Lucy Ann avait la tête comme une citrouille. Le théâtre prenait du retard, ses devoirs aussi, son chat avait fait une intoxication alimentaire en mangeant de l’herbe qui avait été traitée avec un herbicide douteux… Bref, la période n’était pas vraiment à la franche rigolade.

Vu l’heure tardive, Lucy Ann aurait préféré se prélasser dans un bon bain chaud, entourée de bougies à la vanille, ou se prélasser sous la couette en écoutant les Bizarr Sisters, ou encore plein d’autres choses, mais certainement pas aller dans la salle commune pour travailler.
Elle avait son devoir de potions à faire, sa recherche sur les fondateurs de Poudlard, quelques recherches pour la botanique et le cours de soins… Après s’être maudite pour s’être inscrite au groupe d’études, elle s’était finalement prise par la main (de force) afin d’aller attaquer sa pile de travail qui sans ça ne diminuerait jamais.

Bref, c’est avec l’air réjoui d’un veau allant à l’abattoir qu’elle pénétra dans la pièce. Ronchonnant intérieurement contre tout le travail qui l’attendait, elle ne remarqua qu’elle n’était pas seule qu’après s’être installée dans un fauteuil et avoir nonchalamment largué son sac par terre. Elle leva les yeux vers son camarade d’infortune, qui était vêtu d’un magnifique pantalon de pyjama rayé.
En temps normal, elle aurait sûrement noté le fait que le seul bas de pyjama impliquait que le jeune homme était torse nu, et aurait profité discrètement du spectacle, mais vu son état de fatigue avancé elle se fit juste la réflexion que cette tenue était pour le moins insolite. De plus, son visage lui disait quelque chose, mais quoi ?

Mais oui ! Le théâtre ! Et le cours de potions aussi, à bien y réfléchir…
Soudain, elle réalisa que scruter fixement les gens sans leur adresser la parole pouvait paraître d’un malpoli achevé.

Erm… Bonsoir ! Je ne savais pas que notre futur Victor Van Dort était un bourreau du travail, pour se faire un tête à tête avec son parchemin à cette heure-ci…

Elle remarqua alors l’imposant sac de friandises qui prenait place à côté de lui.
Tu fais des réserves de sucres rapides pour la soirée ? Laisse-moi deviner, va la quantité de bonbons qu’il doit y avoir là-dedans, je pense que tu t’attaques au moins au devoir de potions, à moins que tu aies d’autres professeurs pires que Wyrd au niveau bourreau du travail ?

Emmanuel Perks ! Mais bien sur ! Excuse-moi, en ce moment j’ai une capacité de mémorisation à peu près égale à celle d’un poisson rouge, et un Q.I qui ne doit pas être loin non plus… Ca doit être le manque de sommeil… Ou la vieillesse, je ne sais pas trop! répondit-elle en serrant la main qu’il lui tendait.

Elle sourit en le regardant imiter un dragon par le biais de gnomes au poivre avec un style visiblement très étudié. Vu de son fauteuil, ça aurait fait une excellente publicité très sexy pour Honeydukes. Elle n’avait jamais compris le rapport entre le nom de ses bonbons et l’effet qu’ils produisaient… Mais là n’était pas la question.

Oui… Miss Donovan, c’est exact. Enfin, en général je préfère qu’on m’appelle Lucy Ann , ça fait moins… Protocolaire.
La proposition qui suivit était pour le moins alléchante : il lui était toujours difficile de décliner une offre incluant des sucreries, surtout quand elles étaient suspendues devant son nez en la narguant. Elle scruta le jeune homme, puis les friandises, puis encore le jeune homme…

*He beh, si tu t’étais doutée qu’un jeune éphèbe à moitié nu, et à moitié en pyjama te proposerais de bosser ton devoir ton potion ce soir, tu n’y aurais pas cru ! Tu devrais peut-être refuser d’ailleurs, si jamais tu acceptes tu seras OBLIGEE de travailler pour de bon. Pas de semblant, pas de rêvasserie les yeux dans le vague, pas de gribouillis sur ton brouillon, et aucune échappatoire possible pour fuir vers la remise au lendemain habituelle !
En même temps… Comme ça, ça sera fait ! Et puis avoue, la perspective de pouvoir faire ta copie en déblatérant sur Wyrd avec quelqu’un d’autre que ton chat est plutôt séduisant non ?*

Elle se remit une mèche de cheveux qui se baladait devant ses yeux en place.

Voilà une proposition qui se refuse difficilement, je suis très facile à corrompre avec des sucreries… Mais réfléchis bien, es-tu sur de vouloir travailler avec une fille ayant trop peu de mémoire pour se souvenir de ton nom ? demanda-t-elle en détaillant le sac du regard.
D’un autre côté… J’ai été capable de faire mon TP sans aucun problème continua-t-elle en attrapant une patacitrouille. Donc ok, c’est bon pour moi, je veux bien être ta camarade d’infortune dans cette tâche pénible.
Bon d’accord, c’était que de l’eau pour le TP, mais me connaissant, j’aurais pu être capable de faire une catastrophe rien qu’en la faisant bouillir ! La renverser sur le prof, par exemple…

*Quoique, ça aurait pas vraiment été une catastrophe en réalité… Quel sale type !*

Soudain, sa mémoire, dans un sursaut inattendu de vigueur, lui envoya un flash.

Attend, si je me souviens bien… Tu fais partie de ceux qui se sont énervés sur le prof après l’épisode de la gifle, non ? J’en déduis que tu ne dois pas le porter dans ton cœur non plus…
Entre ça et les bonbons, je risque de voir en toi le binôme idéal, fait attention à toi, tu ne sais pas ce que tu risques ! conclut-elle en riant avant de mordre dans sa patacitrouille. La soirée avait l'air moins catastrophique que ce qu'elle avait prévu, pour l'instant.

*Comme quoi, tu es trop pessimiste Lucy, fait gaffe sinon tu vas te transformer en vielle fille aigrie, ça peut aller très vite, tu as déjà le chat!*

Lucy Ann regarda l’étudiant dans les yeux et lui sourit. A force de se comporter en ermite asociale, elle était passée à côté de camarades charmants, mais il n’était visiblement pas trop tard pour se rattraper…

Le roi des procrastinateurs ? Ca veut dire que tu es doué pour remettre les choses au lendemain, c’est ça ? Je me renseigne, il m’arrive de confondre le sens des mots quand ils comportent plus de 4 syllabes, surtout à une heure pareille… fit-elle en riant.
Elle scruta le sac de friandise avec un air de convoitise et attrapa une baguette à la réglisse ; avoir vu le jeune homme en train d’en mâchouiller une lui avait donné des idées.

Je ne pourrais pas te critiquer sur le sujet, je suis aussi la reine des feignasses dans mon genre, je n’arrive à bosser que lorsque j’ai le couteau sous la gorge… Mais bon, à deux on devrait réussir à se motiver suffisamment pour arriver au bout de ce vilain devoir, non ?

Elle écouta ensuite l’énoncé de la première réponse.

C’est bien ça, je ne l’aurait pas mieux tourné ! Ca te dérange si j’en profite pour copier outrageusement ?

Elle farfouilla dans son sac et en sortit un vieux bout de parchemin ainsi qu’un crayon de papier. Vu l’heure, elle se sentait incapable de faire directement le devoir au propre, et elle aimait bien utiliser les crayons moldus, au moins eux ne faisaient jamais de tâche…
Ensuite, elle rapprocha son fauteuil de celui d’Emmanuel de manière à pouvoir lire ce qu’il avait écrit sur son parchemin, puis se pencha vers lui pour relire ce qu’il avait écrit par-dessus son épaule… La vue était fort belle d’ailleurs, sans doute grâce au fait que le torse du jeune homme n’était pas couvert, mais bref, elle n’était pas là pour ça, la vilaine fille !

*Revenons à notre uC…*

Elle retourna se caler dans son fauteuil où ses yeux risquaient moins de croiser de sujet de distraction, puis recopia le tout, et commença à mâchonner le bout de son crayon pour essayer de se concentrer tant bien que mal.

Maintenant, à moi de répondre… L’uC se calcule en comptant le nombre de lettres qu’il y a dans son premier prénom et dans son nom de famille, donc pour moi, Lucy Ann Donovan, ça donne 11, et pour toi, Emmanuel Perks, ça fait…

Elle compta sur ses doigts en épelant le nom dans sa tête
13 ! C’est bien ça, ou j’ai rajouté une faute d’orthographe quelque part ? demanda-t-elle en levant le nez de son crayon afin de deviner en lisant sur le visage de son camarade si elle avait fait une erreur.

*Dans les yeux Lucy, dans les yeux*

Le jeune homme ne put s’empêcher de rire un peu lorsqu’elle questionna la définition de procrastination. Non, il ne riait pas d’elle du tout, il la trouvait mignonne, en fait. Emmanuel lui adressa un petit sourire et hocha simplement la tête en guise de réponse. La réputation qu’il s’était bâtie à Poudlard le suivrait peut-être jusqu’à l’université. Il espérait que non, car à ce niveau de scolarité, ce n’était pas avantageux du tout que de toujours tout remettre au lendemain. Il détailla sa main alors qu’elle venait s’emparer d’une baguette à la réglisse, saveur de framboise. L’idée de plonger lui aussi sa main dans le sac afin de pouvoir frôler la sienne lui vint à l’esprit, mais il trouva plus sage d’attendre qu’elle l’eut sortie. Il attendit puis s’empara d’une poignée d’oursons en gelée, les déposant sur la table à côté de son parchemin et en déposant deux dans sa bouche.

«Non seulement nous sommes deux, mais nous sommes armés de bonbons jusqu’aux dents. » , dit-il en reprenant sa plume entre ses doigts.

