[ Suite de ce topic ^^ ]

Revan dévala les escaliers sur la pointe des pieds, aussi silencieuse que possible, Page à ses côtés. Elles n'avaient pas pris la peine de mettre des chaussures, prenant la direction des toilettes des filles respectivement en chaussettes et pieds nus, ce qui était plus pratique lorsqu'on partait en expédition nocturne et qu'on ne voulait pas se faire surprendre par Rusard ou Miss Teigne. Les deux fillettes tenaient toujours dans leurs mains leurs trouvailles du dortoir, à savoir une mystérieuse boîte en bois et un petit cadre dans lequel roupillait un bonhomme (qui ne semblait pas gêné le moins du monde, ni par leurs bavardages, ni par les secousses qui remuaient le portrait).

Elles atteignirent rapidement le deuxième étage sans croiser aucun danger potentiel. Rassurée, elles s'engouffrèrent dans les toilettes, repoussant la porte principale derrière elles. La brunette déposa la boîte sur le bord du lavabo et se tourna vers sa préfète, et plus particulièrement vers la raison de leur venue ici : la petite peinture, et le ronfleur mystérieux qui y trônait. Elle déposa sa baguette de l'autre côté du lavabo et se pencha sur le cadre, imitée par Page. Se sentant un peu bête, elle appela :

-Euh... Monsieur ?

Pas de réponse. Fronçant les sourcils, elle recommença, un peu plus fort :

-Hé ho ! Réveillez-vous, monsieur ! Hé !

Pas moyen : le gros bonhomme continuait de dormir. Pire encore, il continuait de ronfler ; et le bruit produit résonnait contre le carrelage des toilettes. La gamine se mordit la lèvre en jetant un regard angoissé à son aînée.

-Merde, faut qu'il se réveille, sinon il va rameuter Rusard...

Elle attrapa donc sa baguette magique, et tapota plusieurs fois la toile. Un instant, le gugus cessa de ronfler pour émettre un grognement et bouger sur sa chaise, cherchant une position plus confortable. Puis, il s'immobilisa et entreprit de recommencer à ronfler. Il était coriace.

En désespoir de cause, elle secoua un peu le portrait. Tant pis pour lui, elle n'y pouvait rien s'il était sourd ! Les ronflements s'interrompirent une seconde fois ; et cette fois, au lieu de remuer et de se rendormir, il toussa, grogna, et ouvrit enfin les yeux. Une seconde, il resta prostré, se demandant certainement où il était et ce qu'il faisait là. Puis, apercevant les deux gamines, il grogna de plus belle et darda sur elles un regard agacé. Face à cet air franchement grincheux, Revan ne trouva rien d'autre à dire que :

-Euh... Bonsoir...

[^^' t'auras le droit de me taper ce soir pour le retard ]

Les deux gosses avaient opté pour une descente aux toilettes des filles... Ni les secousses ni le bruit n'avaient perturbé le ronfleur, et Page désespérait en voyant les efforts que déployait Revan pour réveiller le bonhomme. Tous vains. Il dormait d'un sommeil de plomb. Pas étonnant qu'il leur ait pourri les nuits des mois durant... Rien ne semblait capable de troubler son repos. La deuxième année rongeait son frein. Si c'était elle qui avait tenu le portrait elle lui aurait sans doute sonné les cloches avec beaucoup moins de ménagement, mais Revan agissait très certainement plus sagement. Page trépignait, rêvant de réveil en fanfare, avec sonnerie de cor de chasse, de casserole et de klaxon italien, tout combiné, oui madame. Mais ce n'était guère raisonnable dans les murs de Poudlard.

- Rho, mais c'est qu'il est lourd le gus...

Ce fut ce moment que choisit la première année pour secouer la toile, et enfin, la technique sembla fonctionner. L'homme maugréa et ouvrit, enfin, de petits yeux étonnés et ensommeillés, avant de reprendre ce que l'irlandaise supposait être son caractère habituel : la mauvaise humeur. Dans un même mouvement, les deux fillettes approchèrent leurs têtes du portrait, côte à côte, curieuses de voir enfin ce qui allait se passer. L'homme à la petite moustache ne releva même pas le bonsoir de Revan et se mit immédiatement à grogner.

- Grumble, mais qui nous a donc fichu de tels énergumènes ! Ne vous a-t-on pas appris la politesse ? Laissez donc les bonnes gens dormir ! Oust ! Oust !

Les grands gestes désordonnés - car alourdis par le sommeil - qu'il faisait firent instinctivement reculer Page qui tenta de se mettre hors de portée, quand bien même il ne s'agissait que d'un tableau.

