisson lui arracha une grimace écœurée.


- C’est dégueulasse !
pesta-t-il alors qu’une main le dépossédait de la canette.

Il se renfrogna, essaya de faire passer sa respiration plus forte pour un soupir exaspéré et de réprimer les spasmes qui l’agitaient. Une tension atroce comprimait tous ses membres, surtout ses pieds. Il distinguait à peine James derrière la brume pigmentée d’éclats lumineux.


- C’est bon, me regarde pas comme ça. Je vais bien je…
- Sa voix était de plus en plus faible. - Tu te souviens que je suis un né moldu non ? C’est bête hein ?

La sueur perlait sur sa peau, un sourire étrange étira ses lèvres mais ses yeux, eux, se retournaient. On n’épuisait pas à l’infini les ressources qu’on avait plus. Et le corps, épuisé par le voyage, la semaine de torture, les nuits de sommeil en retard, avait décidé de se relâcher maintenant qu’il était en sécurité, quoiqu’en dise la volonté butée de celui qui le hantait. Il s’évanouissait encore, écran noir, néant brutal. Ça devait ressembler à ça mourir. On croyait lutter, et quand le grand moment arrivait, on n’y était finalement même pas préparé.


Dernière édition par Isaac Deniel le Dim 3 Jan - 23:21:49, édité 1 fois
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyVen 1 Jan - 18:24:58

Lentement, avec d'infinies précautions de grand blessé, Isaac avait pris place sur le canapé, tandis que le regard anxieux de James épiait le moindre de ses gestes. L'air de rien, le jeune homme tâchait d'évaluer l'étendue des blessures, tout en évitant si possible d'être remarqué par l'adolescent : Isaac s'efforçait de donner le change, et sa fierté en prendrait un coup si on le ménageait trop ostensiblement... Il faudrait donc, pour bien faire, lui parler normalement, et même plaisanter, mais James s'en sentait incapable, même par égard pour l'amour-propre du garçon. De toute façon, il ne parvenait pas à dire un mot ; les phrases dérisoires restaient bloquées, et les questions se présentaient à son esprit, toutes plus stupides les unes que les autres. Qui t'a fait ça ? Pourquoi ? Quand ? Tes parents sont au courant ? À quoi bon poser ces questions ? Les réponses s'imposaient d'elles-mêmes ; si ses parents étaient au courant, il serait chez eux, et ne se serait pas traîné avec sa valise jusque chez un presque inconnu, sans savoir comment il serait accueilli. Quant à savoir qui lui avait fait ça... Depuis quelques semaines, des rumeurs, d'insistantes et dérangeantes rumeurs étaient parvenues jusqu'aux oreilles de James ; à Poudlard, on torturait à tour de bras tout ce qui ne ployait pas assez vite ou assez bas... Le jeune homme n'avait d'abord guère prêté d'attention à ces racontars, mais les histoires se succédaient, de plus en plus précises et atroces... Elles venaient à point nommé pour alimenter le dégoût croissant que le jeune Mangemort éprouvait pour lui-même et ses semblables, et il avait tâché de les oublier pour ne pas avoir trop honte. Courant décembre, une lettre d'Isaac était arrivée, et il était devenu vraiment impossible d'ignorer ces rumeurs. Tant qu'il ne connaissait personne, à Poudlard, susceptible de se retrouver en première ligne, l'oubli était facile et confortable. Mais le garçon s'était opportunément rappelé à son souvenir pour l'empêcher de se voiler la face.

Horrifié, James contemplait le visage meurtri de son hôte, écoeuré par ce qu'il voyait. Il avait déjà infligé des tortures, mais à des sous-hommes, à des parasites... C'était du moins ce qu'on lui avait rabâché, et ce qu'il s'était plu à croire ; il ne pouvait pas être coupable, puisqu'il faisait souffrir des êtres nuisibles, pas des humains... L'apparition d'Isaac remettait en cause tout ce catéchisme. L'adolescent était l'un de ces inférieurs, il charriait ce sang corrompu cause de tous les malheurs des sorciers, mais son visage tuméfié était comme un reproche perpétuel... Ce visage sur lequel s'étaient posés les baisers de l'étudiant, désormais déformé par la douleur, exerçait une fascination douloureuse sur le Mangemort. Regarde ce que tu as fait.

Il y eut un bref moment de pénible silence, puis Isaac eut l'heureuse idée de s'emparer d'une des canettes de bière que James avait disséminées dans l'appartement, chacune pourvue d'un sortilège Rafraîchissant. Ce geste eut le don de faire sortir l'étudiant de sa léthargie ; il se précipita immédiatement sur Isaac et, du geste ferme d'une mère attentive, lui ôta la canette des mains. Qu'avait-il besoin de boire dans son état ? Bien sûr, tout allait bien, comme il le prétendait de sa voix mourante... Tout allait si bien qu'il tournait de l'oeil ! Paniqué, James lâcha un cri étouffé, et se rapprocha du canapé avec l'idée d'y allonger le garçon. Au premier contact avec le bas de son corps, il se rendit compte que le moindre déplacement serait imprudent, car les os avaient pas mal souffert, et il préféra ne pas courir le risque d'aggraver les blessures d'Isaac. Il se contenta d'ouvrir le blouson du garçon pour lui permettre de respirer plus à son aise, et, après s'être assuré qu'il ne risquait pas de tomber, alla ouvrir l'un des placards de la cuisine. Sa réserve de potions occupait plusieurs étagères, mais il savait précisément où trouver ce mélange ; la potion anti-douleur était celle qu'il utilisait le plus souvent, et il en avait toujours une bonne quantité. Au passage, il prit un verre et une bouteille de jus de fruits, et rejoignit Isaac. Le garçon n'était pas revenu à lui, et James dut l'appeler doucement, ses doigts fouillant dans ses cheveux, pour lui faire rouvrir les yeux. Il n'avait pas osé lui tapoter les joues, ou serrer sa main, de peur de réveiller une douleur : apparemment, aucune partie de son corps n'avait été épargnée.


-Tiens, tu vas boire ça, annonça-t-il en tendant à Isaac le petit flacon. C'est une potion anti-douleur, ça va te faire du bien assez vite... L'idéal serait de vider la fiole d'un seul coup. Je préfère te prévenir, ce n'est pas franchement bon, tu n'auras qu'à boire ça ensuite.

Il versa un verre de jus de fruits qu'il garda en main, prêt à le passer à son patient lorsqu'il aurait avalé la potion. Un sourire amer aux lèvres, il commenta :

-Tu vas voir, c'est une potion assez puissante... D'ici quelques minutes, tu n'auras plus mal nulle part, je pense que c'est une sensation que tu as à peu près oubliée... C'est pas mal, tu verras. À ce moment, on pourra voir si je peux te soigner un peu...

Cette dernière partie du programme l'inquiétait un peu. Soigner des plaies sans gravité était tout à fait de son ressort, mais ressouder des os, c'était déjà plus compliqué. Si l'on ne s'y prenait pas bien, le remède pouvait être pire que le mal... On risquait tout bonnement de ne créer que de l'os, pas de cartilage ou de nerf, et James ne voulait pas prendre de risque de ce genre. Déjà, si Isaac pouvait avoir moins mal, ce serait une bonne chose... Tandis que le garçon prenait sa potion, l'étudiant demanda à mi-voix :

-Tu veux manger quelque chose, au fait ? Il me semble que ça te ferait du bien... T'as pas beaucoup engraissé depuis cet été...

Doux euphémisme, l'adolescent était famélique. Il avait grandi, mais cela n'expliquait pas tout ; ses joues s'étaient creusées, et sa maigreur avait quelque chose d'un peu inquiétant. Cela ne lui allait pas mal, ses pommettes saillantes lui donnaient un petit quelque chose de séduisant, mais quelques kilos en plus ne lui feraient tout de même pas de mal...
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyLun 4 Jan - 22:58:31

Quand l’esprit s’engourdissait des mains épaisses et rugueuses le rattrapaient. Elles s’abattaient comme deux serres voraces sur sa tête, tiraient ses cheveux, secouaient, arrachaient, jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux. Debout ! C’est l’heure. Debout ! Nous n’avons pas encore terminé. Il restait sur le sol, incapable de bouger, les lèvres violacées, un sang noir aux commissures. Souvent, les veines du nez explosaient, tendues et épuisées. Des cercles vermeils s’étalaient sous ses yeux. Ils coloraient ses joues creuses lorsqu’un endoloris achevait de le réveiller. Le sortilège investissait ses cauchemars. Il l’entendait au fond de son sommeil. Un cri cinglant le propulsait sur le sol poussiéreux de sa geôle. Il serrait sa mâchoire par avance mais découvrait, le corps tremblant, que personne ne triomphait devant lui. Les torches brûlaient la nuit, le jour, Carrow n’était pas là, il avait chaud, ses dents claquaient, il savait qu’il ne se rendormirait pas. L’idée d’un maléfice de torture, sorti du néant, était trop effrayante. Vaporeux, il attendait qu’on animât son univers figé. Combien de temps avait-il perdu conscience ? ça n’avait aucune importance. Ses absences allaient de quelques minutes à vingt heures, mais il ne sentait pas de différence. Il ne récupérait jamais. Au lieu d’oublier, il délirait. Les pensées confuses le ramenaient systématiquement à ce qu’il vivait. Les coups de ses fantasmes étaient encore plus durs. Il versait en songe les larmes qu’il refoulait dans la réalité. Et, lorsque les paupières piquantes se soulevaient, l’horreur se poursuivait. C’était une boucle logique qui n’autorisait pas le repos. Combien de temps un homme pouvait-il tenir dans ces conditions ? Qui de l’être ou du corps lâcherait la barque le premier ? Il avait craint le prolongement arbitraire de sa peine à la fin de la semaine. Ses yeux défiaient son bourreau de le retenir toutes les vacances mais son esprit, brisé, à bout, implorait la trêve. Alecto Carrow n’en pouvait plus de lui. Maudissant son attitude revêche à l’excès elle lui avait préféré quelques jours de congés. Il était libre.
C’était une vérité difficile à assimiler. Une main se glissait à nouveau dans ses cheveux. Sa faiblesse venait de lui faire perdre connaissance. L’endoloris le punirait. Il se préparait, crispé, désespéré, à recevoir une douleur trop bien connue, à déchirer les cordes vocales qu’il n’avait plus, les nerfs crispés, la respiration bloquée. Rien.
Les doigts n’en finissaient plus de le caresser. C’était agréable. Il ne comprenait pas. La douceur n’existait plus. Ce n’était pas normal, il aurait dû avoir mal.

A travers ses cils, il distinguait une silhouette nouvelle, celle d’un jeune homme. Celle de James. Il était libre. Les Carrow ne viendraient pas le chercher ici. Pour la première fois depuis la rentrée il s’effondrait en terrain ami. A la place d’une baguette pointée entre ses yeux, là où le choc était le plus douloureux, un petit flacon se dédoublait au bord de ses lèvres. Une voix lointaine lui ordonnait de le boire. Il tourna instinctivement la tête. L’image de son bourreau revenait à la charge. Elle aimait employer des formules impératives pour qu’il enclenche lui-même les pièges de ses créations stupides. Comme le menacer du pire n’avait aucun effet sur lui, la cruelle jurait de lui envoyer la punition s’il refusait d’obtempérer. C’était équitable. Il préférait se mutiler tout seul. Ses doigts avaient perdu leur peau de cette façon. Un à un, il les avait fait passer dans cette machine coupante, le regard rivé sur le monstre, noir de haine et de rage. Il fallait se concentrer sur sa colère. Ce qu’il subissait était anodin. Non. Non, il n’avait pas mal, le sang ne giclait pas sur son visage, sa chair ne partait pas en lambeaux. Pourtant, la voix lui parlait d’une potion anti-douleur. Etait-il possible d’interrompre la chute ? Il restait prisonnier du cachot, la mine striée derrière les barreaux. L’acier rouillé des chaînes pressait encore ses poignets. Deux mondes l’étiraient mais celui qui était devenu le sien l’appelait férocement sous la terre, au pays des rampants, dans la dernière demeure des agonisants. Mais il s’éveillait ailleurs. Les coussins remplaçaient la poussière humide, James vantait les mérites de sa potion d’un ton bienveillant. Ses yeux devenaient brûlants. Sa vue, stabilisée, était devenue trouble. La gorge nouée, il prit le flacon et le vida doucement. Finalement, il préférait de loin la bière. Ce breuvage était infect, acide, presque corrosif. Une toux écœurée s’empara de lui et il accepta le jus de fruit sans se faire prier. Une gorgée seulement. Il ne supportait plus rien d’autre que l’eau. Ça n’avait pas d’odeur l’eau.

Et James osait lui demander s’il fait faim, alors qu’il lui suffisait de penser à un plat pour que l’envie disparaisse. Il maigrissait à vue d’œil et il semblait qu’il ne pouvait rien contre cette terrible fatalité. Le dégoût de la nourriture l’emportait sur la volonté de rester beau, en bonne santé, comme avant. Un passé étrange l’enveloppait sous la chaleur apaisante de l’été. James était là, sa peau était de soie. Il se souvenait d’un corps qui n’avait pas encore connu les affres de la persécution. Le soleil le bordait d’or. Mais, au creux de l’ombre, les courbes délicates avaient fondu. L’adolescent de juillet dépérissait comme une fleur laissée aux ténèbres. Isaac fixait résolument le liquide orangé de son verre. S’il levait les yeux, il ne pourrait plus retenir ses larmes. Elles traçaient déjà des sillons le long de ses joues. L’attention de James lui serrait le cœur. Il en avait rêvé sans y croire et, à présent, elle l’égarait, détruisait, impitoyable, les remparts qui se dressaient entre le reste du monde et lui. Tout s’écroulait. Le jeune homme était près de lui. Il ne posait pas de question, s’inquiétait juste de son état, et de la façon dont il allait le soigner. Un poids de plus en plus lourd l’étranglait. Il secoua négativement la tête. Non, il ne mangerait pas.

- J’ai changé hein ? On dirait même pas que c’est moi… J’sais même plus très bien… En été, j’étais peut-être beau… Mais en fait, je suis horrible… Et je sais pas pourquoi je… je…


Sa voix se brisa. Il ne savait même pas ce qu’il voulait dire. Comment exprimer le mal contenu depuis des mois ? Les plus longs silences duraient à jamais. On ne disait jamais les mots qu’on gardait. Ils étaient en nous, scellés, et des cicatrices se formaient autour des infections qu’ils créaient. Alors une gangrène s’étendait. Elle tuait les sensations, les sentiments, lissait les entrailles, leur donnait la froideur du marbre. Jusqu’au jour où tout explosait. C’était la seule solution quand les paroles avaient manquées à l’heure de la plaie. Isaac suffoquait. La potion opérait et il ne l’avait même pas noté. Il posa le verre par terre, avant de le renverser. Sa fierté ne maîtrisait plus rien cette fois. Un rideau de pluie tombait devant ses prunelles. Il suffoquait. C’était lamentable et pourtant, il s’entendit éclater en sanglot. Son bras valide ramena un cousin contre son visage, pour le cacher, ou pour se raccrocher à quelque chose. Il n’osait pas se tourner vers James. Les larmes ne voulaient plus s’arrêter. Il semblait que rien ne pourrait les interrompre. C’était idiot, ça rehaussait son désespoir. A quoi ressemblait-il ? A quelle sinistre comédie participait-il ?
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMer 6 Jan - 13:06:06

Isaac arrivait à point nommé pour permettre à James d'essayer son cadeau de Noël : un gros livre de potions, avec un bel assortiment d'ingrédients. Ses parents n'avaient jamais été très fantaisistes pour les cadeaux, et toute la famille avait d'ailleurs ouvert un museau de carpe suffocante en voyant la superbe cravate rose vif que le benjamin avait offerte à Edward. Il n'avait pas eu le loisir d'expliquer que le rose était une couleur très tendance pour les hommes : son grand-père l'avait pris à part pour l'informer qu'il avait lui-même choisi les ingrédients pour potions, et que le livre contenait pas mal de recettes de potions de soin, parce que « ça pourra toujours te servir »... Clin d'oeil pseudo-complice du vieil homme tout fier que son petit-fils porte la Marque des Ténèbres, tape virile dans le dos, et on n'en parle plus.

Le premier essai de ces fameuses potions s'était terminé par un fiasco, principalement en raison de l'état d'ébriété avancée du jeune homme au moment de la préparation. Mais là, il se sentait parfaitement lucide, apte à confectionner le mélange le plus difficile, pourvu qu'il puisse soigner Isaac. L'adolescent avait bu la potion anti-douleur, c'était déjà un premier pas ; il avait eu l'air dégoûté à la seule mention de la nourriture, et l'étudiant murmura :


-C'est pas grave, si tu n'as pas faim. On verra plus tard. De toute façon, je ne suis pas sûr que ma cuisine soit vraiment la meilleure chose à t'infliger...

