Pour beaucoup les Cachots étaient synonymes de sombres secrets enfouis et de couloirs abandonnés peu avenants. La plupart des élèves les évitaient sauf cas de force majeure, comprendre les cours de Potions. Les rumeurs sur ce que les Cachots abandonnés recelaient de squelettes d’élèves n’étant jamais revenus d’une aventure en solitaire courraient bon train et les premières années mettaient souvent longtemps avant de dissiper la peur primaire qui s’emparait d’eux à l’idée de s’aventurer dans les méandres froids et humides des sous-sols. Pourtant Nikolaï s’y était toujours senti à son aise. Le froid n’était rien comparé à ce qu’avait été la température de la plupart des pièces de Durmstrang. Quant au silence qui en terrifiait plus d’un, il le recherchait quant à lui avidement. Les Cachots étaient un des rares endroits où il était sûr d’avoir la paix lorsqu’il la recherchait anxieusement. C’est pourquoi il s’arrangeait pratiquement toujours pour être celui qui écopait des rondes dans les Cachots, laissant sans regret aux autres les Tours que la plupart des préfets semblaient préférer.

En effet, certes le Ciel étoilé avait son charme mais il était quasiment impossible de l’avoir pour soi-même. Il fallait toujours qu’il y ait un couple en pleine embrassade à réprimander pour démonstration trop évidente d’affection publique -lui-même avait déjà utilisé la méthode, il savait donc très bien de quoi il parlait- ou pire encore un cours d’Astronomie. Alors que les Cachots ne cachaient qu’un ou deux groupes de Serpentards en retard à qui il suffisait de dire de se bouger un peu avant de continuer tranquillement sa ronde. Bon, il était bien conscient que s’il n’avait pas lui-même arboré le blason des Serpents, ses rondes dans les Cachots auraient été moins agréables mais le fait était qu’il était un disciple de Salazar alors pas la peine de se prendre la tête avec ce qui aurait pu être en eût-il été différemment.

C’est ainsi qu’il parcourait avec délectation les couloirs vides et silencieux en cette soirée comme les autres, imaginant ce qu’il proposerait à Ara de faire la prochaine fois qu’ils seraient de patrouille ensemble. Bah quoi, vous vous attendiez à quoi, il fallait bien qu’être tous deux Préfets ait ses avantages non ? Personne pour les arrêter pour « démonstration trop publique d’affection » justement. Sans compter qu’il avait bien l’intention de l’emmener se baigner dans leur salle de bains réservée. Rien que l’idée de l’imaginer en maillot de main … OK, pas le bon moment pour penser à ça.

Heureusement pour lui, un bruit étouffé se fit soudain entendre sur sa gauche et le tira de ses pensées peu catholiques. Ayant arpenté suffisamment longtemps les lieux pour savoir distinguer un bruit « naturel » d’un accidentel, il se précipita dans la direction du bruit en priant pour que ce qui se soit passé ne soit ni trop grave ni trop prise de tête. Il avait envie de revenir à sa déambulation nocturne. Sauf que lorsqu’il arriva jusqu’à la source du boucan, il sut immédiatement qu’il pouvait faire une croix sur tous ses plans. Quoi qu’il se soit passé, ça allait lui prendre un certain temps rien que pour comprendre. Enfin, une chose après l’autre, d’abord s’assurer que le tas de poussière avec deux yeux au milieu allait bien. Ensuite, il verrait pour le reste.

-Hey tu vas bien ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

Il se retint à temps de laisser percer son léger agacement à l’idée d’être ainsi interrompu dans sa ronde, après tout c’était un peu son rôle de préfet. Il n’était pas juste là pour marcher sans but. S’il rencontrait un élève en difficulté, dans le meilleur des mondes, il était censé l’aider. Enfin, déjà, avant d’aider qui que ce soit, encore fallait-il qu’il comprenne comment la fille devant lui s’était retrouvée dans l’état où elle était. Et quelque chose lui disait qu’il n’allait pas aimer la réponse …