- Non mais nous vous le demandons, que font les gouvernantes aujourd'hui ? Payées à rien faire ! Voilà tout ! Regardez ce manque de savoir vivre ! Réveiller un homme dormant du sommeil du juste !

Page jeta un regard consterné à son amie. Qu'est-ce que c'était que cet hurluberlu ? Ah ça, elles avaient tiré le gros lot. Finalement, un sourire s'étira sur ses lèvres. Leur situation était tout de même complètement délirante... Au beau milieu de la nuit, dans les toilettes des filles, avec un portrait sorti d'une cache dans le mur les houspillant en continu ! Car le petit homme semblait doué d'une capacité de râlerie assez impressionnante. Il ne s'était pas encore interrompu plus de trois secondes, noyant les deux gamines sous un flot de réprimandes. La rouquine fit un clin d'oeil à Revan et décida de tenter quelque chose, car sinon, elles en avait pour la nuit... Si jamais elles arrivaient à le faire taire un jour.

- Hey bonhomme ! Va falloir voir à s'calmer hein. S'vous qui nous empêchez de dormir toutes les nuits, avec vos infâmes ronflements ! Perturber l'repos de frêles jeunes filles, s'pas très galant non plus hein...

L'homme sembla s'étouffer d'indignation. Il se tut dans la seconde, vira au rouge écarlate, et Page crut bien qu'elles allaient devoir lui faire un peu d'air avec leurs mains pour qu'il reprenne contenance, mais finalement, il se dégonfla comme une vieille baudruche, se vidant de tout son air en même temps, sembla-t-il, que de sa colère. Page afficha un sourire triomphant.

- Nous ne ronflons pas, Mesdemoiselles...

- Oh que si. Comme un tracteur.

La rouquine se rappela soudain de la date inscrite sur le journal emballant le tableau. Elle n'était pas sûre qu'il y avait déjà des tracteurs en 1897.

- Euh, ou une machine à coudre. Ou toute autre machine faisant un barouf du diable...

- Ne blasphémez pas petite impertinente !

- Hum. Pardon, fit la gosse en jetant un regard amusé à son amie. Bon, et sinon, vous pourriez nous expliquer qui vous êtes et ce que vous fich... faites là, caché dans l'épaisseur d'un mur de dortoir Gryffondor à Poudlard ?

- Non.

La réponse était si abrupte que la deuxième année en eu la chique coupée, et chercha le soutien de Revan pour reprendre pied.

- Enfin... Nous ne parlons pas à des inconnues. Nous n'en avons ni l'envie ni le droit. Présentez-vous, nous aviserons.

[HJ : je te laisse nous présenter toutes les deux, envoie moi le début par MP que je te file sa réaction, comme ça tu pourras poser tes premières questions dans ton post ]

Enfin, le bonhomme émergeait de son sommeil qui leur avait semblé imperturbable. Et il n'avait pas l'air franchement content. Il les houspilla sans ménagements, et Revan ne put qu'écarquiller les yeux devant une pareille réaction. Non mais, elles l'avaient quand même sortit d'un trou dans un mur de pierre, dans lequel le gugus était enfermé depuis des lustres ! Il aurait dû les remercier pour lui avoir rendu un tel service ! En revanche, la brunette remarqua tout de suite qu'il parlait de lui à la première personne du pluriel ; ce devait être quelqu'un d'important, de son temps... Un noble, sûrement ? En tout cas, elle n'aimait pas la façon dont il leur parlait, à Page et à elle. Il les enguirlandait maintenant depuis bon nombre de secondes, et les deux fillettes échangaient des regards perplexes. Heureusement, la rouquine avait de la répartie, et elle en usa à la perfection pour faire taire le bonhomme. A la mention de ses ronflements, il eut l'air de vouloir exploser, puis se calma. Bonheur.

Une fois "maîtrisé", la préfète put l'interroger, mais ce n'était pas aussi facile. Il leur demanda -ou plutôt, exigea qu'elles se présentent. Revan lança un regard exaspéré à sa camarade. Elle ne put se retenir.

-On se présente que si vous répondez à nos questions après ! lança-t-elle.

Elle ne termina pas sa phrase, n'osant pas le menacer directement. Elle n'en pensait pas moins : s'il refusait de coopérer, elle le noierait volontiers au fond des toilettes... Ou du moins, elle l'enfermerait dans un endroit où il laisserait tranquilles les fillettes de Gryffondor. Quoi qu'il en fut, le gugus n'apprécia pas du tout sa réponse. Il vira de nouveau au rouge vif, totalement outré, ce qui était presque comique. Un instant, Revan se demanda s'il n'allait pas s'étouffer, mais il finit tout de même pas reprendre sa respiration.

