Eric n'avait pas profité de l'air libre depuis un bon moment, la neige n'ayant pas aidé à la motivation quasi-inexistante du garçon. Pourtant, malgré la température toujours aussi basse, il était adossé à un chêne, la plume à la main. Il finissait un devoir qu'il devrait rendre le lendemain au professeur Carrow sur "L'ignorance et l'inutilité des Moldus dans la société actuelle". Et il faut bien avouer que l'inspiration ne venait pas. Sa plume effleurait le parchemin en décrivant des cercles indécis tandis que son autre main arrachait des bouts d'herbes frais. C'était une aprés-midi morne, qui aurait pu avoir un quelconque internet si Eric s'était enfin trouvé des compagnons. Depuis le début de l'année, il restait discret, presque invisible, allant et venant, telle une ombre, dans les couloirs du château, se mêlant à la foule. Oh bien sûr, la première semaine s'était très bien passée, il avait fait connaissance avec une certaine Arabella qui avait été très patiente et généreuse avec lui. Mais il s'en était éloigné, inconsciemment.

Voilà pourquoi, un après-midi gris de Janvier, Eric cherchait sa muse en flânant dans le parc. Un journée ennuyante à souhait. Il avait bien écrit quelques mots à la volée sur son parchemin, mais qu'il était sûr de ne pas pouvoir rendre sans en subir les conséquences :
"Les Moldus n'ont comme faiblesse que le manque de pouvoirs magiques qu'on leur reproche ouvertement. Ils sont donc inutiles en matière de travail magique certes. Mais bon nombre d'entre eux ont atteint dans leur société une place de haut dignitaire. L'intelligence de ceux-ci valent bien mieux que certains sang-pur dont la seule occupation est de vanter leur arbre généalogique, que leur intelligence de trool rende la seule chose qui leur est possible de lire."
Eric griffonna ces mots sans convictions, le froid ankylosait ses os et ses oreilles sifflaient, rendue rouge par le froid. Il n'y avait pourtant rien à faire d'autre que de se convaincre qu'insulter les Moldus lui vaudrait une bonne note. Mais il ne voulait pas s'abaisser au niveau des Carrows, encore moins de cette vieille harpie.

Le garçon se leva péniblement, pris ses affaires et les rangea précautionneusement dans son sac qu'il mis sur son dos. Il commença à remonter vers le château qui s'étalait sur tout son champs de vision, telle une forteresse imprenable. Poudlard ne lui avait jamais semblé aussi impuissant pourtant. On lui en avait vanté ses exploits, mais le jeune Gryffondor ne voyait qu'une soumission exemplaire et déconcertante de la part d'une telle réputation.
Sa robe s'accrocha à une branche d'un arbre qu'il avait frôlé, l'arrachant à ses réflexions. Mais après de nombreux efforts, il resta coincé, dans l'incapacité de se dégager. Il donna un coup violent d'épaule dans le sens opposé mais la seule chose qui s'arracha fut son sac; Ses affaires volèrent dans l'herbe humide et Eric restait péniblement et honteusement accroché à sa branche. Il regarda autour de lui, ses joues devinrent écarlates à l'idée que quelqu'un le voit. Malheureusement, ses efforts ne lui permirent pas de retrouver la jouissance de la liberté de ses mouvements, et dire que sa baguette était à quelques mètres de lui seulement...

"Journée à la con, pourquoi je suis sorti par ce temps ..."

« Tu abandonnes déjà? »

Le ton de voix de l'enfant était neutre, il n'y avait nulle trace de moquerie. La chanteuse s'était installée sur un petit rocher tout prêt et avait tranquillement tout observé. Son regard ambre avait vu les affaires tomber, le garçon s'acharner et se décourager, mais elle ne bougeait toujours pas. Ses yeux jaunes oranges se contentaient d'analyser à travers le verre de ses lunettes.

« Il faudra pourtant bien que tu te dégages... »

Eric s'était redressé avec vigueur, les joues flamboyantes. Il regarda la jeune fille qui se tenait devant lui, impassible. La bouche entrouverte, il n'arrivait pas à prononcer un seul son. La remarque de la fillette était pertinente, il ne pouvait abandonner, où cela voulait dire qu'il resterait coincé jusqu'à ce qu'une personne ne le secour.. Mais bien sûr ! Cette fille allait l'aider, c'était évident. Il se mit en biais et dit d'un ton dégagé, même si sa voix tremblait :

"ça te dirait de m'aider ? C'est un peu dur sans baguette."