Il l’avait bien dit qu’il n’apprécierait pas sa réponse … Vraiment les jeunes de nos jours, plus aucun respect pour leurs aînés. « A ton avis ! » ? Depuis quand les premières années -parce que vu sa taille, elle ne pouvait pas être plus vieille que ça- s’adressaient aux préfets avec une telle insolence ? Un instant, il fut tenté de tourner les talons sans rien rajouter et de la laisser là se débrouiller toute seule. Puis, le moment passa et il se contenta de pousser un soupir bruyant. Quitte à être sur place, autant écouter ce qu’elle avait à dire. Ça ne le passionnerait pas, c’était une certitude, et puis elle avait l’air d’être trop hyperactive à son goût, mais ça le changerait un peu de sa routine habituelle. Ce qui, en soi, n’était finalement pas une si mauvaise chose que ça, même s’il l’aimait bien la routine en question.

Cependant, quand la gamine commença à parler, il se demanda s’il avait fait le bon choix. Elle visitait les Cachots à la recherche de trésors ? Elle se foutait de lui ou bien elle était juste assez naïve pour croire à des bêtises pareilles ? Et sincèrement, elle lui avait bien demandé ce que LUI faisait dans les Cachots ? Ce n’était pas évident ? Son badge ne parlait pas pour lui ? Apparemment pas à en croire l’air attentif de celle qui attend une réponse de la fille. Odin, il était tombé sur une simplette à l’imagination trop développée … Son sarcasme habituel refit donc brutalement surface.

-Moi ? Je cherche l’âme sœur bien sûr.

C’était dit avec un tel sérieux que certains auraient pu croire à la véracité de ses paroles. Mais, à vrai dire, il se fichait de savoir si oui ou non la … Pouffy, -il arrivait à distinguer son blason maintenant que le plus gros de la poussière avait disparu- croyait à ses salades. C’était juste qu’à question idiote, réponse stupide.

-Quant aux culs-de-sac oui, il y en a la masse. Par contre, j’aimerais comprendre comment le fait d’être dans un cul-de-sac t’a amenée à te retrouver à faire concurrence aux tableaux poussiéreux du couloir abandonné du septième étage ? Non, parce que jusqu’à nouvel ordre, les Cachots ne recèlent pas de trappes pleines de poussière qui s’ouvrent sur les gens … Ou alors on m’a mal informé bien entendu.

Bon au moins, elle avait de la répartie, tout n’était pas perdu. Parce qu’un instant, il s’était réellement inquiété d’avoir à passer les prochaines minutes de sa vie à raccompagner une idiote naïve à bon port. Mais, si elle était capable de capter l’ironie et d’y répondre sans se démonter, il y avait encore de l’espoir. Il ne risquait de mourir d’ennui ou pire de finir par se laisser aller et la traumatiser pour de bon. Car s’il ne correspondait pas au typique cliché du Serpentard pour qui ennuyer les autres était le meilleur moment de la journée -il avait trop souvent été la victime des « humeurs » de son frère pour apprécier de faire souffrir quelqu’un par plaisir-, il n’était néanmoins pas pour autant connu pour sa patience. Or, comme personne n’était jamais mort parce qu’on avait été froid comme l’Arctique avec lui ou elle …

Evidemment, il restait encore à savoir si l’attitude à l’aise de la fille était due à un tempérament facile à vivre ou de la stupidité pure et simple mais sachant qu’elle n’arborait pas de lion sur son blason, son cas n’était peut-être pas totalement perdu. Non, il n’était pas biaisé vis-à-vis des griffons, il sortait avec l’une d’entre eux et n’avait aucune intention que cela change, néanmoins force était de constater que les Rouge-et-Or avaient une sacré manie à foncer droit dans le tas et réfléchir seulement après. Enfin, à entendre la Poufsouffle, ils n’étaient peut-être pas les seuls …

Elle avait vraiment considéré que la façon la plus simple de sortir était de faire un trou dans le mur ? Ca ne lui était pas venu à l’idée que s’il y avait un couloir, ça pouvait être une idée de tenter de repartir par-là ? Le cerveau était-il devenu optionnel chez les nouveaux-nés après sa propre naissance ou bien ? Quoi qu’il en fut, il avait un mal fou à réaliser que, non, elle ne se foutait pas de sa gueule : après être tombée dans une trappe, elle s’était retrouvée au denier sous-sol des Cachots où ils étaient actuellement et, plutôt que de chercher son chemin en revenant sur ses pas comme toute personne normalement constituée, elle avait préféré s’en prendre à un mur innocent. Et après les gens disaient qu’il était bizarre …