Lamentable tentative pour faire de l'humour, pour voir si ces lèvres meurtries pouvaient encore s'étirer en un sourire. Tout, plutôt que de parler directement de l'état du garçon. James osait à peine le regarder ; chaque plaie, chaque bleu sonnait comme le rappel impitoyable de ce qu'il était lui-même. Ce sont tes compagnons qui ont fait ça. À leur place, tu en aurais fait autant, simplement pour ne pas broncher sous les ordres et risquer un châtiment... Tu n'es pas mauvais, tu es lâche, et c'est loin d'être mieux. Les mots d'Isaac venaient tomber sur cette certitude avec une violence insoupçonnée, creusant encore l'abîme dans lequel s'enfonçait le Mangemort... S'il savait à qui il parlait, s'il savait à quel salaud il faisait confiance... James se sentit pris d'une détresse indicible lorsque le garçon éclata en sanglots, comme s'il avait directement causé sa souffrance ; il resta un instant les bras ballants, incapable de penser à une réaction appropriée, avant de se décider : mieux valait réagir maladroitement que rester à ne rien faire. Contournant le canapé (en marchant au passage dans le jus de fruits répandu), il vint s'asseoir à côté d'Isaac, et passa son bras autour de son cou. Sans appuyer, sans serrer, de peur de raviver quelque blessure ; il voulait juste lui montrer qu'il était là, le réchauffer, le réconforter s'il en était capable. D'un geste lent, il amena le visage du Serpentard sur sa poitrine, dans le creux de l'aisselle, près du coeur, pour offrir au chagrin du garçon un coussin tiède ; ses doigts lissant doucement les cheveux noirs d'Isaac, il murmura sur un ton apaisant :

-Faut pas pleurer, Isaac... faut pas pleurer... sinon je vais pleurer aussi et j'aurai l'air d'un con. T'es en sécurité ici, je vais m'occuper de toi, ça va aller...

Il poursuivit ses caresses quelques instants, sachant pertinemment qu'au bout de quelques minutes, la potion anti-douleur aurait un effet sédatif qui viendrait à bout de ce torrent de larmes plus efficacement que ses minables paroles. Alors il pourrait se lever, aller chercher son bouquin et commencer à préparer les mélanges qu'il ne possédait pas encore. De quoi faire repousser la peau à vif des doigts, par exemple, et de quoi réparer la hanche broyée. Des questions lui brûlaient les lèvres, mais, outre le fait qu'il aurait été indélicat de les poser à cet instant, il n'était pas certain de vouloir connaître les réponses. Qui exactement t'a fait ça ? Si c'était Rogue, ou l'un des Carrow, autant abandonner tout de suite l'idée de venger le garçon. Un Mangemort loyal ne pouvait pas en attaquer un autre – ce serait trahir que de prendre le parti d'Isaac contre eux, si déjà le fait de l'accueillir n'était pas une félonie... Et en plus, ceux-là étaient particulièrement redoutables en combat, et James doutait fort d'avoir la moindre chance. Pourquoi t'ont-ils mis dans cet état ? Simplement parce que tu es né moldu ? Et lui, qu'aurait-il fait si on lui avait ordonné de massacrer du Sang-de-Bourbe ? Mal à l'aise, il répéta :

-Ça va aller, Isaac, ça va aller...

Sous les mèches, ses doigts venaient de rencontrer une longue entaille dans le cuir chevelu, et il déplaça ses caresses vers l'arrière de l'oreille, à un endroit sans bleu et sans estafilade, en guettant le moment où les sanglots cesseraient enfin.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMar 26 Jan - 19:04:18

Les chutes les plus violentes de larmes suivaient parfois des procédés étranges. Au bord du gouffre, le corps en miettes, le jour aveugle, on invoquait le constat le plus évident, celui que les cœurs impitoyables assenaient en premier. Regarde-toi, tu es laid, le monde entier te fuirait s’il le pouvait. L’apparence tuméfiée renvoyait au désastre intérieur. Il n’était plus beau, il n’était plus rien, juste une pauvre victime effondrée dans le canapé d’un jeune homme qui ne lui devait absolument rien. Que faisait-il là ? La lumière agressait ses paupières. Il voulait s’enfoncer dans le noir, goûter au néant le plus total, le corps nié, les lamentations étouffées par l’obscurité. C’était terrible, cette impression de ne plus trouver de fin à la détresse. Il était lamentable, il souffrait davantage et quelque chose en lui refusait d’arrêter les cris brisés, les syllabes balbutiées et vides de sens qui tremblaient sur ses lèvres éclatées. Son inconscient donnait voix à l’incompréhension brutale de sa douleur mentale. Elle suppurait à l’infini, mais ne se montrait jamais. Sous l’œil, elle se dérobait. On ne la soignait pas, on l’endurait. Pourquoi ? La question rythmait ses sanglots avec force. Ce mal, terrible, était partout. Il ne désignait aucune blessure précise, ensanglanté, violacée, sur une peau lisse et blanche. La tache écarlate s’étendait au creux de l’inaccessible. Il n’y avait pas de raison de souffrir. Quel coup étrange l’atteignait à ce point ? Le langage renonçait, il revenait aux origines de l’existence, enfant craché au monde, déambulant entre les formes colorés, les sons et les odeurs qui se lient dans un joyeux chaos. Au début, le sens n’existe pas. Les larmes s’en passaient. C’était pour cela qu’il pleurait. Des mois de silence glissaient le long de ses cils. Le sel piquait ses joues, la salive dégoulinait sur son menton, il n’avait même pas envie de l’essuyer. Lorsqu’on tombait après une résistance obstinée, on ne voulait plus se relever. La déchéance était fascinante. Oui, peut-être qu’il savourait sa laideur, la certitude honteuse de n’être qu’un pauvre tas de chair aux entrailles labourées. Tant pis. Il abandonnait, il renonçait. Je suis vaincu. Les Carrow avaient leur phrase finalement. Il ne se battait plus.

Près de son visage, le poids de James fit ployer le canapé. Un bras s’enroula autour de son cou et essaya de l’attirer contre un corps chaud et rassurant. Isaac lâcha doucement le coussin maculé de larmes, de salive et de sang pour accepter spontanément le nouveau support qu’on lui offrait. La tête posée sur la poitrine du jeune homme, il hoquetait à présent, l’esprit vide, incapable d’exprimer quoique ce soit. Tout se passait comme s’il venait de mourir. L’idée du futur était ridicule, le passé n’éveillait aucun sentiment. Rien. Il attendait presque qu’on lui serve la fin sur un plateau. Y aurait-il vraiment un lendemain ? Mais comment faisait-on les lendemains ? Il referma sa main sur la hanche de James, et le garçon murmurait que rien ne pouvait lui arriver. Il renifla sans y croire. Non, ça n’allait pas. Les mangemorts placardaient de nouvelles lois tous les jours, le statut de sang de tous les sorciers serait bientôt officiellement placardé, les mois qu’il venait d’affronter n’était rien face à l’enfer qui se préparait et on lui demandait de relativiser. Tu sais ce que je ferais, à tout de suite, si je le pouvais ? La tête dans le mur, le front contusionné lacéré avec les ongles et s’il fallait s’arracher les veines l’opération se réglerait à coup d’incisives. Etrangement, ces images violentes le calmaient. Le regard terne, il réalisait qu’il n’y avait rien à faire sinon que se faire mal. La folie papillonnait entre deux accès de rage. Et s’il acceptait le mensonge du jeune homme désemparé qui l’enlaçait. Il était venu trouver la paix. Pour le moment, tout allait de la meilleure façon possible. Une âme bienveillante s’occupait de lui. Un cœur battait contre son oreille, il aimait cette vie. Il l’avait senti plus forte que nulle autre, les mois s’étaient dilués dans le froid, elle était toujours là.


- Tu sais que ce n’est pas vrai
, murmura-t-il faiblement. Mais on va faire semblant, imagine qu’il n’y a plus de temps…

Ses doigts remontèrent lentement jusqu’aux lèvres de James et il les dessina d’un geste tremblant comme pour sceller une promesse muette entre eux. Les heures se figeaient maintenant. Ils pouvaient ignorer l’horreur du dehors, fermer les yeux, se reposer un peu. La réalité reviendrait vite au galop, elle pourrait les séparer s’ils ne survivaient pas, s’ils choisissaient de ne pas l’affronter de la même façon. Le jeune homme n’était probablement pas différent de tous ceux qu’il méprisait à l’école. Isaac se faisait peu d’illusions, il connaissait son milieu social, il avait eu aussi un aperçu de ses idées, ou en tout cas, de son approbation passive. S’ils parlaient, devait-il le décevoir ? Ce nouveau protecteur, le seul réconfort qu’il trouvait, n’était-il qu’un mensonge de plus, la preuve qu’il était désespéré au point de s’accrocher à n’importe qui ? A un sauveur qui avait peut-être déjà trahi les siens ? La main désormais crispée sur son épaule, il enfouit davantage son visage contre sa poitrine. Il prenait des risques en le recueillant pourtant… Son esprit s’arrêta là, sur une conclusion qui avait le pouvoir de balayer toutes les questions. C’était très bien comme ça, et la potion drainait son énergie autant que les sanglots. Il flottait à moitié, accablé par la lourdeur de son corps. S’il ne ressentait plus rien, les blessures restaient sérieuses. Il était coincé ici, obligé d’attendre la fin de soins qui n’avaient pas encore commencé, si du moins l’étudiant savait y faire. En fait, il ignorait presque tout de ses capacités en la matière. Mais puisque tout allait pour le mieux, il lui ferait une fois de plus confiance.
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMar 26 Jan - 22:07:26

Les sanglots avaient duré longtemps, suffisamment pour que James ait des fourmis dans l'épaule, sans qu'il parvienne à trouver les mots justes pour consoler Isaac. Il s'était vite rendu compte quil parlait dans le vide, et il s'était tu, se contentant d'une présence silencieuse qui semblait plus apaisante pour le garçon. Enfin, vaincu par la fatigue, la potion et la chaleur de l'appartement, Isaac s'était calmé, ses larmes avaient cessé de couler, et ils étaient restés un bon moment l'un contre l'autre à écouter leurs respirations se répondre. James ne s'était décidé à bouger que lorsqu'il avait senti Isaac parfaitement détendu contre lui ; l'estomac noué, il s'était levé, avait calé son hôte contre le dossier du canapé, et était parti préparer du thé et des toasts, en prenant son temps pour pouvoir réfléchir.
Isaac lui avait fait confiance... Cette pensée le rongeait de l'intérieur, comme une souillure en train de s'étendre. Un jour, il saurait à quelle ordure il avait confié sa vie, et il le haïrait, et il aurait raison... Peut-être qu'avec un peu de chance, il le détesterait assez pour le tuer. Avec tout ce qu'il avait encaissé, il serait certainement capable de tuer, songea James en disposant sur un plateau son petit déjeuner et deux fioles de potions. De quoi commencer à reconstruire les os, et un baume contre les bleus.


-Isaac... tiens... tu vas essayer d'avaler quelque chose... hein, tu vas essayer...

Pas motivé pour manger, le gosse, même pas pour boire une gorgée de thé. Il n'y avait que pour les potions qu'il faisait un effort, parce qu'il savait que c'était indispensable. Mais même les scones tièdes les plus appétissants, même le meilleur thé ne trouvait pas preneur.

-T'en fais pas, tu mangeras plus tard, murmura James, malade d'inquiétude. Je vais t'installer dans mon lit, tu seras mieux, d'accord ?

Très soigneusement, il prit le garçon dans ses bras et alla le déposer dans le grand lit qu'il avait préalablement ouvert ; la douceur de ses gestes le surprenait lui-même, et le garçon ne gémit pas une fois durant le trajet jusqu'à la chambre. Sans doute la potion aidait-elle à calmer sa douleur, mais il n'en demeurait pas moins que pour Isaac, James se découvrait une tendresse insoupçonnée, et que cela devait vouloir dire quelque chose.

* *
*

Quelques jours au lit n'avaient pas effacé toutes les séquelles sur le visage d'Isaac, mais les bleus, du moins, avaient disparu, et les os commençaient à joliment se reconstituer. La potion anti-douleur droguait un peu le Serpentard, qui dormait beaucoup, et James en profitait pour vaquer à diverses occupations – les courses, la préparation de potions, ainsi que, dans ses moments de désoeuvrement, la rumination mentale. Un terrible sentiment de culpabilité lui gâchait la vie, à tel point qu'un soir, lorsqu'il regagna l'appartement, il venait de commettre une véritable trahison à l'égard de son Maître : sans en informer Isaac, il était allé lancer des sortilèges de protection sur le domicile de ses parents, et même, tant qu'il y était, sur tout l'immeuble. Une action qui lui avait permis, ensuite, de se regarder sans trop de dégoût dans la glace de la boutique où il avait acheté le dîner – des pizzas, en espérant qu'Isaac apprécie cet effort vers la gastronomie moldue. Sans bruit, il déposa les deux boîtes sur la table basse du salon, et ouvrit la porte de la chambre, en murmurant le prénom du blessé.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMer 3 Fév - 18:28:38

Il se retourna et enlaça le vide. La chambre baignait dans l’obscurité, la pluie battait les carreaux, une circulation paresseuse vrombissait au bas de la rue. Quelle heure était-il déjà ? Son regard ensommeillé se tourna vers un cadrant de cristaux magiques. Dix-huit heures et il lui semblait qu’une minute à peine venait de passer entre son réveil trop matinal et cette nouvelle prise de conscience. Dehors, le jour s’éteignait, il n’avait même pas vu sa lumière. Dans un soupire, Isaac s’écrasa à plat ventre sur la place froide de James et ramena la couette sur lui. Après une semaine sans sommeil, il découvrait les joies de l’hibernation. L’ennui, c’était que les journées de paresse l’assommaient. Il semblait impossible d’émerger. Le corps gémissait, les tempes s’enflammaient, ses rêves se contentaient d’embrouiller les images, il relevait à peine la différence entre les moments réels et fantasmés, comme si un virus tenace prenait possession de son organisme cassé. Fichue potion. Sa patience très limité devant la faiblesse commençait à se révolter. Il voulait se lever, en pleine forme, sortir sous l’averse, faire quelque chose, n’importe quoi, au lieu de végéter dans la noirceur confinée de la pièce à coucher. En l’absence de James surtout, il se sentait capable de défier sa convalescence de la manière la plus insensée possible, en révisant sa magie hier par exemple… L’inactivité l’enlisait au cœur des plus sombres pensées. Elles tournaient inlassablement, se figeaient parfois, mais ne le lâchaient jamais. Sa tête bouillait de tortures, de paroles atroces et de situations inextricables. Il n’était qu’une souillure. Lorsqu’il se voyait étendu dans les draps blancs, il avait envie de donner raison aux Carrow. Concrètement, qu’il guérisse ou pas, ça changeait quoi ? L’oubli des autres était facile, parce qu’on ne se souciait jamais que de soi. La semaine précédente aurait pu le tuer, et personne, à part ses parents, ne se serait inquiété. Quelques élèves lui avaient fait des signes le soir de Noël. Mais ensuite ? Une âme de moins. C’est bête, c’est dommage, et la vie continue. Les plus lâches s’accorderont même doucement aux exigences des bourreaux, en se persuadant qu’au final, ils n’étaient pas si mal logés. Pour vivre en paix, l’homme peut s’adapter au pire. Au moins, James était là. Il pressa l’oreiller imprégné de son odeur sous son nez et somnola encore un instant.

Une demi-heure s’égrena. C’était vrai que des camarades avaient pensé à lui pour Noël, alors qu’il n’espérait aucune attention. Il n’avait rien ouvert et tout laissé en vrac au fond de son sac. Au fond, quand le mal s’emparait de nous, on préfère se croire ignoré. L’affection des autres devient inexplicablement douloureuse. Il avait tout d’abord songé à brûler chaque paquet, mais, au final, il les avait laissés à la poussière… Etait-il temps de les ouvrir ? Il n’en savait rien, l’entreprise serait sans doute à double tranchant. Cependant, la curiosité le piquait. Il venait de trouver un prétexte de quitter le lit et une occupation moins risquée que la métamorphose au milieu du salon de l’étudiant qui avait, par il ne savait quel procédé, donné à la table basse une intéressante consistance caoutchouteuse… Ce n’était pas sa faute si le jeune homme n’avait rien remarqué pendant qu’il dormait sur le canapé et essayé de poser une théière brûlante dessus. En fait, avant de se faire réveiller pour se retrouver face à une table affaissée, il était persuadé d’avoir rêvé le passage du sortilège raté, et surtout, mal dirigé. Un vague sourire creusa ses joues. James tenait une expression de totale incrédulité assez drôle pendant qu’il fixait le résultat de son œuvre d’un air absent. Ils arriveraient peut-être à en rire d’ici quelques jours…

Passant l’un des t-shirt de l’étudiant à la hâte il se traina jusqu’à sa valise et examina les étiquettes. L’attention de William ne le surprenait pas, il espérait que ces vacances auprès des siens sauraient lui apporter un peu de réconfort. Leur triste rencontre dans les couloirs de l’école le marquait d’un souvenir amer. Le Gryffondor était peut-être plus abattu que lui, persécuté par défaut et menacé par la haine de ses chers comparses verts et argent… Comment surmonterait-il la suite des épreuves ? Il aurait aimé faire quelque chose pour lui. Hélas, leur entrevue déprimante l’avait conforté dans l’idée de son impuissance. Consoler les gens n’avait jamais été son truc. Il ne connaissait pas les bons mots. Certains usaient de discours réconfortants avec talents. Il lui semblait à l’inverse que les paroles exsudait toujours un peu plus la vanité… Le cœur lourd, il nota que le rouquin avait songé à ses blessures en lui offrant un baume, comme pour rappeler le drame qui les lierait à vie. Ensuite, Ange, celle qui avait été en troisième année sa meilleure amie avec Lou, réaffirmait leur complicité. Ne l’avait-il pas trop vite jugé après la déception que lui avait causée Précieuse ? S’il avait la force de rompre la solitude, il pourrait peut-être le vérifier. A Poudlard, il ne lui restait plus qu’elle de toute façon, et il n’avait pas envie de se construire un nouveau réseau social, ces choses là se rompaient d’un rien…

Mais pourquoi Pénombre avait-elle dépensé pour lui ? L’envie malicieuse de plaisanter au sujet de leur rencontre plutôt dénudée dans les douches des vestiaires en lui envoyant une serviette de bain aux gravures éloquentes… ? Nu artistique n’est-ce pas… La jeune femme s’amusait probablement de la même façon en écrivant des articles pro Sang Pur dans la Gazette de l’école. Etait-ce bien le moment de rire avec lui d’un passé cocasse ? Le visage soudain hostile il roula le cadeau au fond de la valise et s’arrêta sur un paquet anonyme. A l’intérieur, une boîte de chocolaterie fine et une carte de vœux énigmatique signée « Le maîtresse de Porthos ». L’expéditeur n’était pas difficile à identifier. En deuxième année, Samael, l’un de ses amis les plus proches avait adopté le nom de ce mousquetaire et s’était retrouvé l’esclave de Liliana Vanloock à cause d’un pari stupide. Isaac était presque choqué. Ils avaient passé toute une année à se chamailler avant de s’ignorer complètement. La terrible blonde avait beaucoup changé. Il regrettait ses crises de colères parfois, celles qui les avaient rendus presque inséparables à une époque. Ils se fuyaient autant qu’ils se recherchaient pour ouvrir les hostilités. Le message était-il amical ou hostile ? Les positions de la jeune fille étaient incertaines à présent. Elle avait basculé côté Carrow aux dernières nouvelles… Mais pourquoi chercherait-elle à l’empoisonner ? Dès qu’il ne saisissait plus, il commençait à se méfier. En temps de guerre, les gens étaient surprenants ou instables…

Il faisait tourner un chocolat entre ses doigts lorsque la porte de la chambre s’entrouvrit et qu’un rai de lumière perça la pénombre. James était de retour. Il abandonna le colis suspect au coin du lit, enfila un jean un peu large – il n’avait d’ailleurs même plus besoin d’ouvrir le bouton pour se glisser dedans – et se traina jusqu’à l’entrée. L’énergie revenait doucement. Au bout de trois jours, les courbatures se dissipaient, il sentait même un vide rassurant au creux de son estomac. C’était le délai annoncé pour un rétablissement total. Il serait logiquement en forme pour le dernier jour de l’année, joie. 1998 s’annonçait pire que fin 97, ils allaient bien s’amuser… Sans un mot, il serra le jeune homme contre lui.


