- J'crois que je vais encore vomir, si ça continue, madame ...

Emilien s'y préparait depuis la veille. Il avait besoin de toute une liste d'ingrédients, et si certains pouvaient être trouvés dans l'armoire de Rogue, qui restait ouverte pendant les cours, d'autres étaient plus délicats à se procurer ... Entre autres, il y avait de l'essence d'ellébore. Peut-être aurait-il pu en acheter, c'était même certain. Seulement, Emilien n'avait pas les poches qui débordaient de gallions, et ses parents refuseraient de lui en envoyer sans un bon prétexte. De plus, il n'avait pas le droit d'aller à Pré-au-Lard puisqu'il n'était qu'en deuxième année, et attendre les vacances prochaines lui paraissait trop long. Après avoir examiné plusieurs possibilités, il en avait conclu qu'il pouvait toujours essayer de chercher à l'infirmerie. Car l'essence d'ellébore était un ingrédient du philtre de paix, or on pouvait en trouver à l'infirmerie, normalement. Certains disaient que c'était l'infirmière qui le préparait, donc elle devait posséder les ingrédients dans quelque placard caché ... Dommage qu'à l'époque où il s'y était rendu en pleine nuit, à la fin de sa première année, il n'ait pas pensé à regarder. A ce moment là, il avait d'autres préoccupations : il avait dû réfléchir à comment sortir de là, comment se retenir d'étrangler Brutus, comment ne pas énerver Liliana Vanloock. Et accessoirement, il était bien malade, ce soir-là.
[Voir : "Ceux qui vont mourir te saluent" à l'infirmerie toujours]

Il fallait donc entrer dans l'infirmerie, avec un prétexte valable si possible, et envoyer l'infirmière s'occuper d'autre chose, pendant que lui fouillerait dans les placards. Pas évident. Mais c'était un défi comme un autre, et si Emilien n'était pas le plus courageux des enfants de son âge, il n'en aimait pas moins relever des défis. Il fallait juste espérer qu'il n'y aurait pas trop de monde à l'infirmerie ... Il avait bien calculé son affaire, mine de rien. Après avoir regardé le plus d'emplois du temps possible, il avait choisi une heure où sa classe avait cours de vol - aucun risque que certains fassent semblant d'être malade pour rater le cours - et où un grand nombre d'autres élèves étaient libres. C'était en fin de journée, et les élèves préféraient rater les premiers cours de la journée, en général. Normalement, il devrait avoir le champ libre. Maintenant, il restait à savoir Comment Faire. Pour être autorisé à rester à l'infirmerie jusqu'au soir, au moins. Il lui fallait être crédible, enfin, jouer la comédie ce n'était pas très difficile. Non. Mais l'infirmière n'était pas dupe, elle en voyait beaucoup, des cas comme ça, tout au long de l'année. Le mieux, ça serait d'être Vraiment malade. Malade pour de Vrai. Emilien n'était pas spécialement masochiste, et la perspective d'avoir mal au ventre ou à la tête ne l'enchantait pas plus que ça, mais ce n'était pas comme s'il avait le choix ... Aussi se procura-t-il, par l'intermédiaire d'un première année d'une autre maison, l'une des inventions des frères Weasley [Je sais pas s'il y a quelque chose pour faire vomir, j'me rappelle pas bien. Donc tant pis pour le nom].

Il l'avait pris juste avant le cours de vol, à la fin du cours de Sortilèges. Bien sûr, le prof l'avait tout de suite autorisé à sortir, lorsqu'il lui avait dit qu'il avait la nausée. Un élève de Serpentard l'avait accompagné. Après avoir vomi dans les toilettes, il avait pris le remède qui était fourni avec, et était retourné en cours, l'air pas franchement en forme. Là, Flitwick lui avait écrit un mot à l'adresse de l'infirmière, et l'avait envoyé à l'infirmerie, cinq minutes avant la sonnerie. Bien, jusque-là, ça avait marché ! Histoire de paraître encore plus malade, Emilien se frotta les yeux avant d'arriver à l'infirmerie - les yeux rouges, ça donne toujours un petit air pitoyable - et enfin, il se présenta devant l'infirmière, avec son papier de la part du professeur. Alors qu'elle lui posait quelques questions, Emilien déclara d'une petite voix :

- J'crois que je vais encore vomir, si ça continue, madame ...

Elle lui avait dit de s'allonger, et était allée chercher quelque chose. Emilien soupira, ça n'allait pas être facile. A tous les coups, elle allait encore lui demander beaucoup de choses. Où il avait mal exactement, par exemple. Le genre de question stupide ... Est-ce que ça te pique, ou est-ce que ça te brûle ? Enfin ... Sans doute parviendrait-elle à la conclusion que c'était le stress. C'était toujours comme ça, depuis qu'Emilien allait à l'école. D'un autre côté, ce n'était pas entièrement faux. Le Serpentard pourrait toujours parler de sa situation familiale, si elle lui posait trop de questions ... Là, il en aurait, des choses à dire. Sur la Beuglante que sa mère lui avait envoyée quelques jours plus tôt, par exemple ? En ajoutant que tous ceux présents dans la Grande Salle l'avait entendue, ça aurait peut-être son petit effet pathétique. On verrait bien. Pour le moment ...

Pour le moment, c'était l'heure de passer à l'action ! Emilien se redressa sans bruit sur son lit, et tendit l'oreille. Non, l'infirmière n'était pas dans les parages, elle était sûrement dans son bureau. Il s'agissait d'être prudent ... Au pire, il dirait qu'il cherchait une bassine pour vomir. Erk. Le deuxième année inspira à fond et se leva, puis se dirigea vers le fond de la salle, où il savait que l'armoire était située. Et pas fermée à clef, apparemment. Tant mieux. Emilien l'ouvrit, et se rendit compte qu'il ne savait pas du tout de quelle couleur était l'essence d'ellébore ... Il faudrait qu'il lise l'étiquette de tous les flacons, mais il y en avait des dizaines et des dizaines ! Fébrilement, il passa son doigt sur les vieilles étiquettes - dont l'écriture n'était pas toujours facile à déchiffrer - mais toujours pas de trace d'ellébore. C'était peut-être juste un peu plus loin ... Là, à sa droite ! Emilien avait juste pris le flacon, quand soudain, il y eut du bruit derrière lui. Emilien se retourna brusquement, et faillit lâcher la petite bouteille, dans l'attitude parfaite de celui qu'on prend sur le fait. La cachant derrière son dos, il soupira de soulagement lorsqu'il vit que ce n'était pas l'infirmière, mais l'idée lui vint alors que n'importe qui pourrait le dénoncer. C'était qui, cette fille ? Une première année, lui semblait-il. Gryffondor, disait son uniforme.