-Et bien pour commencer, on va prendre le couloir derrière moi. Bizarrement, moi, quand j’ai le choix entre un mur en place depuis des siècles et un couloir, j’ai tendance à choisir ce dernier. Mais bon les goûts et les couleurs comme on dit …

Cette fois-ci, il n’avait pas cherché à cacher son sarcasme. A quoi bon ? Ce n’était pas comme si, une fois la Jaune-et-Noir de retour dans son dortoir, il avait l’intention de devenir son meilleur ami. A vrai dire, il se passerait même de la revoir tout court, elle avait l’air un peu trop space pour son goût et il avait déjà son lot de tarés dans son entourage, pas besoin d’y ajouter une gamine avec un cerveau plus éteint qu’allumé. Il commença donc à marcher en revenant dans la direction dont il venait, s’assurant d’un coup d’œil qu’elle le suivait bien. Il aurait été con de se déplacer pour la paumer après. En temps normal, il ne se serait pas inquiété vu qu’il n’y avait pas d’autres issues mais puisque la fille avait l’air adepte de rentrer droit dans les murs, Merlin seul savait ce qu’elle était encore capable de faire …

Ils marchèrent donc en silence pendant deux minutes quand, soudain, Nikolaï remarqua l’endroit d’où la Poufsouffle était très certainement tombée. Alors là quelqu’un allait devoir lui expliquer comment il avait loupé ce truc à l’aller. Etait-il tellement peu motivé par ses alentours, refusant de quitter ses pensées, qu’il était passé devant sans le voir ou bien est-ce qu’il était plus loin que ça quand il avait entendu le boucan et était ensuite passé devant sans s’arrêter, trop occupé à chercher l’origine du bruit ? On allait opter pour la deuxième solution, ne serait-ce que pour sauvegarder son ego. Il ne put cependant s’empêcher de demander.

-T’es sûre que tu ne t’es pas fait mal en tombant de là-haut ?

Non parce que, sérieusement, il y avait bien deux mètres cinquante de chute alors il n’aurait pas voulu être à sa place à l’atterrissage. A moins qu’elle n’ait fait de la magie involontaire pour se protéger inconsciemment. Ça ou alors elle avait une chance de dingue. Or, une fois de plus, elle avait l’air dingue alors ce n’était pas si surprenant que ça dans le fond.

Urrg, vraiment ? A peine arrivée au château et déjà des préjugés sur les maisons ? Bon, certes, après deux ans passés au château, force était de constater que ces préjugés avaient une base solide mais le fait demeurait que s’ils ne s’étaient pas instaurés il y a de cela des siècles, les relations entre maisons seraient probablement plus faciles au jour d’aujourd’hui. En effet, si le système des maisons était une bonne chose pour les nouveaux arrivants qui se retrouvaient rapidement dans un environnement qu’ils maîtrisaient et où les gens le ressemblaient plus ou moins, il n’en restait pas moins que les étudiants n’ayant pas étudié dans un milieu sorcier anglais pouvaient vite être perturbés par des rivalités sans réel fondement. Alors, évidemment, Nikolaï n’était pas un hypocrite fini et il admettait que, désormais, il était aussi plongé dans les rivalités de maison que n’importe quel autre élève de Poudlard mais, n’empêche qu’entendre une première année qui ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam s’étonner qu’il puisse s’intéresser à son bien-être n’était pas des plus agréables. Il ne put donc arrêter les mots acerbes qui sortirent de sa bouche :

-Tu sais si tu préfères que je t’abandonne ici, moi ça me va aussi, suffit de le dire. Parce que, franchement, tu apprécierais que sous prétexte que ton blason porte un blaireau j’en déduise que tu es une fille gentillette, gourmande mais sans grand intérêt ni qualité, le tout sans même connaître ton prénom ? J’en doute, alors évite de tirer des conclusions de mon blason, merci.