Il laissa recopier sa réponse, ne détestant pas du tout la sensation du souffle léger de la belle sur son épaule. Il lui jeta un regard puis fit comme si de rien n’était. Il ne savait pas si elle avait aperçu qu’il la regardait, mais si c’était le cas, elle n’aurait probablement pas été capable de déchiffrer ce qu’il aurait voulu dire. «Tu peux t’approcher encore plus, si tu le veux», «Mes lèvres sont un peu plus hautes, mademoiselle Donovan» ou encore «J’peux me coller, moi aussi?» étaient toutes des possibilités.

Lorsqu’elle se replaça, le jeune homme se pencha vers son parchemin et écrivit tout ce qu’elle dictait, jusqu’à l’annonciation de l’uC en question. Il tourna la tête vers elle, sourire pendu aux lèvres alors qu’elle comptait sur ses doigts puis approuva d’un signe de tête en transcrivant la réponse

«Pas mal du tout, miss Donovan.»

Il transcrit un «2.» sur le parchemin puis regarda l’exercice à faire, soupirant légèrement.

«Donc pour moi, 12 ml d’essence de lavande corresponds à… 156 ml?»

Là, il n’était plus certain du tout… Il regarda Lucy Ann puis se leva, se dirigeant vers une armoire. Il l’ouvrit et en sortit un pichet de Bièraubeurre ainsi que deux grands verres. Il sourit, satisfait de sa petite cachette à boisson, puis revint en direction de la jeune demoiselle qui, il semblait, prenait plus de place dans son esprit que ce satané devoir de potions. Il déposa un verre devant Lucy et lui versa un verre, toujours devant elle, penché au dessus de la table. Il leva les yeux vers elle et lui sourit :

«J’suis pas capable de travailler pour plus de 3 minutes sans avoir envie de me lever. Surtout quand je ne suis pas certain de mes réponses.»

Il rit un peu puis s’assied sur son fauteuil, se versant un verre à son tour puis en prenant une gorgée, croisant pour un instant le regard de la jolie demoiselle.

Hmmm, 156 mL, exact, et pour moi, ça fera… Heu… Elle griffonna la multiplication sur son parchemin, étant incapable de l’effectuer de tête.
Et pour moi, ça donnera donc… 132 mL.

Elle commença à s’attaquer à sa baguette réglisse/framboise en lisant la suite de l’exercice.
3 tours de cuillère dans le sens des aiguilles d’une montre, ça donne… 16 pour toi et 14 pour moi, il me semble.

Le temps qu’elle griffonne ses résultats sur son brouillon, et Emmanuel avait ramené de la bieraubeurre. Si elle s’aventurait sur ce terrain là, il était fort peu probable qu’elle vienne à bout de ce devoir… Enfin bon, quand c’est si gentiment proposé…

Mais dis-moi, tu es un garçon plein de surprises… Dire que je passe ici tous les jours et que je n’avais pas remarqué ta cachette, honte à moi !

Elle le remercia, attrapa son verre et bu quelques gorgées. Heureusement pour elle, sa résistance à l’alcool était assez bonne pour ne pas ressentir d’effets particuliers au bout du premier verre.
Elle posa ensuite son crayon pour reprendra sa baguette, le mélange des saveurs de l’alcool et de la friandise se mariaient divinement bien, même si le fait d’avoir un verre dans une main et un bonbon dans l’autre ne faisait pas très… Studieux.

Je te comprends, moi je suis du genre à toujours trouver un tas de trucs S-U-P-E-R importants à faire en plein devoir… Nettoyer des rideaux, classer les épices de la cuisine par ordre alphabétique, me vernir les ongles des orteils… Enfin là ça ne va pas du tout, tu te révèles être une source de distraction bien plus redoutable que moi-même, entre les bonbons, la boisson et ton semi-pyjama… Serais-tu un envoyé du professeur Wyrd censé tester ma motivation ? lui demanda-t-elle en levant un sourcil interrogateur.

Et voilà, le peu de motivation qui lui restait venait de… S’évaporer. Elle aurait très bien pu essayer de rester dans le droit chemin en lançant un vague « Hmmm, très bonne la bière… Que dirais-tu à propos de la poudre d’amande ? », mais résister à la tentation n’était vraiment pas son fort, surtout quand il s’agissait de rester concentrée sur de barbantes conversions numériques.

«Plein de surprises?...»

L’Anglais esquissa un sourire en se rasseyant bien confortablement dans son fauteuil puis conclu sa phrase en croisant le regard de la belle demoiselle.

«Tu n’as rien vu, ça ne fait que commencer.»

Il transcrit brièvement la réponse que Lucy Ann lui avait donnée un peu plus tôt puis entreprit de répondre à la prochaine question. Il commença un calcul sur sa feuille destinée à cet effet mais leva la tête alors que sa collègue de travail commençait à parler. Elle semblait s’être éloignée de l’essence même de cette alliance, c'est-à-dire faire le devoir. Cela allait être long. Surtout s’ils continuaient de boire à un rythme plus ou moins soutenu. Mais il devait se l’avouer, cela ne lui dérangeait pas du tout. Il s’était fait une amie. Non seulement était elle jolie, mais elle était gentille, douce, captivante.

«Moi? Une source de distraction? »

Son sourire s’élargit.

« Cesse, tu vas me faire rougir. Et puis, le semi-pyjama n’était pas, à la base, pour capter ton attention…»

Osait-il?

«Si c’est ce qu’il faut pour l’avoir, je le porterais le plus souvent possible.»

Il plongea à nouveau son regard dans les yeux de Lucy et termina son premier verre de Bieraubeurre. Le jeune homme s’en versa un autre puis, en même temps, regarda l’heure, accrochée au mur, indiquée par une sorte d’horloge magique dont les aiguilles scintillaient dans la lumière tamisée de la pièce. Il la regarda à nouveau puis dit :

«J’ai l’impression que nous allons être ici pour encore un moment. Tu devrais aller enfiler quelque chose de plus confortable, cette robe doit être encombrante après l’avoir portée toute la journée.»

On pouvait lire dans ces yeux qu’il n’y avait pas eu de mauvaises intentions dans ses mots, et la proposition du pyjama, c’était réellement pour son propre confort qu’il le lui avait proposé. Certes, une petite voix lui avait rappelé qu’un pyjama était beaucoup plus facile à enlever qu’une robe entière, mais il l’avait bien vite chassée. Il n’était pas là pour ça du tout. Il flirtait, c'était apparent, mais en toute galantrie, sans faire preuve de vulgarité et sans trop de sous entendus un peu chaud. Il ne voulait que lui faire savoir qu'elle était bien de son goût.

«Je vais rester ici et je vais tenter de terminer la question deux.»

Il n'attendit pas sa réponse et entâma ses calculs, ourson en gelée rouge entre les dents.

Citation :

Lavande:
Manu: 156ml
Lucy: 132ml

Cuillère:
Manu: 16 tours
Lucy: 14 tours

Amande:
Manu: 65g
Lucy: 55g

Lucy Ann continuait à siroter sa bieraubeurre en écoutant son camarade.

*Le semi-pyjama n’était pas là pour capter mon attention… Certes, ça aurait encore mieux marché s’il n’y en avait pas eu du tout !
Chut, la ferme Lucy… Concentre-toi, c’est pas le moment de penser à ces trucs là ! Pense à un truc pas glamour du tout, pense potions, pense Wyrd !*

Emmanuel ne l’aidait pas vraiment avec son air mutin et ses paroles charmeuses… Son radar féminin commençait d’ailleurs à clignoter « Warning, warning, tout le monde sur le pont, ouverture possible en vue ! », mais vu l’échec de sa dernière tentative avec Aiken, elle avait décidé de ne plus s’y fier, la collection de râteaux n’étant pas son hobby préféré.

He bien, au moins tu es direct quand tu demandes à une fille de se déshabiller ! fit-elle en riant.
Se posait maintenant à elle un dilemme crucial : devait-elle accepter la proposition, et dans ce cas se retrouver dans une tenue nettement moins esthétique, ou refuser afin de rester présentable mais au risque de passer pour quelqu’un de coincé ?

Tu as raison, je vais aller passer quelque chose de plus confortable, si le port de la robe n’est pas aussi terrible qu’il en a l’air, les chaussures par contre… Mais je te préviens, je n’ai aucun pyjama qui soit à la hauteur pour rivaliser avec le tien !

Elle finit son verre et le reposa sur la petite table, mais garda le reste de la baguette à la framboise dans la main avant de se lever.
A tout de suite ! Et si jamais un gentil petit lutin pouvait faire en sorte que mon verre soit à nouveau plein à mon retour… termina-t-elle en un clin d’œil.

La jeune sorcière tourna ensuite les talons pour se rendre au dortoir des filles.
*Bon, maintenant, trouvons quelque chose de pas trop laid et de pas trop informe…*
Après avoir fait de son armoire un vrai champ de bataille tout en finissant sa baguette, elle réussi à se décider pour un bas de jogging gris clair sans poils de chat ainsi qu’un débardeur noir pas trop délavé, qu’elle avait décidé de porter, histoire de se mettre vraiment « à l’aise » et puisque les lois de la pesanteur lui permettaient de le faire, sans soutien-gorge.

Elle gratouilla la tête de Bizarr qui dormait paisiblement, roulé en boule sur son matelas, puis retourna à la salle commune, pieds nus.

Avant de retourner prendre place sur son fauteuil, elle s’arrêta derrière celui d’Emmanuel, posa sa tête sur le dossier juste à côté de sa tête afin de lire ses réponses.

Ca m’a l’air tout à fait correct… J’ajouterais même qu’il te faudra patienter 15 minutes et 7 secondes et 13 minutes 7 secondes pour moi ! Je crois même que ça nous fait aussi 15 et 13 cuisses de grenouille… Par contre pour la suite… Je ne sais plus du tout ce qu’est une unité de référence ! Une idée m’sieur ?

Elle aurait pu retourner s’asseoir sur son fauteuil, mais cette place, bien que d’un confort minime, lui donnait une vue plongeante idéale sur son camarade et sa copie, ainsi que sur le sac de friandises, dont elle n'avait pas encore identifié sa prochaine victime.