- Qu'est-ce que tu fiches là ? souffla-t-il à voix basse pour ne pas être entendu de l'infirmière, qui était dans la pièce juste à côté.

Arh!!! Fut le cri que la jeune rouge et or poussa lorsqu’elle se rendit compte qu’elle s’était encore perdue dans les nombreux couloirs du château.

Sasha n’y comprendrait jamais rien. Elle avait beau passé par le même chemin à chaque fois, il fallait qu’elle s’égare à coup sûr. Les autres élèves semblaient tellement s’y connaître en labyrinthe qu’elle n’osait pas demander son chemin puisqu’elle passait toujours pour une pauvre idiote. Tous les couloirs étaient semblables, alors il était si facile de se perdre. M’enfin… Il fallait bien que la Gryffondor retrouve son chemin puisqu’elle n’avait que quelques minutes pour se rendre à son cours avant d’arriver en retard. Son professeur ne serait sûrement pas très content de la voir encore arriver après les autres comme à chaque fois. La dernière fois, il avait bien failli l’envoyer en retenue. Sasha y avait heureusement échappée de justesse. Au moins, elle savait jouer sur les sentiments des gens. Des petits yeux piteux venaient toujours à bout de la résistance de quelqu’un…

Se traînant les pieds en observant tout sur son passage, Sasha ne parvint pas à voir un signe qui lui permettrait de lui indiquer qu’elle allait dans la bonne direction. Elle poussa alors un long soupir de découragement. Elle se força à se calmer. Elle prit de grandes respirations et fit le point. La salle commune des Gryffondor se situait au 7e étage. Elle devait descendre au quatrième pour son cours de sortilèges et enchantements. Il fallait donc qu’elle trouve des escaliers. C’était déjà une première étape à franchir et le plus difficile était à venir…

C’était ce qu’il y avait de plus facile et tout le contraire en même temps. Sasha avait oublié que les escaliers s’amusaient à bouger tout le temps ce qui ne rendrait pas la tâche aussi facile à la rouge et or. Aussitôt qu’elle eut descendue une volée de marche, l’escalier décida que c’était le moment de mener la vie dure à un élève. La Gryffondor dut se cramponner à la rampe pour ne pas tomber. Quelques instants plus tard, il se stabilisa brusquement et Sasha était encore plus perdue.

Elle ignorait totalement à quel étage elle se trouvait. Maintenant, c’était certain, Sasha était en retard et elle irait direct en retenue… Mauvais pour elle tout ça. Elle détestait en plus être égarée. Ce n’était pas agréable pour personne de toute façon. M’enfin, il fallait qu’elle prenne son courage à deux mains. Il était pratiquement inutile de reprendre les escaliers. Elle ne pouvait être sûre qu’ils aient fini leur course. Le mieux était de trouver quelqu’un pour se renseigner. Maintenant, elle n’avait pas le choix. Il fallait qu’elle marche sur son orgueil.


Première porte sur sa gauche… Elle l’ouvrit… Personne… La prochaine ? Personne non plus. La fillette fronça les sourcils. Peut-être que cet étage était condamné ? Peut-être n’avait-elle pas le droit de se trouver là ? Sasha ne se sentait pas rassurée. Elle avança d’un pas plus rapide… encore plus rapide. Une porte au loin semblait plus accueillante. La rouge et or se rua dessus et l’ouvrit à la volée. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres, puis un soupir de soulagement s’échappa de sa petite bouche.

Devant elle se tenait un jeune garçon qui devait avoir à peine une année de plus qu’elle. Elle remarqua aussitôt l’écusson du serpent sur sa poitrine lorsqu’il se retourna brusquement. Elle fronça légèrement les sourcils, mais son sourire ne faiblit pas. Il s’estompa seulement lorsqu’elle remarqua qu’il semblait nerveux. Dans sa main, il y avait une petite bouteille qu’il serrait, sûrement dans un réflexe pour ne pas l’échapper. Lorsqu’il lui parla dans un souffle, Sasha sut qu’il ne faisait pas quelque chose de bien.

- Qu’est-ce que je fiche là ? dit-elle sèchement à voix basse comme le jeune garçon des verts et argent. Eh bien ? Je fais juste chercher ma classe… Et toi ? demanda-t-elle, ironique.

C’était plus qu’évident et Sasha était heureuse d’être arrivé à ce moment. Quoiqu’elle n’était pas du genre à dénoncer les autres… Loin de là. Mais quand même… Il faisait parti des verts… La situation demandait réflexion.

Tout ça s’annonçait plutôt mal. Dans son plan, Emilien n’avait jamais prévu qu’une première année de Gryffondor se pointe juste au moment où il avait enfin trouvé ce qui l’intéressait ! Il s’agissait de faire preuve de prudence. Elle l’avait certainement vu. D’ailleurs, sa petite bouteille dans la main, même cachée derrière son dos, ce n’était pas très discret. Surtout cachée derrière son dos, en fait. Si tu cherches à cacher quelque chose, agis naturellement, zut à la fin ! Quelle idée, aussi ! Vous vous promenez souvent avec une main dans votre dos, vous ? À moins d’avoir une canne et de se la jouer façon grand-père, je ne pense pas … Et à douze ans, le style petit vieux, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux. Il allait falloir jouer finement, ce qui n’était pas vraiment son truc, tout compte fait. Lui qui était plutôt nerveux et impulsif, mais enfin, une fois de temps en temps, ça ne lui ferait pas de mal. Il n’avait pas réfléchi, lorsqu’il avait posé cette première question. Pourtant, peut-être aurait-il dû. Il aurait mieux fait d’être plus aimable. Comme première approche, on pouvait mieux faire. Néanmoins, la question méritait d’être posée. Que faisait la Gryffondor à l’infirmerie à cette heure-là ? Elle devrait être en cours … De Sortilèges, tiens. Comment le savait-il ? C’était simple, toutes les semaines, il croisait les première année qui entraient dans la salle alors que lui en sortait. Et puis, pour monter son petit plan, il avait jeté un coup d’œil aux emplois du temps de presque toutes les années.

