Citation :

Cher ami,
Je dispose de quelque jours de liberté, pourquoi ne pas en profiter pour nous voir ? Je sais que vous êtes en congé, si vous avez besoin de compagnie, faites-moi signe.
Votre dévoué,
J.K.

Un hibou très neutre, au destinataire impossible à identifier, quitta le bureau de poste du Chemin de Traverse, libéré par les mains un peu tremblantes de James. Le jeune homme se remettait lentement de son entrevue avec Lord Voldemort, et à dire vrai, c'était lui qui avait besoin de compagnie ; il avait tendance à une certaine nervosité depuis cette audience, et l'agréable compagnie de Grim ne pouvait que lui faire du bien, à tous les sens du terme.
La réponse lui arriva chez lui, à peine deux heures plus tard ; quelques mots d'une écriture nette : un rendez-vous dans une rue de Londres, proche du Ministère ; le Russe n'avait rien écrit de plus, et James contempla le billet quelques instants, vaguement déçu, avant d'y mettre le feu. Pas même un mot aimable, rien...
Il se raisonna en se disant que Grim n'avait peut-être pas le temps d'écrire davantage, et il attrapa son blouson pour se rendre au rendez-vous, fixé une demi-heure après.
Le jeune homme transplana à quelques distance du lieu choisi par son compagnon ; il avait besoin de marcher pour dissiper sa nervosité, ce qu'il fit d'un pas vif, les mains aux poches, sans se soucier de s'excuser auprès des personnes qu'il bousculait. Que tous ces sales Moldus s'estiment déjà heureux de ne pas être abattus comme les chiens galeux qu'ils étaient... La mine patibulaire du garçon incitait les offensés au silence : sur ses joues, une barbe de plusieurs jours dissimulait tant bien que mal quelques ecchymoses, et sa mâchoire serrée en disait long sur son état d'esprit.
Il s'arrêta devant une bouche de métro, dans la rue indiquée par Grim, et alluma une cigarette en attendant son amant. Pourvu qu'il ne traîne pas ! et d'ailleurs, pourquoi lui donnait-il rendez-vous dans la rue ? Ce n'était pas vraiment le shopping qui intéressait James...

[HJ : c'est court et nul, désolé, je me rattraperai^^]

Une cigarette passa de vie à trépas, entre les doigts fébriles de James, puis une autre, tandis qu'il scrutait inlassablement le côté est de la rue- celui qui donnait sur une grande et populeuse avenue. Il n'était absolument pas certain que Grim arriverait par ce côté- tel qu'il le connaissait, le Russe était bien capable de transplaner en plein sur la sortie du métro, quitte à provoquer une panique monstre chez les Moldus ; mais observer la foule tout en se tenant au-dehors avait quelque chose d'apaisant pour le jeune Mangemort, qui se prenait à rêver d'attentats sanglants dans les rues bondées de Londres. Massacrer quelques-uns de ces bons à riens de Moldus chargés de paquets de Noël, faire parler du Seigneur des Ténèbres- ce Maître que James idolâtrait toujours, malgré Sa sévérité...
Le jeune Kirkby s'amusait à se choisir des victimes, déroulant dans sa tête un scénario divertissant, à mesure que les gens passaient devant lui. Tiens, le gros type là... il serait certainement très intéressant de le faire exploser de l'intérieur, avec une potion. Et la gamine pleurnicharde qui passait devant lui... Il lui donnerait volontiers des raisons de pleurer, autres que le jouet qu'on lui avait refusé... Un petit couple d'ados s'embrassait avec ardeur, et le jeune homme songea qu'il devrait trouver un sort permettant de coller définitivement ces gens. Voilà une bonne idée ; souder les amoureux, de sorte que les autorités moldues ne puissent plus les séparer. James eut un faible sourire, et se promit d'en parler à Grim quand il arriverait.
Il allait allumer une troisième cigarette quand deux mains se posèrent sur ses épaules. Une demi-seconde avant d'avoir reconnu les grandes mains du Russe, James avait exécuté un demi-tout bondissant et plongé une main dans sa poche, prêt à riposter. Il se détendit un peu en identifiant son amant, mais le ton narquois de sa voix eut le don de le hérisser, et il répliqua simplement, d'une voix presque indifférente

-Ah, c'est vous.

