La nuit avait été courte et, une nouvelle fois, elle avait été peuplée des nombreux fantômes du passé. Finn s’éveilla brutalement, le corps couvert de sueur et sa main gantée se jeta instinctivement sur le manche d’une batte de hurling soigneusement déposée à côté de son lit tandis qu’il se jetait hors de ce dernier, roulant au sol d’un réflexe entrainé. Son souffle court et râpeux dans sa gorge étouffait un cri d’effroi qui ne venait pas. Mais sitôt ses yeux adaptés à la lumière matinale baignant sa chambre, les spectres qui torturaient son âme s’évaporèrent en une mélasse de couleurs vives et de hurlements rauques alors que la réalité, rassurante, paisible s’imposait lentement.
Ce n’était qu’un cauchemar. Rien de plus. Il fallait qu’il se calme.
Des années de double vie épuisante et difficile avaient imprégnés son esprit, exacerbés ses réflexes et minimisés ses temps de réactions, si bien qu’il n’était guère rare que l’irlandais s’éveille de la sorte, réagissant d’instinct en attrapant tout ce qu’il lui passait sous la main pour se défendre, parfois en plein milieu de la nuit. C’est ainsi qu’après avoir brisé quantités de lampes de chevets et autres babioles chamarrées, l’espace de son côté du lit en avait été totalement dépourvu et il ne demeurait près de lui que sa vieille batte de hurling qu’il avait hérité de son père. Finn eût une pensée remplie d’amour et de gratitude à l’égard de Mary, sa femme, qui si elle osait le taquiner gentiment sur le négligé coutumier de sa barbe, n’avait toutefois jamais reproché à son mari les violentes expressions torturées et nocturnes de son inconscient… Le tendre élan qu’il esquissa cependant pour la remercier s’avorta dès la pensée émise.
« Mary ? »
Interrogea-t-il dans la semi-pénombre de la pièce tandis que son regard se posait non loin de lui, à la place vide qu’aurait dû occuper son épouse endormie.
« En bas, mon cœur ! »
Clama une voix douce et enjouée, que la distance étouffait quelque peu. Elle ne semblait pas avoir perçut le choc mat provoquée par la chute brutale d’un corps au sol. A moins que la belle rousse en ait acquis l’habitude. L’Irlandais surprit un rictus amer se tordre dans sa bouche à cette idée mais la stupéfaction de la savoir réveillée avant lui entraina rapidement un air suspect à se dessiner sur son visage, remplaçant aussitôt ses sombres égarements. Il tourna vivement la tête pour apercevoir les chiffres scintillants d’un réveil moldu. Neuf heures ? Avait-il réellement dormi tout ce temps ? Diable, Mary devait certainement être un peu sorcière aussi, pour que l’inconscient de Finn soit incapable de résister à ses commandements de repos.
Se saisissant de vêtements sombres, banals et sans aucune distinction de marques ou d’appartenance, l’utopiste s’habilla d’un geste rapide, machinal tout en évaluant mentalement ses chances de s’approcher d’un rasoir avant ce soir. Infime. Sa barbe n’avait que deux jours et elle n’atteignait pas encore la limite au-delà de laquelle Mary la bouderait. Reposant sa précieuse Hurley dans son coin, l’ancien Gryffondor se passa nerveusement les doigts dans sa chevelure entremêlée tout en descendant les escaliers. Une manie chez lui.
La vaste salle qui recevait habituellement la fidèle clientèle du Clover’s était vide et propre mais l’homme remarqua qu’une des fenêtres de la devanture avait été sauvagement brisée de l’extérieur. Inquiet, il entreprit d’y jeter un œil mais une douce vision l’en retint à la dernière minute, happant sa concentration ailleurs. De l’autre côté du comptoir Mary, solaire et énergique était déjà affairée près d’un pressoir moldu compliqué dont il se dégageait une délicieuse odeur d’orange pressée. Son sourire, radieux lorsqu’elle le vit, valait toutes les guerres et tous les sacrifices du monde, il en était intimement convaincu. Lorsque l’homme s’approcha d’elle pour la saluer comme il se le devait, la rouquine lui tendit un verre dans lequel dansait le liquide sucré qu’elle s’évertuait patiemment à extraire des oranges posées dans des cagettes, à ses pieds. Finn l’accepta de bon cœur.
« La vitre ? »
Interrogea-t-il, concis tout en buvant son jus.
« Je l’ai trouvée comme ça ce matin. »
Répondit Mary, visiblement peinée de voir écorché le travail d’une vie.