- Mais mais mais... Quel culot ! Quel manque de savoir vivre ! Mais jeune fille, jamais vous n'avez appris la politesse ? Vous ne devez en aucun cas poser de conditions à un aîné !

Pas vraiment impressionnée, la brunette haussa les épaules. Le bonhomme se retourna, marmonna quelques instants, puis revint vers elles. Un peu calmé, sans pour autant abandonner son air bougon, il répondit :

- Soit. Nous acceptons votre scandaleux marché.

Ravie d'avoir réussi son coup (elle venait de se faire obéir par un vieux tableau de six cent ans !), la gamine sourit -pas trop quand même, histoire qu'il ait pas l'impression qu'elle se foutait de sa gueule. Bon, elles allaient peut-être avoir enfin des réponses avec ça !

-Super. Je suis mademoiselle Austen, et voilà la préfète de Gryffondor, mademoiselle McHenry. On aimerait bien savoir qui vous êtes, et...

Elle ne termina pas sa phrase. Le pauvre vieux était déjà assez scandalisé, pas la peine de l'agresser avec dix mille questions à la fois... Elle écouta la réponse du portrait, et jeta un nouveau regard à la rouquine.

La brunette ne se laissa pas démonter. Jugeant sans doute que l'attaque était la meilleure des défenses, elle repartit à l'assaut du vieux grognon, en le mouchant d'un ton vif. Page ne put s'empêcher de sourire devant l'énergie de sa cadette. Revan ne s'en laissait pas compter, c'était impressionnant. Elle présenta donc les deux lionçonnes, sous l'oeil critique du portrait qui les dévisageait de pied en cap. Lorsque la première année s'interrompit, l'homme poussa un soupir des plus désagréables et les toisa une dernière fois avant de répondre.

- Grumpf. Il y a du mieux. Disons que nous pourrons nous contenter de cela. Il fit une nouvelle pause pour dévisager les deux gosses. Nous n'irons pas jusqu'à nous déclarer enchanté de faire votre connaissance, mais nous notons l'effort que vous avez fait. Nous répondons donc à votre interrogation : nous nous appelons Sir Petrus Angelton, Lieutenant Première Classe de la division montée de l'armée magique de Grande-Bretagne et...

- Oh trop cool ! Oups...

Page avait laissé échapper une exclamation enthousiaste et avait immédiatement placé ses mains devant sa bouche pour se réduire au silence, sachant pertinemment que l'irascible bonhomme n'allait pas apprécier.

- Ne nous interrompez pas jeune écervelée !

- Pardon M'sieur...

- Vous êtes décidément bien trop volubile. Mais que sont donc donc devenues la rigueur et la déférence de mon époque ?

Page leva les yeux au ciel, il était vraiment insupportable ce type. Faisant un effort surhumain, la lionçonne pesa ses mots pour essayer de s'exprimer de façon concise et à peu près soutenue.

- Excusez-moi Monsieur Angelton... C'est juste que c'est impressionnant d'avoir affaire à un homme de votre... rang.

Une petite moue de l'homme à moustache apprit aux Rouge et Or que caresser le portrait dans le sens du poil n'était pas une mauvaise idée si elles voulaient que le dialogue reste ouvert. Quelque part, ce subterfuge débectait Page, elle avait l'impression de devoir parler à nouveau comme lorsqu'elle s'adressait à Ombrage. Mais cette fois, le jeu en valait la chandelle, car l'excitation de la découverte le disputait au dégoût du souvenir de la rosâtre.

- Non mais, sérieusement, pourquoi un homme de votre qualité était-il euh... cloîtré ainsi... Mis au placard quoi... Vous étiez puni ?

- Mais pour qui nous prenez vous ! Bien sûr que non. Hésitant un instant, il poursuivit avec un air conspirateur. Nous avons une mission.

Page fit des yeux ronds à cette annonce et se tourna vers Revan. C'était trop excitant cette histoire !

Le vieux gugus finit par céder en voyant que les deux gosses tenaient leur part du « marché ». Il remplit donc la sienne, et tout comme sa camarade, Revan ne put retenir une expression d'admiration. L'armée magique, rien que ça ! Bon, ça n'excusait pas l'arrogance du bonhomme, mais y'avait pas à dire, ça en jetait comme titre... La façon dont il fit taire Page ramena cependant la brunette sur Terre : il était quand même vachement désagréable. Elle ne fit pourtant aucun commentaire, même si l'envie lui brulait les lèvres de demander ce que pouvait bien signifier « volubile ». La préfète se contint également et opta pour une tactique déplaisante mais pourtant efficace, celle du léchage de bottes. Visiblement flatté, le gus s'adoucit presque, et confia sur le ton de celui qui partage une info confidentielle :

- … Nous avons une mission.