Il n'ajouta rien : il lui fallait le temps d'avaler la remarque stupide de Grim, pour ne pas lui raconter qu'il avait subi une entrevue peu sympathique avec Lord Voldemort... On aurait "une petite mine" pour moins que ça. Il ne réagit même pas à l'insinuation du Russe, ne chercha pas à expliquer qu'il pouvait très bien se passer de lui... D'ailleurs il ne savait pas. Il avait besoin de compagnie, il en était certain, et la compagnie de Grim lui avait paru préférable à toute autre. C'était tout, ça ne signifiait rien, quoi qu'en pense son compagnon.
La large patte du Russe trouva naturellement sa place au creux des reins de James, pour le pousser tendrement, dans un geste qui, une fois de plus, faisait de lui un dominé, un simple suiveur, une femelle ; mais cette fois, le brun se dégagea d'une pirouette nerveuse, en marmonnant d'un ton pressant :

-Pas ici, Grim, pas ici...

Que quelqu'un le voie dans cette compromettante posture et aille raconter tout cela à Lord Kirkby, et le jeune homme ne donnait pas cher de sa peau... Et il n'avait pas survécu à Lord Voldemort pour tomber sous les coups de sa propre famille ! Dans un quartier aussi fréquenté que celui du Ministère, il convenait d'être discret, Grim pouvait bien le comprendre.... Essayant de donner le change, James demanda :

-Me faire visiter le Département des Mystères ? Je croyais que c'était un lieu secret... Fermé à ceux qui n'ont pas prêté serment...

Non sans un certain malaise, James vit le visage rieur de Grim se rembrunir lorsqu'il refusa son contact, et il se reprocha sa brusquerie. Evidemment, le Russe ne pouvait pas comprendre les raisons de cette soudaine prise de distance, et il devait s'imaginer... Que son cadet voulait rompre, par exemple ?... Il convenait de le détromper au plus vite, James n'avait aucune intention de rompre, bien au contraire ; la fréquentation du Russe lui apportait trop de satisfactions, et pas seulement sensuelles, pour qu'il commît cette erreur... Un doute s'empara de l'esprit du jeune homme : il songea que Grim, s'il soupçonnait James de vouloir le quitter, était bien capable de prendre les devants... Être celui qui quitte plutôt que celui qui est quitté... cela correspondrait tout à fait au tempérament impérieux affiché par Grim. Il avait toujours dominé dans leur relation, il ne laisserait certainement pas son jeune amant prendre une telle décision... Il devenait urgent de détourner Grim de ces suppositions, et James, lorsque son compagnon lui proposa son aide, répondit dans un murmure :

-Ecoutez... ce n'est pas contre vous mais... si on me voit avec un autre homme, je suis mort. Ma famille n'accepterait jamais, et comme le quartier grouille de sorciers, je préfèrerais... euh... plus de... retenue...
Il se força à sourire, mais ne parvint qu'à produire une mimique implorante. D'un geste, d'un mot déplacé, Grim pouvait le condamner à mort... Le sourire de James se fit plus franc lorsqu'il pensa que tenir la vie de son amant entre ses mains ne devait pas déplaire au Russe, épris de puissance. Baissant encore la voix, le jeune Kirkby reprit :

-Quant à ma santé, ce n'est pas vraiment le problème... Disons que je garde un mauvais souvenir d'une entrevue avec notre patron.