Puis le regards du Griffondor s'orienta vers le symbole qui s'étalait sur la robe de la fille ; Un magnifique serpent ondulé d'une couleur émeraude formant un S . Son sourire faussement dégagé retomba mollement pour former une barre horizontale. Il regarda sa baguette avec pitié, comme pour l'implorait de venir à lui et, dans un mouvement d'espoir, il se débattit une nouvelle fois. Quand il dût se rendre à l'évidence qu'il n'y arriverait pas seul, il se tourna de nouveau vers la Serpentard.

"Oh je sais ce que tu te dis. C'est drôle un Griffons coincé, c'est si drôle que tu va me regarder me débattre comme un fou hein ? Hé bien vas-y moques toi, amuses toi de ce spectacle, délectes toi de cette situation !'

Il tira violemment sur sa robe, des larmes de rage coulant sur son visage bouillant et d'un rouge toujours autant prononcé. Sans regarder la sorcière, il inspira longuement et , toujours les yeux rivés dans la direction opposée, il lui marmonna sans conviction :

"Amène d'autres Serpentards si tu veux ... Fais toi plaisir. Moi je vais rester là, à attendre gentillement. Et .... - Sa voix devint un murmure - Si je pouvais avoir ma baguette ... M'enfin, t'es une serpentard ... -Une susurration à peine audible - j'aime pas les Serpentards, j'ai personne avec qui parler, j'veux pas devenir un punching-ball ... - Sa voix se brisa-"

Il n'osa pas se tourner vers ses yeux vidés de sentiments, ses yeux insondables. Il préféra rester debout, des larmes sur la joues et les mains en sang, écorchés sur toute la paume. Le garçon avait la tête qui tournait, ses pensées fusaient comme des étoiles se consumant dans l'atmosphère. Il n'avais pas voulu pleurer, il avait onze ans, débutait une première année dans une école de Magie et avait enfin l'opportunité d'avoir des amis maintenant que sa mère ne le tenait pas à l'écart du monde. Mais voilà, il ne savait pas se faire respecter, et venait de démontrer cette faiblesse à cette Serpentard. Ses mains tremblantes, il restait debout, les yeux vides mais la tête prête à exploser ...

Pendant tout ce moment la, la jeune fille s'était contentée se fixer Rhys d'un air impassible. Son visage ne laissait transparaitre aucune expression. Rhys se demanda même un instant, si cette immobilité était due à une quelconque maladie. D'autant Les yeux ambrés qui le dévisageaient ne semblaient surnaturels. Une couleur magique?

Pourtant, lorsque le jeune homme posa la question, la jeune fille sembla se dérider. Son visage se fendit d'un espèce de sourire. Effectivement, on ne devait pas lui poser la question très souvent. Et surtout, pas de cette façon. Rhys n'était pas exactement le genre de personne à ménager la « sensibilité » de son interlocuteur, mais un tel manque de tact était surtout du à son état après ce maléfice. Le jeune homme sentait qu'il récupérait. Lentement. Il se sentait plus stable, l'esprit de plus en plus clair. Il commençait à récupérer des bribes de logique. Ou quelque chose qui s'en approchait.

« Tu poses souvent des questions pour ne pas répondre? »

Cela confirmait bien ce que pensait Rhys. On lui avait posé une question et il ne savait pas du tout de quoi il en retournait. Il passa rapidement en revue les questions qu'on aurait pu lui poser.
Son nom? L'heure? Si il était à l'origine du sort?
A ce sujet la, il n'aurait pu duper personne. Il était à l'origine du sort. Le problème, c'est qu'il aurait du mal à trouver un mensonge crédible pour dissiper les doutes. Et puis, un étudiant de poudlard ne peut normalement pas lancer de sort informulés sans baguette. D'ailleurs, C'était surement cela, la raison pour laquelle il avait déchanté. Il aurait du verbaliser le maléfice. Quelques rimes psalmodiés et cela serait passé tout seul. Enfin, il trouverait surement de plus amples explications à ce sujet dans le livre de Siam. Rhys ouvrit la bouche, pour commencer une phrase, puis s'interrompit.

Et puis après tout, pourquoi s'expliquer? Ce n'était qu'une gamine. Le jeune homme n'était pas particulièrement à cheval sur tous les principes d'étiquettes. Il pouvait parfaitement ne pas répondre. L'ennui, c'était si la fille parlait. Ça risquerait d'arriver aux oreilles de Clive.
Dans le doute, il pourrait toujours nier. Une tactique puérile, basique mais qui avait fait ses preuves.