- Je crois que j’ai encore trop dormi…
, marmonna-t-il la tête contre sa poitrine.

Pas la peine de le saluer à sept heures du soir, ils s’étaient vu à l’aube de toute façon, entre ses deux états de sommeil profond James n’avait pas encore quitté le lit. Comme il pouvait s’éveiller à n’importe quel moment, sa présence dans la chambre était une donnée incertaine, un coup de chance. Il détestait rencontrer son absence. Tout en jouant distraitement avec le col de sa chemise il ajouta :


- J’ai faim…


Comment résister à l’appel de la nourriture dans la pièce d’à côté ? Le repas tout prêt était une excellente idée. Son appétit aléatoire arrivait aussi vite qu’il pouvait disparaître. Mais il n’ajouta rien d’autre, sa tête brûlante et sa bouche très sèche le forçaient à tout réduire à l’essentiel.
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyDim 7 Fév - 11:14:59

D'ordinaire, lorsque James rentrait le soir, il retrouvait la chambre plongée dans la même obscurité que lorsqu'il l'avait laissée le matin, et Isaac endormi ou du moins comateux. Il entrait alors très discrètement, sans un bruit, et déposait une caresse légère sur le front du garçon, pour le réveiller aussi doucement possible. Il fallait bien interrompre ce sommeil pour l'obliger à avaler quelque chose, et pour le soigner – malgré ses protestations marmonnées. Isaac repoussait d'un geste las le baume que son hôte prétendait lui appliquer pour faire disparaître les vilaines marques de coups, puis il se laissait faire en soupirant ; de même pour la potion qui reconstituait lentement ses os. Le Serpentard faisait un mauvais malade, refusait d'admettre qu'il avait besoin de soins, ne respectait qu'à grand-peine les consignes de prudence données par James ; il n'avait pas besoin de tout ça, disait-il, il allait très bien, ça allait passer. La grande phrase. Ça va passer. Dans ces moments-là, James le rappelait à l'ordre, du ton faussement sévère qu'ont parfois les infirmières ; et le Serpentard se laissait convaincre, probablement plus par égards pour l'étudiant que parce qu'il revenait enfin à la raison...

Ce jour-là, cependant, il ne retrouva pas son pensionnaire endormi dans la chambre ; Isaac s'était levé, habillé, et il se tenait debout dans l'entrée. James lui adressa un grand sourire et se laissa étreindre, sans oser rendre l'embrassade ; le gamin était encore fragile, quoi qu'il fît pour ne pas le laisser paraître. L'étudiant se sentait plein d'une fierté assez rare ces jours-ci ; il arrivait à soigner l'adolescent, à le remettre sur pied, et le voir debout lui causait une émotion imprévue. Il passa une main fébrile dans les cheveux noirs d'Isaac, posa un chaste baiser sur son front et murmura :


-Profite, repose-toi... Tu en avais bien besoin.

Le garçon annonça qu'il avait faim, ô joie ! Depuis son arrivée, il fallait déployer des trésors d'éloquence pour le convaincre de manger deux bouchées par jour, et voilà qu'enfin il réclamait de lui-même la nourriture... Si ça continuait comme ça, on pourrait peut-être faire quelque chose de lui. James se retint de le serrer dans ses bras, et annonça simplement :

-J'ai pris des pizzas juste à côté... Je les ai ensorcelées discrètement pour qu'elles restent chaudes. J'espère que tu aimes ça, ajouta-t-il en faisant signe à Isaac de prendre place devant la table basse.

Il se débarrassa enfin de son blouson en se rendant à la cuisine pour y prendre des couverts, des verres et trois bouteilles différentes – Bièraubeurre, eau, jus de citrouille. Apparemment, les cartons de pizzas pouvaient servir d'assiette (drôle d'idée), pas la peine de ramener de la vaisselle...


-Qu'est-ce que tu bois ? demanda le jeune homme en posant ses trois bouteilles devant Isaac. Et pour les pizzas... je savais pas quoi prendre, alors j'ai pris les trucs les plus classiques... Enfin, c'est ce que m'a dit le Moldu... Quatre saisons et napolitaine. C'était la première fois que j'allais là-dedans, j'ai dû avoir l'air d'un gros idiot. Et encore, j'avais préparé l'argent dehors...

La veille, il s'était rendu chez Gringotts pour y changer une bonne quantité d'or en livres sterling ; le soir, il s'était familiarisé avec les pièces, les billets à l'effigie de la reine, de façon à avoir l'air à peu près naturel au moment de payer. Il cessa de parler pour regarder Isaac et déclarer, attendri :

-Tu as meilleure mine, je suis content. Tiens, mange, fit-il en poussant vers lui la première pizza qu'il venait de couper en parts.

Lui-même n'avait pas encore très faim, et il se servit une large rasade de Bièraubeurre avant de s'attaquer à la nourriture ; ceci fait, il se releva pour aller jeter ses chaussures dans un coin avant de se rasseoir en soupirant
:

-Ce que ça fait du bien de se poser... J'avais un tas de trucs à faire aujourd'hui, je n'en peux plus. Et toi, comment tu te sens ? Ça me fait plaisir de te voir manger, en tout cas.

Qui a dit que le Mangemort n'était qu'un monstre, un sanguinaire ou un pervers ? Il souriait en regardant l'adolescent picorer la pizza, se félicitait de le voir reprendre du poil de la bête, et oubliait tous ses principes anti-nés moldus. Pis encore ; il en venait à renier tout ce qu'il avait cru juste, et son estomac se tordait douloureusement lorsqu'il pensait à l'affreux tatouage sur son avant-bras.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMar 9 Fév - 10:39:04

James sentait bon la fraîcheur extrérieure. Une odeur de pluie et de givre traversait ses vêtements glacés. C’était agréable, après l’humidité humaine des draps, l’air pesant à force d’être chauffé, l’enfermement d’une pièce étroite. Il y avait une vie derrière les murs, une ambiance sans doute effrénée au cœur de la capitale. Alors que le temps lui semblait figé, les londoniens battaient le pavé, investissaient traiteurs et grandes surfaces, préparaient une nouvelle nuit de fête, arrosée au champagne sous les guirlandes de Noël. Les fenêtres de l’appartement montraient les décorations animées, installées sur les balustrades et derrière les vitrines de façades voisines. Ça lui donnait envie de sortir tout à coup. L’averse deviendrait-elle neige au cours de la soirée ? Il voulait goûter à la quiétude de ce climat doux et froid. Mais, avant les flocons, il devrait se contenter de la caresse d’un baiser sur son front. Rester au chaud contre le jeune homme était aussi une bonne option. Des idées plus positives décantaient son esprit confus. Il se réjouissait de petites victoires propres aux convalescents. Ce soir, il tenait debout, James ne le surprenait pas avec milles délicatesses dans son sommeil pour lui donner la nausée en parlant de manger. Il se sentait même prêt à affronter un repas tout ce qu’il y avait de plus déséquilibré, et c’était tant mieux. L’effluve de la pâte chauffée au bois était une invitation au confort, un plat simple et nourrissant qu’il avait l’habitude de commander lorsque ses parents rentraient tard pendant les vacances scolaires. La gastronomie fine ne lui disait vraiment rien.

Se détachant du jeune homme qui l’avait à peine touché – comme s’il n’était qu’une petite chose fragile que l’on briserait d’une étreinte ! – Isaac fit quelques pas dans le salon. Les cartons reposaient sur la table basse. Il opina doucement lorsque James lui demanda s’il aimait le plat et se laissa tomber dans le divan, avec la désinvolture de quelqu’un qui se sent déjà chez lui. L’avantage, en plus de son adaptation facile, était que, depuis le début, il n’y avait jamais eu de gêne entre eux. Ils partageaient une sorte de familiarité étrange, et difficile à expliquer. C’était là. Pendant que son hôte sortait les couverts le Serpentard ouvrit les paquets pour vérifier si les pizzas contenaient des ingrédients mangeables. Certains restaurants avaient parfois de drôles d’idées ou s’attachaient à des ingrédients infâmes, comme les anchois, la bolognaise et, selon son estomac actuel, les œufs. Heureusement, l’ensemble était raisonnablement classique, il ne ferait peut-être pas de fausse joie à James. Comme ce dernier revenait il se calla à nouveau dans le canapé et lui demanda un verre d’eau, après avoir louché sur la bièraubeurre. Sa sagesse l’étonnait presque. Le jeune homme occupa le silence en racontant son aventure à la pizzeria moldue. Il s’efforçait toujours de lui parler un peu, malgré son mutisme prolongé ou ses réponses laconiques. Quand il se taisait, Isaac l’embrassait, et ce geste excusait la triste compagnie qu’il lui offrait. Les mots lui semblaient trop longs, compliqués à articuler.

Le récit de James lui arracha un sourire amusé. Il n’était pas obligé de se perdre au milieu des moldus pour lui rapporter le dîner, ce monde, trop différent du sien, lui était totalement inconnu, mais il venait de s’y aventurer pour lui. Le repas n’en paraissait que meilleur. S’ils avaient été plus près, il n’aurait sans doute pas pu résister à l’envie de l’embrasser une fois de plus. Il regrettait de ne pas avoir vu sa mine égarée dans le restaurant du quartier. Qui allait de nos jours dans une pizzeria sans savoir à quoi s’attendre ? L’ignorance de l’étudiant sur cet incontournable de la cuisine italienne était d’ailleurs assez surprenante. Sa famille était-elle à ce point ancrée dans les traditions anglaises ? Il but une longue gorgée d’eau et déclara sans relever les compliments sur son teint :


- Ou l’air d’un garçon trop riche pour ne pas être déconnecté du quotidien populaire… Quoique je me demande si ça existe encore…, dit-il songeur. Ceci dit je ne pensais pas qu’il fallait être moldu pour connaître les pizzas. Tu n’en as jamais mangé ?

Il haussa un sourcil et mordit la pointe de sa part. Le premier morceau l’envahissait d’une chaleur lénifiante, dissipant peu à peu la brume de son esprit. Il mâchait doucement, en écoutant James d’une oreille attentive. Enfin, ils allaient passer une vraie soirée ensemble, il se sentait de discuter et n’avait presque plus envie de dormir. S’il venait à bout de son petit triangle, les couleurs finiraient sans doute par lui revenir. Ce serait une bonne chose. Son corps avait tellement fondu qu’il avait l’impression de n’être plus qu’une modèle réduit de lui-même. Et James répétait qu’il était content de le trouver en meilleure forme. Oui, quel soulagement n’est-ce pas ? Il n’aurait plus à s’occuper d’un parfait assisté. Isaac savait cependant que le jeune homme prenait l’état de sa santé très à cœur. Ses raisons restaient assez obscures. Sa disparition serait-elle réellement dramatique ? Même s’il avait invoqué son secours, il pouvait très bien se passer de lui. Qu’avaient-ils vécu de véritablement précieux ensemble ? Il y avait entre eux une entente physique indéniable, ce quelque chose qui passait et rendait l’instant agréable, à cause de sa présence, mais, au-delà, les conversations restaient simples, voire inexistantes. Le Serpentard s’était trop fermé au monde pour croire encore aux attentions sincères. Il les acceptait, en retirait une profonde affection, une reconnaissance immense et, pourtant, elles ne lui semblaient pas réelles. Ce présent était bien. Il essayait juste d’en profiter, et évitait les réflexions plus profondes.

- ça va mieux… Je crois que ma résurrection est proche, dit-il avec ironie. Il se tourna vers James est ajouta, un brin railleur : Je parie que tu es enchanté, ravi, ou que la nouvelle a quelque chose de fantastique ou merveilleux… Sauf si tu préfères un autre synonyme…

Les mots de James revenaient, et, soudain, il ne pouvait résister à l’envie de se moquer gentiment. Toute cette prévenance commençait à l’exaspérer. Oui, il avait passé des jours lamentables, la sollicitude du garçon le touchait, mais il n’était pas nécessaire de lui rappeler sa faiblesse à chaque phrase. Qu’il aille mieux n’avait rien d’exceptionnel, au contraire. Il trouvait la durée de son rétablissement interminable, et se maudissait de traîner encore les pieds le soir du troisième jour… Un soupire brisa son sourire espiègle.

- Et alors, comment t’es-tu épuisé pendant que ma journée ressemblait à un monochrome noir ?


Le ton, toujours très cynique, dissimulait à peine l’amertume de ses pensées. Il retrouvait l’appétit cependant. Sa mâchoire devenait moins douloureuse à chaque bouchée.
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMer 10 Fév - 20:46:14

Il y avait bien longtemps que James n'avait pas passé la soirée avec quelqu'un, à simplement partager un repas, une discussion tranquille, et rien de plus. À vrai dire, ce n'était même jamais arrivé ; lorsqu'il sortait avec Grim, il était inconcevable que la soirée se termine chastement sur une conversation bon enfant... Le Russe n'envisageait pas d'aller se coucher pour se contenter de dormir, comme James et Isaac le feraient dans un moment, après un agréable moment de détente. Ce soir, la situation était bien différente ; le Serpentard aurait pu être un jeune frère confié à la garde de son aîné, et l'étudiant ne détestait pas cet exercice tout nouveau pour lui. Il veillait au bien-être de son hôte avec attention, déposait près de lui le verre d'eau, les couverts inutiles, le regardait manger du coin de l'oeil, heureux de le voir en meilleure forme.

Isaac s'était littéralement avachi sur le canapé, dans une position qui rassurait James sur l'état de ses os. La veille encore, il n'aurait pas pu s'asseoir de façon aussi désinvolte – d'ailleurs, la veille, il tenait à peine sur ses pieds ; en vingt-quatre heures, les os avaient fini de se ressouder, ou à peu près, et le guérisseur improvisé se sentait rempli de fierté. C'était la première fois qu'il soignait des blessures de cette importance avec des potions maison ; l'amélioration avait été longue à venir, de sorte que James avait été rongé d'inquiétude durant plusieurs jours... Mais tout avait l'air de s'arranger, désormais ; Isaac surmontait même sa répugnance pour la nourriture, et faisait honneur à la pizza. James choisit une part de pizza, à un endroit où la pâte était noircie et boursouflée, avant de répondre :


-Si si, j'en avais déjà mangé... Quand je suis allé en Italie. Mais ici, jamais. Tu comprends, il n'existe pas de pizzeria sorcière à Londres... Si on veut de la pizza, il faut aller chez les Moldus, avec leur argent bizarre... Ce n'est pas évident.

Sa dernière pizza remontait à plus de deux ans, à Naples, en compagnie d'un vague correspondant italien – le petit-fils d'une relation de son grand-père. Le benjamin Kirkby avait été expédié en voyage à travers le vaste monde, le temps d'oublier son projet de devenir fabricant de baguettes magiques ; le somptueux cadeau avait eu l'effet escompté et, à son retour, James s'était inscrit à l'université.

Le jeune sorcier était stupéfait de constater que les pizzas confectionnées à Londres étaient aussi bonnes que celles qu'il avait goûtées en Italie. Il avala sa part en deux bouchées et en reprit une, alors qu'Isaac n'avait même pas mangé la moitié de la sienne. Le Serpentard avait d'ailleurs cessé de mâcher pour lancer une vanne sur sa prochaine résurrection.


-Effectivement, tu vas mieux, appuya James entre deux bouchées. Tu redeviens infect; c'est bon signe.

