Des bruits de pas sur un sol en bois remplis de fissures. Une paire de chaussures blanches traverse un large couloir, mais on ne peut pas voir son visage, juste ses longs cheveux noirs qui se dévoilent. Ils ont l’air humide, et emmêlés, comme si on n’avait pas pris soin d’eux, depuis longtemps… Le plancher craquelle sous chacun de ses pas et pourtant elle semble si légère… Ses haillons blancs dévoilent la pâleur de sa peau…

Sa voix se fait entendre une nouvelle fois et la chanson continue :



Elle tient une poupée de porcelaine dans la main, et coiffe ses cheveux couleur ébène. Elle arrive enfin dans une pièce où brûle un feu de cheminée. Elle s’asseoit dans un large fauteuil et continue de s’occuper de sa poupée… Dans le silence de cette maison, seul un feu de cheminée crépite. Seuls les étincelles font du bruit…

Cela fait longtemps que la cabane n’a pas hurlé, pas depuis sa présence en tout cas.

Elle attrape la tête de la poupée et l’arrache soudainement. Ses yeux vides fixent l’objet inanimé avec un large sourire, puis à l’aide de son pied, elle enfonce le parquet et un trou se forme, un trou sombre dans lequel elle jette la tête.



A l’étage inférieur, deux élèves de Poudlard traversent l’une des pièces de la cabane. Eliad est derrière Miranna, et ils avancent nonchalamment, trop amusés par l’idée de se balader dans un lieu réputé comme le symbole de la terreur, depuis sa toute première année. Tout se passe bien jusqu’à ce que le sol s’ouvre et que Miranna chute dans le trou. Eliad se précipite et l’attrape de justesse par la main. Elle se trouve dans le vide et seul Eliad peut réussir à la remonter…



Sa main glisse, Miranna le regarde, il s’apprête à lâcher prise malgré lui et…

Il se réveille en sursaut alors qu’un orage vient d’éclater. Ses yeux se referment aussitôt et il retombe lourdement sur son lit. Il respire difficilement et transpire un peu malgré l’air frais de la nuit. Mais il retrouve vite le sommeil.
La matinée arrive, étendant le soleil sur les restes de la nuit. Il est assis sur un banc dans le parc. Son rêve ne l’a pas quitté. Les cours n’ont même pas encore commencé, mais déjà il pense et repense à son rêve… Soudain il aperçoit Miranna… Il sent qu’il doit lui parler de son rêve, mais elle le prendra sûrement pour un fou… L’amener à la cabane hurlante parce qu’il a rêvé d’elle, tiendrait de la folie… Pourtant il s'approche d'elle et commençe à lui parler.

Eliad maintenait le silence. Au risque de la voir soudainement partir et de devoir lui courir après. Elle devait entendre ce qu’il avait à dire, sans pour autant le traiter de dingue, sans pour autant penser qu’il avait dormi dehors et que le froid lui avait gelé le cerveau.

Sans croire qu’il était le garçon le plus bizarre de l’école. Une réputation de ce genre n’allait pas lui coller à la peau… Une fois de plus, pas après que cette peste de Lellia ait refusé de lui parler avec plus de respect… Notamment celui dû au fait, qu’elle n’était qu’une méchante, méchante peste…

« Ecoute, ce que je vais te dire est difficilement acceptable, pour un moldu ça lui serait impossible de comprendre, alors j’ose espérer que pour une sorcière, tu feras l’effort de m’écouter et jusqu’au bout. »

Pas trop de grandes phrases qui noieraient l’élément dans une foule d’histoires… Pas de petites phrases pouvant l’inquiéter.

« J’ai vu ta mort en rêve cette nuit. »

Râpé. Si elle ne fuyait pas avec ça…

« Non attend, écoute, ce n’est pas ce que je voulais dire en fait. J’ai réellement vu quelque chose qui allait t’arriver, cette nuit… On était tout les deux dans la cabane hurlante, lorsque le sol s’écroulait et que tu tombais, il n’y avait que moi pour te rattraper… Mais ma main glissait un peu et je ne t’avais pas encore remonté… »

Et alors qu’est ce que ça allait lui apprendre ? Que tu étais un Serpentard qui avait les mains moites ? Où que tu faisais des rêves où tu voyais mourir des gens, faisant de toi, la prochaine Trelawney Mâle, de ce début de siècle ?

