Il y eut un léger crac et Nikolaï apparut. Poudlard. Il fit quelque pas, traversant le portail qui délimitait le terrain officiel de l’école du reste du monde. C’était un après-midi d’aout, une semaine avant la rentrée. Pour le Russe, cela n’avait rien de particulier, aout était un mois comme les autres. Néanmoins, pour des centaines d’élèves, cette semaine était la dernière de leurs vacances.
Jour pas particulier… oui, il l’était, d’une certaine manière, puisque le slave revenait au château de Poudlard pour la première fois en… en combien d’année ? Il ne savait plus. Beaucoup, cependant. Trop ? Peut-être pas. Qui sait… Toujours est-il que le château inspirait quelque chose de solennel, chaud et solitaire, calme et silencieux au-dessus de Pré-au-Lard.
Jamais il n’avait vu l’endroit comme cela. Il avait encore assez de souvenirs de l’endroit, dans sa mémoire, et ils étaient toujours emplis de bruits de pas, de rires, de voix et de cris multiples. Cette journée serait déterminante quant a s’il reverrait jamais une telle scène que les couloirs et la grande salle du château bondés d’élèves. Il en avait déjà vécu une autre, il avait déjà ressenti cette appréhension de savoir que notre futur, -ou une grande partie du moins- ne tenait qu’à une courte séance, qu’à quelques échanges de paroles.
Pourtant, cette fois-ci, il se sentait infiniment plus prêt. Il était en pleine possession de ses moyens, il savait ce que l’avenir lui réservait et ou il serait le mois d’après et ce peu importe l’issue de cette rencontre. Il repensa au jeune garçon effrayé quant au verdict qui serait prononcé lors de son audience. C’était triste. C’était encore plus triste lorsqu’il considérait ce qu’il avait pu accomplir, ce qu’il avait vu et pu faire au cours des dernières années et comment il s’était bien débrouillé. Il songea à sa baguette dans sa poche. Sa baguette, la sienne. Personne ne pourrait le priver de cette partie de lui-même à nouveau. Jamais. Lorsqu’ils lui avaient enlevé sa première, plusieurs années auparavant, il n’avait su se défendre, il n’avait pu l’empêcher.
Aujourd’hui c’était bien différent et Nikolaï était prêt à défendre son droit encore plus ardemment maintenant qu’il avait pu voir que la complémentarité d’une baguette avec son sorcier ne pouvait que s’accroitre au fil des difficultés et événements traversés l’un avec l’autre.
La grande porte. Plus si grande que cela, en fait. Nikolaï gravit les quelques marches qui l’en séparait. Il vint pour faire résonner sur la porte le heurtoir lorsqu’il s’aperçut que celle-ci était entrouverte. Pourquoi la porte était-elle entrouverte ? Pour la première fois de sa vie, Nikolaï se demandait ce qui pouvait bien se passer à Poudlard pendant le temps des vacances. Le directeur et son adjointe ne devaient tout de même pas y vivre, non ? Et pourtant, à une seule semaine de la rentrée, il n’en aurait pas été surpris. Avec toutes les protections entourant le château, le personnel, les elfes et les fantômes, l’endroit ne risquait pas grand-chose mais sait-on jamais…
Il sortit sa baguette et la croisa devant lui. De son autre main, il donna une légère poussée sur la porte de bois, restant immobile sur le pas de celle-ci. On entendit quelques sonorités en provenance des gonds… La porte vacilla à peine. Nikolaï se redressa et leva les yeux au ciel. Il appuya toute la main contre la surface de bois et poussa un peu plus fort en avançant. Il était maintenant dans l’école, face au grand escalier vide du hall d’entrée.
Le russe fit quelques pas sur le sol de pierre du château, entendant chacun de ses pas résonner autour de lui. Ou aller maintenant ? Il avait un rendez-vous mais il était en avance et il était entré de lui-même. Saurait-il retrouver son chemin ? Rien n’était moins sur.
Il y eut un bruit, un fracassement derrière lui. Le russe se retourna, baguette pointée devant lui, pour faire volte-face mais ne découvrit rien sinon une armure vide qui semblait le regarder, son casque vide tourné vers lui et le néant derrière les trous de la visière semblant posé sur lui tel un immense œil uni, vide et plein à la fois.
Nikolaï franchit lentement les quelques pas qui l’en séparait, baguette le long du corps. Il tapota la surface de métal qui définissait le casque et sa main glissa ensuite vers l’arme que portait l’armure. Il s’était toujours demandé si elles s’animaient pendant la nuit ou à certains moments quelconques. Il en avait toujours eu l’impression mais jamais la confirmation…
Le russe releva les yeux et inspira profondément. Un fantôme venait de surgir de l’armure et le regardait. Ce n’était pas quel fantôme, par contre : il s’agissait du baron sanglant. Nikolaï le reconnaissait, pour l’avoir vu maintes et maintes fois tandis qu’il étudiait à Poudlard.
Le baron s’était extirpé de l’armure sans grand effort et traversait maintenant les escaliers en se dirigeant tout droit dans le mur opposé à Nikolaï. Il ne se pressait pas mais clamait haut et fort d’une voix rauque calme et autoritaire :
« Intrus ! Intrus ! Il y a quelqu’un dans le château ! »
Kolya déglutit avec une certaine misère en songeant à cette belle arrivée bien conventionnelle au château. Comment serait-ce perçu de son potentiel futur employeur ? Son attention fut attirée par un léger bruissement d’étoffe et il se retourna histoire de faire face au bruit. Il avait manqué de sursauter.
- Ah ! C’est vous…, dit-il d’un ton qui laissait paraître son soulagement à tomber « face à face » avec la personne qu’il était venu rencontrer plutôt que devant… il n’aurait su imaginer quoi. Enchanté de vous rencontrer.