Un rapide coup d'oeil ponctua l'affirmation, soulignant l'intention ironique de la déclaration. À vrai dire, l'étudiant n'avait pas la moindre idée du tempérament d'Isaac lorsqu'il était dans son état normal ; il ne le connaissait pas suffisamment pour pouvoir juger de l'amélioration de son état de santé par la dégradation de son caractère, mais il ne pouvait pas résister au plaisir de vanner le garçon. Le jeune homme acheva à belles dents sa part de pizza, la poussa d'une gorgée de Bièraubeurre, et se cala confortablement dans le canapé en soupirant d'aise. Il ne manquait plus qu'une cigarette à son bonheur, mais il tâchait de réduire sa consommation de tabac ; en outre, il ne voulait pas être impoli en imposant son tabagisme à Isaac. Il retint un soupir lorsque l'adolescent lui demanda à quoi il avait occupé sa journée, et se contenta d'une réponse évasive :

-Oh, j'avais des courses à faire... Des trucs pour les potions... J'ai acheté trois bouquins aussi, si tu veux y jeter un coup d'oeil... Et puis j'ai pas mal marché, ça fait du bien, un peu d'exercice...

Pas question de raconter qu'il s'était baladé dans le quartier de Kensington, qu'il avait protégé un immeuble moldu où logeait, comme par hasard, la famille Deniel ; pas question de préciser que c'était précisément cela qui l'avait épuisé, tant il avait voulu que la protection soit complète et avait lancé des sorts puissants. L'air de rien, James reprit une part de pizza, en espérant qu'Isaac ne percevrait pas la quantité de choses qu'il lui cachait.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptySam 13 Fév - 13:36:01

Avachis sur les canapés, étendus sur le plancher, un coussin entre les bras, renversés sur les lis, assis sur les tables d’une salle de classe inoccupés, adossés contre l’arbre du parc, les élèves de Poudlard enchaînaient les discussions paisibles, joyeuses, abandonnées aux temps insouciants. Il se revoyait en chaque lieu, un groupe de Serpentard autour de lui, souvent les mêmes. D’abord les garçons, intrépides et malicieux, à l’affut de la nouvelle fantaisie du jour, puis les filles, délicieusement moqueuses, les critiques tournées vers la dernière rumeur de l’heure. D’un sexe à l’autre, tous arboraient les mêmes couleurs, celles du grand Salazar. Il avait aimé chaque instant, gouté les charmes de l’insouciante comme si ces petites scènes pouvaient se répéter infiniment. Mais rien ne durait. Un matin, le réveil annonçait la fin. Elle ne s’impose pas tout de suite à l’esprit. Les semaines trainent, les répliques s’espacent, les sourires se perdent, les mois se vident. Alors, frappé d’un sinistre laissé aller, on s’enfonçait dans sa déréliction, le reste du monde ne comptait plus. Pourquoi parler ? Pourquoi s’encombrer de mots sans valeurs, menteurs, dissimulateurs, lorsque tout virait au tragique, au drame absurde et cruel. Ce monde ne se gouvernait plus par l’insouciance. Ils restaient aimables, saisiraient sa main s’il la leur tendait pour l’entraîner au Royaume illusoire du Parfait. Allons, la situation ne mérite pas toute cette colère. Les crimes les plus terribles s’oublient. Ce n’était qu’une séance de torture parmi tant d’autres, la douleur passera, tout s’efface. Regarde, ton bourreau sourit, les joues rebondies, le regard brillant, on lui trouve vite de bons côtés en discutant. Il n’arrivait pas à voiler les faits par quelques conversations indolentes. Leur vanité devenait insultante, ceux qui osaient les pratiquer devenaient haïssables. Qui était encore digne de son estime au château ? Ils le décevaient tous un par un. Mais les échanges complices lui manquaient. Ça semblait simple quand on le vivait et pourtant, il ne savait plus comment recommencer, et surtout, comment les apprécier. Son dernier bon moment, il l’avait vécu avec Apollon, avant la retenue. Ils s’étaient terriblement amusés ce soir là. Pas pour les bonnes raisons hélas. La joie ne le gouvernait pas, il n’éprouvait qu’une envie brutale de se défouler, tout n’était qu’excès et artifices. Puis, l’alcool était monté, il y avait eu la violence, le désordre mental, le black out, la punition… L’âpreté des souvenirs nouait sa gorge, l’appétit vacillait doucement. Ne pouvait-il pas se défaire de cette semaine de retenue ? Ce n’était rien, il en verrait d’autres. Oui, mais le plus terrible était de mesurer à quel point les moments heureux étaient loin, à une distance telle qu’il était impossible de s’y raccrocher. Au final, c’était peut-être James qui détenait les douceurs les plus récentes. Etait-il possible de réapprendre ces instants de rien, où les secondes défilaient sans eux, et que la parole rendue semblait compléter l’être ? Ils essaieraient.

Les thèmes changeaient vite, gastronomie, moldus, voyages, … Tant de choses qu’ils auraient pu développer des heures sans réfléchir, pour le simple plaisir de former des phrases, et qui n’en resteraient qu’à la simple évocation. Il le regrettait presque. Mais à force, on revenait toujours au point de départ. Une information qui filait finissait par revenir. Comme James mangeait à son tour, il souffla d’une voix distraite :


- Je suis allé en Italie une fois, avec mon grand-père, pour voir Pompéi à la base, mais c’était finalement pas le plus drôle à faire…


Ah, en voilà un bon moment par exemple. Il avait vu dans son enfance un reportage sur la cité figée dans l’antiquité, et, comme à cet âge les histoires de villes fantômes et de volcans exercent sur l’imaginaire une fascination intense, il s’était pendant une courte période passionné pour le sujet. Son grand-père paternel encourageait toutes ses découvertes, avec un enthousiasme presque aussi vite comme le sien. Ainsi, un voyage en Italie avait été organisé aux vacances scolaires d’avril. Une semaine, avait assuré le vieil homme à ses parents. Mais, toujours animé d’une nouvelle idée quand aux lieux à visiter, il l’avait trainé d’un bout à l’autre du pays en prolongeant bien évidemment le séjour d’une semaine. Mais ce soir, papy Levi n’était pas là, et il ne le reverrait sans doute pas avant un long moment, s’il devait le revoir un jour. Une ombre de mélancolie passa dans ses yeux sombres. Il avait préféré évincer son trouble en se moquant des attentions de son hôte et la réflexion de ce dernier lui arracha un sourire enchanté. Il ne le prenait pas mal et l’invitait presque, semblait-il, à poursuivre. L’acidité soudaine de son ton était bon signe, disait-il. Isaac se demandait s’il avait pu noter cette particularité de son caractère qui n’hésitait pas à railler. Il était resté assez soft avec lui, presque naïf par certains aspects, comme si ce qu’ils partageaient annulait ses répliques cassantes habituelles. Peut-être n’étaient-ils tout simplement pas assez proches pour que cette attitude ne devienne pas une agression. Les yeux pétillants de malice, il lança d’un air soudain plus joueur :

- Ne sors pas les grands mots trop vite, t’as encore rien vu, tu finirais à court de vocabulaire…


Il soutint quelques secondes le regard du jeune homme et se concentra sur son maigre repas en écoutant le récit très bref de sa journée. James n’avait visiblement rien de palpitant à rapporter. Des courses pour les potions, matière relativement ennuyeuse à son sens, quoiqu’elle l’avait bien aidé ces derniers jours, des livres, et une promenade harassante. Isaac avait l’impression cependant que l’étudiant restait volontairement dans le vague. Mais que pouvait-il en conclure ? Ses affaires n’étaient pas les siennes. Il avait peut-être un domaine privé à préserver, quelque chose comme un amant à retrouver. Après tout, il lui avait avoué être en couple lorsqu’ils s’étaient rencontrés. Milles autres choses étaient à dissimuler à une personne qui ne faisait pas parti de votre quotidien, et plus encore quand leurs mondes semblaient si radicalement opposés. James voyait-il en lui un bon compagnon après tout ? Il ne donnait rien d’autre que l’image d’un gamin blessé à protéger. L’idée de sa condescendance lui était assez insupportable.

- ça dépend pour les livres, tu as acheté quoi en fait ?
demanda-t-il en rognant le bord de sa pizza. Puis, jetant un regard à vers la fenêtre éclairée, il commenta innocemment : J’espère que je pourrais sortir avant la fin des vacances… Mais je ne me sens pas de cavaler toute une journée sous la pluie… tu crois que la neige se décidera enfin à tomber ?

Parler du temps, c’était bien au fond, ça vous ouvrait à un monde de sensations après un enfermement prolongé. Lorsqu’il avait marché à l’aveuglette jusque chez James l’air était glacial, humide, le ciel blanc ou gris. Il avait froid, et terriblement mal. Son corps réclamait un climat plus tendre. Sa part achevée, il but une longue gorgée d’eau fraîche, s’attarda un instant sur le jeune homme qui profitait, bien callé dans le canapé, du calme retrouvé, et attrapa un nouveau bout en remplissant son verre de bièraubeurre.
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptySam 13 Fév - 23:51:50

Avachi dans le canapé, bien calé contre le dossier de cuir, James entreprit de se mettre à l'aise avant de continuer à manger. Il commença par ôter son pull, puis déboutonna sa chemise et en remonta les manches – un sortilège avait fait disparaître la Marque des Ténèbres sur son bras. Son torse pâle s'ornait d'un fin cordon noir, auquel pendait un bijou d'argent, oeuvre gobeline ; le pendentif représentait un symbole runique finement ciselé, et c'était l'un des rares objets familiaux auxquels James tenait réellement. Il lui avait été offert par son parrain, un vieux sorcier un peu inquiétant à force d'érudition, grand spécialiste des runes anciennes et original de service d'un noble lignage sorcier. Le vieux Helge – car il exigeait qu'on lui donnât le nom viking que lui-même s'était choisi – avait été un parrain excentrique, mais attentif et attachant, l'une des rares personnes réellement affectueuses à l'égard du benjamin des Kirkby. Lorsque le vieux sorcier était mort, son filleul était en septième année à Poudlard ; il avait alors ôté le pendentif offert par Helge, pour, croyait-il, ne plus jamais le remettre. Il avait éprouvé le besoin de le ceindre à nouveau lorsque Grim avait mystérieusement disparu, et il avait acheté un mince cordon pour remplacer la chaîne d'origine qu'il trouvait trop classique. Le jeune homme joua un instant avec le bijou, la voix de Helge résonnant encore à ses oreilles pour lui expliquer la signification de la rune d'argent.

-L'air... la liberté...

La liberté. Il avait juré à Helge de la préserver à tout prix, et il était passé de la soumission à son père à l'asservissement à Lord Voldemort. Brillant élève pour un maître aussi valeureux... Consterné par cette idée, James acheva de se mettre à son aise en débouclant sa ceinture – non sans jeter un regard à Isaac pour s'assurer qu'il ne se méprenait pas – et se raccrocha à la première bribe de conversation qui passait.

-Je suis tombé amoureux de l'Italie lorsque j'y suis allé. J'aimerais beaucoup y retourner, mais en étant plus libre que je l'étais à l'époque... Mon grand-père m'avait confié à la garde d'amis à lui, et je ne pouvais pas faire grand-chose sans eux, c'était assez frustrant. Ils me surveillaient sans cesse, je n'ai pas pu m'approcher à moins de trois mètres d'une Italienne... et encore moins d'un Italien, tu imagines. C'est dommage, il y a de beaux garçons là-bas... et précédés d'une flatteuse réputation...

Il rit doucement en prononçant ces mots, son esprit lui présentant une ribambelle de fiers Latins machos, qui sauraient posséder son corps et le dompter... À dix-sept ans, lorsqu'il avait visité le pays, il ne savait pas encore qu'il aimait les hommes – pas consciemment – et il avait été stupéfait de voir que son attention était sans cesse attiré par les jeunes Italiens... Leurs gestes nonchalants, leurs attitudes de m'as-tu-vu, leurs attitudes soigneusement calculées le fascinaient. Il croyait alors qu'il les observait pour apprendre d'eux de nouvelles méthodes de drague, mais désormais, il savait exactement pourquoi il prenait plaisir à les détailler...

Isaac répliqua malicieusement à sa petite vanne sur son caractère, et l'étudiant ne trouva rien à répondre, hormis une grimace ; la bouche tordue, le nez retroussé, comme un chien méchant de comédie, il semblait mettre le Serpentard au défi de prouver ce qu'il venait de dire. Il termina en levant très ostensiblement les yeux au ciel, prenant la divinité à témoin de l'ineptie de la jeunesse ; sa pantomime achevée, il pointa silencieusement sa baguette sur la deuxième pizza, la découpa en huit parts impeccables, dont l'une ne tarda guère à trépasser. Ayant mangé, il répondit tranquillement à la question d'Isaac :


-J'ai pris un bouquin sur le fonctionnement du système judiciaire magique, un sur les relations entre sorciers et créatures magiques intelligentes depuis le Moyen Âge, et un de sortilèges avancés...

Ce dernier ouvrage lui avait fourni une aide précieuse pour protéger l'immeuble de Kensington, et l'une des pages était d'ailleurs marquée ; les deux autres répondaient à des curiosités récentes du jeune homme, suscitées par des faits d'actualité. Il remplit son verre de Bièraubeurre, suivit le regard d'Isaac vers la fenêtre, et répondit :

-Il commençait à faire très froid quand je suis rentré, il va peut-être neiger cette nuit. Demain, si tu veux, tu pourras sortir... Pas très loin, attention. Si tu veux, on pourra aller dans Regent's Park, ou alors je transplanerai et on ira ailleurs... mais il ne faut pas que tu marches des heures, d'accord ? Enfin, je dis « on », mais tu veux peut-être aller te balader seul ? Tu as peut-être des choses à faire, des gens à voir ? N'hésite pas à me le dire... Je n'ai pas souvent de la compagnie, alors je fais un peu mon possessif, s'excusa-t-il en souriant.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMar 16 Fév - 22:38:06

Les yeux sombres du jeune garçon détaillaient, sans expression particulière, le pendentif qui brillait sur la poitrine dénudée de son compagnon. Très observateur avec les personnes qui retenaient son intérêt, Isaac avait noté la présence du bijou quelques jours plus tôt. C’était une nouveauté. L’étudiant ne l’arborait pas cet été, il en était certain, et ce genre d’accessoire, dissimulé sous les vêtements, avait souvent une valeur sentimentale, une signification profonde. Parfois, il passait autour du cou une étoile de David offerte par ses grands-parents. La chaîne, très fine mais solide, se destinait aux enfants. Il n’avait jamais voulu la changer. Il était bien trop fier de la porter à l’époque pour y songer. Puis, l’inconstance des années tendre avait peu à peu laissé l’objet sur sa table de chevet. Il l’emportait cependant à toutes les séances de piscine puisque ses camarades de primaire l’avaient regardé d’un drôle d’air en découvrant le symbole sur son torse. Sûr que ça changeait des croix de son école privée. Allez savoir pourquoi, les autres gamins s’en trouvaient perturbés. Ils sentaient une différence soudaine, difficile à ignorer, quand les parents ne s’occupaient pas de modeler leur esprit en traitant son père de parvenu. Etaient-ils jaloux ou plus malheureux ? A peine, tous occupaient de hautes fonctions, mais dévaloriser son prochain était, après le travail, une seconde passion dans ces milieux. Les plus mauvais n’hésitaient pas à verser dans le racisme de bon ton, et l’écho de leurs critiques l’affectait toujours un peu. Il n’aimait pas l’idée que l’on puisse dire du mal de son père. Alors il les défiait, ces fils de bonne famille. Sa tendance à la provocation s’était manifestée très tôt. Si aujourd’hui il en payait les frais, il savait qu’il ne renoncerait jamais au plaisir de choquer. Le bijou de James répondait-il à un code particulier ? De près, il identifiait la forme d’une rune, mais ses connaissances limitées en la matière ne lui permettaient pas de l’expliquer. Sa curiosité s’aiguisa. Elle retomba la seconde suivante, balayée par les mains que James venait de porter à sa ceinture. Il faisait quoi là ? Les derniers propos ne lui avaient pas semblé très érotiques, à moins d’être assez tordu pour s’exciter sur des cadavres couverts de cendres. Mais le jeune homme évoqua plus longuement son voyage en Italie, comme s’il n’y avait rien de plus à comprendre. C’était peut-être vrai. Il avait cependant toutes les raisons d’extrapoler.