Légèrement frustré mais suffisamment mature pour réaliser que la gosse n’avait probablement pas spécialement réfléchi avant de sortir pareille ânerie, il décida donc de laisser tomber la question et de répondre à ses autres questions, en commençant par se présenter.

-Nikolaï Dmitriev, préfet des Serpentards. D’ailleurs, juste une remarque mais je te conseille d’évite de traiter les préfets d’imbéciles, tout le monde ne le prend pas aussi à la légère que moi.

Il y en avait qui n’aurait pas hésité une seconde à lui retirer des points pour non-respect de l’autorité par exemple. Pour n’en citer qu’un, Gabriel, son camarade de dortoir et accessoirement le Préfet-en-chef, n’était pas spécialement connu pour être avenant alors Nikolaï aurait été prêt à parier sa réserve de Patacitrouilles qu’il n’aurait jamais laissé une gamine de onze ans le traitait d’imbécile sans conséquence. Enfin, là n’était pas la question. Il se contenta donc de répondre aux autres questions de la Blaireaute, ayant néanmoins un mal fou à comprendre comment quelqu’un ayant vécu ce qu’elle venait de vivre ce soir pouvait avoir envie de repartir à l’aventure si vite. L’esprit des gens était un tel mystère …

-Pour répondre à tes questions, les étages révèlent toujours des surprises mais souvent c’est quand on ne s’y attend pas. Poudlard semble avoir un esprit propre et s’il n’a pas envie de te laisser découvrir quoi que ce soit, tu rentreras les mains vides au dortoir. Par contre, si le château est d’humeur facétieuse, tu peux être en retard pour un cours et te retrouver à l’autre bout de l’école dans un coin que tu n’as jamais visité sans que personne ne te demande ton accord. Enfin, en ce qui concerne la Forêt Interdite, tout ce que je peux te dire c’est qu’elle ne porte pas son nom juste pour faire joli. Si tu tiens à l’intégrité de ton corps, tu ne t’y aventureras pas. Après, tu fais comme tu veux, mais moi je n’aurais rien à me reprocher, je t’ai rappelé que c’est hors limite et que tu t’exposes à des dangers et une punition du tonnerre de Thor à ton retour, le reste c’est à toi de voir. Je ne peux pas t’empêcher physiquement de la visiter.

Ils étaient toujours arrêtés à quelques pas de la salle de potions et il réalisa alors quelque chose. Certes, il avait envie de retourner à la tranquillité de sa ronde et pour cela, il devait d’abord ramener la gosse jusqu’à la porte de sa Salle Commune, mais avant toute chose, il fallait qu’il apprenne son nom. Après tout, il s’était présenté, la politesse exigeait qu’elle fasse de même. Il le lui précisa donc.

-Sinon, la moindre des choses quand on demande l’identité de quelqu’un, c’est de décliner la sienne. Alors, je t’écoute, tu t’appelles … ?

Non, TOUS les Serpentards ne prenaient pas les gens pour des moins que rien peu importe leur statut, par contre, lui commençait sérieusement à penser que la demoiselle à ses côtés était ELLE une chieuse de catégorie olympique. Et le pire c’est qu’il était difficile de savoir jusqu’à quel point elle le faisait exprès pour lui courir sur le haricot et jusqu’à quel point ce n’était que l’expression naturelle de son caractère. La seule chose qui était sûre c’est qu’ils n’étaient pas spécialement faits pour s’entendre. Non pas qu’il ait quelque chose contre elle en particulier, mais leurs tempéraments avaient l’air bien trop incompatibles. Rien que de parler avec elle le fatiguait. Elle avait l’air totalement hyperactive et ses piques, destinées à la faire taire en l’impressionnant ou, tout du moins, de manière plus réaliste, en la vexant semblaient rentrer par une oreille et ressortir par l’autre, sans influencer en quoi que ce fut le comportement de la Poufsouffle. Merlin, il ne supportait pas les gens toujours heureux comme ça. C’était pourtant naturel d’avoir besoin d’une bonne dose d’inquiétude existentielle de temps à autres … non ?