Au moins eut-elle assez d’esprit pour ne pas se mettre à hurler, et elle lui répondit sur le même ton. Bien. Peut-être pouvait-il en faire une alliée ? Enfin, sans aller jusque-là, simplement la mettre de son côté ? Il n’était pas question qu’elle le dénonce à l’infirmière ! Mais était-il réellement en position de négocier ? Oui. Car elle venait de déclarer qu’elle cherchait sa classe. Donc, elle était en retard. Pour le cours de Sortilèges. C’est là qu’Emilien intervenait : s’il accompagnait la Gryffondor jusqu’à la classe, non seulement il lui montrait le chemin, mais en plus, ça excuserait son retard. Car il pourrait raconter que l’infirmière, sachant que la première année avait cours avec Flitwick, lui avait demandé de raccompagner Emilien – encore un peu faible, le pauvre petit – pour que celui-ci aille rassurer le professeur sur son sort, avant d’aller, comme tout bon élève, travailler à la bibliothèque. C’était un peu tordu, mais ça pouvait marcher, surtout quand on connaissait le caractère aimable du vieux professeur. Emilien referma rapidement l’armoire, tandis que la première lui demandait ce que lui, faisait à l’infirmerie. Le Serpentard n’aimait pas beaucoup le ton qu’elle avait pris, mais il devait avouer que c’était justifié. Aïe. Restait à espérer que ce n’était pas le genre d’élève fanatique de justice, et qu’elle n’irait pas dénoncer ses agissements, à la première occasion.

- Moi ? Officiellement, je suis malade. Mais je crois que tu as bien compris la Vraie raison de ma présence ici …

Il parlait toujours à voix basse, un petit sourire aux lèvres. Comme il terminait sa phrase, il souleva la petite fiole à hauteur de ses yeux et fit mine de l’examiner un instant. Il misait tout sur le bon caractère de la fillette. De toute façon, elle l’avait vu, que pouvait-il faire d’autre ? Pas la peine de mentir, elle n’avait pas l’air stupide. Expliquer que lui, pauvre petit Serpentard martyrisé, avait été forcé de faire ça pour d’autres élèves plus âgés, qui l’avaient menacé ? Ça ne tenait pas la route, et puis sans doute n’en aurait-elle rien à faire. Ressentirait-elle rien qu’une once de pitié pour un Serpentard malheureux ? Pas sûr. Elle était à Gryffondor, leurs maisons se détestaient mutuellement, c’était bien connu.

- Je peux t’aider à trouver ta salle, si tu veux. D’ailleurs, je peux même te fournir une excuse pour ton retard : c’est Flitwick qui m’a envoyé ici. Il sera ravi de voir à quel point tu es soucieuse du bien-être des autres, quand tu m’auras raccompagné jusqu’à sa salle, afin que je puisse le rassurer sur ma santé.

Sous-entendu : à condition que tu ne dises rien à propos du vol. Après tout, elle ne savait même pas ce que contenait la fiole ! Oui, bon, il l’avait volée, c’était mal, très mal, tout ce qu’elle voulait à ce sujet. Mais le marché était équitable. Certes Flitwick avait bon caractère, mais il n’appréciait pas beaucoup les retards, surtout que ça faisait un moment que le cours était commencé.

- Vu l’heure, il me paraît évident que c’est la meilleure solution …

Mais la Gryffondor n’eut pas le temps de lui répondre quoi que ce soit, qu’on entendit du bruit à côté. L’infirmière n’allait pas tarder à revenir ! Au fur et à mesure qu’il parlait, Emilien s’était rapproché lentement de la première année. Le bruit s’intensifiait, l’infirmière devait approcher de la porte de son bureau, et d’ici quelques secondes, elle serait face à eux. Emilien s’avança encore, jusqu’à n’être plus qu’à quelques centimètres de la première année, et glissa la fiole dans l’une des poches de la Gryffondor. Parce que premièrement, dans l’une de ses poches à lui, ça serait suspect. Deuxièmement, c’était une manière d’assurer à la première année qu’il ferait bien ce qu’il avait dit. Puisqu’il en avait besoin, de cette fiole d’essence d’ellébore. C’était un peu risqué. Mais ça diminuait les risques qu’elle le dénonce à l’infirmière sur le champ : si on la voyait sortir la fiole de sa poche, qui croirait-on ? L’élève qui était malade, à l’infirmerie avec un mot d’un professeur ? Ou la première année qui n’avait aucune raison valable d’être là ? Au pire, si elle décidait de le dénoncer, il pourrait retourner les accusations contre elle. Certes il aurait perdu l’essence d’ellébore … Bah ! De toute façon, la Gryffondor parviendrait aux mêmes conclusions que lui ! Emilien lui fit un dernier sourire, et posa son doigt sur ses lèvres – à lui – pour la prier de garder le silence à propos de la fiole.

Puis il se tourna pour faire face à la porte du bureau de l’infirmière, qui s’ouvrait. Debout aux côtés de la Gryffondor, il s’appuya sur l’épaule de celle-ci, juste comme l’infirmière entrait dans la pièce. Comme s’il avait besoin d’un soutien quelconque, alors qu’il allait très bien en réalité … L’infirmière lui demanda ce qu’il faisait là, avec un coup d’œil surpris pour la Gryffondor. Elle était sur le point de poser une deuxième question, mais Emilien prit la parole le premier, tout en exerçant une pression supplémentaire sur l’épaule de la première année, rappel qu’elle devait se taire.