Il hocha la tête, l'air entendu, pour lui indiquer qu'il en parlerait plus tard, dans un lieu moins exposé. Il avait rassuré Grim sur son état de sante, chose importante puisque le Russe lui avait murmuré, à leur dernière rencontre, qu'il le voulait "en bon état" ; même avec quelques contusions, James pouvait toujours être l'amant attentif et docile qu'il avait été, c'est ce qu'il avait voulu dire... Que Grim n'ait pas l'idée d'aller voir ailleurs...
La galanterie de son compagnon lui parut de bon augure, et il le remercia d'un chaste sourire en pénétrant devant lui dans le Ministère. Le malentendu était dissipé... Le jeune Kirkby se laissa guider, avec des mines d'étudiant en stage, bien qu'il connût la procédure ; il tendit sa baguette au vigile, qui l'informa qu'elle était en bois de noyer et crin de licorne, 26,5 cm... Toutes choses que James savait parfaitement, mais que Grim ignorait jusqu'alors. Encore une fois, le Russe devait apprécier. Il semblait chercher à en savoir un maximum sur son cadet...
Les employés qui passaient saluaient Grim, pour certains, et jetaient des regards curieux à James. Le vigile lui avait remis un badge portant l'inscription "Avec Mr Wolkoff" qui lui donnait le droit de suivre son compagnon à peu près partout, ce qui ne manquait pas d'intriguer : on savait que Grim travaillait au Département des Mystères, et qu'un étranger était toujours exceptionnel... et la mine patibulaire du jeune Kirkby n'était pas des plus rassurantes. Il avait dû expliquer ses ecchymoses au vigile, prétextant un accident de balai, et l'homme, passionné de Quidditch, n'avait demandé qu'à le croire. Mais tout le monde ne serait pas si compréhensif.
A cette heure-là, il y avait peu de mouvement dans l'atrium, et James attendit qu'il n'y ait personne en vue pour murmurer à Grim :

-C'est gentil à vous de m'emmener ici... Très romantique comme promenade.

Un sourire malicieux qui tira un peu sur son visage endolori, et le jeune homme reprit son air sage et timide d'étudiant sérieux en visite au Ministère. Les étudiants Médicomages devaient faire un stage à Sainte-Mangouste, il se demanda si les Langues-de-Plomb devraient en faire un aussi. Dans ce cas, il serait amusant de demander à Grim d'être son mentor ; travailler ensemble la journée, torturer ensemble en-dehors des heures ouvrables, puis finir dans le même lit, le programme était enthousiasmant...

Le changement d'attitude de Grim soulagea James, qui se détendit. Le Russe avait bien compris l'importance d'être discret, et il adopta un ton neutre pour parler à son compagnon ; précisément le ton qu'un maître de stage pourrait avoir pour renseigner un étudiant, c'était parfait. Il n'avait probablement pas renoncé à ses prérogatives de mâle dominant, pas plus que James n'avait abandonné ce rôle jouissif et avilissant d'amant dominé. Il avait eu du mal à l'admettre, mais il appréciait de se sentir aux mains du Russe, à sa disposition, et il essaya de capter son regard pour lui faire comprendre qu'ils se rattraperaient dès qu'ils seraient entre eux. Il serait d'ailleurs excitant de se réfréner tant qu'il y aurait des témoins, cela rendrait plus agréable le moment où ils pourraient laisser libre cours à leurs instincts... Patienter, se forcer à ne rien montrer, brider ses pulsions, il n'y avait rien de tel pour parvenir à un plaisir inégalé.
Telles étaient les réflexions interlopes que se faisait le jeune Kirkby en attendant l'ascenseur aux côtés de Grim. Sa réflexion sur le romantisme avait eu l'air d'amuser le Russe, pour le plus grand plaisir de James. Il devait être certain, à présent, que le brun n'avait jamais eu l'intention de le quitter ; et, s'il restait avec lui, c'est bien que lui non plus n'envisageait pas une séparation... Il faudrait arrêter de se faire des frayeurs pour rien, décida James en montant dans la cabine de l'ascenseur derrière Grim.
Des quelques mois passés au Ministère comme coursier, James avait gardé des souvenirs précis de beaucoup d'endroits, mais le Département des Mystères lui était toujours resté fermé. Lorsque les Langues-de-Plomb avaient besoin d'un coursier, ils se déplaçaient jusqu'à l'entrée de leur département, de sorte que le messager ne pouvait pénétrer dans le saint des saints. Ce secret soigneusement cultivé avait toujours excité la curiosité de James, et il était sincèrement reconnaissant à son amant de lui faire découvrir l'endroit. Il faudrait le lui dire, sérieusement- ou trouver une façon détournée de le remercier, ce qui ne serait que mieux.
Le garde toisa James pendant quinze bonnes secondes avant de l'autoriser à suivre Grim, et le jeune Anglais se dépêcha de rattraper son compagnon, qui semblait transfiguré en ces lieux. Le Russe lui tenait la porte, et James la franchit sans vraiment faire attention à ce qu'il allait trouver.
La porte se referma avec un petit claquement sec, et le jeune Mangemort demeura stupéfait ; autour de lui, plusieurs portes, parfaitement identiques, attendaient qu'on les ouvre... James resta quelques instants à regarder, avant que Grim choisisse tranquillement l'une des portes. Le brun le suivit, crut repérer une éraflure du bois qui aurait pu permettre de reconnaître cette porte ; mais à y regarder de près, toutes présentaient le même défaut. Impressionné, James suivit son amant en demandant :