La Rouge et Or en aurait presque eu un frisson d'excitation. Voilà qui devenait très intéressant ! A nouveau intriguée, elle répéta les deux derniers mots d'un ton avide d'en savoir plus. Tout content de son effet, le portrait poursuivit :

- Parfaitement, une mission. Secrète et de la plus haute importance. Croyez-vous vraiment que nous allons vous la révéler alors même que nous nous connaissons à peine ?

Et voilà, il recommençait à être insupportable. Quelle que soit la fameuse mission, elle lui faisait sacrément enfler les chevilles (qu'on ne pouvait heureusement pas voir vu comme il était peint sur la toile) ! Trop intéressée pour se forcer à la patience, la gamine rétorqua :

- Mais vous avez promis ! Je croyais que vous étiez un homme de parole !

Page, qui ne disait rien, hocha toutefois la tête pour incrémenter ce que venait de dire sa cadette [je me permets ^^]. Elles avaient décidément chopé la bonne technique ; coincé, le ronfleur se remit à marmonner.

- Grumble, vous êtes dure en affaire... Le bonhomme sembla réfléchir un instant, puis s'illumina. Nous vous parlerons peut-être de notre mission si vous faites quelque chose pour nous.

La brunette leva les yeux au ciel, désespérée qu'il leur faille tant de temps et tant de blabla pour obtenir les réponses qu'elles cherchaient. En revanche, sa préfète sembla encore plus intriguée, aussi demanda-t-elle plus de précisions.

- Puisqu'il semblerait que nous ronflions, trouvez nous une solution pour corriger ce désagréable détail. Nous sommes un gentleman et en cette qualité, ne pouvons supporter cette tare. Toutefois, notre condition de tableau limitant nos possibilités, ce serait donc la vôtre, de mission.

Revan aurait volontiers ricané, mais elle s'en s'abstint. Elle avait du mal à croire que le vieux ne s'entende pas ronfler ! Malgré tout, le marché semblait honnête, et elle était toute prête à l'accepter. Elle se tourna cependant vers son aînée pour quérir son avis sur la question ; elle avait assez pris les choses en main pour ce soir.

Page avait écouté les paroles du tableau avec attention, et plus il déblatérait, plus l'intérêt de la rouquine était piqué à vif. Ca sonnait vraiment comme une aventure mystérieuse ce qu'il leur racontait ! Alors oui, bien sûr, il était odieux, bien sûr, il leur demandait des tas de choses mais... Ca en valait certainement la peine. En apprendre plus sur une mission secrète, c'était pas trop cool ? Revan avait du mal à cacher son agacement vis à vis du caractère un peu compliqué du portrait, mais la petite irlandaise se formalisait beaucoup moins. Ce fut donc avec enthousiasme que la rouquine répondit à leur interlocuteur.

- Okay, on va le faire... On va vous trouver un remède. D'toutes façons, ça sera pas perdu pour nous non plus hein...

Et cétait le moins qu'on puisse dire. A défaut de tenir parole, si au moins le sieur Angelton leur laissait leurs nuits, ce serait un sacré mieux.

- Par contre, on est bien d'accord que quand on aura soigné vos ronflements, vous nous en direz plus sur cette mission ?

- Vous avez notre parole d'honneur ! fit-il, visiblement indigné.

Satisfaite, la deuxième année aurait bien scellé le deal d'un "topez-la" bien senti, mais elle imaginait mal le moustachu apprécier le geste.

- Bon, ben on a donc un marché. En attendant, on va vous mettre en lieu sûr, ok ? Et surtout, de manière à ce qu'on vous entende moins...

Ne laissant pas le temps au portrait de se récriminer de cette insulte voilée, la gosse attrapa le tableau d'une main, son amie de l'autre, et l'entraîna vers leur dortoir. Elles avaient suffisamment traîné dehors après le couvre feu. Angelton serait certainement moins bruyant au fond d'une malle de vêtements, enroulé dans une pile de couvertures et noyé sous un tas de chaussettes (trouées). Elles allaient enfin pouvoir dormir plus sereinement, bercées par un ronronnement étouffé plutôt que le bruit d'un avion au décollage. Et puis... Une nouvelle aventure leur tendait à présent les bras, et elles avaient le temps de voir venir.