- Je suis désolé, je me sentais pas bien, j’ai eu envie de vomir encore une fois et je cherchais …

Une bassine, un évier, n’importe quoi. Enfin, quelque chose. L’infirmière avait bien compris de quoi il parlait, aussi enchaîna-t-il :

- Elle était venue m’apporter les devoirs de Sortilèges. Elle est tombée à pic, comme on dit ! Il parlait de la Gryffondor, bien sûr. Il ajouta : Mais je vais beaucoup mieux, maintenant …

Avec un peu de chance, vu que son cas n’était pas vraiment grave et que c’était la fin de la journée, elle accepterait de le laisser repartir … Emilien comptait fortement là-dessus. Ça faisait beaucoup de choses indépendantes de sa volonté sur lesquelles il comptait, aujourd’hui …

Résumons la situation : Sasha se trouvait dans la même pièce qu’un Serpentard qui ne semblait pas agir de façon très honnête. Il avait semblé à la petite qu’il avait –en effet- fait quelque chose de mal. Il tentait même de cacher une petite fiole derrière son dos ce qui ne rendait pas une belle image de sa personne. Évidemment, dans toute la logique que cette situation présentait, il voulait la voler cette fiole. Sasha sut qu’elle avait tapé dans le mile. Visiblement, il savait qu’elle savait. Mauvais pour lui tout ça. C’était certain, il était dans le pétrin et jusqu’au cou à part de ça.

***

Il y avait cependant un ombre au tableau. Le jeune homme de la maison des serpents volait -c’était vrai- mais Sasha se trouvait dans la même pièce que lui et semblait aussi coupable. Elle se trouvait, bien entendu si on se fiait juste aux apparences, dans la même galère que le Serpentard. Si quelqu’un les trouvait là, dans cette position, il pourrait croire que la Gryffondor était sa complice. Bien entendu, ce serait en vérité tout le contraire, mais ce ne serait pas facile à expliquer. Le vert et argent avait sans doute un plan qui avait germé dans son cerveau de futé. Elle pouvait le deviner par son regard et ce ne serait sûrement pas facile à démentir par la suite.

- Moi ? Officiellement, je suis malade. Mais je crois que tu as bien compris la Vraie raison de ma présence ici …


- On dirait que c’est vachement important le contenu de cette fiole pour que tu te donnes autant de mal, fit-elle, un brin curieuse, toujours en murmurant.

Sasha le jaugea. C’était vrai qu’il semblait en sueur et tout crasseux… Cependant, la fillette savait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences et sûrement pas croire ceux qui appartenaient à la maison du jeune homme. Ça ne faisait pas bien longtemps qu’elle était à Poudlard, mais cette notion était déjà bien ancrée dans son cerveau et était là pour rester. La situation lui posait pourtant problème, mais elle n’allait pas le croire puisque ce n’était que pur mensonge. Sasha savait qu’il savait ce qu’elle savait. L’allusion à la fin de la phrase du serpent était des plus évidentes.

Bien que ce ne fût pas les bonnes circonstances, le Serpent avait un petit sourire aux lèvres tandis qu’il murmurait ces dires. Ce n’était pas justifié et la fille des lions n’aima pas ça du tout. Il devait avoir une idée derrière la tête et ça n’augurait rien de bon pour la fillette. De toute façon, il fallait qu’il se sorte de ce mauvais pas. Il n’avait pas le choix puisque son destin tenait presque dans la main de Sasha. Cependant, la Gryffondor ne pensait pas avoir le dessus sur lui surtout lorsque le Serpent parla. Elle vit alors ses seules portes de secours se refermer.

- Je peux t’aider à trouver ta salle, si tu veux. D’ailleurs, je peux même te fournir une excuse pour ton retard : c’est Flitwick qui m’a envoyé ici. Il sera ravi de voir à quel point tu es soucieuse du bien-être des autres, quand tu m’auras raccompagné jusqu’à sa salle, afin que je puisse le rassurer sur ma santé.

Mouin… L’aider ? Il en avait des bonnes, lui ! Surtout en échange du petit secret qu’il partageait… Par contre, il n’avait pas tort. C’était équitable et surtout, c’était une solution envisageable.

* Il serait vraiment prêt à dire que je serais venue l’aider ? Moi, une Gryffondor ? Son honneur de Serpentard en prendrait tout un coup. Cette fiole doit être vraiment importante ! *

Ces pensées, Sasha aurait aimé qu’il les connaisse, mais elle n’eut pas le temps de les exprimer. Dans une pièce voisine, on entendit du bruit et la fillette sursauta violemment, mais sans aucun bruit. Sa surprise fut plus importante lorsqu’elle réalisa que le vert et argent s’était rapproché d’elle. Elle faillit s’écarter rapidement du garçon lorsqu’il lui glissa la fiole dans une de ses poches. Elle ne put esquisser son geste puisqu’une jeune femme entra dans la pièce. Elle semblait familière à Sasha. Cette dernière se creusa les méninges pour déterminer qui elle pouvait bien être.

* L’infirmière… *

La Gryffondor sentit à peine la pression qu’exerçait le serpent sur son épaule lorsqu’il s’y appuya. Elle avait enfin compris où elle se trouvait.

* L’infirmerie ! *

Elle sortit de ses réflexions lorsque la jeune femme demanda ce qu’il faisait là.

- Je… heu… balbutia la Gryffondor bien que la question ne s’adressait pas à elle. Elle réprima un « Ayoye » lorsque le Serpent augmenta la pression sur son épaule. Seule une grimace parut sur son visage. Il allait le regretter lorsqu’ils seraient sortis de la malencontreuse situation auquel ils étaient confrontés.

- Elle était venue m’apporter les devoirs de Sortilèges. Elle est tombée à pic, comme on dit ! Il parlait de la Gryffondor, bien sûr. Il ajouta : Mais je vais beaucoup mieux, maintenant …

Est-ce que l’infirmière allait être assez naïve pour les laisser partir et croire à ce mensonge ? Si Sasha ne parlait pas pour encourager les dire du vert et argent, sûrement pas. Elle allait aider un serpent à s’en sortir ? Personne n’allait la croire de toute façon. Pour montrer que le garçon disait la vérité, elle sortit les livres de son sac et lui tendit. Ce devait paraître étrange qu’une Rouge et or fasse ça. Très étrange. Comme le vert et argent était déjà bien placé, elle l’empoigna par le cou comme s’il s’agissait de son meilleur ami (ce qui n’était pas le cas, bien sûr).