«Te déshabiller? Si tu veux l’interpréter de cette façon, libre à toi, mais je n’en demandais pas autant...»

*Pour la première rencontre, du moins*, se permit-il d’ajouter silencieusement en n’ajoutant qu’un simple sourire

Il la regardait, curieux de savoir comment elle répondrait à cette proposition. Car il le savait, beaucoup de jeunes demoiselles auraient pris cela comme un commentaire déplacé, mais il avait l’impression qu’avec Lucy Ann, il ne devait pas avoir peur de laisser aller ses belles manières et ses mots doux. Certes, il ne devait pas dépasser la limite du convenable, mais de pousser un peu sur la porte ne devait pas être une mauvaise chose.
Ah, elle avait céder. Il rit un peu à ses paroles, se doutant bien qu’elle n’allait pas redescendre seins nus puis hocha simplement la tête avant de ponctuer le tout d’un clin d’oeil en la regardant gravir les escaliers. Aussitôt qu’elle disparu de son champ de vision, le jeune homme vers un autre verre de Bièraubeurre dans la choppe de sa compagne et en profita pour prendre une poignée de sucreries et de les étendre un peu partout sur son parchemin. Satisfait de son oeuvre d’art, Emmanuel se rassied dans son siège puis réfléchi un peu.

Il réfléchissait au léger noeud dans son torse, aux minuscules papillons dans son ventre. Il savait bien ce qu’ils signifiaient, que quelque chose, qu’un attirance claire naissait en lui pour la jeune dame qui était allée se changer. Mais il ne voulait pas que les choses aient trop vites, il voulait apprendre à la connaître avant tout.

Et qu’est-ce qui lui disait que c’était la même chose de son côté? Rien du tout. Il n’en resterait qu’aux mots doux pour un moment, jusqu’à une confirmation quelconque qui viendrait ou non.

L’Anglais l’entendit descendre les escaliers et la regarda, lui adressant un sourire et la laissant volontiers venir s’installer derrière lui. Il en profitait pour se caler dans son fauteuil, les deux jeunes gens presque joue à joue. Il la regardait alors qu’elle commentait puis se pencha pour retranscrire les réponses qu’elle lui avait données.

«Unité de référence...Attends.»

Il agrippa ses feuilles de notes puis chercha , mais en vain. Ces notes avaient peut-être été citées pendant qu'il bouillonnait encore contre l'enseignant. Ou peut-être qu'il ne les avait simplement pas entendu, même si ce n'était pas dans ses habitudes.

«Mouais, j’sais plus... »

Il la regarda dans les yeux, souriant

«J’imagine qu’on va devoir laisser tomber cette question là, miss Donovan... À moins que la réponse vous vienne à l'esprit.»

Il la regarda encore puis ajouta, son menton niché dans le creux de sa main et ses yeux optant pour un regard faussement perplexe:

«Mais que faites vous ainsi perchée derrière mon épaule? Ça ne me dérange pas du tout, mais c’est curieux pour quelqu’un qui me semblait timide...»

Il se réinstalla dans son fauteuil et dit un peu plus bas mais toujours pour qu’elle entende, son regard toujours encré dans le sien:

«Ça me plait...»

Bon, le radar n’était peut-être pas des plus performants, mais quand un jeune homme vous fixe dans les yeux en disant un truc pareil, il n’y a que deux solutions possibles : soit il est intéressé, soit il est méchamment sadique. Au choix.
Naturellement, son instinct préférait pencher pour la première solution, mais n’étant sure de rien… Prudence.

Ce que je fais perchée ? Enfin, c’est pour mieux vous copier mon cher enfant, le point de vue sur votre copie est idéal d’ici ! Et puis timide, timide…
Je conçois que pour quelqu’un se promenant à demi-nu une personne habillée entièrement puisse paraître timide, mais détrompez-vous, je ne le suis pas tant que ça, au fond ! dit-elle en soutenant son regard, même si son instinct de jeune fille en fleur la poussait plus à baisser les yeux en rougissant bêtement qu’autre chose. Pendant qu’elle s’attelait à cette lourde tâche, d’autres idées saugrenues lui passaient par la tête, du genre « et si jamais j’avançais mon visage de quelques centimètres… » mais elle se ressaisit rapidement

*Mais arrête un peu ton délire ! Tu vas sur tes 23 ans, et lui c’est un première année, il doit n’en avoir que 18, tu pourrais presque être sa grand-mère !*

Mais comme tu (habile transition vers le tutoiment, la demoiselle trouvant le vous trop ampoulé à une heure pareille) n’a pas la réponse à la question suivante, je ne vois aucune raison de rester là !
Elle se releva donc après un dernier sourire yeux dans les yeux, et retourna sur son fauteuil, tout en laissant traîner sa main sur le dossier au maximum.

Afin de se recentrer sur le but premier de cette soirée – à savoir le devoir- (du moins, c’est ce qu’elle pensait) elle se concentra sur un autre sujet, et les bonbons éparpillés sur le parchemin d’Emmanuel firent parfaitement l’affaire.
Ses doigts choisirent une dragée de couleur rouge qu’elle commença à faire rouler entre ses doigts.

Donc, hum… Dis-moi tout ce que tu sais sur le feu… Je suis toute ouïe!fit-elle avant de porter le bonbon à sa bouche et en lançant un regard en biais à son camarade. Il y aurait bien eu un sous-entendu spirituel à faire sur le feu fort, mais Lucy Ann ne se sentait pas de taille à garder la tête froide ET à être intelligente et spirituelle ce soir.

«Tant mieux, mademoiselle. Vous me rassurez. »

Car de charmer quelqu’un de timide était beaucoup plus dur que de faire de même avec quelqu’un de plus ouvert. Et cette illusion de la trouver plus belle à chaque fois que ses yeux d’émeraude croisaient les siens persistait, grandissait même. Lui-même s’était battu contre l’instinct qui naissait en lui, celui de poser ses lèvres sur celles, sans doute douces, de la belle à ses côtés. Et par Merlin, elle sentait bon.

*Ça suffit, Manu, ressaisis-toi!*, se dit-il

À sa réponse, le jeune homme aborda un air faussement offusqué et rajouta :

«Bon, c’est ça, hein. J’n’ai plus de réponse et on me jette aux poubelles. Quelle ingratitude!»

Il ponctua sa phrase d’un sourire, un peu pour la rassurer, pour lui assurer que ce n’était qu’une mauvaise blague de la part d’un garçon qui voulait peut-être un peu [beaucoup] d’attention. Alors qu’elle retournait s’asseoir sur son fauteuil et qu’elle laissait traîner sa main derrière elle, le jeune homme, oubliant peut-être un peu les barrières qu’il s’était imposées, tourna un peu son visage afin que sa joue, un brin rugueuse, vienne frôler les doigts de fée de son interlocutrice. Il la fixait en même temps, son message plus clair qu’il ne l’avait été jusque là.

Tu me plais…

Il se contenta de ne rien dire et de laisser ses yeux faire le travail, se retenant pour ne pas laisser ses lèvres s’y aventurer. Il la laissa s’asseoir, laissant échapper un faible soupir, puis fouilla dans ses notes de cours à la recherche des informations sur le feu.

«Ah, les voilà! Donc… Pour allumer un feu, on utilise Inflammere, pour l’éteindre, c’est le sortilège d’Extinction et pour le diminuer, Gèle-Flamme. Brûle-Flamme, pour augmenter l’intensité, aussi. Par rapport à l’uC, la chaleur de notre feu en Celsius va être égal à notre uC au carré. Donc, pour moi… 169°, et pour toi…121°. Si on voudrait lancer un Brûle-flamme, pour moi, ça donnerais 172° et pour toi 132°C… Si je comprends bien, pour un Gèle-flamme, ce serait 156° et 110° pour toi… C’est juste?»

Il sourit à Lucy Ann puis s’empara d’une sucette à saveur de fraise et la déposa dans sa bouche avant de se caler dans son fauteuil.

Ses yeux ne pouvaient plus s’empêcher de se poser sur elle. Il avait du mal à garder son regard loin d’elle pour plus de quelques minutes.

*Tu ne sais pas à quel point j’ai envie de t’embrasser*, pensa-t-il

Lucy Ann ne put s’empêcher de rire pendant qu’elle mangeait son bonbon.

Moi ? Une ingrate ? Mais absolument, je ne suis qu’une infâme manipulatrice, et je me sers de toi uniquement pour faire mon devoir de potions ! Tu verras, demain, quand on se croisera dans les couloirs, je ferais semblant de ne pas te reconnaître conclut-elle en lançant un regard faussement hautain à son partenaire. En réalité, elle le regardait plus à la dérobée, car elle ne souhait plus croiser son regard, ce jeune homme avait un gros point commun avec ses sucreries : il constituait une douceur bien trop distrayante.

Pendant que le jeune homme énonçait ses réponses, l’étudiante commença à s’attaquer à son deuxième verre, boire n’était certainement pas la chose la plus raisonnable à faire vu la situation, mais elle se sentait la gorge sèche et cette sensation était assez désagréable. Et puis qui sait, peut-être que la boisson la ferait suffisamment planer pour se détacher de l’emprise du semi-pyjama…

He, mais tout est exact ! Enfin je crois, en potions je suis loin d’être une référence. Mine de rien, derrière tes airs de rebelle qui défie l’autorité professorale se cache un vrai premier de la classe… Tu caches bien ton jeu tu sais ?

Elle posa ensuite son verre pour attraper son crayon. Question 4, on en était à la moitié… Avec un peu de chance, peut-être en viendraient-ils à bout ?
Bon, maintenant si on parle du feu fort… C’est un feu qui doit faire bouillonner la solution à gros bouillons, et qui correspond à… heu…
Elle se mit le bout de son crayon dans la bouche La température d’ébullition plus sa moitié, donc 150% de la température d’ébullition du liquide si je ne dis pas d’âneries ! Par contre, pour ce qui est de savoir pourquoi c’est déconseillé dans les potions à base d’eau et à base de lait… Ca ferait trop monter la température peut-être ?