Bon, peut-être qu’il n’était pas comme tout le monde alors. Mais peu importait pour le moment. Ils étaient presque arrivés à destination, plus que deux ou trois questions à supporter et ils pourraient chacun retourner à leurs affaires et probablement ne plus jamais se recroiser ou du moins ne plus s’adresser la parole. Il retint donc un soupir fatigué lorsqu’elle déclara que « finalement elle commençait à l’apprécier » -ce n’était pas du tout son intention pourtant …- et entreprit de répondre à ses questions dans l’ordre.

-J’en ai vu une fois quand j’étais gamin dans une forêt pas loin de chez moi mais de loin seulement. Ils étaient tout un groupe. Quant à ceux de la Forêt Interdite, à vrai dire, je ne les ai jamais croisés. Apparemment, ils évitent les sentiers trop proches de la lisière. Si j’ai bien compris, ils n’apprécient que très moyennement les humains en fait.

Un sourire narquois se dessina ensuite sur ses lèvres lorsqu’il s’attaqua à sa deuxième question.

-Quant à l’affaire des passages secrets, tu pensais sérieusement que, même si j’en connaissais, j’allais te les offrir sur un plateau ? Préfet, tu as oublié ?, dit-il en tapotant son badge. Je suis censé t’empêcher de briser les règles, pas t’y encourager. Après, tu as tout l’air d’être du type aventureux, alors tu n’auras qu’à les chercher comme une grande. Ne dit-on pas que la découverte n’en est que plus savoureuse lorsqu’il a fallu se battre pour l’obtenir ?

OK, peut-être qu’il avait aussi un peu beaucoup envie de lui faire les pieds, mais c’était néanmoins vrai. Quelle sorte de Préfet aurait-il été s’il avait tranquillement dévoilé les façons d’échapper à l’autorité à une jeune élève fraîchement débarquée ? Sans compter que, pour dévoiler des passages secrets, encore fallait-il en connaître et le Russe pouvait compter sur les doigts d’une main ceux sur lesquels il était déjà tombé. Oh, et puis, bien sûr, à lui, personne ne lui avait dit où les trouver les passages en question, alors pour quelle raison devrait-il rendre la vie plus facile à cette gosse trop effrontée pour son bien hein ? Quoi, lui, immature ? Même pas vrai d’abord !

A moitié-humains ? C’était une façon de voir les choses comme une autre. Pourtant l’adolescent était quasiment certain que les centaures ne voyaient pas les choses sous cet angle-là. Il était même presque sûr que leur présenter la situation de cette manière aurait été vécu comme une quasi insulte par les fières créatures. Enfin, à chacun ses problèmes comme qui dirait, il n’allait tout de même pas se prendre la tête avec des questions techniques sur la nature profonde des centaures … et encore moins sur leurs sentiments. Pour commencer, les Soins aux Créatures Magiques, ça n’avait jamais été sa tasse de thé. Ironique pour le fils d’un des principaux trafiquants de créatures magiques, n’est-ce pas ? Mais que voulez-vous, la vie n’était qu’une grande blague de l’Univers c’était bien connu …

-Allez dis-moi s’en un. Et si j’en trouve un, je te le dirai promis !

Il faillit exploser de rire devant son air suppliant. C’était censé le faire changer d’avis ça ? Non parce qu’à part donner l’impression d’être légèrement constipée, c’était à peu près la seule chose qu’elle allait réussir avec cette tête-là. Cependant, il n’était pas un salaud fini non plus, alors il décida de prendre la gamine en pitié et se permit de lui faire une confidence. Mais pas ce qu’elle attendait, non, car, croyez-le ou non, mais il prenait vraiment son poste de préfet au sérieux et il refusait donc d’aider une fauteuse de troubles en puissance. Sans compter, une fois de plus, qu’emmerder la gosse avait un charme indéniable. Néanmoins, personne ne lui interdisait d’expliquait à la Pouffy le secret du périple jusqu’aux Cuisines. Après tout, tout aventurier (ou en l’occurrence aventurière) de ce nom se devait de se restaurer après ses découvertes, non ? Il lui adressa donc un demi-sourire amusé devant ses pitreries et lança avec un air de conspirateur.

-Un passage secret ? Mmmh … laisse-moi réfléchir … Non, je préfère ne rien te dire. Par contre, je peux te montrer comment rejoindre les Cuisines si un jour tu as un petit creux ou si tu veux organiser une soirée digne de ce nom dans ton dortoir.