- Je vais l’emmener sain et sauf, madame. S’il tombe je vais le pousser, je vais le rattraper, fit-elle en faisant un pauvre sourire qui paraissait pourtant convainquant.

L’infirmière parut croire à ce mensonge et Sasha en fut soulagée. Ils allaient pouvoir s’en sortir en fin de compte.

[Ouin.. désolé pour ce rp minable... ]

Emilien était donc tranquillement appuyé sur l’épaule de la Gryffondor, comme si de rien n’était, comme si elle était réellement venue lui donner les devoirs. Il était sûr que, s’il avait pu voir la scène sous un autre angle, ou dans d’autres circonstances, il aurait trouvé ça très drôle. Mais là … Si jamais la Gryffondor ne le suivait pas dans son mensonge, que se passerait-il ? Il lui restait toujours une issue de secours, quoi qu’il arrive. Si la première année disait la vérité, c’est-à-dire qu’il avait volé une fiole et qu’elle n’y était pour rien, elle ne serait pas crédible. La fiole était dans sa poche, et elle n’avait aucune raison d’être à l’infirmerie. Si elle répondait qu’elle n’avait rien à voir avec le Serpentard, mais ne parlait pas de la fiole, Emilien pourrait toujours prétendre qu’il avait essayé de l’aider, de lui éviter des ennuis. Il passerait pour quelqu’un d’honnête, et les adultes appréciaient généralement l’honnêteté. Le seul problème, dans ce cas, ce serait l’essence d’ellébore. Car elle resterait en possession de la Gryffondor, et alors il aurait fait tout ça pour rien. Emilien repartirait avec la fiole, ou la première année le paierait, d’une manière ou d’une autre. Se dire ça, c’était un moyen de se rassurer, de penser à quelque chose dont il avait le contrôle. Parce que dans la situation présente …

*Je vais mourir*

Le cœur du Serpentard battait à tout rompre tandis que l’infirmière les observait, l’air un peu suspicieuse. Puis la Gryffondor acquiesça et lui tendit des livres, pour confirmer l’histoire des devoir qu’elle était censée lui amener, selon les dires d’Emilien. Ce dernier, la remerciant mille fois intérieurement, se contenta de prendre les livres et de lui adresser un « Merci » presque neutre. Ça aurait paru louche qu’il soit excessivement enthousiaste d’avoir du travail supplémentaire … Un frisson lui parcourut l’échine lorsque la première année le prit par le cou, mais il tenta de ne rien en montrer, ni à l’infirmière, ni à la Gryffondor – ce qui était un peu plus difficile. Après tout, c’était lui qui avait commencé, c’était son idée à la base, alors s’il commençait à faire des difficultés … L’infirmière paraissait réfléchir, et Emilien priait pour qu’elle les croie. Et si jamais elle lui demandait de rester ? Il aurait l’air fin ! Avec les livres de la Gryffondor, et cette dernière avec sa fiole. Il suffirait de faire l’échange plus tard, mais … Alors qu’Emilien était prêt à tout pour reprendre l’essence d’ellébore, ce n’était peut-être pas le cas de la première année pour ses livres. Elle avait compris que c’était important pour lui. Si jamais elle essayait de lui faire du chantage ? Non, elle n’oserait pas. Il était plus âgé, paraissait sûr de lui …

Ce fut un vrai soulagement lorsque l’infirmière déclara qu’ils pouvaient partir. Emilien avait un peu de mal à y croire, mais finalement, c’était ce qu’il voulait, non ? Il aurait voulu faire un grand sourire, mais il ne fit qu’un petit sourire un peu faible, comme s’il était encore malade – juste un peu. Les deux élèves firent donc demi-tour, direction la sortie ! Emilien marchait lentement, quitte à ralentir plus que nécessaire, bien qu’il soit plus que pressé de sortir enfin de là. Ce serait suspect, s’il se mettait à courir vers la sortie. Mais la distance entre lui et la porte lui paraissait interminable, pire encore : on aurait dit qu’elle ne diminuait pas ! Et si l’infirmière changeait d’avis ? A l’instant où cette pensée lui venait à l’esprit, une voix retentit dans leur dos :

- Un instant !

Emilien s’arrêta net, tendu au maximum. Extérieurement, ça ne se voyait, mais la Gryffondor, qu’il n’avait pas lâchée, devait bien s’en rendre compte. D’ailleurs, son cœur s’était remis à battre si fort qu’il lui semblait qu’on devait l’entendre à dix mètres à la ronde. Il se retourna presque naturellement. Pourquoi n’avait-elle pas changé d’avis Après qu’ils aient passé la porte ? Le Serpentard aurait eu envie de partir en courant, mais malheureusement, l’infirmière avait son nom inscrit sur son foutu registre. Et puis, il y avait le papier de Flitwick, avec son nom encore une fois. L’infirmière avait-elle fini par se rendre compte que c’était louche qu’une élève lui apporte les devoirs ? S’était-elle souvenue que la Gryffondor n’était pas en deuxième année ? Non, comment aurait-elle pu le savoir … Aucun moyen … Alors, quoi ?

- Backhand, tu oublies ton sac.

Par Merlin, c’était idiot ! Il avait été tellement pressé de quitter l’infirmerie qu’il n’avait même plus pensé à son sac, posé à côté du lit qu’il avait occupé quelques minutes. Le Serpentard eut un petit rire nerveux, remercia l’infirmière qui lui tendait son sac et le mit sur son épaule. Heureusement qu’ils n’étaient pas partis trop vite, se disait-il pendant qu’il rangeait les livres dans son sac. Après avoir vérifié qu’il n’oubliait rien d’autre, il reprit le chemin de la sortie avec la Gryffondor, cette fois en appuyant légèrement sur son épaule pour la faire avancer plus vite. Tant pis pour ses résolutions premières, il n’allait pas marcher aussi lentement toute sa vie. Et puis, il ne courait pas, quand même. Cette fois, l’infirmière n’ajouta plus rien et les laissa partir. Soulagé, une fois dans le couloir, Emilien s’accorda un soupir et lâcha enfin l’épaule de la première année. Malgré tout, il n’était pas encore tranquille … Tant qu’ils étaient à proximité de l’infirmerie …

- Et si jamais elle change d’avis ? fit-il à voix basse.