Ca y est, elle avait réussi à se concentrer assez longtemps pour monter une réponse construite, et, avec un peu de chance, exacte. Mais allez savoir pourquoi, elle se doutait qu’au moment même où elle cesserait de se planquer derrière son parchemin, cette belle assurance disparaîtrait.

«Comment dire... J’suis un bad boy instruit, cultivé et vif d’esprit... Ça te va, comme description?»

Un autre sourire. Un autre parmi tant d’autres qui se dessinaient sur ces lèvres en cette belle soirée. Ou étaient-ce vraiment tous des sourires différents? Peut-être que ce n’était qu’un seul long sourire, toujours doux, toujours charmeur et captivant. Peut-être que c’était la force de sa présence, de ses yeux, de son odeur qui accrochaient ainsi le coin de ses lèvres. Et peut-être bien qu’elle perçait peu à peu son coeur sans qu’il ou même qu’elle ne s’en rende compte.

Il avait peur que ce ne soit en fait que son imagination qui lui disait qu’elle le regardait aussi, qu’elle faisait exprès de languir à ses côtés, que son regard s’attardait lui aussi sur son corps. Bref, que ce n’était pas qu’à un sens.

Le jeune homme nota tout ce qu’il entendait, visiblement beaucoup plus captivé par la voix de Lucy Ann que par son contenu puisqu’il laisse traîner quelques petites taches d’encre sur le parchemin, trop peu attentif. Ou peut-être, au contraire, trop attentif.

«J’imagine que ça dois être quelque chose du genre. Le lait risque de brûler et l’eau, de s’évaporer trop vite. J’en sais rien et honnêtement, je n’en ai rien à faire. Je hais les cours théoriques, je suis un homme plus pratique, plus manuel.»

Il s’étonnait. Presque toutes les phrases qu’il prononçait étaient teintées d’un sous-entendu voulu ou non, clair ou flou.

«Bon, cette satanée huile... Un feu doux serait de 90°C, si je ne m’abuse? Si c’est bien 50%...»

Vraiment zéro concentration, et il ne s’en voulait même pas. Il déposa sa plume dans son étui et empoigna sa choppe de bière avant de se caler dans son fauteuil, l’une de ses jambes soulevées pour qu’elle s’appuie sur le bras du divan, son corps complet ainsi un peu tourné vers sa jambe. Bref, une vraie pose de photo de magazine. Lui manquait plus que l’huile sur le torse.

«T’en a pas marre, toi?»

Il croisa son regard, le supporta et surtout en profita.

«On devrais apprendre à se connaître, au lieu de faire ça, non? Ou en même temps...»

Lêche la suçette, tourne la suçette, prends une gorgée de bière. Regarde Lucy, observe la, scrute la...

«Parle-moi de toi. D’où viens-tu? Ta famille, tes ambitions, tout le tralala.»

Certes, il comptait revenir de temps à autre au sujet des potions, tout juste pour le terminer, mais ce n'était plus son objectif de la soirée.

Je dirais même un bad boy cultivé, vif d’esprit et d’une modestie à toute épreuve ! lança-t-elle en riant. Elle le taquinait gentiment, mais entre ce qu’il venait de dire et la pose qu’il venait d’adopter style « gravure de mode », il n’aurait pas fallu que le jeune homme attrape la grosse tête, c’eut été un beau gâchis.

90°C , exact.

Elle retira son crayon de la bouche, et commença à s’attaquer à l’ongle de son index gauche. Elle devait avoir des gènes de rongeur quelque part, quand elle commençait à se sentir nerveuse, le besoin de grignoter se faisait sentir. Un gâteau, un crayon, un bout de doigt, tout ce qui pouvait lui tomber sous la main.

Et la question qui suivit lui fit intensifier son grignotage. Emmanuel venait de lui demander d’abandonner la dernière chose à laquelle elle tentait de se raccrocher pour rester sérieuse : le devoir. Comment allait-elle pouvoir se planquer derrière son parchemin maintenant ?

*Calme Lucy, te conduit pas comme une midinette de 12 ans. Respire et boit un coup, sinon tu vas finir comme la Venus de Milo à le ronger la main comme ça !*

Elle attrapa son verre et engloutit la moitié de ce qui y restait, puis s’essuya la mousse qui lui faisait une moustache du revers de la main.

Oulà… Tu veux que je te parle de moi ? Je veux bien, mais c’est à charge de revanche, parce que je suis une fille très curieuse et indiscrète, et si tu t’aventures sur ce terrain-là, je vais vouloir savoir plein de trucs sur toi…

Elle lança un regard au sac de friandises, et se dit qu’il n’était pas judicieux de commencer à manger quelque chose avant de prendre la parole. C’était très malpoli de parler la bouche pleine !

Bon, ma famille… Mes parents sont deux moldus à la cinquantaine bien tassée qui vivent à Londres. J’avais un frère jumeau, Ryan, mais il est mort il y a deux ans, du coup je suis fille unique… Maintenant j’ai un chat à la place, il est moins enquiquinant mais en contrepartie il perd ses poils…

Elle essayait d’ironiser sur le sujet, car parler de son frère lui faisait toujours se nouer la gorge, et si elle n’y prenait pas garde les larmes risquaient fort de lui monter aux yeux. Pour autant, elle était résolue à en parler quand même, Ryan faisait toujours partie de la famille, pas question de l’en rayer par convenance.

Et en ce qui concerne mes ambitions… Quand j’étais plus jeune je n’en avais aucune, je me contentais d’endosser le rôle de traîne savate de service à Serpentard, j’étais partisane du moindre effort… Ce qui fait qu’après ma 7e année, j’ai arrêté mes études pour rentrer dans la vie active. Quand j’en ai eu marre des jobs sans intérêt, j’ai décidé de reprendre des études pour devenir médicomage, parce que soigner des gens me paraissait beaucoup plus intéressant que distribuer des journaux jusqu’à la fin de mes jours…
Ce qui explique aussi pourquoi j’ai deux ans de plus que tous mes camarades de 3e année, je paie ma fainéantise passée ! conclut-elle en souriant à nouveau à Emmanuel, au risque d'attraper une crampe aux zygomatiques. Elle n'avait pas l'habitude de sourire autant!

*D'ailleurs va falloir que tu freines un peu, il va finir par te prendre pour une nunuche!*

Elle attrapa une nouvelle patacitrouille pour se donner une contenance et ne pas s’attaquer de nouveau à ses doigts.

Alors, à ton tour bad boy, parle-moi un peu de toi, que je voie ce qui se cache derrière cet énigmatique pyjama !

Il ne s’agissait pas seulement d’un retour de question rhétorique, elle était vraiment curieuse d’en apprendre plus sur ce qui se cachait derrière ces mèches brunes.

*Oui, je veux que tu me parles de toi, je veux tout savoir de toi.*

Emmanuel ne savait pas trop pourquoi, mais au fond de lui, il voulait la connaître, car elle le fascinait. Même s’il ne savait d’elle que son nom et son dédain pour les cours de potions, il se sentait devenir petit à petit accro à sa présence. Certes, il se trouvait un brin ridicule d’agir ainsi, d’obséder, en quelque sorte, mais ce n’était pas le genre de choses que l’on peut volontairement contrôler. C’était à se douter si elle ne cachait pas quelques cheveux de vélane entre ses belles boucles.

«Je ne suis pas du genre timide à propos de mon passé ou de ce que je pense en général, donc de répondre à tes questions ne me dérange pas du tout. Tout ce qui te passe par la tête, demande le. Parce que je ne me gênerais pas pour t’en poser qui pourraient te sembler indiscrètes.»

Il vida sa deuxième choppe de bière puis rajouta :

«Mais si ça te gêne d’y répondre, dis-le moi. J’aime savoir quand je vais un peu trop loin, quand j’y vais trop fort, trop vite. Ça ne me ferras que plaisir.»

Le jeune homme fouilla dans son sac alors qu’elle commença à parler, prenant un bonbon mou en forme de lèvres entre ses doigts et mordit à l’intérieur. Était-ce un simple hasard? Très probablement. Mais il ne porta pas attention à la forme de son bonbon, trop captivé par les paroles de sa compagne de travail. Puis elle parla de son frère, décédé. Il resta un peu surpris. Ce n’était pas quelque chose de commun, même dans un monde magique. Et le sarcasme qu’elle utilisa pour dissimuler cette tristesse qui se lisait dans ses yeux l’émeut. Deux ans… Cela ne faisait pas si longtemps que cela. Il lui offrit un regard compatissant pour ne pas l’interrompre. Il ne put s’empêcher de penser à ses propres frères et sœurs. Surtout à Sally-Anne, qu’il avait tant aimé torturer durant leurs nombreuses années de vie commune.

Que de surprises, il n’aurait jamais cru qu’elle était issue de la maison de Serpentard! À force de rivaliser avec eux, de se battre avec eux et de casser quelques uns de leurs nez de vipère, son esprit s’était teinté d’une certaine haine pour eux. Mais cette rencontre lui ouvrait les yeux. Ce n’étaient pas que des pestes!

Lorsque Lucy Ann conclut ce qu’elle disait, le Gallois hocha la tête, sourire aux lèvres. Elle lui relançait la question, bien entendu.

«Énigmatique? Pas vraiment, en fait. Je suis tout ce qu’il y a de plus banal comme garçon. Grande famille, nous sommes quatre enfants. Joachim est le plus vieux, ensuite il y a moi, ma petite sœur Sally-Anne qui a été longtemps victime de mes taquineries et puis le bébé, Ethel. Ma mère, Keziah Lewis, est une tragédienne, mon père Azrael reste encore un mystère pour moi, je n’avais pas la meilleure des relations avec lui. Un peu de rivalité, je dirais même. La seule chose dont je suis certain, c’est qu’il travaille au Ministère.»

