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-Dmitriev, je te conseille d’éviter de croiser la route du Baron, ton chat lui a encore sauté au travers.
-Et m… Merci de l’info, je ferais gaffe.

Soupirant contre la stupidité congénitale de Cendres, le Russe rajusta sa cravate et prit la direction de la Grande Salle pour aller prendre son petit déjeuner. Pourquoi parmi tous les animaux de la Terre avait-il dû recevoir en cadeau le seul qui ne craignait pas le fantôme de Serpentard, pire encore qui le trouvait « amusant » ? Oui, oui, vous avez bien lu, le jeune chartreux avait découvert le « plaisir » de passer au travers des ectoplasmes en fin d’année dernière lorsque pour échapper à son préfet de maître qui essayait désespérément de l’attraper dans la Salle Commune, il avait involontairement sauté sur le côté et droit dans le Baron Sanglant qui était apparu à cet instant précis. Et si le spectre n’avait pas du tout apprécié l’aventure -Nikolaï n’avait jamais été aussi heureux que les fantômes ne puissent pas physiquement affecter les vivants- le félidé lui avait trouvé l’affaire excitante à souhait et depuis il profitait de la moindre occasion pour se faire un petit plongeon dans le premier spectre de passage. Or, si lorsque Cendres s’en prenait au Moine Gras, à Nick Quasi Sans Tête ou même à la Dame Grise, les conséquences n’étaient pas bien terribles -le premier riait, le deuxième montait sur ses grands chevaux et la troisième lançait un regard hautain- le Baron, lui, prenait la chose beaucoup plus à cœur, surtout qu’au vu de sa position de fantôme des Verts-et-Argent, il était la victime favorite du chartreux sans peur. Et évidemment, celui qui en subissait les conséquences était l’infortuné maître de la créature. Heureusement, le préfet était suffisamment doué pour éviter les gens qui lui en voulaient pour ne pas croiser la route du fantôme lorsque son chat avait encore fait des siennes. D’où son changement de direction brutal lorsqu’il aperçut le Baron en pleine discussion avec un groupe de premières années plutôt intimidés à la table des Serpentard.

Faisant demi-tour, l’adolescent choisit d’aller quémander un petit-déjeuner directement en cuisine, surtout qu’il commençait la journée avec un cours de Potions donc comme ça il restait dans le même coin. Et c’est ainsi que cinq minutes plus tard, il se trouvait dans l’antre des elfes de maison avec une quantité tout bonnement astronomique de pancakes à sa disposition, le tout généreusement arrosé de sirop à la fraise. Il s’empiffra donc pour compenser les centimètres qu’il avait pris durant l’été -c’est qu’il était un garçon en pleine croissance mine de rien !- puis quitta les Cuisines toujours en ébullition non sans proprement remercier ses petits habitants. Il fut un des premiers à arriver devant la salle de classe vu qu’il était juste à côté et s’installa tranquillement dans le fond lorsque le prof leur ouvrit. Il avait juste envie que le cours se passe au plus vite. Il n’aimait pas les Potions, était loin d’être bon dans la matière et, qui plus est, le fait d’être en classe uniquement avec des élèves d’années inférieures ne l’amusait pas le moins du monde. Encore dans les matières où il était bon ça passait, mais dans celle où il était naze, bonjour l’humiliation devant les mioches ! Enfin, ressasser sa morosité ne ferait pas passer le cours plus vite, il tenta donc de faire contre mauvaise fortune bon cœur et fit au moins un effort pour ne pas trop faire la tête. Il salua Akiko de loin quand elle entra accompagnée d’une autre Serdaigle et regretta de ne pas voir Ara apparaître dans l’embrasure de la porte. Sa petite amie avait un don pour les Potions et son talent doublé de sa présence à ses côtés auraient certainement rendu le cours bien plus intéressant.

Apparemment, sa tentative d’être moins grincheux n’avait pas trop fonctionné si l’on en croyait le fait qu’il était toujours seul à sa table après la partie théorique du cours. Peut-être que c’était le badge associé au blason qui faisaient fuir les autres, ou alors c’était juste sa tronche de blasé de la vie, probablement les deux. Quoiqu’il en soit, le fait était que, quand Akiko était occupée ailleurs, il se retrouvait seul, ça en disait long sur ses capacités relationnelles … En même temps, dire que ça le dérangeait eût été faux, il était d’un naturel solitaire et l’idée de faire sa potion en solo ne le dérangeait pas plus que ça. Au moins comme ça il n’y aurait personne pour retenir des soupirs agacés quand il raterait une étape essentielle. Il s’apprêtait donc à se lever pour récupérer les ingrédients nécessaires à la préparation de la potion du jour lorsqu’une voix s’adressa à lui. Et apparemment la voix était associée à un corps, surprenant n’est-ce pas ?