Un sourire léger frôla ses lèvres. Toutes ces précisions, apportées le plus naturellement du monde, l’enchantaient. Il n’y avait pas besoin de questions, James déroulait lui-même ses souvenirs. Des personnages inconnus apparaissaient, un mode de vie, des révélations, des déceptions, à propos de ses plans dragues manqués notamment. La réputation du pays n’était pas infondée, et les italiens étaient, au regard des anglais, d’une insolence déconcertante. Fiers et impudiques ils parlaient haut, se tenaient par la main, les hanches, les épaules, hommes comme femme, et s’attachaient terriblement à leur apparence. Là bas, l’allure n’avait rien d’éloquent. Un style décallé pouvait attirer votre regard au détour d’une rue, il reparaissait sur une même personne à un autre tournant. Entre rebelles et fashion victime, la frontière semble parfois très mince. Il ne fallait pas non plus chercher les gays potentiels de la même façon qu’à Londres. Que des garçons en t-shirt moulant se posent sur les genoux de leurs amis n’avait rien de surprenant. A l’époque, Isaac n’en avait pas tiré les mêmes conclusions. Il s’était contenté de noter une différence de comportement assez troublante, observée par ailleurs dans les autres pays méditerranéens. A neuf ans ses regards s’attardaient peu sur les garçons. Pourtant, le mâle rital ne devait pas manquer d’intérêt. Les langues latines avaient leur charme après tout. Amusé, il lança d’une voix douce :


- Quand je pense que je n’avais même pas l’âge d’en profiter ! Je crois qu’il ne nous reste plus qu’à y retourner…


James avait changé depuis la dernière fois. Il semblait plus en accord avec lui-même et n’avait plus rien du garçon coincé qu’il avait essayé de débaucher, avant de réaliser que le jeune homme s’était très bien débrouillé sans lui. Etait-ce le signe qu’il vivait mieux son homosexualité ? Il l’espérait. Isaac trouvait de son côté la situation inédite et terriblement agréable. A Poudlard, Carrow ou pas, il ne pouvait pas échanger de cette façon avec les autres garçons. Alix restait trop réservé de ce côté, et le reste de ses connaissances n’avait tout simplement pas le profil. Ce genre de conversation, où il n’était plus question de juger les goûts du gay de service, lui avait souvent manquées. D’ailleurs, il ignorait en grande partie les préférences de James, l’idéal tel qu’il aurait pu se le représenter. L’idée de sujet séduisait d’avance les heures languides, même si les révélations l’inquiétaient un peu. C’était idiot, mais il lui en coûterait de ne pas correspondre au portrait, quand le jeune homme ne correspondait pas franchement à la définition de son fantasme. La réalité dépassait ces critères. Il sentait à la fin de sa dernière plaisanterie que leur complicité se renforçait, passant soudain par un langage muet. L’étudiant esquissa une mimique faussement sceptique à laquelle il répondit en haussant un sourcil. S’il voulait des preuves de son caractère, il ne serait pas déçu. Un petit sourire en coin lui échappa et la discussion vira sur les livres.

Système judiciaire, relation entre sorciers et créatures, sortilèges avancés, … Les titres rompaient plutôt efficacement le jeu auquel ils venaient de s’adonner. Isaac se renfrogna, ennuyé. Ces thèmes n’avaient rien de très palpitant. Il se demanda cependant s’il pouvait trouver un point de raccord entre tous les ouvrages. Défense, attaque, et au milieu, quelque chose qui, à première vue, n’invoquait que la culture générale. Fallait-il se protéger ou couvrir quelqu’un ? La question s’imprima dans son esprit. Et, comme pour la dissimuler, il interrogea James sur la météo. D’abord avare en paroles, le garçon s’exprimait plus volontiers. Il écoutait et gardait tout, c’était plus fort que lui. La discussion avait beau être paisible, il calculait encore. Mais les mots de James le détendirent légèrement. Une promenade au parc ? Quelle belle invitation. A nouveau prévenant il lui fit promettre de limiter son temps de marche et lui demanda s’il avait d’autres personnes à voir. Il hocha négativement la tête et emprisonna son hôte d’un long regard en entendant sa dernière phrase. L’absence de compagnie était une information intéressante. Le mot possessif sonnait quand à lui de façon plutôt plaisante. Pourtant, ses traits gardèrent la rigidité du marbre. Il n’y avait plus que ses prunelles, perçantes et pénétrantes.

- Des gens à voir ?
dit-il en ricanant froidement. Tu crois que j’aurais débarqué chez toi dans cet état si j’avais d’autres gens à voir ? Je me pensais bien entouré… Mais les temps ont changé n’est-ce pas ? Et ma famille… Ce serait trop compliqué. Pas la peine de les impliquer là dedans, ça les dépasserait ces histoires. S’ils me voyaient dans cet état, ils m’empêcheraient de partir… Non vraiment... tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça, ajouta-t-il d’un ton plus malicieux qui tranchait avec l’âpreté de son discours.

Il posa sa part de pizza entamée de moitié sur la table et se coula contre James en laissant un index errer sur son torse :


- J’espère que tu seras assez possessif pour me tenir le bras alors
, souffla-t-il.

Sa main remonta jusqu’au pendentif et il s’amusa avec, comme s’il ne s’agissait que d’un petit jeu de séduction classique. Mais James n’avait pas ce bijou avant.

- Tu manques à ce point de compagnie ?


Un regard en biais glissa sur le jeune homme, la rune argenté s’immobilisa un instant entre ses doigts, comme pour marquer l’interrogation, et il la relâcha, pour se relever, tranquille, et ramener les nouvelles acquisitions de son compagnon près de lui en s’installant à nouveau à l’autre bout du canapé. Ses yeux allaient de l’étudiant à la couverture des livres. Visiblement, leur contenu ne l’intéressait pas vraiment. Il feuilleta cependant le grimoire de droit en se demandant si un tel ouvrage pourrait fasciner ses parents.
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMer 17 Fév - 22:53:47

Quoi qu'on puisse en penser, c'est tout à fait innocemment que James avait débouclé son ceinturon. Pas la peine d'aller chercher d'obscures et condamnables motivations à ce geste tout simple. La seule exigence qui l'avait guidé était celle du bien-être : pas moyen de profiter d'un moment de détente sans un minimum de confort vestimentaire. Dans son intimité, le jeune Mangemort était un fervent adepte de la mode pieds nus, torse nu, ceinture à peine serrée ; pour compléter le tableau, un jean sale était idéal, lorsque le tissu a perdu sa raideur et se casse si facilement qu'il semble usé. Pour l'heure, il conservait son jean propre, que la longue marche en ville et la pluie avaient rendu moins rêche ; il s'étira longuement, voluptueusement, à tel point que son pantalon descendit un peu et laissa voir le haut de son boxer. Pas gêné pour deux sous, le jeune homme resta avachi dans cette tenue, la tête renversée sur le dossier du canapé, les yeux fixés au plafond, méditant les paroles d'Isaac. Retourner en Italie ? Il y avait parfois songé, mais sans jamais y penser sérieusement. Il pensait à des tas de choses comme ça, et ne mettait jamais rien à exécution. Rester en vie l'occupait déjà à plein temps, il ne lui restait pas suffisamment de loisirs pour apprendre le piano, le grec ancien, retourner en Italie et se mettre à la magie japonaise... Étouffant un bâillement, il tourna légèrement sa tête vers Isaac pour répondre lentement :

-Pas besoin d'aller en Italie, tu sais... y a aussi de très beaux mecs en Angleterre... et ils ne gueulent pas comme des ânes..

Le Latin est bruyant, c'est là son moindre défaut. Plus James
repensait aux jeunes Italiens qui avaient attiré son regard, et plus il se disait que ce ne devait pas être très reposant de les avoir à demeure. Lorsqu'ils lui braillaient « ciAAAAAAAo » dans les oreilles en lui assenant de grandes claques dans le dos, il les trouvait particulièrement lourds et inélégants... Bon, ils avaient probablement d'autres arguments à faire valoir, mais le pur jeune homme de l'époque n'en avait pas la moindre idée.

Le gamin reprenait la parole, sur un ton lourd, et parlait enfin de ses parents... Jusqu'alors, il avait opposé un refus net à toutes les tentatives de James d'aborder le sujet. En garçon consciencieux, le Mangemort se demandait parfois à haute voix si « on ne devrait pas les avertir » ; à chaque fois, silence buté, front baissé, et regard torve de l'ado en rogne. Il n'insistait pas, mais remettait le sujet sur le tapis dès que possible, sans considération pour l'ennui affiché de son hôte. Il allait, à nouveau, suggérer d'envoyer aux parents d'Isaac un tout petit hibou de rien du tout, mais l'abominable gosse lui ferma la bouche en se collant contre lui comme une petite collégienne allumeuse... Sur le moment, l'incongruité de la situation priva James de la parole ; le Serpentard était chez lui pour se soigner, pas pour... Les soins attentifs dont il avait entouré l'adolescent avaient été efficaces ; toute douleur oubliée, le Serpentard redevenait le gamin aguicheur de l'été, l'insolence de la familiarité en plus. Le regard en coin, James observa son pendentif runique qui tournait entre les doigts de la démoniaque créature, sans répondre à ses questions trop innocentes pour l'être réellement. Il ne retrouva l'usage de la parole qu'au moment où Isaac s'éloigna pour aller s'asseoir à l'autre bout du canapé, au moins quarante centimètres plus loin que sa place d'origine ; ce petit jeu des distances lui échappait complètement, au demeurant. Plus près, plus loin, Isaac, comme d'habitude, donnait dans les extrêmes. Avec lui, le juste milieu n'existait pas, ou alors pas longtemps. James se leva, un peu déstabilisé par les gestes hardis de son hôte, et l'informa à mi-voix :


-J'ai d'autres bouquins plus intéressants si tu veux, des romans...

Oups ! Hors sujet caractérisé, zéro pointé. Les regards que lui lançait le gamin n'indiquaient aucun intérêt pour la littérature ; le grimoire qu'il tenait ne lui servait que de paravent, d'abri derrière lequel il se retranchait entre deux oeillades lourdes de sens. James se sentit rougir – sans raison valable, ce qui accentua encore son malaise – et reprit :

-Je... oui, je manque un peu de compagnie. Pas au point d'adopter le premier sale gosse venu avec un caractère de cochon, mais... au moins assez pour accepter de me promener en sa compagnie. S'il promet de rester sage et de ne pas tenter de me déshabiller à la première occasion, ajouta-t-il sur un ton faussement sévère, un petit sourire démentant cette feinte désapprobation.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyVen 19 Fév - 18:37:46

Personne à voir. C’était un constat déprimant. A moins de s’exiler au cœur de la vie moldue, loin de tout ce qui le raccrochait trop intimement à son passé, Isaac n’entrevoyait qu’une série de retrouvailles douloureuses. Les amis de Poudlard n’existaient plus ou souffraient autant que lui. Leurs rares cadeaux n’y changeaient rien. Une histoire trop pénible les liait. Londres, citée natale, portait le poids de toutes ses années, lui rappelait, à chaque coin de rue, ce qu’il était. A quelques kilomètres de là, ses parents filaient des journées endiablées. Investis de toute leur âme dans leur travail, ils n’avaient pas le temps de s’inquiéter de son absence. Il disait qu’il tenait à rester à l’école durant les vacances à cause d’un ami qui ne pouvait pas rentrer chez lui. Ils le croyaient. Que pouvaient-ils faire de plus ? On ignorait tout de l’emplacement du château, et le monde non-magique n’avait qu’un accès limité à la société sorcière. Si la direction décidait de garder leur fils ils n’avaient pas leur mot à dire, aucun moyen d’intervenir. Cette situation les avait toujours énormément dérangés. Il se souvenait encore de tous leurs discours exaspérés, qui devait l’aider à recouvrer la raison, quitter cet établissement de cinglés et préparer un vrai avenir dans un bon collège privé de la capitale. Bien sûr, il leur avait tenu tête. On ne renonçait pas de cette façon à sa condition sorcière. Depuis la révélation de ses pouvoirs, le retour en arrière semblait impossible. Que diraient-ils à présent ? Même guéri, il gardait des séquelles, des marques plus anciennes qu’il avait refusé de soigner, les blessures plus récentes qui refusaient de s’effacer, comme cette estafilade à la mâchoire, trop profonde pour les préparations de James, l’air fatigué, et la maigreur affolante de son corps. Il était évident que l’adolescent était maltraité. Ses parents étaient distraits, occupés, mais pas irresponsables. Ils annuleraient sa rentrée à Poudlard et le cloisonneraient à l’appartement. Au fond, ils auraient raison. A l’école, il risquait sa vie tous les jours. Mais les élèves qui se sauvaient étaient traqués. Et même s’ils étaient retrouvés par les escouades du Lord Ténébreux, on ne les revoyait jamais. Fuir, c’était mourir.

A moins de partir à l’étranger. La discussion avec James lui rappelait ses nombreux voyages. Tous les ans, il découvrait une destination nouvelle et retrouvait les Etats-Unis ou Israël. Si on lui proposait de partir, la tentation serait forte de prendre un aller sans retour sur cette Terre promise où vivait une partie de sa famille. Pourrait-il, à cette distance, s’inquiéter encore du monde sorcier britannique ? Ainsi, quand toutes les attaches cédaient, on était comme un navire à la dérive, libre de partir sans un regret, parce que le vent soufflait à sens unique, et que rien, sinon une volonté intermédiaire, ne vous ramènerait à quai. Comment repartir à zéro ici ? Il fallait tout renverser, tout recommencer. Mais ce n’était qu’une belle idée, impossible, pour l’instant, à réaliser. Il ne voulait pas mettre ses parents dans la confidence, et si la solution sauverait sa tête, sa vie ou sa santé mentale, elle paraissait d’une déplorable lâcheté. Il avait promis de tenir le choc, de résister coûte que coûte. L’inverse était trop simple. Combien de système injustes se dérouleraient si tous les oppressés consentaient à tout abandonner ? Et pourtant, ce n’était jamais les victimes qui inversaient la tendance. Résister ne servirait à rien. Tout ce qu’il avait pu faire s’était avéré inutile. Il cherchait encore l’espoir auquel se raccrocher, la lueur capable d’interrompre la désillusion fatale. Il était hors de question de retrouver le château pour faire semblant, comme les autres. Et s’il ne jouait pas le jeu, il endossait un rôle de délinquant. S’il était chez James, c’était pour reprendre le cours de son existence. L’instinct de survie l’avait dominé tout au long de sa retenue. Si Carrow voulait le voir périr, il ne mourrait pas. Or, si l’enfer continuait, cette seule pensée ne serait pas assez.

Ce qui l’avait fait tenir, c’était le jeune homme aux yeux bleus troublés et au souffle coupé. Près de lui, il sentait qu’il n’osait plus bougé, pris au dépourvu par un changement d’attitude brutal et déroutant. De la gravité, Isaac passait à l’insolence sulfureuse, comme s’il revenait en parfaite santé, l’esprit détendu, tourné tout naturellement vers le badinage. La curiosité, mais aussi le besoin de chasser ses démons intérieurs, le motivaient. Il voulait s’amuser, explorer les zones d’ombre de ce garçon trop mal connu qui occupait une place majeure dans sa vie actuelle. Il savait en se traînant chez lui qu’il le recevrait sans lui poser de questions. C’était comme une règle tacite entre eux, ne pas en demander plus que nécessaire. Il s’en était souvenu avant le sabotage du bal, à cause de cette envie oppressante d’écrire à une personne extérieure, quelqu’un qui, au-delà des murailles, méritait encore d’être vue. C’était vrai qu’il avait fini par lui manquer un peu. Mais James avait sa vie, elle se passait très bien de lui, se répétait-il encore. Il semblait cependant que ses derniers mots donnaient à la conversation une autre dimension, et que les informations qu’il pouvait en tirer étaient importantes. Seulement, le jeune homme essaya d’esquiver la confrontation par le biais d’une tentative lamentable qui intensifia la prise de son regard brûlant, marqué, pour la peine, d’une touche de contrariété. Des romans… Oserait-il le confondre avec ses potes de Serdaigle ? Et pourquoi pas ouvrir un salon littéraire tant qu’il y était ! Isaac n’était pas un grand lecteur de fiction, au mieux il cédait l’été à des récits d’aventure faciles à lire pour rompre son ennui. Le visage de James s’empourpra. C’était adorable, il adorait cet air gêné et égaré qu’il adoptait dès qu’on l’attirait dans une impasse où il n’était plus forcément maître. Donc, il manquait de compagnie, assez pour se sentir obligé de démentir la possibilité d’une liaison plus sérieuse. Autrement dit, il n’y avait pas d’autre homme entre eux, personne qui pût débarquer à l’improviste à l’appartement, rien qui rendît sa présence ici suspecte et illégale aux yeux d’un couple conventionnel. James lui interdisait de se faire des idées, sans succès. Ses piques s’évanouirent sous un sourire en coin après une allusion très évidente. Isaac ferma son livre et enchaîna sur le même ton :


- Mais le sale gosse ne voit pas pourquoi il se donnerait cette peine quand son hôte se débrouille très bien tout seul.


Posant l’ouvrage sur le sol il se redressa légèrement et tendit les bras pour atteindre le haut du pantalon et glissa ses doigts dans les bandes qui retenaient la ceinture. Il leva un regard vers l’étudiant en laissant passer quelques secondes silencieuses.

- Evidemment, je pourrais t’aider. Une petite pression vers le bas et tout tomberait. Mais…
- Ses mains le tirèrent soudain vers lui. – Reste donc assis, je vais… te raconter une histoire.

Son visage s’obscurcissait à nouveau. Il lâcha James et l’invita à prendre place à côté de lui avant de prendre une nouvelle gorgée de bièraubeurre. L’expression caractère de cochon n’était pas sans lui rappeler la soirée qui lui avait valu une retenue prolongée. Il ne savait pas s’il devait éclairer son compagnon à ce sujet, mais tout garder était pesant. Avec du recul, il savait que son coup d’éclat n’avait rien de très glorieux, ou plutôt, elle aurait pu l’être sans alcool. Mais aurait-il agit de la sorte avec un esprit parfaitement sobre ? Non. S’il ne regrettait rien, il était difficile de revenir sur l’événement. Il allait tenter de le faire, même si James n’avait peut-être pas la capacité de comprendre.