-Vous ne vous perdez jamais là-dedans ? Comment faites-vous pour vous y reconnaître ?

Le Russe n'avait pu prendre une porte au hasard ; il pénétra dans une pièce faiblement éclairée avec l'air de savoir où il allait, s'approcha d'un bureau chargé de parchemins, et entreprit de choisir certains parchemins, la mine concentrée. N'osant déranger ce travail, James observa la pièce, dont les murs sans fenêtres étaient entièrement occupés par des étagères d'archives ; en s'approchant, le jeune homme put lire la légende d'une des boîtes d'archives, mais pas la comprendre ; elle mêlait trop de symboles différents pour être aisément déchiffrée.
La porte par laquelle ils étaient entrés s'était refermée, lentement, en produisant un léger grincement, et James regarda autour de lui en entendant le bruit de la gâche dans la serrure. Ils étaient seuls dans cette pièce, qui était plus grande qu'elle n'y paraissait à première vue ; ses yeux s'habituant à la faible lumière, James distinguait vaguement l'extrémité de la salle, pareille à l'endroit où ils se tenaient ; des bureaux de bois usé, des archives, et partout des parchemins. Seuls... L'occasion de prouver à Grim qu'il lui était reconnaissant, qu'il lui appartenait- l'occasion aussi d'oublier cette entrevue musclée avec Lord Voldemort. Laissant son collègue trier ses parchemins, James fit quelques pas, comme pour visiter la pièce ; machinalement, il tira son mouchoir de sa poche, et- hasard ou fait exprès ?- le laissa tomber aux pieds de Grim.

-Oh, pardon, fit-il à mi-voix en se coulant entre le Russe et le bureau pour le ramasser.

Par chance, il était mince, et pouvait se glisser sans mal dans un endroit aussi exigu... Il eut un regard engageant- aussi engageant qu'il pouvait l'être dans son état- et s'agenouilla lentement pour récupérer le morceau d'étoffe qui gisait aux pieds de son amant. Même s'ils ne faisaient rien pour le moment, il prouvait ainsi son attachement et son adhésion à Grim : il était loin le temps où le Russe devait presque le violenter pour lui faire l'amour... Cinq jours seulement s'étaient écoulés, mais James avait déjà beaucoup changé, et il osait désormais aller au-devant de son amant. Quémander ses faveurs, lui suggérer des choses et, bientôt peut-être, prendre lui-même l'initiative des caresses. On n'en était pas encore là, mais, mis en confiance par le Russe, il n'y avait pas de raison qu'il n'y parvienne pas... Il avait déjà plus progressé en cinq jours qu'en dix-neuf ans...
Le mouchoir ramassé se retrouva dans la poche du pantalon de James, qui ne put cependant se relever immédiatement. Négligemment, Grim avait posé sa main sur sa tête, et il jouait du bout des doigts avec une mèche de cheveux.