Le corps en question était féminin, roux, plutôt petit et avait une expression entre l’inquiétude et l’enthousiasme. Première année donc à tous les coups, mais pas de chez lui sinon elle n’aurait pas demandé son nom car, si lui n’avait absolument pas retenu les visages de tous les premières années de sa maison, il supposait que son accent russe, bien que léger, avait marqué la plupart des esprits jeunes et influençables qui avaient rejoint les rangs des Serpents. Il désigna donc son badge du doigt et répondit avec une esquisse de sourire :

-Nikolaï Dmitriev, préfet des Serpentards. Je sais que je me débrouillerai assez mal. Mais ça ne m’empêche pas d’aller chercher la bile de tatou.

Et sitôt dit, sitôt fait, sans laisser le temps à la Serdaigle de décider s’il se moquait d’elle ou non, il se dirigea vers l’étagère où se trouvaient les ingrédients. Une fois de retour, il vit qu’elle avait déjà commencé à travailler sans l’attendre -bon au moins elle était motivée pour deux, ça serait toujours ça de travail en moins pour lui- et jeta un coup d’œil au protocole pour pouvoir répondre à sa question.

-Oui c’est ça et après il faut laisser le tout chauffer pendant 10 minutes. Verse la bile que j’allume le feu. Voilà comme ça. Incendio.

Bon au moins la partie « sortilèges » il maîtrisait, c’était le reste qui partait toujours en cacahuètes.

L’arrivée d’Ambrine l’aurait fait sourire si elle n’avait pas immédiatement ramené à sa mémoire l’implication de son paternel dans l’incident de Pré-au-Lard le printemps précédent. Son visage se ferma donc immédiatement, ne laissant transparaître aucune émotion et il se contenta de laisser son amie et la petite Serdaigle faire connaissance. Heureusement pour leurs têtes, Miss Bryne ne sembla pas réaliser l’arrivée tardive d’Ambrine ou du moins si elle la remarqua elle ne fit pas de remarques dessus. Les trois élèves se reconcentrèrent donc sur leur potion, une fois les présentations terminées. Niko choisit d’ailleurs de répartir les tâches de manière à garder celle qu’il était le moins prompt à foirer pour lui.

-Ok, je m’occupe de régler la température du feu, je maitrise bien les subtilités du mouvement de baguette pour l’augmenter ou la baisser.

Sans compter qu’il était le plus âge d’entre eux et que l’Incendio étant un sort de troisième année, il était donc probablement le seul à pouvoir l’utiliser sans problème.

-Kate tu n’as qu’à verser les scarabées pilés et aller chercher une balance pour peser les racines pendant qu’Ambrine commence à les couper. Si je m’en occupe, on peut faire une croix sur la réussite de la potion.

Oh que oui ! Parce qu’il se souvenait encore de la dernière potion de l’année précédente. Heureusement, ce jour-là il travaillait en solitaire et les foudres de Miss Byrne ne s’étaient abattues que sur lui et personne d’autre. En même temps, pour sa défense, il avait envie de dire que les larves de coccinelles avaient une fâcheuse tendance à vous glisser entre les doigts quand vous tentiez de les découper en rondelles, alors forcément il avait fini par se blesser et disons que le sang avait … mal réagi avec sa mixture. Un peu comme ce qu’était en train de vivre à cet instant précis la Gryffondor deux rangs devant eux.

Nikolaï la vit partir avec un regard compatissant, il avait trop souvent était à sa place pour apprécier les rires moqueurs de ses camarades de classe. Enfin, il n’y pouvait rien, eut-ce été l’inverse, les Rouges-et-Or ne se seraient certainement pas gênés pour se moquer non plus. Lui avait la chance que son rang de préfet lui évitait la plupart des moqueries en face à face, mais il ne doutait pas un instant que dès qu’il avait le dos tourné, les gens devaient s’en donner à cœur joie. Après tout, une école vivait de potins, n’est-ce pas ?

Heureusement, la prof reprit bien vite le contrôle du cours, chose donc le Russe n’avait jamais douté. Il ne fallait pas jouer avec les nerfs de Miss Byrne, il l’avait appris très vite car elle pouvait se révéler terrifiante quand elle s’énervait. Il se tourna ensuite vers Kate lorsqu’elle interrogea ses aînés sur le futur de la fille qui avait quitté la pièce quasiment en pleurs.

-T’inquiètes donc pas, Pomfresh en a vu d’autres. Pas vrai Ambrine ?, ne put-il s’empêcher de demander avec un sourire malicieux.

Après tout, si l’infirmière réussissait à s’occuper de blessures par balle alors qu’elle n’avait probablement jamais eu à en gérer jusqu’au fiasco de la Commémoration, sans compter les multiples blessures que les joueurs de Quidditch devaient se faire, elle survivrait à une potion qui avait légèrement mal tourné. Ne disait-on pas qu’elle avait un jour fait repousser tous les os du bras du Survivant ?