- Je sais pas comment dire ça sans passer pour un débile ou un taré dépressif…
, commença-t-il d’une voix hésitante. En même temps, t’as le droit de penser que je suis les deux, c’est sans doute devenu vrai.
Il ramena ses jambes contre lui.
- A Poudlard, les nés-moldus doivent rester à leur place, donc se la fermer, et subir les brimades sans broncher. Ce que j’ai évidemment pas fait, quand les autres s’y accommodent. A force c’est usant. Tu sais, cette impression de crier alors qu’il n’y a personne pour t’écouter. Se battre pour sa cause, seul, c’est forcément voué à l’échec. Le pire c’est encore d’essayer de faire réagir des abrutis touchés mais qui s’en fichent. Parce qu’en contestant, ben tu vois ce qui se passe, on a des nouveaux profs très délicats…


Ses phrases s’embrouillaient. Elles filaient au gré de ses pensées, intactes, jetées au hasard, à la suite les une des autres, sur le ton morne et mécanique de quelqu’un qui offrait son âme.

- Je savais ce que je risquais, mais pour le dernier coup, j’ai totalement perdu le contrôle. Y’avait un autre truc qui m’animait, comme si mon corps m’appartenait plus. Déjà je me suis retrouvé à boire avec un type de Gryffondor que je ne connaissais même pas. On aurait dit qu’il n’y avait plus rien d’autre à faire. Il y avait ce vide et le liquide brûlant qui le comblait, puis, à côté, tous les autres qui arrivaient encore à s’amuser, à draguer, à se passionner pour ces histoires stupides qui n’intéressent qu’eux, comme si tout était parfait autour d’eux…
- Evoquer les autres teintait toujours sa voix d’agressivité. Il se reprit. – La brûlure finalement, elle a laissé place à un noir absolu. Il fallait tout détruire, tout, et moi avec, mais tu vois, on m’a quand même laissé en vie. C’est sûr que six pieds sous terre j’aurais été plus tranquille… Mais ça aurait été con comme mort.

Il soupira. L’histoire s’arrêtait là, confuse et sans détails techniques. Mais les faits, détachés de tout ce qu’il avait traversé étaient absurdes. Cette fois, le regard qu’il adressa à James était plus incertain. Les moments où il se livrait étaient si rares qu’il se retrouvait à présence devant une montagne de mots et ne savait plus comment la contourner. Avait-il bien fait ?]

- Et d’ailleurs je sais même pas ce qui me prend de te parler de ça. Le silence peut-être. Et puis… tu m’as aidé sans chercher à savoir ce qui c’était passé. Au final, je vais éviter de te servir un truc larmoyant même si ça m’aura visiblement pas empêché de plomber l’ambiance. Je ne sais pas ce que tu as pu t’imaginer… Si ça te déçoit, je suis désolé…


Le menton posé sur ses genoux, il baissa les yeux et s’enferma dans un silence anxieux. Il n’avait même pas envie de se faire consoler, non, ce n’était pas le but. Il n’avait rien dit à personne, même pas à William. Mais il devait la vie à James. C’était différent, c’était plus important. L’une de ses mains tomba sur le canapé, signe que le jeune homme n’avait pas besoin de s’embrouiller en retour si les répliques lui manquaient. S’il posait ses doigts sur sa paume, ce serait bien assez… Mais s’il ne le suivait plus, que ferait-il ?
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptySam 27 Fév - 21:13:17

À travers les fenêtres insonorisées magiquement, la rumeur de la rue leur parvenait très étouffée, comme venant d'une route de campagne au-delà des champs ; la rue du dessous était pourtant très passante, on s'en apercevait dès qu'on mettait le nez dehors : coups de klaxons, freinages sauvages, rugissements de moteurs donnaient l'impression de se trouver sur un circuit automobile. L'appartement de James devait être le seul havre de quiétude dans ce quartier ; la magie l'avait aidé à confiner le bruit à l'extérieur, de sorte que l'on pouvait se croire dans quelque manoir isolé dans la lande. Seul le feu, dans la cheminée, venait de temps à autre ponctuer la tranquille conversation d'un crépitement sonore ; pas de couverts pour tinter contre les assiettes, pas de pollution sonore : on ne pouvait pas feindre de ne pas entendre l'autre, la discussion mobilisait toute l'attention, et cela interdisait de se contenter de lieux communs. Dans un bar, dans une pièce plus bruyante, on pouvait facilement passer à autre chose : « Oui, tu as raison... Tiens, écoute, ma chanson préférée ! » Et l'on éludait l'essentiel, sans le savoir ou, ce qui était pire, en le sachant ; on évitait de plonger ses yeux dans ceux de l'autre, on noyait tout sous le bruit ou sous des banalités, et la messe était dite. James voulait offrir mieux que cela à Isaac ; il aurait pu, comme il le faisait lorsqu'il était seul, mettre un opéra en musique de fond, mais il tenait à profiter de cette conversation, la première véritable discussion qu'il puisse avoir avec le Serpentard.

Où était le garçon frivole de l'été ? Même les gestes de séduction étaient devenus moins fluides, comme entravés par quelque souffrance. Il n'était pas seulement question de douleur physique ; à grand renfort de potions, de pâtes et d'onguents, chaque blessure avait été combattue, et Isaac ne devait plus vraiment avoir mal. Mais il y avait dans tout son comportement une terrible lassitude, qui n'allait vraiment pas à un garçon de cet âge.

Machinalement, James s'approcha en voyant le gamin tendre ses deux bras vers lui, avant de rougir à nouveau lorsque les mains d'Isaac se serrèrent sur sa ceinture. À l'instant même où l'adolescent abandonnait le projet de faire tomber ce pantalon, l'étudiant le remonta vigoureusement et resserra la ceinture en souriant :


-Détournement de majeur... ça pourrait te coûter cher, tu sais...

La phrase, à peine murmurée, s'acheva par une caresse légère sur le sourcil gauche, du bout de l'index, tandis qu'Isaac amenait James tout près de lui. Le vilain bleu qui colorait cette arcade la veille encore avait cédé ; bientôt, Isaac serait comme neuf. Ou presque. Ne resterait plus à soigner que les blessures morales – et là, les potions ne pourraient rien faire.

L'étudiant fronça les sourcils en écoutant le récit décousu de son hôte. Les phrases s'enchaînaient sans logique – ou plutôt dans une logique qui échappait à James. Il sentait bien que tout cela formait un canevas cohérent, mais il lui manquait quelque chose pour comprendre.

Apparemment, le Serpentard avait bu, en compagnie d'un autre gamin, et c'était là qu'il avait commis... Commis quoi, d'ailleurs ? D'après ce qu'il disait, il suffisait de peu de chose, à Poudlard, pour qu'un né-moldu soit réduit en charpie. Un picotement désagréable courut le long du bras gauche de James tandis qu'il songeait avec dégoût qu'il appartenait à la race des bourreaux. Qu'aurait-il fait, lui, s'il avait été envoyé à l'école de sorcellerie pour y endoctriner les élèves ? Aurait-il seulement osé croiser le regard d'Isaac et de ses semblables ? Sa gorge se serra. Salaud, il n'était qu'un salaud. Et si demain, pour sauver sa misérable peau, on lui ordonnait de livrer Isaac ? Aurait-il le cran de résister ? La peur, la maîtresse de toute sa vie, lui laisserait-elle une bribe de courage et de dignité pour répudier enfin toute la pourriture en lui ? Il hésita, un instant, avant de poser ses doigts non sur la paume ouverte d'Isaac, mais sur son poignet, à l'endroit où l'on sentait, très atténués, les pulsations de son coeur. Il n'était pas digne de toucher ce garçon. Il était de la même espèce que ceux qui avaient lacéré sa peau, brisé ses os, brûlé son corps. Le gamin s'excusait, inversait les rôles, et James eut un instant l'envie de lui parler avec franchise. Mais cela ne servirait à rien, sinon à le faire fuir...

Il y eut quelques instants de pénible silence durant lesquels l'étudiant se demanda ce qu'il pourrait bien répondre au discours confus du garçon. Sans qu'il y prenne garde, ses doigts effleuraient le réseau dense des veines du poignet, ces veines qui charriaient un sang si impur qu'il méritait tous les tourments. Finalement, presque malgré lui, le Mangemort répondit, sans regarder l'adolescent :


-Moi aussi je vais te raconter une histoire. Celle d'un garçon né dans une famille de sang pur, une famille arc-boutée sur ses traditions. Le genre de famille où les garçons couchent avec des filles, tu vois... Ce garçon a toujours entendu dire que les Moldus étaient des animaux, et leurs enfants à Poudlard, des voleurs de magie. Et puis... un jour, il se retrouve... non, justement, il ne se retrouve pas. Il est perdu... complètement perdu, souffla-t-il en posant doucement sa tête sur l'épaule d'Isaac.

S'il osait terminer l'histoire, il finirait par lui avouer tout ce qui lui pesait tant – l'adoration pour Lord Voldemort, plus dictée par le milieu que personnelle. La Marque, reçue par conformisme, ce fardeau de plus en plus lourd. La lâcheté, surtout, la lâcheté qui lui dictait chacune de ses actions. Il n'avait pris le dessus qu'une seule fois, quelques jours auparavant, en acceptant d'aider ce gamin. Et même s'il ne le regrettait pas une seconde, il ne pouvait s'empêcher de frémir en pensant aux conséquences.
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyDim 7 Mar - 13:31:20

Ils étaient au bord de la dérive, à cet instant clé où la conversation ennuie le désir, où une phrase espiègle pouvait balayer les plus longs discours. On ne retenait qu’un appel, espéré, attendu, pour abandonner l’âme au profit du corps. N’était-ce pas le but inavoué de cet échange ? En d’autres circonstances Isaac n’aurait pas hésité. La nuit était belle, paisible, le feu ronronnait dans la cheminée, l’ambiance se détendait enfin. Leurs appétits comblés, ils s’écoutaient, défiant le silence d’interrompre le flot des mots qui les liait. L’issue dépendait de leur volonté, du sentiment partagé d’arriver à satiété. Les heures lasses se glissaient dans leur confort. Un rideau de pourpre tombait devant le canapé. Il suffisait de se rapprocher, d’abreuver de baisers leurs lèvres asséchées. C’était une jolie scène, mais le Serpentard la voyait à peine. Son esprit s’éclaircissait pour mieux s’épaissir. Les quelques rayons de lumière accordés à sa conscience l’emplissaient d’une crudité agressive puis se dissipaient. Il retrouvait le noir et ses couleurs confondues, les impressions contraires, l’errance sensorielle. Les envies lui passaient aussi vite qu’elles venaient. Il ne savait plus très bien quel était le sens de la comédie étrange qu’il menait. Ses mains tiraient la ceinture de James. Son geste était froid, mécanique et brutal. Il le provoquait sans filer l’ambigüité. Cette situation le laissait de marbre. Il s’enfermait dans une carapace de métal, hermétique et glaciale. Les anomalies de son attitude perturbaient le jeune homme plus sûrement que les faits. Il ne réagissait plus et, mal à l’aise, préféra se rhabiller. Une nouvelle distance était posée, comme s’il craignait de se noyer lui-même dans cette confusion inexpliquée. Isaac n’y faisait pas attention. Ses pensées s’amassaient autour des souvenirs les plus sombres.

Du bout du doigt, son compagnon avait dessiné la courbe de son sourcil en raillant son initiative faussement avortée. Il lui accorda un sourire sans joie. Une réplique incisive piquait le bout de sa langue pourtant. Il la sentait, mais elle ne venait pas. Sa vivacité s’enfonçait dans les méandres de sa mélancolie. Les sautes d’humeurs étaient devenues régulières, elles dépendaient des jours, des pensées, des heures. Au début, les joies artificielles étaient possibles. A présent, l’échelle se réduisait. Elle allait de l’amertume caustique à l’abattement total. Les notes plus positives sonnaient atrocement creuses. A quoi aurait pu rimer un jeu de séduction ? Ce n’était qu’un mensonge qui dissimulait un cœur en éclats. Il luttait contre lui-même. Tout ce qui n’entrait plus dans le registre de sa tristesse était agressif. Même la discussion amicale lui échappait. Soudain, il n’en voulait plus. Comment faire pour apaiser ce bouillonnement intérieur ? Livrer le fardeau qu’il portait ? A ce stade, il doutait que cela pût le sauver. Pourtant, il se lança. Péniblement d’abord, avec l’hésitation et la mauvaise volonté de ceux qui refusent de céder à la faiblesse de parler. Le chemin s’était peu à peu ouvert. Poser des mots sur la douleur était un apaisement. Mais cette légèreté ne durait pas. Tout retomba lourdement à la fin, même quelques larmes, piégées au bout de ses cils noirs. James l’avait écouté patiemment. Il n’y avait malheureusement pas de formule idéale pour accueillir ce récit saccadé. Isaac s’était gardé de décrire précisément l’origine de toutes ses mésaventures. En cet instant, elles ne l’amusaient plus, il n’avait pas la force de détailler. Il avait peur aussi de recevoir une vérité cruelle. S’il était resté à sa place, rien de tout cela ne serait arrivé. Il suffisait d’accepter la soumission et de se la boucler. S’il n’avait pas mérité ces traitements, il les avait provoqués. Il devait porter le rôle affreux, ignoble, de victime consentante. Et, finalement, même les volontés d’acier comme la sienne flanchaient. Il venait de toucher le fond et la gravité des conséquences ne pouvait plus s’endurer seul. Les excuses étaient venues malgré lui. Désolé n’était peut-être pas le bon terme. Il s’en voulait.

La main du jeune homme ignora sa paume en se refermant sur la chair tendre de son poignet. Isaac s’en trouva déstabilisé, presque bouleversé. Ce geste était davantage celui d’un médecin que d’un amant. Il ne comprenait pas. Lui refusait-il le soutien muet qu’il invoquait ? Il se posait à mi-chemin, là où la vie pulsait, comme pour s’assurer qu’elle ne fuyait pas. Elle s’écoulait toujours oui, chaude, écarlate, sous sa carcasse vide. Ce mécanisme tenait bon, insensible à son humeur, à sa douleur et ses idées sombres. Lorsqu’il y songeait, ce phénomène avait quelque chose d’incroyable. Il instillait en lui un malaise profond, l’idée de n’être rien de plus qu’un automate programmé pour vivre en dépit de tout, et si fragile à la fois… Les doigts de James roulaient sur ses veines. Il entrevoyait à nouveau les tortures et les humiliations. Il ne devait sa survie qu’au sadisme d’Alecto Carrow. Elle aimait le défier, le mettre à ses pieds, affirmer sa puissance, provoquer les cris et les larmes. Ils résistaient, elle le maintenait en vie. Au fond, il incarnait la victime parfaite. Il participait au jeu en refusant de lui céder. Le plaisir du bourreau s’allongeait. Qu’avait-il gagné sinon des séances plus violentes ? D’un coup de baguette, l’horrible sorcière aurait pu lui sectionner l’intérieur du poignet, laver son impureté. Il évitait ouvertement la mort depuis plusieurs semaines. Sa fin n’était peut être plus qu’une question de temps. Cette peau était si délicate… Les battements de son cœur s’accéléraient. Pourquoi le touchait-on de cette façon ? Cette caresse n’avait rien de réconfortant. Elle lui renvoyait des images morbides, sanglantes. Ses pensées ne pouvaient envisager des interprétations plus heureuses. Le liquide vermeil coulait sur ses paumes vides à présent. La vision prenait une consistance réelle. Elle lui soulevait le cœur, et les mots de James n’arrangèrent en rien son trouble. Son récit l’avait laissé méditatif, il revenait à sa situation bridée mais sécuritaire de sang pur traditionaliste. Isaac avait essayé d’ignorer son statut. Mais il était vrai que, si le jeune homme l’aidait à se rétablir il gardait le silence sur l’état du monde actuel. Alors qu’il venait de se livrer, il préférait se taire plutôt que scandaliser ou demander ce qu’il avait pu endurer. Il ne voulait pas savoir. Il aurait préféré faire comme si rien ne s’était passé. Cette certitude soudaine le transperça. Il retira vivement sa main, sur l’effet d’une panique qu’il n’avait pas mesurée. Bien sûr, il savait que James avait subi un énorme lavage de cerveau au cours de son enfance. Il n’était pas différent de tous ces sangs purs imbéciles qui n’hésitaient plus à pavaner dans les couloirs de Poudlard en dénonçant les siens. Qu’aurait-il fait à l’époque ? L’aurait-il piétiné, comme tous les autres ? Et maintenant, était-ce différent ? Il devinait, fait rassurant, que les certitudes de James flanchaient, comme sa tête, renversée sur son épaule. Il risquait gros en le secourant.

Les non-dits les oppressaient. Des larmes baignaient la naissance de ses joues. Il ne pleurait pas, mais l’impression qu’un secret beaucoup plus lourd pesait entre eux l’angoissait. Voulait-il entendre la suite ? Il n’en était pas certain. Les rôles s’inversaient brutalement. James invoquait une aide qu’il ne pouvait pas lui apporter. Quels mots fallait-il murmurer ? C’en était fini des discours enflammés, destinés à secouer les idées fausses, à sortir les autres de l’apathie. Après des mois de persécution, ils touchaient le fond. Ses tentatives étaient vouées à l’échec, il l’avait bien vu avec William. Quel réconfort apporter cependant à un sang pur qui vous demande de le guider au milieu de cette guerre d’idées, quand l’un des partis participe au massacre de votre peuple ? Ses doigts, tremblants, s’égarèrent sous les cheveux légers de sa nuque. Il était probablement incapable de lui dire ce qu’il voulait entendre. Et une rancœur solide dans sa poitrine le retenait d’avance. Alors, il souffla d’une voix lente :


- Des animaux oui. On déshumanise la cible. Pour tuer, torturer, ou simplement souhaiter la mort de toute une communauté, il faut d’abord apprendre à rejeter l’idée qu’ils vivent, pensent et souffrent comme nous… Ça marche aussi pour les opprimés tu sais. Celle qui m’a fait tout ça
- Il désigna son corps meurtri d’un geste vague - ne sera jamais rien de plus qu’un monstre à mes yeux. Mais je crois que j’ai toutes les raisons de le penser…

Il repoussa doucement le jeune homme pour s’agenouiller face à lui sur le canapé. Saisissant son menton entre ses doigts il captura son regard, lui renvoyant une expression plus dure, à peine compatissante. Et pourtant, les mots restaient doux.