Il n’y avait personne dans le couloir. Regardant droit devant lui, il ajouta avec un rire nerveux, comme celui qu’il avait eu à l’infirmerie :

- J’préfèrerais m'en aller en courant.

Mais certainement pas tout seul, de quoi aurait-il l’air ?

Sasha ne croyait pas à cette porte de sortie, mais elle allait faire avec. Ils allaient pouvoir tous les deux se sortirent de cette impasse inconfortable. Elle en était soulagée et elle voyait que c’était pareil pour le Vert et argent. Tout dans son regard l’exprimait. Lui aussi allait pouvoir enfin quitter la salle sans encombres. Il ne serait pas puni pour son geste ce qui était vraiment dommage. En même temps, la Gryffondor était liée à ce garçon. Si elle le dénonçait, elle était aussi dans le pétrin. C’était la raison pour laquelle elle n’avait rien révélé à l’infirmière bien que ça l’eut tenté à de nombreuses reprises. Elle ne pouvait pas se permettre d’être encore dans le trouble. Elle qui déjà allait avoir de sérieux ennuis lorsqu’elle allait se pointer dans la salle de cours avec plusieurs longues minutes de retard. C’était pratiquement certain qu’elle allait écopé d’une bonne heure de retenue. Bien sûr, elle n’en avait aucune envie.


Un instant !

Les deux enfants avaient presque franchi la porte lorsque la voix de l’infirmière lui parvint aux oreilles. Elle se figea immédiatement sur place. Une horrible pensée traversa son esprit. La jeune femme avait compris la supercherie ! Ce n’était pas possible et en même temps, oui. Sasha n’avait jamais su jouer la comédie à la perfection. Il y avait sûrement dû y avoir des lacunes dans son interprétation d’une bonne amie du Serpentard. Ils étaient fichus ! Finis ! Bon pour le renvoie ! La fille des lions avait beau être courageuse, elle allait fondre en larme si elle devait quitter le château. Elle jeta un coup d’œil à son compagnon qui était toujours accroché à son épaule. Il semblait aussi terrifié qu’elle. Encore une fois, rien ne transparaissait, mais un seul regard avait pu lui dire. Apparemment, l’infirmière n’avait rien vu de leur panique intérieure.

Backhand, tu oublies ton sac.

C’était tout ? Il lui sembla en effet que c’était tout. Tout d’un coup, les muscles de Sasha se détendirent. Elle avait eu peur pour rien. Elle eut un petit rire nerveux que seul le Vert et argent entendit. Elle voulait à tout prix sortir de l’infirmerie à présent. Ils n’étaient pas encore en sécurité tant qu’ils foulaient encore le sol de cette pièce. Le vert et argent s’empressa donc au grand soulagement de la Gryffondor de prendre le sac que lui tendait l’infirmière. Le temps semblait suspendu à présent. Ses gestes étaient trop lents à son goût. Bien trop lentement, il regarda s’il avait toutes ses affaires. Il sembla que oui, car il la fit tourner de côté et puis, face à la sortie. Le Serpent avait le pas plus certain à présent et pressa de nouveau l’épaule de la fillette. Il voulait aller plus vite. Sasha ne se le fit pas dire deux fois et pressa le pas. Bien qu’ils allaient plus vite, ça n’avait pas l’air suspect pour un spectateur. Heureusement.

Le dénommé Backhand et la Rouge et or étaient à présent dans le couloir. Le garçon des verts lâcha enfin son épaule. Un poids supplémentaire s’en allait et Sasha était plus que soulagée à présent.

- J’ai bien cru qu’elle ne nous laisserait jamais partir, lui murmura-t-elle.


- Et si jamais elle change d’avis ?

C’était ce qu’il avait dit à voix basse. C’était une possibilité envisageable, mais maintenant Sasha ne pensait pas vraiment que l’infirmière allait leur demander de revenir. Il fallait cependant être encore prudent et ne pas prendre leur sortie à la légère. La jeune femme pouvait très bien passer la tête par l’ouverture de la porte et leur demander de revenir pour on ne sait quel raison. Il valait mieux ne plus se trouver là si elle avait cette idée.

- J’préfèrerais m'en aller en courant.

Cette option que le Vert et argent prononça était des plus tentantes. Elle lui fit signe qu’elle l’acceptait, mais comme il ne bougeait pas, hésitant, elle empoigna son bras et commença à courir à en perdre haleine dans le long couloir du premier étage. Bien vite, ils purent s’éloigner de l’infirmerie et arrivèrent à une bifurcation qui les protègeraient un certain temps du regard de l’infirmière.

- On la échapper belle, dis donc, fit-elle en reprenant son souffle dès qu’ils s’arrêtèrent.

* Ah oui, c’est vrai. C’est de sa faute tout ça ! *

- Mais c’était quoi l’idée aussi d’aller voler une fiole chez l’infirmière, fit-elle un peu en colère. Elle avait vraiment le goût de lui envoyer une claque derrière la tête, mais elle se retint de peu. Qu’est-ce qu’elle a de si important pour ainsi risquer de se faire prendre ? lui dit-elle sèchement.