Le jeune homme s’assis plus convenablement, se versa une autre choppe pleine et en pris une gorgée. Il avait toujours été mal à l’aide de parler de la relation avec son père, mais cela faisait partie de la vie.

«Disons qu’il n’a pas été là pour moi dans les moments où j’en eu vraiment besoin. J’n’ai jamais eu de confident au sein de la famille. Maman s’occupait plutôt de mes sœurs, Joachim était toujours avec Papa, j’étais toujours un peu seul. Enfin… Je suis du Pays de Galles, donc je parle Anglais et Gallois, ainsi qu’un petit peu de Français et d’Allemand.»

Un regard bref accompagné d’un sourire. La solitude avait toujours été une grande partie de la vie d’Emmanuel. Il avait des amis, à la tonne, mais à l’intérieur, toujours un vide.

«Les ambitions… Depuis l’an dernier, moi non plus, je n’en avais aucune. Mais je me suis tourné vers le métier de Langue-de-Plomb puisqu’il me fascine. Tout le long de mes études à Poudlard, les gens étaient surpris de voir que j’avais été placé à Poufsouffle. Manipulateur, taquin, hautain, toujours attiré vers les choses plus sombres, plus interdites de la magie.»

Il laissa échapper un soupir

«Peut-être que le Choixpeau a découvert quelque chose que je cherche encore chez moi. En fait, je cherche beaucoup de choses. »

C’était la première fois qu’il s’était réellement confié à quelqu’un. De toute sa vie. Et cela lui faisait tant de bien. Il exprima cela par un simple soupir avant de prendre une autre gorgée de sa choppe de bière et de porter un bonbon à la pastèque à ses lèvres.

«À ton tour. Parle-moi un peu de tes goûts, en général. Ce que tu aimes, ce que tu aimes moins…Les choses plus ou moins importantes à tes yeux.»

*Tes beaux yeux…*

« J’aime savoir quand je vais un peu trop loin, quand j’y vais trop fort, trop vite. Ça ne me fera que plaisir »

Cette phrase la fit pouffer intérieurement comme une adolescente. Sans doute à cause de l’alcool, mais son esprit était ce soir vraiment mal placé. Il faut dire aussi que prononcée par un homme torse nu, cette phrase prenait facilement une autre dimension…

Pas de problème, je ne suis pas du genre à faire de la fausse pudeur, mais on me force rarement à raconter ce que je n’ai pas envie de dire… Ou alors cas échéant je suis une excellente menteuse !

Une chose lui avait plu : Emmanuel ne s’était pas senti obligé de sortir quelque chose de compatissant sur son frère, du genre « Je suis désolé pour toi », ou « mes sincères condoléances ». Elle avait tellement entendu ce genre de phrases toutes faites que ça lui donnait envie de hurler. Mais non, il avait eu le bon goût de se taire à ce sujet.

Maintenant, c’était à son tour d’inaugurer un épisode de « Mavie.com ». Elle attrapa une poignée de dragées qui semblaient sortir de chez Bertille Crochue et en mangea quelques uns pendant qu’il exposait sa situation familiale.
Elle trouvait cela étrange d’imaginer ce jeune homme charmeur en famille, en pantoufles dans sa chambre en train d’enquiquiner sa petite sœur. Etrange, comme ce qui semblait au premier abord relativement superficiel pouvait prendre une dimension plus… Humaine.
Mais ce qui la surprit le plus était d’apprendre qu’il sortait de Poufsouffle.

Elle avala sa dernière dragée qui avait un goût fort désagréable, quelque part entre le chou-fleur et le brocoli, afin de reprendre la parole.

Très intéressant monsieur, maintenant je sais de qui tu tiens tes talents de tragédien ! Et je dois dire que je t’imagine très bien en train d’embêter ta petite sœur, je visualise bien ton côté taquin…

A vrai dire, elle l’avait plutôt imaginé fils unique, peut-être à cause de cette belle assurance qui se dégageait de lui et qui faisait penser à quelqu’un de choyé dans son enfance. Comme quoi, les idées reçues… Elle le scruta en détail, un sourire amusé aux lèvres.

Mais je dois dire que je ne t’imaginais pas du tout sortant de Poufsouffle ! En tant que bonne Serpentarde, j’ai toujours eu une vision d’eux un peu… Comment dire… Neunoeud ? Elle se mit à rire Je t’imaginais plutôt à Serpentard ou Gryffondor à vrai dire, comme quoi on a beau être sorti de Poudlard depuis des années, on en garde quand même les séquelles... En plus je suis doublement crétine parce que je n’ai pas non plus le profil type pour une Serpentarde : déjà je suis fille de moldue, en plus je n’avais pas ce côté ambitieux et pédant, même si le côté peste était là pour compenser !

Elle esquissa un sourire vague, replongeant un instant dans ses pensées. Poudlard, ces années passées en tandem avec Ryan… Souvenirs souvenirs…
Elle sortit brutalement de ses pensées, afin de ne pas se faire submerger par une vague de nostalgie.

Enfin je ne m’explique toujours pas le choix du choixpeau, un point commun entre nous !

Elle prit le temps d’avaler une autre dragée pour faire passer le goût de la précédente avant de continuer.

Ce que j’aime et ce que je n’aime pas… C’est vague tout ça, et je ne vais pas m’embarquer dans un monologue sur moi-même, ça serait très ennuyeux… Je préfère emmener ça au fil de la conversation, c'est plus amusant de découvrir au fur et à mesure qu'en faisant une liste, non?

Mais en ce qui concerne ce qui est important... Disons qu’après avoir traversé deux années assez sombres à gamberger dans tous les sens, ce qui me paraît important pour le moment est de finir mes études, vu mon grand âge, je n’ai pas envie de prendre une autre année de retard… Et puis après, me marier, acheter une maison et faire tout plein d’enfants, ou prendre le contrôle de Ste-Mangouste et dominer le monde, je ne sais pas encore ! conclut-elle en éclatant de rire.

La vérité, c’est qu’elle n’avait aucune idée de la façon dont se dérouleraient les évènements à la sortie de l’UMA, mais elle se doutait qu’elle serait confrontée à un moment ou à un autre au choix cornélien entre vie professionnelle et vie privée. Et pour savoir lequel était le plus important… Mystère. Il faudrait déjà trouver un martyr volontaire pour partager sa vie, et ça, ce n’était pas gagné.

Et toi alors ? C’est pas très original de te reposer la même question, mais ça m’intéresse quand même… J’ai bien envie de savoir à quoi tu occupes tes journées, mis à part étudier pour ta future carrière ? Et tu te vois plutôt hyper carriériste, genre business-wizard, ou alors papa poule chargé de famille nombreuse?

Même si elle n'avait pas l'intention de le demander en mariage, poser ce genre de questions typiquement féminines aux garçons l'amusait beaucoup, car elle était rarement déçue par les réponses...

«Tu m’a surpris avec cela aussi, tu sais. Jamais je n’aurais cru que tu étais anciennement de Serpentard.»

Le jeune homme rit un peu avant de reprendre sa phrase.

« Et ce n’est pas seulement que par préjugés que je n’apprécie pas vraiment les gens de cette maison, en général. J’ai eu plusieurs mauvaises expériences avec les vipères. Quelques ecchymoses, une ex des plus insupportables et puis une rivalité qui m’a suivie jusqu’à la fin de mes études à Poudlard. Il m’a presque tué, en fait, ce morveux. »

Kirk McAllen, probablement la personne la plus détestable qui existe aux yeux du jeune homme. De la première à la septième, sans arrêt. En fait, il ne voulait même pas y penser, les souvenirs de ce duel qui eut une fin presque tragique le perturbait encore. C’est avec cet Écossais qu’il apprit à se défendre, à être méchant, fort et arrogant. Le roux avait été envoyé à Azkaban la nuit de ce duel où il osa utiliser sur Manu le sort d’Endoloris.

«C’est une douleur qu’on n’oublie jamais. », chuchota-t-il visiblement pensif, ses mots ayant dépassés malgré lui le stade de la pensée.

Le Gallois écouta le récit de l’Anglaise avec attention, un petit sourire sans cesse accroché au coin des lèvres. Il la trouvait mignonne, avec ses idées d’un futur blanc, d’un futur accueillant et confortable. Il se l’imaginait, sur le toit de l’hôpital, brandissant fièrement une caducée en or devant les habitants de la terre. Et comme une bonne partie des jeunes femmes de son âge, elle dégageait un aura maternelle déjà très fort, elle ferait sans doute une mère très compétente et une femme attentionnée.

«Ce que je fais de mes temps libres? Bonne question... Quand j’en ai, en fait, j’aime bien me consacrer au dessin et à la musique. Je joue de la batterie ainsi que de la guitare basse. Sinon, je suis du genre à philosopher par moi-même, à propos de choses et d’autres. Et j’adore la nourriture. Je mange toujours, j’adore faire à manger. Et j’aime trop cela pour utiliser la méthode magique. Je fais tout moi`-même. Celle qui finiras ses jours avec moi ne s’en plaindra pas, j’ai l’impression. J’ai du talent, même. Si j’ose m’avancer là-dessus.»

L’autre question l’embêta un peu, il ne savait pas vraiment lui-même. Il pris quelques instants pour réfléchir puis répondit:

«Eh bien, pour la deuxième question, je n’en suis pas encore certain. Je crois que, avec le métier que je veux entreprendre, je dois m’attendre à devoir travailler, mais pas question que je ramène le travail à la maison. La priorité à la maison, ce sont les gosses, ma chérie et m’assurer qu’ils soient tous heureux.»

Une autre gorgée. Un autre bonbon, cette fois aux fraises.