Il eut alors une pensée compatissante pour Ambrine et Caleb qui auraient à en gérer les conséquences mais sa conscience ne se fit pas trop insistante non plus.

-Allez viens, on est tous près. L’ironie veut qu’elles soient juste à côté de ta Salle Commune, si ce n’est pas un signe, je ne sais pas ce que c’est.

Il la mena donc jusqu’au tableau représentant la fameuse coupelle de fruits et lui expliqua comment chatouiller la poire par une simple démonstration. La porte se dévoila ainsi devant leurs yeux et il lui fit signe de passer devant lui. Puis, il entra à son tour dans l’antre des petits êtres aux grandes oreilles en charge de la nourriture du château et, immédiatement, ils furent assaillis par une petite voix :

-Bonsoir Miss. Bonsoir Mister. Qu’est-ce que Tinky peut vous apporter en cette belle soirée ?

Nikolaï se tourna alors vers sa compagne, un sourire triomphant sur le visage.

-Alors, ça ne vaut tous les passages secrets du monde ?

En tout cas, pour lui, ça les valait. Et, si quelqu’un lui avait ainsi ouvert les portes du paradis lors de son arrivée à l’école, il aurait béni ladite personne. Alors, bien sûr, il ne s’attendait pas à ce qu’Elladora se mette soudain à lui vouer un culte non plus, mais, de son point de vue, des remerciements étaient néanmoins à l’ordre du jour.

Quand Elladora fit mine de repartir vers sa Salle Commune, il n’en crut pas ses yeux. Elle allait vraiment passer outre la possibilité de se remplir la panse comme ça ? Apparemment oui. Au fond, peut-être qu’elle n’avait pas faim qui sait ? C’est juste que lui avait toujours faim. Ou plutôt, il n’avait jamais la sensation d’être plein. Il ne savait pas si c’était un effet de l’adolescence et de la poussée de croissance qui s’y accolait ou si c’était parti pour durer mais le fait était là. S’il commençait à manger, il pouvait continuer sans s’arrêter indéfiniment. De même qu’il pouvait manger à toute heure. Rares étaient les fois où il n’avait pas envie de manger. Paradoxalement, rares aussi étaient les fois où il avait vraiment faim. Il fallait qu’il se soit beaucoup dépensé pour cela. Enfin, dans le fond, tout cela lui était bien égal car il avait un métabolisme qui lui permettait de brûler à une vitesse époustouflante les calories qu’il ingurgitait, à partir de là donc, le reste lui était bien égal.

Il adressa donc un dernier hochement de tête affirmatif à Elladora lorsqu’elle lui déclara avoir l’intention de retourner dans sa Salle Commune, la suivit néanmoins des yeux pour s’assurer que ce n’était pas une façon de se débarrasser de lui avant de retourner faire des siennes et, lorsqu’il fut rassuré qu’elle était bien rentrée, il se tourna de nouveau vers Tinky.

-Je veux bien un mini-sandwich pour la route. J’ai encore une heure de ronde et puisque je ne peux pas rester ici à m’en mettre plein la panse, ce sera toujours ça de pris.

L’elfe partit donc immédiatement remplir cette requête et, cinq minutes plus tard, le Préfet ressortait des Cuisines avec un quart de baguette fourré aux rillettes. Restait désormais à espérer que le reste de la soirée serait moins mouvementé que le début. Parce qu’il considérait avoir assez donné pour toute la semaine là. Non pas que les « aventures » au côté de la jeune Poufsouffle aient été particulièrement exténuantes, mais supporter la répartie de la demoiselle, ça, ça avait été une véritable épreuve. Et, désormais, il avait besoin de s’en remettre. Comment ? Eh bien le prochain crétin qu’il chopait hors de son lit alors que le couvre-feu était passé allait l’entendre. Et s’il ne croisait personne et bien, tant mieux, il aurait enfin la paix qu’il avait tant espérée pendant son périple aux côtés de la Blaireaute. Comme quoi, quelle que fut l’issue de sa soirée, il aurait ce qu’il désirait. Elle n’était pas belle la vie ?

TERMINE