Ce n’était pas la première fois qu’Emilien volait quelque chose. Lorsqu’il était encore plus jeune, dans le village où habitait son père, il avait eu l’occasion à plusieurs reprises d’envisager un vol, et de passer à l’action. Plusieurs fois, ça n’avait été qu’un jeu. Il n’aurait même pas su expliquer pourquoi il le faisait. Certes, il n’avait pas d’argent de poche et n’aurait donc jamais pu se payer ce qu’il volait, mais ce n’était pas une bonne raison. Il n’avait pas un besoin vital des choses qu’il dérobait. Alors pourquoi ? Peut-être pour toutes les sensations que ça provoquait, l’adrénaline, la peur, le soulagement, le sentiment d’avoir gagné. Il y avait toute la phase de préparation, pendant laquelle il observait les lieux, les personnes qui y passaient régulièrement, réfléchissait à un plan. Puis la mise en route de ce même plan, la discrétion dont il devait faire preuve, la peur et les battements de cœur effrénés. Enfin, la fuite, plus ou moins discrète, plus ou moins rapide, et toujours le soulagement, la victoire, la réussite. Dans la situation présente, c’était différent. Premièrement, s’il se faisait prendre, les conséquences seraient bien plus importantes. Quand il était petit, il ne s’en était jamais soucié, il n’en avait pas pris conscience peut-être. Mais il pourrait se faire renvoyer de Poudlard, ce qu’il ne supporterait pas. Et puis, là, il ne le faisait pas au hasard. Pas simplement pour le fait de voler quelque chose, non, il y avait une suite à tout ça. Seuls Isaac et Samael le savaient.

Mais enfin, c’était terminé. Ils étaient sortis de l’infirmerie, certes après une frayeur lorsque l’infirmière l’avait rappelé, mais ils avaient réussi. Ils pouvaient souffler. Un instant l’idée que l’infirmière puisse fouiller son armoire et constater la disparition de la fiole vint à l’esprit d’Emilien, ce pourquoi il proposa de s’en aller rapidement. Parce que si l’infirmière les retrouvait aussitôt, elle pouvait les fouiller, et elle trouverait automatique la fiole. Si c’était la Gryffondor qui l’avait, Emilien pouvait être pris pour un complice … Alors que si elle ne s’en rendait compte que plus tard, le Serpentard aurait déjà eu le temps de la cacher, voire de s’en servir, et elle n’aurait aucune preuve. Quant à la Gryffondor … Elle n’avait pas intérêt à parler. Qui la croirait ? Mais il fallait s’en assurer. S’en faire une amie, peut-être ? Emilien n’aimait pas l’idée de manipuler qui que ce soit – du moins pas à propos de sentiments – et de plus, il savait qu’il n’avait pas intérêt à s’afficher avec une élève de cette maison. Le deuxième année était déjà assez mal vu comme ça.Pour son amitié avec Lucy, mais aussi et surtout celle avec Bill, qui était à Poufsouffle. Malgré tout, c’était une option à envisager, et qui n’était pas si désagréable que ça, étant donné que la Gryffondor ne paraissait pas idiote. Enfin, de toute façon, ça ne se ferait pas en un jour …

D’ailleurs, elle l’approuva lorsqu’il parla de partir en courant, et comme il ne réagissait pas assez vite, lui prit le bras pour l’entraîner à sa suite. Emilien n’hésita pas plus et se mit à courir lui aussi. On a déjà vu qu’il courait vite, lorsqu’il s’était perdu dans la forêt interdite, par exemple. Ce jour-là, il avait couru trop vite, et Lucy était restée en arrière, tandis que lui atteignait la sortie. Il avait donc dû revenir sur ses pas pour la retrouver, ce qui ne serait jamais arrivé s’il lui avait pris le bras, comme la Gryffondor l’avait fait. Avec un petit sourire pensif, il se demanda s’il aurait osé le faire. Certes, c’était sa meilleure amie, mais … Avec un peu de recul, ça le faisait plutôt rire, c’était comme les enfants qui étaient gênés au moindre contact avec une personne du sexe opposé. C’était très mignon, mais un peu puéril … Enfin, à douze ans, on pouvait bien se permettre de l’être un peu, puéril. Avec la Gryffondor, ce n’était pas la même chose. Pour commencer, elle était plus jeune que lui, donc si l’un des deux devait être intimidé, ce n’était certainement pas Emilien. De plus, c’était plus naturel, il lui semblait. Il n’avait pas hésité à s’appuyer sur son épaule à l’infirmerie, mais d’un autre côté, il n’avait pas eu le choix. Toutes ses réflexions hautement philosophiques furent interrompues lorsque les deux élèves s’arrêtèrent au détour du couloir.

Alors qu’il reprenait tranquillement son souffle, à présent qu’il était certain d’être sauvé, la Gryffondor déclara qu’ils l’avaient « échappé belle ». Emilien acquiesça en silence, tout en partant sur une autre réflexion. Maintenant, il fallait qu’il récupère sa fameuse fiole, mais ça ne serait sans doute pas facile. Et si la Gryffondor était dans le genre têtue ? Si elle ne voulait pas la lui rendre ? Dans ce cas, tant pis pour elle, il la prendrait de force. Sans lui faire de mal, il n’en avait pas l’intention, de toute façon il était plus fort qu’elle, c’était évident. Elle avait tout à y perdre, d’après lui, puisque si elle faisait ça, non seulement il ne lui indiquerait pas le chemin pour se rendre à son cours, mais en plus il ne lui servirait pas d’excuse pour son retard. Pour lui, il n’y avait pas d’autres options à prendre en compte. Mais il n’avait pas non plus pensé qu’on le dérangerait pendant qu’il fouillait l’armoire, à l’infirmerie … Encore heureux qu’il ait trouvé ce qu’il cherchait ! Soudain, la Gryffondor lui demanda pourquoi il était allé voler quelque chose à l’infirmerie, l’air un peu … énervée. Ce qu’elle avait d’important ? Emilien, qui aurait presque été prêt à quitter la Gryffondor en bons termes, se trouva légèrement décontenancé par le ton sec qu’elle employait.

- Attends un peu, répliqua-t-il en fronçant les sourcils. Je te rappelle que si t’avais pas débarqué, je retournais tranquillement à ma place, et l’infirmière se doutait de rien ! En plus, sans moi, soit l’infirmière t’aurait engueulée pour ne toujours pas savoir où est ta salle de cours et être entrée sans frapper, soit tu serais toujours en train de chercher ta salle, paumée je ne sais où dans les couloirs.