Se risquait-il à entreprendre les questions plus indiscrètes? Pourquoi pas? Elle même avait dit qu,elle n’était pas du genre à se gêner

«Bon bon, puisque tu ne veux pas parler de tes goûts tout de suite, je vais un peu de forcer à cracher le morceau... Physiquement, qu’est-ce qui t’allume chez un mec? Ce qui te rends folle, ce à quoi tu ne peux pas résister? Et puis j’veux savoir c’est quoi ta couleur favorite, par la même occasion»

Question d’équilibrer le tout mais de quand même pouvoir voir apparaître sur ses joues un peu de rose.

L’évocation de la rivalité entre Poufsouffles et Serpentards la fit sourire. Elle n’avait jamais su si les rivalités inter-maisons étaient dues aux différentes personnalités décelées par le choixpeau ou si elles étaient crées par la répartition des élèves dans ces clans…
Quoi qu’il en soit, cela durait depuis des siècles et n’était pas près de changer !

Cependant, une phrase l’intrigua « C’est une douleur qu’on oublie jamais ». Elle avait été prononcée d’une façon presque inaudible, et pourtant, la jeune sorcière sentait confusément que cette rivalité entre les deux garçons n’avait pas du se limiter à de simples bagarres. En plus d’en être venus aux mains, en seraient-ils venus aux baguettes ?
Bien que sa curiosité soit piquée au vif, elle préféra ne pas approfondir la question. Comme pour son frère, elle sentait qu’il y avait des sujets sur lesquels il valait mieux ne pas insister.
Malgré tout, cette petite phrase avait réveillé en elle l’instinct protecteur de Saint-bernard qui sommeille au fond de chaque fille, et qui lui donnait envie de lui faire un gros câlin pour le consoler.

*On se calme Lucy, c’est un grand garçon, pas ton nounours*

Malheureusement pour elle, le reste des réponses ne fit qu’augmenter son côté « bisounours ». Le fait de l’imaginer en mari attentionné aux fourneaux, en papa poule mais tout en continuant à mener de front sa carrière, le tout assuré avec un physique de Dieu grec…
Etait-il possible de le demander en mariage tout de suite ?

Pour redescendre sur terre, la jeune femme attrapa une autre patacitrouille et mordit dedans. Il y avait des instincts inavouables qu’il valait mieux réfréner.

Acteur et musicien, j’ai affaire à un vrai artiste alors… Et pour la cuisine je pense que ce n’est pas la femme qui va se plaindre, mais toi, si tu cuisines si bien que ça, il y a des chances pour qu’elle triple de volume au fil des années ! Pour ma part, la cuisine est ce que la magie a fait de mieux. Je suis archi nulle dans ce domaine, et bien contente de connaître quelques sortilèges qui puissent pallier à ce manque, sans quoi je serais surement morte d’une intoxication alimentaire…

La question suivante manqua de la faire s’étrangler avec le morceau de patacitrouille restant. Passer de la cuisine et des mômes aux préférences intimes, c’est ce qui s’appelait un « sans transition »

En effet, tu y vas cash toi ! Mais bon, ça me dérange pas… Tout d’abord ma couleur préférée c’est le violet. Et pour le reste… Ce qui me plait le plus chez un mec, c’est son… pyjama ! lança-t-elle en riant. *Mais pourquoi tu as sorti ça ?*

Non, en fait j’ai pas de critères physiques particuliers, un beau regard, un beau sourire… Ca a tendance à me faire fondre. Bon, bien sur, si le reste ressemble au chanteur des Bizarr sisters, ça aide ! Le sens de l’humour aussi, c’est important… Ha, et un truc qui est rédhibitoire : le monosourcil. Je ne SUPPORTE pas quand les sourcils se rejoignent, je trouve ça d’un laid !
Bon, maintenant à mon tour de poser des questions indiscrètes : tu as vaguement parlé d’une ex à toi qui était à Serpentard… Dis-moi en plus, je veux tout savoir du passé amoureux d’Emmanuel Perks ! Et si tu as des surnoms, tiens…

[En primeur, Manu 2.0!]

«On ferrais une bonne équipe, dans ce cas, non? Ce n’est pas une tâche pour moi que de cuisiner, au contraire même. Et toi, eh bien, il me semble que tu pourrais bien t’en passer.»

Le jeune homme engloutit la dernière gorgée de sa choppe de bière et la redéposa sur la table entre eux deux. Il était peut-être sage d’attendre un peu avant de continuer à boire, il en était à la fin de sa troisième. Décidément, il n’était pas fâché d’avoir opté pour un bien simple pyjama, il commençait à avoir chaud.

«Tripler? J’en doute fort, je serais sans doute du genre à inciter ma compagne à faire beaucoup d’exercice en ma compagnie. En plus, ce genre d’exercice ne coute rien et puis, c’est très bénéfique pour la santé physique et mentale.»

Le tout souligné d’un sourire à la fois un brin timide et charmeur à souhait. Ce qu’il n’aurait pas fait pour la voir réagir ne serait-ce qu’un peu, pour qu’il sente cette énergie étrange, preuve que malgré notre évolution nous étions encore des animaux; Il pouvait presque sentir les phéromones qui émanaient d’elle. Ce désir, cette odeur qui lui donnait l’envie d’enfouir son nez dans le creux de son cou.

Parlant de réaction, il avait visé juste en posant cette question. Sa patacitrouille ne passait pas aussi facilement que d’habitude dans sa gorgée et il lui sembla que ses joues se teignirent d’un rose presque imperceptible, mais tout de même apparent pour quelqu’un qui cherchait à faire exactement cela. Il s’était tout de même assurer de briser la glace d’une façon plutôt douce, de façon à ce que ses autres questions, qui seraient peut-être un peu plus corsées, passent presque inaperçues. Introduire le sujet avant tout.

«Le violet… J’suis pas surpris, en fait», se permit-il d’ajouter avant qu’elle introduise le pyjama tout en sortant une chocogrenouille de son emballage.

Il ne prit même pas la peine de regarder la carte, même s’il continuait en secret la collection qu’il avait entreprit plus jeune. Et ça, personne ne le savait. Bien que le Gallois vouait une attention des plus élevées à la description de l’Anglaise, il ne put s’empêcher de rire lorsqu’elle mentionna des monosourcils.

«Que veux-tu, y’as des gens à forte pilosité… Mais c’est pas une excuse, y’as l’épilation et tout.» Il pausa, la regarda dans les yeux en affichant toujours ce même sourire puis reprit «Eh bien, en général, c’est un must pour les demoiselles, le regard captivant. Mais selon moi, ce n’est pas une question des yeux tels qu’ils sont, c’est la chimie. Le simple désir de ne pas vouloir séparer son regard de celui de l’autre personne. Même chose pour le sourire. C’est l’envie, l’image que l’on se fait d’embrasser la personne en question qui nous fait dire qu’elle a un beau sourire. Enfin, ce n’est qu’une théorie. La beauté, c’est quelque chose de très personnel. »

Oh non, pas la question des amours. Il y en avait tant à dire à ce sujet mais il ne voulait pas s’éterniser là-dessus. Tant d’échecs, de cœurs brisés. Mais ce que Lucy demandait, Lucy avait. Il se racla la gorge : Peut-être qu’il aurait à prendre une autre gorgée de bière. Il empoigna le pichet, toujours aussi plein que lorsqu’il l’avait sorti de sa cachette et s’en versa une autre chope.

«Les amours d’Emmanuel Perks… Amour, c’est un bien grand mot, j’ai été amoureux qu’une seule fois, les autres, je ne sais pas trop comment les décrire. Des expériences, enrichissantes et parfois douloureuses. Mais bon, pour revenir à la Serpentard. Nous étions tous les deux en sixième, dans le même cours de défense contre les forces du mal. En fait, je te raconterais pas toute l’histoire, mais bon, je suis tombé amoureux d’elle et elle m’a joué comme un vrai pantin jusqu’à la fin de cette année là, quand j’ai appris que c’était la sœur du guignol dont je te parlais un peu plus tôt et qu’elle agissait un peu en espionne. Enfin bref, ça a mal fini. Mis à part cette fâcheuse relation, eh bien, j’dois avouer que j’étais un peu le garçon qui fait jacasser les filles dans la salle commune et tout et tout. Quelques aventures de bisous, mais c’est tout. Comme tu as dis à mon audition, j’ai un semblant de passé de Don Juan.»

Manu pris une gorgée de bière après ce long monologue puis reprit :

«Pour les surnoms, eh bien… Il y a Manu, Manny, et ma sœur s’amuse bien avec Manu-Quasi-Sans-Tête. Ah, et puis mon frère, c’était Manus. Tu peux t’amuser à m’en trouver un, si ça te chante, je suis ouvert aux suggestions»

Une douleur se fit sentir dans la nuque du jeune homme : Le fait de toujours avoir la tête tournée vers la jolie demoiselle lui donnait un semblant de torticolis. Il se leva de sur son siège et plaça le fauteuil de façon à ce qu’il soit directement face à la sorcière, la table maintenant à sa gauche, donc à la droite de Lucy Ann.

«Mes questions sont un peu moins soft, je t’avertis… J’aimerais que tu me parles de ton, ou de tes fantasmes. Pas besoin d’une description profonde et explicite, juste assez d’information pour assouvir ma curiosité qui me démange. C’est le genre de questions que je me pose souvent. Sans vouloir passer pour un pervers, mais c’est quelque chose de fascinant, on peut en apprendre beaucoup sur la personne en sachant quels sont ses fantasmes… Et puis, j’aimerais savoir quel est ton mets favori, ainsi que les infos sur ta baguette.»

La conversation devenait intéressante, et maintenant qu’il était directement devant elle, ses genoux touchant presque aux siens, il pouvait réellement, profondément la fixer.

Heureusement pour elle, elle n’avait plus de patacitrouille dans la bouche, sinon c’est certain, elle se serait vraiment étouffée avec. La discussion commençait à vraiment dévier des traditionnelles questions sur le devoir de potions, et là, pour le coup, elle se sentait un peu prise de cours.