Pour l’instant, tout semblait suivre son cours et, une fois de plus, Niko réalisait l’incroyable différence qu’avoir des partenaires faisait sur la réalisation de ses potions. Il suffisait d’être plusieurs pour compenser les erreurs les uns des autres. Bon, dans son cas, les autres compensaient plus souvent ses erreurs à lui que l’inverse mais l’idée était là. Et les résultats aussi : rien n’avait explosé, ils n’avaient pas oublié d’étape essentielle, pas d’odeur suspecte s’élevant du chaudron, pas de sifflement dangereux ou de bulles annonciatrices de désastre, bref, en conclusion, on pouvait considérer que jusqu’ici, ils avaient plutôt fait un sacré boulot. Il se permit donc un sourire rassuré. Et, bien évidemment, comme pour le contredire, l’univers choisit cet instant précis pour lui rappeler que, non, tout ne pouvait pas être parfait dans un monde rose bonbon.

-Vous croyez que ça a dérapé à quel moment ?

Cherchant à comprendre de quoi Kate parlait, il remarqua alors qu’au lieu de la teinte légèrement orangée que leur potion aurait dû adopter à ce moment, elle virait plutôt au rouge bien qu’il soit encore clair. Bon, les couleurs n’étaient pas si éloignées que ça, on pouvait donc en conclure que leur potion était encore récupérable non ? Après tout, lui avait tendance à se retrouver avec du bleu au lieu de du jaune, à côté le rouge et l’orange c’était vachement rapproché. Il écouta donc la Serdaigle expliquer la raison qui, selon elle, avait provoqué la couleur incorrecte de leur potion puis relut rapidement le protocole. Il eut alors une idée qu’il proposa à ses collègues, n’osant pas la mettre en œuvre sans leur accord au vu de son habitude à foirer tout travail pratique en Potions.

-J’aurais tendance à dire que s’il fallait mélanger pendant qu’on versait doucement les racines c’était sûrement pour leur laisser bien le temps de se diluer dans le reste e la mixture, alors peut-être que si on mélange un peu plus maintenant, ça arrangera les choses, vous ne pensez pas ? Ou bien vous préférez qu’on laisse tel quel et qu’on finisse dans les conditions présentes, quitte à ce que ça cause quelques problème plutôt que d’empirer les choses en voulant les arranger ?

Non, parce qu’il était hors de question qu’il fasse lui-même ce choix connaissant son CV. S’il avait été seul, l’échec de la potion n’aurait affecté que lui mais ici trois notes étaient en jeu, pas seulement la sienne, tout le monde devait donc donner son avis.

Ils finirent par choisir de ne pas trop toucher à leur mixture de peur d’empirer la situation et se contentèrent d’un tour pour chercher à rattraper les choses dans la mesure de leurs moyens. Ils suivirent ensuite l’étape suivante du protocole sans grande difficulté jusqu’à en arriver aux vingt minutes de repos à laisser à la potion. Profitant de cet instant de détente après une bonne demi-heure en tension, toujours à l’affût du moindre détail pour éviter de se tromper où que ce soit, les trois sorciers se permirent le luxe de discuter un peu plus tranquillement. Le sujet de la conversation fut celui de l’humeur de l’infirmière puisqu’Ambrine l’avait lancé sur la table sans même le faire exprès. Niko en profita pour s’informer de l’état de l’épaule de son amie mais préféra ne pas s’attarder sur la question, ne voulant pas mettre la Poufsouffle mal à l’aise face à une nouvelle et ne voulant pas non plus que Kate se sente de trop dans une discussion entre personnes se connaissant déjà. Le caractère redoutable de Mrs Pomfresh fut donc un parfait compromis et les adolescents s’amusèrent bien à raconter à Kate les souvenirs de leurs rencontres respectives avec le dragon de l’Aile Médicale du château. Car si l’infirmière était un génie de la médecine, c’était aussi une matrone impitoyable avec ses patients et leurs visiteurs. Niko se souviendrait toujours de la première fois où il était allé la voir après une grippe qui refusait de partir en deuxième année. S’il l’avait écoutée, il serait encore à l’infirmerie, or, ce n’était tout de même pas de sa faute s’il était de constitution fragile pour un mec !

Mais, toutes les bonnes choses ayant une fin, le minuteur qu’ils avaient mis en place pour ne pas laisser passer les vingt minutes de repos sonna et ils se remirent au travail. Le Préfet se chargea de réguler de nouveau la température du chaudron, concentré sur sa tâche pendant les cinq minutes réglementaires puis, une fois le temps imparti écoulé, il éteint le feu d’un simple « Finite Incantatem ». Fatigué par l’effort magique que maintenir une flamme à basse température pendant une durée de temps aussi longue lui avait exigé, il s’assit un instant pour se reposer, laissant les filles prendre la relève.

-Bon, plus que la bile de tatou et on a fini. Reste à espérer que notre potion se rapprochera de la fameuse « teinte dorée » qu’elle est censée atteindre. Enfin, quoi qu’il en soit, on aura fait tout notre possible, moi ça me suffit.

C’est qu’il ne pouvait pas vraiment se permettre d’avoir des expectatives vu son niveau de Potions comme dirait l’autre.

[Hj : Voilà, je pense que pour moi c’est fini sauf péripétie de dernière minute. Je vous laisse conclure.]