« Ne t’inquiètes pas, je vais te la réparer de ce pas. »
Il l’embrassa tendrement sur la joue pour ne pas la déconcentrer dans sa tâche, avant d’aller inspecter les dégâts au dehors, franchissant d’un pas décidé la porte du pub. L’une des avenues les plus côtoyées de l’East End, habituellement plutôt fréquentée quelque soit l’heure du jour ou de la nuit, respirait une discrétion de mauvais augure, non l’abandon des lieux que l’enfouissement de sa vie battante et trépidante sous une marée noire d’effroi et de tristesse. Après l’agitation de ces derniers jours, le silence y régnant lui parut pesant et inquiétant. Au matin, les rues n’auraient pas dû être si désertes, si vides mais la peur, l’incompréhension face à ce que les moldus prenaient pour les acharnements incompréhensibles du Destin les ciblant commençait à troubler gravement leur cœur à mesure que les affrontements du Monde Magique débordaient de violence dans le leur, à mesure qu’ils subissaient les heurts racistes des partisans noirs. Nombres des commerces adjacents observaient d’ailleurs d’épais renforcements en leurs ouvertures, des pansements maçons aux murs et aux fenêtres. Certaines bâtisses portant même les marques d’une attaque magique qui sauta aussitôt aux yeux de Finn. Comment cela était-il possible ? L’homme se souvenait avoir jeté ça et là quelques sortilèges de protections sur les maisons de ses voisins moldus, en prévision d’agressions de ce type. Il devenait maintenant évident que son manque d’exercice en matière de Magie ne les avaient pas rendu suffisants. Il soupira.
Le tissu épais qu’il portait toujours à la main gauche parcourut d’une lente évaluation les longues éraflures qui parcouraient durement le mur Ouest du Clover’s. Le plus exposé à la rue après la devanture. La fenêtre n’était hélas pas le seul dommage subi par le pub. Les jolies façades en bois peintes, vertes et rouges, surmontées des grosses lettres dorées indiquant le nom du lieu avaient également enduré une série de détériorations aux intentions malfaisantes. La profondeur était cependant trop mesurée pour désigner la magie comme arme exclusive, responsable des dégâts mais Finn devinait que ceux ayant agit, avaient également été interrompu dans leurs manœuvres. Se pouvait-il que l’on ait voulu adresser un violent avertissement à sa famille ? Que le pub ait été la cible des anti-né moldus ? Il avait entendu parler de ces affrontements souterrains qui déchiraient la communauté sorcière en camps distincts mais il lui semblait maintenant qu'il en avait sous-estimé l’ampleur. Comment pouvait-on oser s’en prendre à des gens sans défense face à la magie ? Comment pouvait-on tant haïr ses semblables pour un malheureux statut de sang ? A quel point pouvait se borner l’esprit humain en quête de davantage de pouvoir, de contrôle ? Finn redoutait les réponses à ses questions et toute la fibre utopique de son être se hérissait plus nettement à présent qu’il touchait du doigt tout le danger représenté par la menace.
La raison lui soufflait que son couple aurait probablement été exposé à un grave danger si les deux amoureux n’avaient été voir une comédie au cinéma, tard dans la soirée de la veille et le brun commença sérieusement à s’alarmer. Ses petites jumelles devaient rentrer à la maison pour les vacances d’été, la semaine suivante et le père craignait à présent pour la sécurité de sa famille. Le visage fermé, durci par un instinct de protection très puissant, Finn se maintenait accroupi près de l’extrémité inférieure des éraflures, dos à la rue, perdu dans de tumultueuses pensées. Enverrait-on une brigade attachée à la police magique enquêter ? Ou bien devrait-il simplement porter plainte dans le commissariat du quartier ? Quoiqu’il en soit, l’homme était bien décidé à agir à sa façon et il devinait déjà de quelle sorte il le ferait.
Au cours de ses nombreuses excursions dans le monde magique qu’il côtoyait surtout professionnellement, Finn avait en effet entendu parler d’une alliance déterminée et active de sorciers qui luttait activement contre ce que l’on appelait couramment les partisans noirs. On en faisait état dans certains journaux clandestins sans toutefois s’approcher d’une précision qui aurait pu guider l’irlandais sur leurs traces. S’agissait-il d’un réel bras armé d’opposants aux mages racistes ou bien d’un autre groupuscule qui désirait s’accaparer le pouvoir pour lui-même ? Pouvait-on leur faire confiance ? Qui était à leur tête ?
L’ancien Gryffondor se prit à s’interroger sur la manière la plus habile et la moins soupçonneuse de contacter les membres de l’Ordre du Phénix quand un froissement familier l’interpela hors de ses pensées.
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Sujet: [Recrutement ODP] Le Clover’s - East End