Je vois de quel genre d’exercice tu parles… Si ton programme pour les filles est de leur mitonner de bons petits plats et de leur faire éliminer par la suite, je comprends mieux ton passif de Don Juan, et je suis même un peu surprise de ne pas avoir entendu parler de toi plus tôt à l’UMA, tu dois avoir une sacrée réputation !

*De l’exercice, j’en aurais bien besoin, avec tout ce que je viens d’avaler ce soir d’ailleurs…*

Lucy Ann de garda bien de relever la remarque sur la bonne équipe, elle sentait déjà le sang lui monter au visage, peut-être était-ce à cause de son interlocuteur ou de la bière, mais si elle se risquait sur la piste de l’allusion directe, elle allait finir à coup sur rouge comme une pivoine. Et autant le rouge lui allait bien dans les cheveux, autant c’était loin d’être le cas au teint.

Elle décida, pour faire de l’auto-diversion ; d’imiter son camarade et d’entretenir sont taux du glucose en entamant une chocogrenouille. Elle commença par lui arracher la tête de façon un peu barbare, mais elle n’avait pas vraiment envie de lui courir après, et la dégusta tout en écoutant religieusement la théorie d’Emmanuel sur la beauté, qu’elle trouvait très convaincante.
Remarquant que la grenouille avait un peu fondu entre ses doigts, elle se lécha le pouce, l’index et le majeur de la main droite pendant qu’il racontait sa vie sentimentale.

*Mais elle est complètement folle cette fille ! Avoir un beau mec comme ça sous la main et ne rien en faire d’autre que lui briser le cœur… Elle ne sait pas la chance qu’elle a, moi quand mon frère me demandait de faire du gringue à des types à des fins pas très glorieuses, ils étaient tous moches comme des poux… P’têt pour ça que je ne l’ai jamais fait d’ailleurs*

Le sorcier rapprocha son fauteuil, et elle ne put s’empêcher de tousser sous l’effet de la nervosité.
*Oulà, est-ce qu’on va passer au vrai interrogatoire ? Manque plus que la lampe dans la figure, comme dans les séries-télé moldues*

Les aventures de bisou, comme c’est mignon ! Ironisa-t-elle. Je dois dire que tu n’as pas eu de chance avec ta serpentarde, moi qui pensais que j’étais une vraie peste, comparé à ça, j’étais presque une sainte !
Emmanuel posa ensuite sa question sortant du régime soft, et elle mordit dans le reste de sa chocogrenouille autant pour se donner du courage que pour se donner un délai de réponse supplémentaire. Les fantasmes… En voilà une question bien indiscrète et embarrassante !

D’une part parce que c’est très intime, et de l’autre parce qu’on n’a pas forcément de réponse toute faite. Lucy Ann se posait rarement la question « mais tient au fait, sur quoi je vais fantasmer aujourd’hui ? » Surtout depuis que la seule entité partageant son lit était son chat. Il y avait bien eu Canaan mais… Non, mieux valait oublier cet épisode, là tout de suite.

Bon, heu, je vais commencer par ma baguette !
Elle se pencha pour farfouiller dans son sac et sortit l’objet en question, une baguette de 28 cm en bois très sombre et la posa sur les genoux de son camarade, en prenant garde de ne pas le toucher directement. Faite en ébène et contenant un cheveu de sirène… J’aurais préféré une créature avec une tête un peu plus sympathique mais bon, on ne peut pas toutes hériter des cheveux blonds de vélane !

Elle marqua une pause, se souvenant de la tête qu’elle avait faite en voyant les illustrations de sirène pour la première fois en cours. En tant que fille de moldue, elle avait grandi avec l’image de jolies petites sirènes rousses à la voix d’ange et non pas avec des créatures aussi proches des poissons que des humais aux cheveux verdâtres et à la voix de crécelle hors de l’eau… La chute avait été rude pour la gamine de 11 ans qu’elle était, mais Ryan, lui, était mort de rire.

Maintenant, mon met préféré… En matière d’aliment, comme la plupart des filles, c’est le chocolat, rien de bien exceptionnel, et pour le plat… Le risotto au basilic et coquilles Saint-Jacques, il y a un excellent petit resto italien à côté de chez mes parents qui en fait et… C’est absolument divin. Presque un fantasme en soi ! fit-elle en riant avant de se rendre compte qu’il lui restait un peu de chocolat au coin de la bouche, qu’elle s’empressa d’essuyer du doigt en essayant de ne pas rougir.

*Mais quelle cruche !*

Mais je suppose que ce n’est pas le genre de fantasmes dont tu voulais parler… Alors je vais t’en donner deux. Le premier date de ma scolarité à Poudlard : aller flirter, ou plus si affinités, au beau milieu de la forêt interdite. Je pense que rien que le fait qu’il y ait marqué « interdit » dans le nom est excitant, et le fait de se retrouver là ou on ne peut croiser aucun sorcier mais paradoxalement plein de créatures étranges et dangereuses… Ca rajoute du piment. Et le deuxième est plus récent, et a germé dans mon esprit déviant quand j’accompagnais mes petits cousins au jardin d’enfants pendant les vacances… Bref, je les poussais sur la balançoire et je me disais que faire des acrobaties là-dessus pouvait être fort intéressant, parce qu’avec le mouvement de balancier, le sentiment grisant de vitesse et d’altitude quand ça commence à monter haut…

Elle reprit alors sa respiration après sa longue tirade, et acheva sa grenouille pour se redonner du courage.

Bon, he bien maintenant que je viens de me ridiculiser en racontant mes fantasmagories érotiques, je ne peux que te reposer la même question : Qu’est ce qui fait rêver Manny ?
Et la question subsidiaire… Qu’est ce qui s’est passé lors de ton pire moment intime avec une demoiselle ?

Elle releva la tête, tentant de soutenir à nouveau le regard du jeune homme pour tenir dans le registre "Tu vois, même pas gênée, et toc!", même si elle ne pouvait pas empêcher le rose de lui monter aux joues (pour changer).

Ah, elle décidait de débuter par la baguette, bon choix. C’était une façon de revenir un peu vers le sujet de la magique qui, au départ, se devait d’occuper leur soirée entière. Celle-ci aurait normalement été remplie de formules mathématiques, de jurons, d’ingrédients douteux mais au lieu, elle semblait se diriger vers quelque chose de beaucoup plus abstrait et de... piquant! Honnêtement, cela lui plaisait beaucoup plus que de s’emmerder en parlant de température d’ébullition de l’eau. Il la regarda poser la baguette sur ses genoux, espérant pendant un instant qu’elle y dépose ses paumes, puis la pris à son tour entre ses doigts, la faisant briser l’air de quelques mouvements de poignet. Il écouta son explication tout en pointant son sac de bonbons, murmurant un faible Accio bonbons. Le sac se souleva, certes, mais très péniblement, se rendant à peine jusqu’aux cuisses de son propriétaire. Décidément, cette baguette n’avait rien de semblable avec la sienne. Il la rendit à sa propriétaire en mains propres et profita du fait que ses bonbons étaient sur ses genoux pour prendre une petite poignée de dragées surprises, déposant ensuite le sac sur les cuisses de son interlocutrice au beau sourire.

«Cheveux de sirène, c’est beaucoup dire. Ce sont plutôt des algues, en fait. C’est la première fois que j’entends parler de cheveux de sirène dans une baguette»

Il la laissa continuer. Décidément, elle gardait le meilleur pour la fin. Ah, maintenant il savait ce qu’il devait lui acheter pour lui faire une petite surprise. Il savait bien que plusieurs filles aimaient bien recevoir ces petites douceurs en cadeau, mais il sentait que, pour la première fois depuis Gabriella, il avait assez confiance pour gâter une demoiselle.

«Miam, coquilles St Jacques, j’adore les fruits de mer. Il faudra que tu me montres ce restaurant un jour.» dit-il en souriant.

Il souriait parce qu’il aurait bientôt réponse à sa question...

La première chose qui lui vint à l’esprit, avant même qu’elle ne commence à parler, c’était sa petite voix d’ange qui lui priait de ne pas trop laisser son imagination de façon à ce qu’il s’imagine tout ce qu’elle racontait.... Il n’avait qu’à se rhabiller, cet ange. Disons que l’alcool aidait beaucoup à son manque de pudeur, mais même à jeun, il se serait laissé aller. Il laissa parler sans l’interrompre, captivé par ce qu’elle avait à dire et par les images qui défilaient dans sa tête. Surtout avec sa description précise de la balançoire... Mhm, il s’en serait lècher les lèvres si la femme en question n’aurait pas été en face de lui. Bon, à son tour, elle lui renvoyait la question.

«Tu me sembles être une fille d’extérieur», ajouta-t-il simplement avant de s’asseoir plus confortablement.

Le Gallois avala une dragée - saveur de gâteau au fromage aux citrouilles - puis pris une bonne, longue gorgée de bière avant d’entreprendre sa réponse, précédée d’un soupir pensif.

«Ce qui me fait rêver... Plusieurs choses, en fait. Quelque chose qui me rends complètement fou, qui éveille l’animal en moi, si tu veux, c’est la lingerie. Les corsets, les jarretières, la dentelle. C’est magnifique, une femme en lingerie. Et puis, c’est plus amusant à déshabiller, à déballer. Ensuite, y’as tous les jeux de rôles... Maître de maison avec la servante, le médicomage avec la patiente, ou vice versa, en fait. C’est stimulant autant pour l’esprit que pour le corps. Et puis, j’ai toujours rêver de faire l’amour dans une salle de classe ou encore dans la bibliothèque. Des endroits interdits, en fait, un peu comme toi.»

Pour ce qui était de la deuxième question, c’était clair et net dans son esprit. Il ne prit même pas un instant pour y réfléchir, entamant sa deuxième tirade.