« Je sais ce que tu pourras penser, notamment que je suis dingue, et je le comprend parfaitement, mais ce rêve semblait si réel… Et je sais aussi que tu peux me dire, ne pas vouloir aller dans cette cabane si la mort nous attend, mais je me sens comme attiré, c’est comme si mes visions me renvoyaient sans cesse là bas. Et peut-être que tu auras les mêmes rêves que moi alors, et que tu désireras y retourner… »

Convainquant, pas convainquant… Elle n’avait pas fui, lui semblait-il… Elle n’avait pas disparu dans un coin après l’avoir frapper avec son sac, l’avoir mis plus bas que terre et être parti en disant qu’elle avait trouvé un fou, à ses amies.

« Eliad, je m’appelle Eliad Midnell. »

Ses joues n’étaient pas encore meurtries. Son esprit s’apaisait…

Qu’allait-elle dire, qu’allait t’elle répondre ?

Allait-elle, même si elle ne le prenait pas au sérieux, se diriger vers la cabane, afin que les visions d’Eliad ne revienne pas sans cesse, nuit après nuit…

Allait-elle encore le croire ? Le stupéfier sur place ? Il avait balbutié, avalé la plupart de ses mots, et n’avait pas montré une confiance énorme en ses propos. Lui aussi pensait sûrement qu’il devenait fou. Un éclair avait du lui passer sur la tête pour qu’il ose lui raconter ce rêve. Non, ce n’était pas un éclair, c’était quasiment tout le Poudlard Express !

« Ah mais je n’ai pas envie aussi d’y aller dans cette cabane ! »

Non, non, mauvaises paroles. Mauvaise idée. Ils devaient y aller dans cette cabane pour que son rêve ne revienne plus dans ses pensées, et savoir qu’il y a un piège, permet toujours de l’éviter d’une manière ou d’une autre…

« Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je veux vraiment y aller dans cette cabane, si hurlante et si hantée soit-elle. Dans mon rêve, c’est comme si j’étais appelé. Mais sans voir pour autant mon interlocuteur. Il y a cette chanson que j’entends aussi, mais les paroles restent floues, je sais juste qu’elles sont inquiétantes sur le dernier refrain. »

Soulagement… Elle acceptait. Il n’y avait plus d’explications à donner. Sincères ou même foireuses. Si c’était elle qui avait rêvé de sa mort, il lui aurait sûrement rie au nez. Mais elle était plus naïve que lui, ou plus curieuse. Lui aussi aurait pu craquer et courir droit à sa mort. Sans sourciller. Avec une dernière stupide chanson dans la tête, juste pour… amuser quelqu’un.

« Je ne choisis pas mes rêves, même si j’aimerais pouvoir le faire. Je passerais des nuits plus tranquilles, et le matin, ne serait pas un éternel ressassement d’événements, que je ne suis pas sur d’avoir vécu ou non. »

Pas de regrets… Tu ne dois pas avoir de regrets devant une fille que tu connais à peine, et ce n’est pas parce que tu t’es vu en son possible sauveur, même si ta main glissait, que tu dois penser tout pouvoir lui dire…

« Pour y entrer… Disons que j’ai le pressentiment que la porte sera ouverte pour notre passage. Que nous serons même les seuls à pouvoir y rentrer… Mais nous ne partirons pas tout de suite, non. Attendons la fin des cours, et emmenons quelques objets utiles avec nous, nous ne partirons pas sans rien, je vais voir ce que je peux trouver… Alors disons… Rendez vous ici vers 18 heures. Je ne sais pas si la sortie pour Pré au Lard sera autorisée, alors il faudra que je fasse jouer certaines de mes relations pour nous permettre de sortir de là… Surtout n’oublie pas ta baguette. »

Avant de partir pour son premier cours, il se retourne une dernière fois vers elle.

« Et si jamais il devait y avoir une entourloupe, alors je serais dans la même panade que toi, alors tu vois, tu ne risques… Presque rien. »

Il lui fait un clin d’œil puis part.

**

Il est 18 heures, les poches remplis d’objets quasiment inutiles, dont notamment un bonbon de Bertie Crochue qu’il s’empresse de mettre à la bouche et de mastiquer silencieusement, il attend que Miranna soit enfin là.