Les murmures se faisaient pressants, insistants, et une envie irrépressible de s'approcher de l'arche s'empara de James. Oh, juste quelques pas... aller voir de plus près... peut-être soulever le rideau... Dans un coin de sa conscience, quelque chose lui soufflait que ce serait la dernière erreur à commettre, mais l'envie était si forte... ou plutôt, ce n'était plus une envie, mais un véritable besoin. Il devait aller voir ceux qui l'appelaient de derrière ce rideau, c'était indispensable... James s'avança, sans réelle conscience de ce qu'il allait faire, obéissant à une impulsion si profonde qu'il ne pouvait la contrarier, mais la voix de Grim vint couvrir les murmures ; et aussitôt, l'envie se fit moins forte. Le jeune homme hocha la tête, sans répondre ; le Russe marqua une pause, et- chose étrange- dès que le silence fut revenu, les voix reprirent leurs lamentations, et le besoin d'aller les rejoindre se répandit dans chaque fibre du corps de James. Il fallait rompre ce silence, couvrir le murmure hostile des voix, ou le jeune Mangemort courrait les rejoindre... Qu'importe s'il allait à sa perte, il ne pouvait rester là plus longtemps, sans obéir aux appels qui lui venaient.
Grim l'observait avec une curiosité toute scientifique, et, une fois de plus, il parla au bon moment, alors que son cadet allait céder à l'appel des voix. James sentit le besoin s'affaiblir, et il répéta, plus pour briser le silence que par véritable nécessité :

-Mes... mes victimes ? qui attendent pour se venger ?

Grim l'entraînait, l'éloignait de l'arche, et le murmure des voix ne produisait plus le même effet ; James l'entendit décroître, comme si les voix s'éloignaient en même temps que lui, et il en fut légèrement soulagé- même si un certain malaise demeurait. Jusque-là, il avait tué sans la moindre arrière-pensée, mais cette révélation changeait la donne... S'imaginer rendant des comptes au gosse de Godric's Hollow, par exemple, ou à la voisine de Fortarôme avait de quoi mettre mal à l'aise. Et il y avait les autres, pas forcément très nombreux, mais suffisamment pour crier vengeance contre un garçon de dix-neuf ans... et aucun, si les souvenirs de James étaient bons- ce qui était probable- n'avait été tué proprement, nettement ; tous avaient subi quelque torture avant de rendre l'âme, actes pour lesquels ils réclameraient justice...
Le jeune Mangemort fut satisfait de retrouver la pièce circulaire. Préoccupé, il n'avait pas remarqué la hâte de Grim, mais il lui était reconnaissant de ne pas s'être éternisé dans cette salle.
Le spectacle de la suivante lui arracha un sourire, et il déclara :

-Cette fois, je sais où nous sommes... C'est la salle du Temps ! J'ai lu quelques petites choses à son sujet, je crois que c'est la moins secrète de tout le département. C'est ici qu'on trouve les Retourneurs de temps... enfin, qu'on trouvait, si j'en juge par l'état de la salle.

Laissant Grim sur sa table, il profita de la permission qui lui était donnée de visiter la salle, les mains dans les poches, observant avec attention les rares objets encore entiers. L'oiseau le retint quelques instants, il passa plus rapidement sur la collection d'horloges, et revint vers Grim en commentant :

-Quel gâchis... Cette salle devait être une splendeur, et il n'en reste que des ruines... A-t-on un espoir de reconstituer les collections ? il y avait peut-être des pièces uniques...

La salle du Temps lui avait momentanément fait oublier les murmures de l'arche, et il s'adonnait à sa curiosité, heureux de pouvoir accéder à un lieu aussi secret. Chez lui, le désir d'apprendre n'était jamais loin, et Grim avait su trouver la bonne manière de lui faire oublier son entrevue avec Lord Voldemort. Depuis son entrée dans le Département, James n'avait plus repensé à ce pénible épisode, pas même quand une douleur insistante lui avait rappelé quel traitement il avait subi. Il était trop occupé à regarder, à écouter Grim, à graver chaque information dans sa mémoire, pour que ces souvenirs viennent l'importuner.
Le brun s'était penché sur une vitrine contenant des retourneurs de temps, et il demanda à son compagnon en la désignant :

-Vous avez déjà utilisé un de ces machins, Grim ? J'aimerais essayer, juste pour voir... conclut-il, songeur.