«Je crois n’avoir jamais été aussi honteux de ma vie. Je m’étais fait une simili-copine de retour au Pays de Galles durant l’été entre ma sixième et ma septième année et puis, cet après-midi là, mes parents étaient allés faire un peu de shopping avec ma plus jeune soeur. J’étais donc seul à la maison avec mon autre soeur, Sally - celle que j’enquiquines -, puisque Joachim n’habite plus avec nous. Donc, dans mon esprit d’adolescent en rut, c’est clair que j’invite ma copine à venir à la maison pour.. Enfin, tu vois. Donc, Elysa arrive à la maison, pas plus de deux minutes après elle est étendue dans mon lit, je suis par-dessus en train de l’aider à se défaire de ses vêtements. Bref, ça continue comme ça, nous commençons à faire l’amour. Et puis, mes parents ne sont pas là, j’en profite pour y aller un peu plus fort que d’habitude. Mais moi, je ne pense pas que la tête de mon lit touche directement au mur entre ma chambre et celle de Sally, qui y faisait assidûment des travaux personnels. Cinq minutes plus tard, ma porte ouvre d’un coup sec et j’entends derrière moi «Manu, Manu, je crois que y’as quelque chose qui cogne contre la maison, peut-être un tremblement de terre» [Notons qu'il imite à ce moment la voix d'une fille de 15 ans]. Je crois que tu peux imaginer la suite. Cris de dégoût, rouges aux joues, menaces de morts, etc...»

Le jeune homme rit un peu, repassant l’évènement dans sa tête. Mais il n’avait clairement pas rit par cet après-midi de juillet. Il prit une autre gorgée de la bière puis, penchant son corps vers l’avant, il déposa ses coudes sur ses genoux, ses deux mains jointes ensemble, comme s’il interrogeait quelqu’un, fixant Lucy Ann tout en lui souriant. Plus que quelques centimètres, il aurait pu l’embrasser. Et ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Elles lui semblaient délicieuses.

« C’est fou, y’as tellement de choses qui m’intriguent à ton sujet que je ne sais pas par où débuter. On va y aller avec trois questions pour commencer. Quelles sont tes zones érogènes, mis à part ce qui est évident? Les oreilles, le ventre, le cou, enfin, tu vois, puis explique moi pourquoi. Ensuite, j’aimerais bien savoir combien de conquêtes tu a eues au fil des années puis, pour terminer...»

En fait, il ne savait pas trop comment lui poser cette question là. Surtout qu’il était assez proche d’elle. Il se redressa de façon à ce que leurs yeux soient du même niveau et, assis presque au bout de son siège, conclut sa phrase:

«Comment réagirais-tu si je t’embrassais maintenant...?»

Peut-être qu’au fond, il espérait qu’elle voudrait bien... Qu’elle s’approche...

La sorcière soupira en regardant le sac de friandises sur ses genoux. Etait-ce bien raisonnable ? Certainement pas non, mais au point où elle en était… Elle rangea la baguette dans son sac avant d’attraper un caramel.

Oui, les cheveux de sirènes sont des espèces de choses verdâtres et gluantes, pas très ragoûtant en somme… Mais ça ne peut pas être pire qu’un nerf de cœur de dragon !

Elle se mit son caramel dans la bouche tout en écoutant son camarade avec attention.
*Alors comme ça tu aimes la lingerie ? Tu devrais visiter mon armoire, tu deviendrais fou ! Et pour jouer au médicomage… Tu ferais un parfait sujet pour que je puisse m’entraîner à l’auscultation !*

La suite de l’histoire la fit bien rire. Elle imaginait très bien la scène : la petite sœur traumatisée, la copine ne sachant plus ou se mettre, le frère pris en sandwich entre les deux… Digne d’un film comique !
Elle failli d’ailleurs s’étouffer avec son restant de caramel, et se mit à tousser, sans pour autant arriver à s’arrêter de rire. Finalement, elle arriva à se calmer, et profita de cette accalmie pour poser le sac de friandises sur la table. Visiblement, ces petites choses sucrées avaient décidé de se liguer contre elle, et pas question de se faire occire par un bonbon.

Le reste des questions lui fit esquisser un sourire taquin. Ainsi donc, fini de tourner autour du pot, on passait à l’attaque !
Afin de prolonger le jeu, elle se cala bien contre le dossier de son fauteuil, pour mettre un maximum de distance entre elle et Emmanuel.

Je vais commencer par mes conquêtes… Il n’y en a pas eu tant que ça au final ! Parce que s’il y a bien un truc à savoir sur les jumeaux, c’est que le 2e ne cède pas facilement sa place, alors c'est dur pour une conquête de se frayer un chemin. Surtout avec mon frère d’ailleurs…

Enfin bref, il y a bien eu quelques flirts à droite à gauche, rien de vraiment sérieux, mais seulement un petit copain officiel. J’étais en 7e année, il s’appelait Liam, il était batteur de l’équipe de Quidditch de Serpentard, ça a duré quelques mois, le temps que nos caractères de cochons respectifs finissent par nous faire clasher pour de bon, à la grande joie de mon frère… Après, et j’en suis pas très fière, il y a eu plein de monde, des histoires d’un soir dont je ne me souviens quasiment plus… J’ai juste eu une courte histoire avec une petite serveuse aux cheveux violets, qui s’appelait April et qui était mimi comme tout, mais ça n’a même pas duré un mois, je traversais une sale période et du coup j’étais relativement imbuvable et, ce qui devait arriver arriva, elle a fini par en avoir marre ! Et depuis que je suis rentrée à l’UMA, je me suis racheté une conduite, et je suis restée sage comme une image.

*Mais toutes les bonnes choses ont une fin, à ce qu'il paraît…*

Pour les zones érogènes, je vais juste t’en donner une, je ne vais pas me cartographier entièrement non plus, il faut laisser planer un peu de mystère… La partie juste derrière le genou, c’est une partie très sensible, et pour peu qu’on sache la caresser comme il faut, ça me met dans tous mes états…

Lucy Ann se rapprocha ensuite pour revenir à la position de départ, et plongea son regard dans le sien.
Et pour la dernière question, si tu tiens vraiment à ta réponse, il va falloir que tu viennes la chercher…

Visiblement, la jeune Anglaise s’était défaite de sa timidité du début, semblant plus confortable, à l’aise. Certes, les trois chopes de bière qu’ils avaient chacun respectivement bues aidaient la cause, mais le Gallois était convaincu que ce n’était pas que ça. Il y avait quelque chose dans l’air. Il sentait qu’elle jouait son jeu, qu’elle ne ferrait pas que se lancer à ses pieds, et c’était quelque chose qu’il adorait chez une femme. Une âme libre, indomptable. Il découvrirait bientôt, du moins il l’espérait, que cette conversation ne serait que le début d’un jeu passionnant… et passionné.

De voir Lucy ainsi se caler dans son fauteuil lançait un signal à Emmanuel. C’était parti, plus de retour en arrière. Surtout qu’il n’y comptait pas. Qu’elle lui résiste ne lui donnait que l’envie de continuer, de pousser encore un peu sur les limites qu’il s’était lui-même imposées au début de la rencontre.

Il l’écouta attentivement parler de ses conquêtes et haussa les sourcils de surprise lorsqu’elle mentionna son aventure avec une serveuse, mignonne selon ses dires. En général, les filles qu’il avait connues, du moins, ne racontaient pas dès le premier rendez-vous leurs aventures avec quelqu’un du même sexe. Mais cela ne déplu pas au jeune homme, qui en profita pour s’imaginer la belle aux cheveux bouclés posé ses lèvres sur celles d’une autre fille… Sage comme une image ? Il en doutait bien. Peut-être serait-il l’heureux chanceux qui lui arracherait cette toute nouvelle pureté.

Ah, tiens, d’autres papillons venaient de se joindre à ceux qui voltigeaient déjà au creux de son estomac. Peut-être était-ce un pressentiment que ces conversations allaient peut-être mener à quelque chose de plus… concret.

Hmm, derrière le genou. Particulier, mais tout de même facile à atteindre en bonnes circonstances.

Qui justement, s’ouvraient peu à peu à lui.

Malgré la surprise qui habitait son être, Emmanuel n’en laissa rien paraître, son sourire s’élargissant tout simplement alors qu’il haussait un sourcil.

«Je dois venir la chercher ?»

Il s’approcha lui-même un peu plus de la demoiselle, son visage déjà plutôt près du sien puis vint, doucement, élever sa main pour ensuite venir glisser ses doigts entre les boucles de Lucy Ann, la regardant dans les yeux. Dieu qu’elle était belle. Le Gallois vint discrètement se mordre la lèvre du bas, comme pour se retenir de ne pas simplement lui sauter dessus et murmura, tout en s’approchant encore un peu.

«Tu vas vite apprendre que je ne suis pas du genre à simplement rester sur ma faim…»

Les lèvres plus rudes du jeune homme vinrent se coller doucement contre celles, douces comme de la soie, de la belle, se laissant bien vite emporté dans un baiser ardent et avide. Bien vite, Emmanuel vint glisser ses mains sous les cuisses de sa nouvelle conquête – du moins, c’est l’impression qu’il avait- et la poussa doucement dans le creux de son fauteuil, de façon à ce qu’il se retrouve par-dessus elle, sa main gauche caressant sa cuisse jusqu’au creux de son genou et l’autre voyageant entre sa chevelure et sa joue de satin. Le jeune homme pouvait se permettre de rester dans cette position grâce à son genou, qu’il avait appuyé sur le bord du fauteuil de Lucy Ann. Cette étreinte dura quelques instants, les plus doux que Manu avait vécu jusqu’à maintenant à l’université, puis le jeune homme brisa leur baiser en reculant, entrouvrant ses yeux par la suite pour croiser le regard de la jolie demoiselle.

«Tu as d’autres questions pour moi… ?», murmura-t-il, ce même sourire charmeur accroché à ses lèvres.