Ouais. J'ai des trucs à faire.

Et sans autre manières, il lui tourna le dos et s'avança vers le parc, à la recherche d'un endroit sec.

Le garçon en face d'elle semblait réfléchir. La question qu'elle avait posé était pourtant simple, à moins que le sujet ne soit plus délicat qu'il n'y paraissait. Le blond opta pour l'option de facilité et de lâcheté. Ce n'était pas acceptable pour la chanteuse ni satisfaisant. Les traits retrouvèrent alors leur neutralité. Seul une petite flamme orangée trahissait la légère frustration de la chanteuse. Le morceau venait juste de débuter et les danseurs n'avaient pas la permission de quitter la piste. C'était elle qui décidait la fin des morceaux et qui permettait aux gens de s'en aller ou non. Si son aîné croyait pouvoir s'en sortir avec une fuite aussi facile. Les partitions avaient un fort esprit de contradiction, il était difficile d'échapper aux lignes quand on voulait fuir l'ordre, mais délicat de rester sur le cheminement des notes quand on voulait les suivre.

La verte et argent se redressa tranquillement pendant l'autre élève s'en allait. Il était inutile de courir ou de se presser. Le parc était certes grand, mais pas de quoi perdre des yeux une personne. Sans compter que l'accélération était totalement contre nature chez la compositrice. Il ne fallait surtout pas aller plus vite que la musique. Ne pas respecter le tempos, c'était perdre son art.

Haley mit sa guitare en bandoulière et prit l'étui à la main avant d'emprunter la même direction que celle de Rhys. Une chouette passa dans le ciel et attira le regard de l'artiste. Que ce soit un simple tour pour se dégourdir les ailes ou du courrier, ces oiseaux étaient beaux à regarder. La chanteuse préférait la ronde des charognards, plus marquante et poignante, mais les oiseaux qui distribuaient le courrier avaient aussi son affection. Ils étaient porteurs de surprises, d'un contenu dont ils ignoraient toute la portée et qui pouvait conduire à bien de situations.
La chanteuse trouvait parfois amusant de regarder la distribution du courrier entre les visages jaloux des élèves envers ceux qui recevaient des cadeaux exceptionnels, ceux qui blanchissaient à la vu de mauvaises nouvelles ou encore ceux terrassés par la honte d'une beuglante. En général la fillette n'assistait pas à ce cérémonial, car elle mangeait trop tôt et sortait tout de suite dans le parc. Il lui était cependant arrivé de revenir pour ce petit instant, juste pour observer. Elle n'écrivait pas à ses parents et ceux-ci avaient abandonné l'idée de communiquer avec leur progéniture par écrit, elle avait donc tous le loisir pour regarder. La compositrice n'était pas inclus dans l'évènement, c'était pour cela qu'elle pouvait entendre si bien le coeur.

Les yeux ambres d'Haley retournèrent sur terre et balayèrent devant elle, pour retrouver sa cible. Le garçon était bien devant. Il était plus grand, donc il avançait plus vite. La verte et argent haussa les épaules. Il ne continuerait pas indéfiniment comme cela et elle finirait bien par le rattraper. C'était visible de loin qu'il cherchait quelque chose.
Les pensées de la chanteuse dérivèrent à nouveau dans ce monde qui lui appartenait. L'esprit de la demoiselle voyageait au grès des objets et des animaux rencontrés avec la logique propre à l'artiste. Parfois elle se focalisait sur le blond, juste pour ne pas le perdre. La distance s'était d'ailleurs bien réduite à force. La gamine se plaça alors juste sous le nez de l'autre Serpentard, qui ne pouvait pas l'ignorer. De toute façon, quoiqu'il puisse faire, il ne pouvait que s'interrompre pour discuter avec elle. Pouvoir communiquer avec une future stars, il devrait s'en sentir honoré.[/i]

« j'ai l'impression que ça te gênerais que les autre soit au courant de ta capacité à lancer des sort sans baguette, ni formule.»

Le plus dérangeant peut-être était la neutralité complète du ton ainsi que celle du visage. Que pouvait-elle bien faire de la réponse à cette phrase? Où voulait en venir la fillette? méchanceté ou simple question naïve d'une enfant? Il n'y avait que l'artiste qui détenait les réponses.