La salle des prophéties, donc. James observa à nouveau la vaste pièce, maintenant qu'il savait ce qu'elle contenait, mais elle ne lui plaisait pas davantage pour aurant. Il n'avait jamais été très convaincu par ce genre d'histoires, s'était refusé à étudier la divination, et ne jurait que par des choses plus rationnelles. Les prétendus devins se contentaient de se donner des airs mystérieux et d'énoncer à peu près n'importe quoi sur un ton effrayant, et les simples d'esprit ne demandaient qu'à croire ce qu'ils racontaient. Certains en venaient à organiser leur vie en fonction de ces sottises, et James secoua dédaigneusement la tête- avant de se souvenir que son Maître Lui-même avait, obéissant à une prophétie, traqué les Potter pour tuer leur fils... La preuve que certains puissants esprits pouvaient être troublés par des prophéties sans fondement... Pas facile de faire coïncider ses opinions et son admiration pour le Seigneur des Ténèbres.
James hocha la tête quand Grim exposa sa théorie sur les prophéties, surpris qu'elle s'accorde si bien avec ce que lui-même en pensait. Pour l'heure, il ne connaissait guère son compagnon, ils n'avaient pas beaucoup parlé, mais leurs caractères semblaient complémentaires, au point que James en était souvent stupéfait.
Le peu d'enthousiasme de Grim étonna le brun, cependant ; depuis son entrée au Département des Mystères, il avait tout présenté avec ferveur, hormis cette salle des prophéties. Cette constatation suscita une question chez James :

-Je me demandais, Grim... Chez les Langues-de-Plomb, il y a des gens spécialisés, ou n'importe qui peut travailler n'importe où ? Par exemple, il y a des spécialistes des prophéties, des spécialistes du temps... toi, par exemple, tu travailles où en général ?

Il avait réussi à tutoyer son amant, naturellement, presque sans rougir. Et, chose plus étonnante encore... Il parvint, en réponse à l'avertissement de Grim, à oser un geste de familiarité encore inédit. Le Russe était toujours appuyé nonchalamment au mur, et James en profita pour poser ses mains de chaque côté, emprisonnant son compagnon, pour lui dire dans un souffle :

-Je crois que j'ai déjà commencé à perdre la tête... et ce n'était pas en effleurant une prophétie.

Et il embrassa Grim, rapidement, presque timidement, un peu perturbé par le changement de rôles. D'ordinaire, c'était lui qui était coincé entre un mur et son amant, à attendre que Grim l'embrasse... Lui qui était à la disposition de l'autre... Mais cette fois, le blond le laissait prendre l'initiative, et, étrangement, James se sentait empêtré. Il avait souvent dirigé ce genre d'opérations, cependant, mais pas avec Grim... pas avec un homme. Il en perdait toute son assurance, ce qui semblait amuser le Russe qui ne bougeait pas, un petit sourire aux lèvres, laissant son cadet poursuivre ce qu'il avait commencé ; il ne l'aiderait pas, ne prendrait pas le commandement, James pouvait le lire dans son regard, et il regretta presque son initiative. Que faire ? Dans la semi-obscurité de la salle des prophéties, le brun rougit, ferma les yeux, et s'enhardit. Il se rapprocha doucement de Grim, de façon à ce que leurs corps se touchent légèrement, ses mains toujours à plat sur le mur ; il frissonna légèrement lorsque son bassin entra en contact avec celui de son amant, resserra ses mains, et embrassa le Russe, profondément, intensément, avec une fougue encore inconnue de son amant. Grim lui permettait de se révéler, de perdre, peu à peu ses inhibitions, et il devait se rendre compte sans mal des progrès de son cadet. Ses gestes se faisaient plus assurés, moins mécaniques, comme si son consentement se clarifiait à mesure de ses rencontres avec son amant. La main gauche du jeune Mangemort quitta le mur et vint se perdre dans les cheveux de Grim tandis qu'ils s'embrassaient, dans un parfait échange de rôles. Il mit toute sa tendresse, toute son application dans ce baiser, se cramponnant presque aux mèches blondes du Russe ; lorsqu'ils se séparèrent, James laissa passer quelques instants avant de répondre dans un souffle :

-Euh... non, je n'ai rien de particulier à voir, Grim. Pas ici, du moins...

Il ponctua ces mots d'un regard entendu, passa sans y penser sa langue sur ses lèvres, comme pour retrouver le baiser interrompu, et jeta un coup d'oeil vers la porte. Grim comprendrait.