- Regarde James… Tu es perdu mais la réponse est devant toi non ? Ils te diront que je ne suis qu’une chose. Je sais que tu ne m’as jamais vu comme ça. Et tu sais que je ne suis pas l’exception à la règle. Je suis comme les autres
. – Il retourna son poignet et le lui présenta. - Le même sang, oui…

L’explication lui était venue du à coup. Troublé par la conscience d’être en vie, Isaac en oubliait les enjeux essentiels. Ses veines étaient charriées d’un sang impur, empoisonné. Etait-ce la pensée de James ? La question, l’évidence même, qui le tourmentait. Une fissure se formait sur le carcan de ses croyances. L’étau cédait, il pouvait exploser comme se renforcer avec excès. Les esprits conservateurs avaient souvent peur du changement. Il savait qu’il venait de s’enfoncer dans ses retranchements, mais il ne redoutait pas sa réaction. Après tout, s’il le perdait, il se retrouverait à nouveau seul. Alors il n’aurait plus rien et tout pourrait s’achever. Si le jeune homme n’était pas prêt, s’il se trompait, ce n’était pas la peine de s’accrocher à des chimères… Or, il s’y appliquait depuis le début. Il continuait, invoquait un démenti éperdu, ses lèvres tendues effleurant celles de l’étudiant avant de s’éloigner légèrement. Egaré lui aussi, il sentait les variations de ses expressions, la détresse qui se peignait sur ses traits. Le chaos n’en finissait plus de le broyer.
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMer 10 Mar - 21:23:22

S'il y avait eu un instant équivoque entre eux, il était bien loin à présent. Les mines provocatrices d'Isaac n'avaient duré que le temps d'un battement de cils, et la gravité les avait vite noyées. James se sentait d'une humeur étrange, très éloignée du badinage ; cette conversation avec Isaac le plongeait dans d'intenses réflexions, pas forcément des plus agréables, et l'éloignait des discussions futiles. Machinalement, le jeune homme faisait aller ses doigts sur la peau fine du poignet d'Isaac, son index suivant le tracé serré des veines, chaque battement du coeur de l'adolescent répondant au sien. Il n'avait plus envie de parler, de se laisser aller à des confidences ; déjà, il se sentait un peu honteux d'avoir ainsi levé le voile sur son éducation, et sur les doutes béants qu'elle laissait en lui. Comme à chaque fois, il éprouvait une gêne à critiquer les principes qu'on lui avait inculqués, comme si cela revenait à renier sa famille. Et pourtant... S'il voulait être honnête, il devait avouer que c'était à cause de cette éducation qu'il était devenu Mangemort... un choix qu'il regrettait de plus en plus amèrement.

Les yeux d'Isaac brillaient étrangement, et James préféra détourner le regard qu'affronter le spectacle de ces larmes. Voir pleurer les autres le laissait toujours comme paralysé, mais cette fois, il sentait clairement qu'il était capable de se mettre à pleurer aussi. Il observa donc ses pieds quelques instants, avec une passion quelque peu démesurée, avant de s'apercevoir qu'Isaac ne pleurait pas. Il parlait d'une voix ferme, bien qu'un peu tendue, et les larmes coulaient sans qu'il puisse les maîtriser ; mais il n'y avait ni sanglots, ni reniflements, rien de tout ce qui rendait insupportable les chagrins bruyants. D'un sens, ce flot de larmes silencieuses était bien plus poignant qu'une grosse crise de pleurs, mais il ne privait pas James de toute capacité de réaction. Il écouta Isaac sans broncher, trop conscient d'entendre la vérité pour prononcer une parole ; le plus difficile était de s'avouer qu'il appartenait à la race des bourraux, par la grâce des préjugés que sa famille lui avait entrés dans la tête ; ensuite, il faudrait trouver le courage de renier un engagement qui n'était pas le sien... Mais cette partie du programme était la plus difficile à réaliser, et la plus dangereuse aussi.

Isaac le fixait, le regard dur, et son explication semblait limpide. Comment n'y avait-il pas pensé avant ? Comment avait-il pu croire à toutes ces fadaises ? Sa gorge était extraordinairement sèche, tout d'un coup ; il ouvrit la bouche pour répondre, mais ne put émettre aucun son, et finit par choisir un mode de réponse plus facile à mettre en oeuvre : il saisit doucement le poignet qu'Isaac lui présentait, et attira doucement le garçon contre lui pour l'étreindre. Il avait besoin de cette chaleur contre lui, besoin d'entendre sa respiration, besoin de cette vie palpitante contre sa poitrine. Les doigts de sa main droite se refermèrent sur les cheveux de l'adolescent, et sa main gauche vint, très légèrement, masser le dos d'Isaac. Il profita quelques instants de cette proximité, avant de murmurer :


-J'ai sommeil, Isaac... enfin non, j'ai pas sommeil mais j'ai envie de m'allonger. Tu permets ?

Dans un mouvement doux, il rompit l'étreinte, se leva et prit Isaac dans ses bras, comme s'il s'était agi d'une jeune mariée. Il se releva, surpris de la légèreté du fardeau, en demandant :

-Tu m'accompagnes ou je te jette sur le canapé ?

Sans attendre la réponse, il adressa un sourire à l'adolescent, fit mine de le jeter, mais l'emporta vers la chambre pour se laisser tomber sur le lit, Isaac toujours dans ses bras, le corps frêle de l'adolescent en travers du sien.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyDim 14 Mar - 23:01:56

Il fuyait. Tout dans son attitude, du regard baissé au silence obstiné, trahissait la présence des aveux enfouis. Au début, il lui avait semblé que James refusait de critiquer sa famille, trop attaché à des notions de respect qui formaient les esprits asservis. Sa pensée n’était pas libre, elle était droite, unique. Etudier le monde sous un autre angle était un acte impie, passible de reniement. Des anciens oubliaient de réfléchir pour lui, il pouvait s’attacher sans craintes aux codes et aux dogmes établis par les siens. Les voix extérieures étaient fausses. Les nés-moldus étaient des bêtes de foire, il n’était pas nécessaire de les fréquenter pour le savoir. Tous les génocides naissaient de cette façon. Ce ne sont pas des hommes que vous tuerez, mais une vermine qui ne fait que vicier la surface de la terre. Le garçon assis à côté de lui avait partagé ces idées radicales. Elles oscillaient encore. Les temps n’étaient pas propices à la révolte contre les siens. Il lui avait déjà confié que la révélation de son homosexualité pourrait signer son arrêt de mort. Que se passerait-il s’il osait soutenir la cause des sangs de bourbe ? Isaac voyait bien qu’une impasse terrible les maintenant dans des camps opposés. Et James le désolait par la faiblesse de sa volonté. Beaucoup vivaient comme si le massacre de leur entourage n’était rien du moment qu’il ne menaçait pas leur sécurité. Les élèves de Poudlard suivaient une scolarité presque normale grâce à une lâcheté assumée. Les vrais révoltés étaient rares, ceux qui, pris dans un système, avaient la force de dire non l’étaient encore plus. De loin, on jugeait leur situation insoutenable. Ils évoluaient enchaînés, terrifié, dans un mensonge des plus parfait. Mais tout plaquer, c’était plonger en plein enfer. Les flammes étaient longues, brûlantes. Elles ne s’éteignaient pas seules. Il fallait les affronter, les traverser, avant de retrouver un petit bout de lumière, si un coup fatal ne vous abattait pas en chemin. Il lui demandait un sacrifice énorme.

Au fond, leur rencontre était peut-être une erreur, un genre de passion impossible qui après l’entente merveilleuse et muette se solde par une déchirante incompréhension. Malgré tous ces enjeux, il aurait aimé que James l’approuvât à haute voix. Ne pouvait-il pas dire au moins que ses paroles touchaient juste ? Il le pensait, c’était évident. Mais ses lèvres s’entrouvrirent pour mieux se taire. S’il avait saisi le message, les mots ne venaient pas. Isaac sentait que quelque chose bloquait toujours, comme si l’air était chargé de plomb. Un pressentiment désagréable soufflait que les excuses de la famille étaient trop simples. L’étudiant portait un secret beaucoup plus lourd en lui. Cette histoire de déshumanisation l’avait-elle poussé à commettre des choses horribles ? Collaborait-il d’une façon ou d’une autre ? Les siens étaient des sympathisants à la Cause. Il était de plus en plus difficile de garder sa neutralité. Quel rôle jouait-il vraiment dans cette guerre ? Celui d’un simple pion balloté d’une case à l’autre ? Sa gêne manifeste évinçait presque totalement cette supposition. Les figurants en puissance aimaient trop faire grincer les violons de la culpabilité. Il avait senti l’hésitation. Dire ou ne pas dire. De quelle triste révélation le préservait-il ? Il ne voulait plus rien entendre. L’angoisse de la phrase de trop le comprimait. Sa bouche tendue, proche puis éloignée cherchait désespérément une solution, le retour de la déviation, tout ce qui pourrait faire croire que les réponses étaient sans importance. La vérité est une agonie qui n’en fini pas, disait Céline, sans proposer, bien évidemment, d’échappatoire à ce malheur. Il ne laissait que deux choix possibles, mourir ou mentir. James le soutint dans son abandon en l’attirant contre lui. Mentir…

L’étreinte n’était pas agréable. Il sentait ses muscles se tendre, et ses nerfs, crispés, prêts à trembler à la moindre émotion plus violente. L’envie de se dérober l’effleurait. Les battements de son cœur raisonnaient jusqu’à ses tempes. Mais la vérité la plus profonde c’était peut-être qu’il tenait vraiment à lui, au-delà de tout ce qui avait pu être fait, quelque part, dans ce lieu isolé où les préjugés meurtriers s’évanouissaient. La tête mollement posée sur la poitrine du jeune homme, il écoutait son rythme régulier, cette vie que rien ne devait pouvoir arrêter. Les caresses sur ses cheveux et son dos l’apaisaient doucement. Il ne les rendit pas. Au point où il en était, il ne songeait plus qu’à se faire dorloter. Son esprit se mettait en pause. Finalement, il ne voulait plus se détacher de ses bras. Si le malaise ne s’était pas dissipé, il évoluait. C’était différent, comme si cette présence devait l’étouffer de près et lui manquer de loin. Il préférait rester contre lui, et cet état l’aurait bercé des heures sans jamais l’ennuyer. Il suffisait de ne rien se dire. Mais finalement, James le repoussa en arguant qu’il était fatigué. Déjà ? S’il n’avait pas corrigé ses propos, Isaac aurait pu le supplier de ne pas le laisser. Sombrer dans le sommeil était un semi abandon. Il ne voulait plus dormir, plus de retour au noir et à la solitude. Son compagnon ne pouvait pas partir maintenant… Sauf s’il l’emportait avec lui. Avant même d’avoir le temps de réaliser ce qui se passait le Serpentard se retrouva soulevé. La facilité avec laquelle James l’arracha au canapé le surpris beaucoup. Ce n’était pas comme s’il avait à faire à un type exceptionnellement baraqué, au contraire. Combien de kilos avait-il perdu depuis la rentrée ? Il n’osait toujours pas se peser. Ses bras se serrèrent machinalement autour du cou de l’étudiant qui retrouvait un ton plus léger. Il accepta ce changement de registre avec joie. Après une réflexion feinte, il répliqua donc d’une voix caressante :


- Hum je ne sais pas… Ce qui en terme de représailles sera le moins dangereux pour toi peut-être…


Il ne savait pas encore comment mais si James l’avait attrapé contre son gré pour le jeter, une imagination vengeresse le lui ferait regretter d’une manière ou d’une autre. Un sourire espiègle étira ses lèvres, et la direction pour la chambre l’emporta. Le jeune homme bascula sur lui sans plus se cérémonie, l’écrasant à moitié. Sa réponse ne se fit pas attendre. Au lieu de profiter d’une nouvelle étreinte il lui pinça la hanche et roula pour s’installer sur lui, une petite lueur de triomphe au fond des yeux. La gravité des dernières minutes était balayée. Avec un peu de mauvaise volonté, il n’était finalement pas moins inconstant que tous les autres.



**
[Fin de la séquence]
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMar 16 Mar - 22:15:57

Nuit de la Saint-Sylvestre


Cette calme soirée en compagnie d'Isaac avait-elle réellement eu lieu ? L'interrogation, lancinante, ne cessait de remuer dans l'esprit de James. Il ne parvenait pas à croire qu'un peu plus de vingt-quatre heures auparavant, il se trouvait à discuter tranquillement avec un adolescent paumé... Tant d'événements séparaient ce moment de bien-être de la nuit glaciale dans laquelle le jeune homme nauséeux fumait fébrilement une cigarette, hésitant à rentrer... à rentrer chez lui, pensa-t-il soudain, conscient de la cruelle ironie de la formulation. Que craignait-il en rentrant dans la chaleur de son appartement ? Il le savait, mais n'osait se l'avouer ; la réaction d'Iaac lui faisait peur, et il préférait retarder le plus possible le moment de retrouver l'adolescent. La douleur, cependant, ne lui laisserait pas longtemps le choix ; à chaque seconde, il se sentait défaillir, puis reprenait un peu le dessus, puis... D'un geste nerveux, il envoya sa cigarette à demi-fumée à deux mètres, sachant parfaitement que le moment était venu. Il avait laissé Isaac quelques heures plus tôt pour aller réveillonner en famille, il revenait sanglant, un genou brisé, le moral au plus bas. Difficile d'expliquer cela. Le gamin l'avait incité à répondre positivement à l'invitation de ses parents, affirmant qu'il ne s'ennuierait pas et qu'il irait se coucher tôt ; comme pour le convaincre, il avait fait une pile de livres près du canapé, et s'était confortablement installé devant le feu, une Bièraubeurre à portée de main, non sans regretter à haute voix l'absence de télévision.

Qu'allait-il dire en voyant l'état délabré dans lequel son hôte regagnait ses pénates ? On pouvait difficilement, dans une fête familiale, se déchiqueter un genou et se couvrir de sang, même dans une famille telle que celle de James. Au prix de mille difficultés, le jeune homme parvint à rassembler suffisamment de forces pour tansplaner jusque sur son palier, craignant fortement de se désartibuler au cours de l'opération ; l'attelle qu'il s'était bricolée lui permettait vaguement de tenir debout, mais la douleur était si vive qu'il avait l'impression que toute sa jambe était prise dans un étau. Péniblement, en se tenant au mur, James arriva jusqu'à sa porte, tapota mollement la serrure, épuisé d'avance ; il s'efforçait de trouver un mensonge valable pour couper court aux inévitables questions d'Isaac, mais son esprit refusait de fonctionner correctement. La seule conclusion cohérente à laquelle il arrivait était qu'avec un peu de chance, l'adolescent serait endormi, et qu'il n'y aurait pas d'importun pour l'empêcher de se gaver de potion anti-douleur en lui réclamant des explications...

James posa la main sur la poignée de la porte en espérant trouver un appartement plongé dans l'obscurité, propice au repos ; ce soir, la présence d'Isaac lui pesait, et il souhaitait ardemment que son invité serait profondément endormi à son arrivée. La porte s'ouvrit, et le jeune homme cligna des yeux, gêné par la lumière ; le logement était éclairé a giorno, preuve qu'Isaac était encore debout – à moins, ultime espérance, qu'il ne se soit endormi en oubliant d'éteindre ? James avança, en s'efforçant de faire le moins de bruit possible ; il savait qu'une fiole d'anti-douleur attendait dans le placard aux potions, et ce placard constituait son unique but...Ensuite, dormir, dormir trois jours d'affilée, tout oublier...

Mais il y avait Isaac. Il ne pouvait pas faire cette cure de sommeil, à moins de jeter l'adolescent sur le trottoir avec sa valise, et il savait bien qu'il n'avait aucune envie de virer le Serpentard. Ce soir, juste ce soir, la présence du gamin était un fardeau, mais elle pourrait peut-être être un réconfort dans quelques heures... Finalement, avoir quelqu'un chez soi n'était pas désagréable, malgré l'angoisse qui nouait l'estomac de James à l'idée de devoir affronter les questions d'Isaac...