La nuit se répandait sur les décors alentours, comme un linceul. La mort semblait guetter derrière chaque arbre, derrière chaque ombre. Pourtant le danger n’était et ne serait pas là, mais il viendrait bien de la cabane… Ce sombre endroit où résidaient les événements de ces visions. Cette cabane réputée hantée depuis des années et que tous évitait en général…

Mais pas eux. Pas ce soir, où ils couraient peut-être vers leur propre mort, et seraient les deux héros d’une prochaine chanson sur la cabane, parlant d’élèves qui ne seraient jamais revenu, après que l’un d’eux avait eu une vision de leur mort. Trop imprudent pour avoir choisi d’y être entré, et trop peu intelligent pour être reparti, une fois le palier franchi.

Sans doute un cours de Trelawney aurait-il été efficace pour s’assurer de la sérénité de leur expédition, dans son cours ennuyeux, il serait resté le nez collé à sa tasse, à la recherche des restants de son thé dans la tasse, à la recherche… du sinistros.

C’était peut-être un symbole plus probable que malheur allait leur arrivait, ou pas. Il s’était préparé et il espérait au fond de lui que Miranna ne prendrait pas tout ça à la légère. Et qu’elle n’allait pas venir les poches remplies de bonbons, et n’allait pas faire comme Eliad, qui en mangeait énormément dans le but de se rassurer. Tomber sur un bonbon qui allait le faire rugir comme un lion serait peut-être une arme efficace, mais a condition de bien tomber, le cri du gnou n’allait rien changer à l’affaire.

Quelle sorte de monstre allait-il trouver en ces lieux ? Mais il en parlait déjà, comme si c’était une certitude qu’ils couraient au danger. La cabane n’était qu’une vieille maison délabrée, où ne pouvait se réfugier que les loups. Ou les fugitifs.

Miranna arriva dans son champ de vision et il la regarda s’approcher sans crainte. Elle parla d’une voix étonnamment calme, mais si les sentiments étaient vraiment de sortie, il serait resté dans un silence profond. Mieux valait laisser ça pour la cabane, quand il serait à l’affût des moindres craquements du plancher, pouvant annoncer leur perte.

« J’ai passé une journée commune… A ressasser les instants du rêve que j’ai gardé encore en mémoire et en me demandant si nous n’avions pas fait une erreur. Mais je pense que non, la cabane n’est rien de plus qu’une maison appartenant à une ancienne grand-mère, depuis longtemps parti, et qui n’a plus eu aucun propriétaire… Rien de bien méchant en somme. »

Il se voulait réconfortant, mais ne savait pas vraiment s’il devait continuer dans cette voie là. Il leur restait maintenant à sortir de l’école en toute discrétion, mais il avait tout prévu et cela serait aisé.

« Viens suis moi, nous devons approcher du mur ouest, c’est tout prêt d’ici, j’ai passé un petit accord avec un élève de l’Uma, et il s’arrangera pour nous faire léviter et sortir d’ici. »

Eliad longea les murs, guettant l’apparition soudaine de Miss Teigne, qui, heureusement, n’arriva pas. Arrivé devant le mur, il envoya un signal décidé entre eux, une légère boule de lumière rouge, qui s’envola avant de disparaître en fine poussière. Eliad attendit quelques minutes… Soudain la même lumière rouge apparut devant un buisson devant eux, et collé au mur. Eliad s’approcha et poussa les branches… Derrière le buisson, le mur avait disparu. Eliad passa une main prudente, mais sa main traversa bien le mur, alors il s’infiltra et sortit du château. Il chercha du coin de l’œil, son ami de l’Uma, qui connaissait un sacré sortilège, mais ne le vit pas…

« Nous voilà enfin dehors, il nous reste à atteindre la cabane, mais là nous devrons le faire à pied… Tu as quelque chose à déclarer ? Matériel encombrant, sacs de couchage, présage funeste chez Trelawney ? Même si ces présages sont toujours funestes… Bonbons peut-être ? J’ai épuisé quasiment toute ma réserve en t’attendant… »

Plus tard, bien plus tard, alors qu’ils seront déjà dans la cabane depuis au moins une heure, un élève de l’Uma se lèvera de son lit et s’apercevra qu’il n’est pas arrivé à l’heure au rendez vous, et qu’il n’a donc pas pu aider son ami… Déjà sorti du château, grâce à une aide inconnue.