James se glissa de l'entrée dans la cuisine aussi rapidement qu'il put, rassuré par l'absence de réaction suscitée par son arrivée ; Isaac dormait donc, il avait dû lutter au maximum pour ne pas sombrer, mais le sommeil avait fini par s'emparer de lui sans qu'il ait le temps d'éteindre... Il suffirait de ne pas faire de bruit, de ne pas réveiller cet ange brun, et tout serait parfait. Pas de conversation pour le moment, pas de mensonge à inventer pour expliquer ce genou broyé... La fiole de potion fut avalée en deux secondes, et une impression d'amélioration tout à fait psychologique vint soulager le blessé ; le seul fait de toucher le flacon de potion semblait déjà faire du bien. Abandonnant la fiole vide, le jeune homme attrapa un verre et une bouteille de whisky, bien décidé à s'imbiber en beauté avant d'aller dormir. Il porta précautionneusement son précieux chargement au salon, en remarquant au passage que quelque chose avait changé, sans pouvoir dire quoi ; il allait se laisser tomber sur le canapé lorsqu'il remarqua qu'Isaac y dormait, encore tout habillé – il portait d'ailleurs la chemise que James lui avait offerte pour Noël, et une odeur sucrée indiquait qu'il s'était parfumé. Avec un gémissement de douleur, le jeune homme s'avachit sur le fauteuil proche du canapé, et se servit un grand verre de whisky en jetant un regard torve autour de la pièce. Quelque chose clochait, mais il ne pouvait dire quoi. Désemparé, James prit l'étrange objet qui traînait sur la table basse, appuya sur un bouton au hasard, et le lâcha aussitôt en entendant une petite musique synthétique s'élever de l'objet.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptySam 20 Mar - 13:20:53

Game over, recommence au niveau un. Presque machinalement, il relança la partie, effectua les gestes appris par cœur à force de les répéter. Marche, dégomme un monstre, casse une brique, récupère une étoile magique, oh ! surprise tu es invincible, c’est le moment de filer droit, d’éclater tout le monde au passage comme un taré sous exta et de… se suicider dans un ravin. Houra ! Un coup de doigt rageur eut raison de l’écran pixellisé. Minuit était passé. Après avoir levé un verre de kir royal au vide il se retrouvait, le jour de l’an, à jouer sur une pauvre gameboy au jeu le plus abrutissant de la création après le casse-brique, super mario. Cours en ligne droite, fracasse toi la tête sur des cubes flottants, cours, saute, meurt, reviens au début, continue. A force d’acharnement et d’ennui il était arrivé au bout de la partie en été. Cette nuit, il ne savait vraiment plus quoi faire pour garder les idées claires. La cartouche trainait encore dans son sac, il s’étonnait de ne pas l’avoir balancée. Il aurait peut-être dû, cette répétition infernale l’abrutissait au point de provoquer un mal de tête éblouissant. Dans un soupir, il posa la console de poche sur la table basse. Sa dernière distraction venait de rendre l’âme. James ne rentrerait pas avant une heure du matin grand minimum. Mais sans télévision ni ordinateur, le Serpentard ne voyait plus trop quelle occupation invoquer. Les premiers instants avaient filé assez vite. Encore imprégné de la présence de son hôte absent il avait mis toute son énergie dans la préparation d’un nouvel an tardif. Si le jeune homme fêtait en famille, il avait peu de chances de le récupérer ivre mort en fin de soirée, et Isaac avait très envie de lui offrir quelque chose de spécial pour le remercier. Il voulait lui faire plaisir. Cette pensée le rendait curieusement heureux. Il avait pris contact avec quelques bonnes adresse de restauration encore ouverte, n’hésitant pas à utiliser son nom pour obtenir quelques privilèges et revisité la décoration du salon afin de créer une ambiance digne d’un palace sorcier en misant simplement sur la couleur et les éclairages magiques.

Cette nuit, son apparence redevenait importante. Tout était magnifique, son jean trop large et son t-shirt détendu juraient atrocement. Ressortir de beaux vêtements était presque un choc. Ils ne lui allaient plus aussi bien qu’avant, pourtant, il se sentait mieux dedans, plus frais, plus vivant. Mais, depuis minuit, son enthousiasme retombait. L’appartement était prêt, il n’y avait rien à modifier, des papiers de gâteau trainaient sur la table, le champagne était presque vidé de moitié, James n’était pas là, il s’ennuyait comme une épouse désœuvrée. Ses yeux fatigués se perdaient sur les aiguilles d’une horloge. Il attrapa une bande dessinée, la feuilleta sans rien comprendre aux plans diaboliques d’un super méchant qui promettait la destruction de la planète, et finit par s’enfoncer dans le canapé avec des écouteurs sur les oreilles. Pourquoi James n’arrivait-il pas ? L’impression d’être abandonné pesait sur sa poitrine. Il se concentra sur la musique de son baladeur, et les paroles très sirupeuse d’un chanteur oriental, qu’il était, par chance, le seul à comprendre ici. Ses grands-parents et ses cousins s’amusaient-ils au rythme de ces sons ? Il regrettait de ne pas partager ce moment en famille lui aussi. Les notes envolées lui faisaient vivre en songe la fête qu’il manquait.

Une autre mélodie arriva, composée de simples petits bips aigus. Le jeu se relançait, il tendit la main demain lui pour passer l’intro. Son pouce pressa le vide. Troublé, Isaac se redressa brusquement. Le baladeur posé sur son ventre se fracassa à son tour sur le plancher et le disque éjecté roula jusqu’aux pieds de James. Il était de retour, face à lui. Ses paupières papillonnèrent pendant qu’il recouvrait ses esprits. Trop content de le voir pour noter d’emblée l’usure de ses traits, l’adolescent lui adressa un sourire ravi.


- Tu es là depuis longtemps ?
demanda-t-il un peu pris au dépourvu.

Un coup d’œil à l’horloge lui indique que les deux heures avaient été sonnées. Il s’était bêtement endormi et n’aspirait plus qu’à se recoucher à présent. Il venait de rater son effet en beauté. D’abord, il posa le lecteur cd sur le canapé, puis contourna la table pour éteindre la gameboy et sa musique entêtante. Le pauvre James se faisait envahir par la technologie moldue. Il posa les objets sur la table comme si de rien était, et entremêla doucement ses doigts dans les cheveux du jeune homme. Ils étaient plutôt poisseux, différents de ceux qu’il avait caressé en début de soirée. Pourtant, son compagnon ne sentait pas l’alcool. Un peu troublé, il le dévisagea un instant. Que signifiait cette expression fermée, tirée, déroutée ? Il n’avait même pas l’air heureux de le retrouver. Une bouteille de whisky attendait devant lui. Or, on ne buvait pas tout seul une boisson si forte après un nouvel an en famille, à moins d’avoir trop consommé au dîner et de ne plus savoir s’arrêter. Ses sourcils se froncèrent, plus préoccupés. Le repas avait-il été à ce point catastrophique ? Malgré une inquiétude de plus en plus évidente, Isaac se pencha vers l’étudiant et souffla :


- Shana tova, bonne année…


C’était la même expression. En famille, ils avaient pris l’habitude d’alterner, de répéter des formules toutes faites dans les occasions importantes, comme s’il était indispensable de s’exprimer en hébreu avant de retrouver tout naturellement sa langue courante. La logique réclamait un baiser, il enfouit sa tête au creux de son épaule et inspira un instant contre sa peau. Quelque chose le dérangeait, une moiteur inhabituelle, pas du tout de celles qui rendent le parfum corporel meilleur. Il s’éloigna, posa une main incertaine sur la sienne. La nervosité l’électrifiait.

- ça ne va pas ?


Le front plus soucieux, Isaac songeait que les sueurs glacées n’étaient pas tout ce qu’il avait respiré. C’était comme si James portait la mort sur lui. La tache plus sombre sur sa chemise était-elle liée à ce désagréable pressentiment ? La lumière de cette affaire le crispait d’avance. Ce n’était peut-être rien. Mais le pire ne l’épargnait jamais.
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  • James Kirkby
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyMer 24 Mar - 12:36:36

Lentement – trop lentement au goût de James – la douleur s'estompait, mais un tremblement continu agitait toujours les membres du jeune homme. La tête renversée sur le dossier du fauteuil, il fixait le plafond d'un regard torve, parfaitement conscient des anomalies de son organisme. Il y avait les battements désordonnés de son coeur, qui auraient pourtant dû se calmer depuis le temps que le combat était terminé. Il y avait ce tremblement léger, mais convulsif. Il y avait, surtout, la douleur qui transperçait encore sa jambe gauche, et l'impression que s'il enlevait l'atelle, les os de son genou allaient tomber en vrac à ses pieds. Dans sa hâte de prendre sa potion, puis de s'asseoir, il n'avait même pas ôté sa cape de voyage ; la cagoule de Mangemort avait fait les frais de sa rage, et avait flambé sur le trottoir, devant chez lui, comme pour un dérisoire symbole. Il ne voulait plus de tout cela ; les convocations, les ordres infâmes, l'obligation d'obéir au mépris de ses propres sentiments, et la certitude d'être un salaud. Tout autant que la douleur, cette pensée obsédante le faisait trembler ; méritait-il seulement l'air qu'il respirait ? Chaque goulée d'oxygène était un vol, un outrage à l'humanité, et James, inconsciemment, respirait très doucement, comme pour limiter l'étendue du larcin.

Isaac bougea vaguement la main, avant de se redresser d'un coup, son regard de jais fixé sur James. Le Mangemort tenta un sourire, qui lui donna l'impression que son visage allait se fissurer, et il reprit son expression morne. Le gamin lui souriait, lui parlait, et tout cela lui donnait envie de pleurer. Il était même indigne qu'Isaac l'insulte, en réalité ; tout ce qu'il avait pu faire ces derniers jours – accueillir le Serpentard, protéger l'immeuble de ses parents – venait de disparaître brutalement lorsqu'il avait accepté d'obéir encore une fois à la convocation de Lord Voldemort. Il aurait dû négliger la brûlure de son bras, faire acte de bravoure en désobéissant ; peut-être, alors, aurait-il pu se regarder dans la glace sans avoir envie de cracher sur son reflet. En tout cas, il se serait épargné un combat contre Ophelia, contre Vawdrey, contre ces gens qui fêtaient paisiblement la nouvelle année...

Isaac s'approchait, posait une main affectueuse dans les cheveux de James, et l'étudiant, mal à l'aise, se tortilla en soufflant sur un ton suppliant :


-Laisse-moi, Isaac, laisse-moi...

Il tenait donc à se salir à son contact, comme si le simple fait d'être sous le même toit n'était déjà pas assez ignoble... Sans prendre garde au verre qu'il avait apporté, James fit sauter le bouchon de la bouteille de whisky et se mit à boire au goulot, à grandes lampées, en espérant être rapidement assez saoul pour tomber endormi. Mais il fallait parler, rassurer Isaac, éviter les questions... D'une voix atrocement rauque, le jeune homme fit :

-Je viens d'arriver. Bonne année à toi, Isaac...

Il n'osa poursuivre, formuler à haute voix le voeu qui lui venait à l'esprit. La fin des tourments pour l'adolescent. Cela signifierait probablement des ennuis pour lui-même, mais pour une fois, James se fichait éperdument de son propre sort. Qu'il vive ou meure, il n'était qu'une tache à la surface de la terre. Mais Isaac... Lui avait quinze ans à peine, et assez de noblesse pour mériter de vivre, et de l'emporter sur ses bourreaux. Pour l'heure, cependant, les tortionnaires étaient trop bien installés pour qu'un retournement de situation puisse être envisagé ; et se savoir au nombre des salauds achevait d'anéantir James. Avec un effort de volonté, il pourrait oublier Ophelia, jeter Isaac dehors, et profiter de la position dominante que lui assurait son allégeance à Lord Voldemort. C'est ce qu'aurait voulu la logique de son clan, de son sang, mais quelque chose en lui s'y refusait. À vingt ans passés, il entrait dans sa crise d'adolescence, à retardement ; il avait envie d'envoyer balader les principes dans lesquels on l'avait élevé, et de clamer bien haut des slogans pacifistes. De se suicider, en un mot.

Les sourcils froncés, Isaac l'observait avec attention, et demandait si ça allait. Le jeune homme reprit une gorgée d'alcool avant de mentir d'une voix tremblante :


-Si, si, ça va très bien.

Sous l'effet, probablement, de l'alcool, des larmes montèrent à ses yeux, une brûlure plus insoutenable que celle de la Marque, et roulèrent sur ses joues sales.

-Tout va très bien, répéta-t-il pour s'en convaincre lui-même, à voix basse.
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  • Isaac Deniel
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MessageSujet: Re: La vie en kit, livraison à domicile [Terminé]   La vie en kit, livraison à domicile [Terminé] EmptyVen 2 Avr - 21:37:09

Le laisser ? Sa main se figea au milieu de la caresse. Les doigts piégés entre les boucles sombres du jeune homme, il accusa le coup, les traits marqués par une incompréhension de plus en plus vive. Des certitudes étranges s’imposaient en lui. Elles cinglaient son âme, évidente et sans logique. Un malaise les partageait. Les liens, très fort, qui les unissaient encore au crépuscule, n’existaient plus. Minuit avait sonné. C’était comme si le changement d’année venait de les séparer. James refusait le contact, son regard fuyait, il avait peur. L’ignorance comprimait tout son corps. La nervosité était contagieuse, elle le dévorait peu à peu. Il entrevoyait des images floues, dénuées de significations précises, mais brutales et douloureuses. Les temps étaient durs, ce n’était pas une nouveauté. Tous les drames devaient, semblait-il, donner suite à la situation de crise que le monde des sorciers vivaient. Mais, chez une famille traditionnaliste, son compagnon n’était-il pas protégé ? Il n’en savait rien en réalité. Les pratiques de ces gens restaient obscures. James évitait toujours d’aborder le sujet, il l’éludait en formant des phrases évasives et amères. Trop pleutre pour les renier, il avait cependant conscience d’agir contre eux, ceci d’une manière de plus en plus évidente. Alors, la crainte d’être à l’origine de ses ennuis l’embrasait. S’ils savaient qu’il l’avait recueilli, les conséquences étaient graves. Etait-ce pour cela qu’il rentrait dans cet état ? Qu’il cherchait à l’éloigner de lui ? Isaac appréhendait la suite désormais, le désaveux sans appel, la mise à la porte lâche et cruelle, pour le protéger, ou, surtout, parce qu’il ne se sentait finalement pas d’affronter les siens. Beaucoup osent provoquer des situations délicates avant de retrouver leurs maîtres à penser, pygmalions de l’esprit et destructeurs de volonté.

Son « bonne année » n’avait rien de convaincu, celui de James sonnait tout aussi creux. Le souhait était sinistre, ils auraient tout aussi bien pu se présenter leurs condoléances, l’ambiance n’aurait pas dénotée. Pendant ce temps, le jeune homme buvait sans mesure. Le whisky disparaissait dans sa gorge à une vitesse affolante, et Isaac atteignait un état de crispation extrême. Ce n’était pas normal. Cette tension n’avait pas lieu d’être, ni cette moiteur, et le pouls irrégulier que sa proximité laissait deviner. Ça n’allait absolument pas. Il posait la question, mais ce n’était qu’un constat. Allait-on lui dire ce qui se passait ? Pourquoi une cape de voyage pesait-elle toujours sur les épaules de l’étudiant ? Il avait l’impression de le recueillir dans le rôle du blessé. Mais pourquoi ce soir ? James assurait stupidement que tout était pour le mieux, rien à noter, trinquons à l’heureuse année, et bonne santé ! Le’hayim ! Quelle ironie… Des larmes glissaient sur ses joues à présent. Même s’il le connaissait peu, Isaac ne l’avait jamais vu dans un pareil abandon. Quelque chose avait renversé l’humeur tranquille de la journée. A aucun moment pourtant, le jeune homme n’avait montré d’inquiétude quand au soir à venir. Bien sûr, il avait un peu résisté avant de participer au réveillon familial. Mais c’était par simple politesse, il était gênant de le quitter un soir de festivité. S’il avait menti, la comédie était adroitement menée. Cependant, lorsqu’il voyait avec quelle maladresse il s’efforçait de nier l’évidence d’un problème, Isaac n’y croyait pas un seul instant. James n’avait rien d’un manipulateur, mais peut-être tout d’un dissimulateur.


- C’est ça fiche toi de moi.

Vaguement agacé, il lui arracha la bouteille des mains et la posa brusquement sur la table, hors de portée. Quelques gouttes d’alcool se répandirent sur le sol. Si sa baguette ne reposait pas sous les coussins du divan il n’aurait pas hésité à faire voler le verre en éclat. Le comportement de James ne lui plaisait pas du tout. Cette résistance vaine et ridicule mettait sa patience à rude épreuve. Il s’inquiétait, comme de raison, et cet abruti lui donnait la réplique en buvant sous son nez.


- Je suis censé faire quoi là ? Te regarder jusqu’à ce que tu t’écroules ? C’est pratique l’alcool hein ? Bientôt tu vas me dire que tu te sens trop con pour t’expliquer c’est ça ?


La colère, réaction tout à fait en accord avec son caractère trop émotif, se déclenchait violemment. Plus que briser la bouteille, il sentait ses poings se crisper et retenait l’agressivité physique qui se répandait dans ses veines. Il l’aurait frappé, parce qu’il s’inquiétait, parce qu’il ne savait pas comment l’aider. L’attitude du jeune homme le dérangeait, c’était comme s’il n’était plus à sa place. Même les larmes n’arrivaient pas à l’attendrir. Il souffla un coup, conscient de renouer avec des passions trop négatives. Sa voix était tendue, mais plus douce, lorsqu’il reprit :


- Je t’ai attendu. Tu m’as parlé d’un simple repas de famille… Qu’est-ce qui s’est passé ?


Une dispute qui aurait dégénéré ? Il revenait aux interprétations premières, ou peut-être que le jeune homme avait simplement tenu des propos trop libres qui avaient engendré la violence de ses proches. Après tout, il lui avait dit qu’un coming out pourrait signer son arrêt de mort. Vu de cette façon, il y avait des drames plus terribles. Mais un pressentiment ne le quittait pas. La vérité l’effrayait et lui semblait indispensable à la fois. Au bout de sa main, les doigts se glaçaient sur ceux de James. Ses yeux ne quittaient plus la constellation sombre sur les vêtements de l’étudiant. Il n’osait même pas ouvrir la lumière pour s’assurer qu’il s’agissait bien de sang.
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