Il ne fallait pas inverser les rôles, non. Alors comme ça, ce serait de sa faute ? Et puis quoi encore ? Son plan était parfaitement prévu, mais elle avait tout perturbé ! Certes, c’était Lui le voleur, mais après ? En quoi ça la regardait ? Emilien ne comptait absolument pas lui raconter à quoi servirait l’essence d’ellébore. Ils n’étaient pas amis qu’ils sachent, et même ! Il ne l’aurait certainement pas avoué à Lucy non plus, peut-être Bill, quoique … Il n’aurait pas approuvé non plus … Peu importait.

- Tu veux savoir à quoi ça me sert ? Tu peux courir ! Parce que je n’ai pas l’intention de te le dire, c’est moi que ça regarde, et moi seul.

Il croisa les bras et ajouta :

- D’ailleurs, puisqu’on parle de la fiole, rend-la moi.

À présent que la Rouge et or se trouvait seule dans le couloir avec Backhand, elle retrouvait tranquillement ses esprits et elle n’était pas contente du tout. C’était de la faute du garçon s’ils avaient été tous les deux en situation problématique. Peu importait ce qu’il disait pour se défendre, il aurait mérité qu’elle le dénonce. Elle aurait bien aimé l’entraîner dans sa chute. Cependant, sa situation à elle ne le lui permettait pas. C’était bien dommage. Une petite vengeance entre les maisons n’aurait pas fait de tort à qui que ce soit. Les Gryffondor auraient juste été acclamé pour son courage avec de grands applaudissements. Cependant, elle n’en avait rien fait, mais pouvait toujours être désagréable avec le gamin des verts.

- Attends un peu, répliqua-t-il en fronçant les sourcils. Je te rappelle que si t’avais pas débarqué, je retournais tranquillement à ma place, et l’infirmière se doutait de rien ! En plus, sans moi, soit l’infirmière t’aurait engueulée pour ne toujours pas savoir où est ta salle de cours et être entrée sans frapper, soit tu serais toujours en train de chercher ta salle, paumée je ne sais où dans les couloirs.

- Oh !!! Et maintenant, c’est ma faute ?!?!? Pour qui tu te prends toi ? J’aurait dû te dénoncer. Tu l’aurais mérité !!! dit-elle d’un ton féroce. Elle n’allait certainement pas se laisser faire par le garçon. J’aurais cent fois mieux être encore perdue dans les couloirs que de t’avoir aidé, dit-elle encore plus fort.

Les yeux marrons de la fillette lançaient à présent des éclairs. Elle aurait bien aimé le découper en rondelle et aller le déposer à la lisière de la forêt interdite. Ça aurait certainement fait du bien au caquet du Serpent !

- Tu veux savoir à quoi ça me sert ? Tu peux courir ! Parce que je n’ai pas l’intention de te le dire, c’est moi que ça regarde, et moi seul.

- Ah oui ? Peut importe le secret que cette fiole contient, je vais le découvrir, fit-elle avec un petit sourire au coin de la bouche. Je veux pas avoir risquer quoi que ce soit pour rien moi ! Avec la honte que j’ai eu ! Aider un serpent ? Je dois faire de la fièvre!

- D’ailleurs, puisqu’on parle de la fiole, rend-la moi.

Sasha le jaugea quelques instants. Elle n’avait aucune envie de lui rendre la fiole sauf qu’elle avait une preuve de culpabilité. Si elle ne le lui rendait pas, Backhand (elle ne connaissait toujours pas son prénom) allait faire croire que c’était elle qui l’avait volé. La Gryffondor n’aurait alors aucune preuve que ce n’était pas la vérité surtout si elle la possédait encore à ce moment là. Dans cette histoire, elle avait tout à perdre.

- Pas avant que je sache c’est quoi !

Prenant dans sa main droite le flacon, elle lut ce qu’il y avait dessus.

* Essence d’ellébore … Mais c’est quoi ça ? *

Sasha ignorait totalement ce que c’était et son regard perplexe put tout dire au garçon.

- Je te jure que tu t’en tireras pas comme ça ! C’est moi qui te le dit ! fit-elle, malicieuse.

Elle lui tendit alors la fiole. Elle n’en avait plus besoin à présent. Sasha savait ce qu’elle contenait. C’était déjà ça. Le Vert et argent ne lui dirait sûrement pas pourquoi il l’avait volé, mais elle trouverait. Elle en était certaine !

- Bon, maintenant. On a convenu d’un marché. Où est ma classe ?

* C’est ce qu’on appelle passer du coq à l’âne… *

Maintenant qu’ils s’étaient éloignés de l’infirmerie et étaient, à priori, à l’écart des oreilles indiscrètes – il n’y avait pas de salle de classe dans les environs – ils pouvaient enfin dire ce qu’ils pensaient réellement. Et ça se révélait plus désagréable que prévu. Emilien avait pensé qu’ils se contenteraient de se rendre jusqu’à la salle de cours de la Gryffondor, qu’elle lui donnerait la fiole et qu’ils se quitteraient en presque bons termes, sans avoir rien à se dire de plus. Ça aurait été parfaitement … normal. Après tout, ils ne se connaissaient pas, s’étaient croisés par hasard, ne s’appréciaient pas particulièrement. Ils avaient juste eu besoin de l’aide de l’autre pendant un court instant, et ça s’arrêtait là. Emilien se fichait pas mal de ce que pourrait devenir la première année par la suite, ça ne regardait qu’elle. Alors pourquoi la Gryffondor se mêlerait de ses affaires ? Surtout qu’elle était moins âgée que lui, elle ferait mieux de se taire et de faire ce qu’il lui disait, point. Ce pourquoi quand elle lui avait demandé pourquoi il avait volé la fiole, il lui avait répondu que ce n’était pas ses affaires. Non mais, sans blague … Comme s’il allait Tout lui raconter …

Alors qu’il lui avait rappelé qu’il n’y aurait eu aucun problème si elle n’avait pas été là, la Gryffondor s’énerva davantage, prétendant que c’était de sa faute à lui, et qu’il aurait mérité qu’elle dénonce. Ah, oui, et pourquoi donc ? Qu’est-ce que ça lui aurait apporté de le dénoncer ? Un plaisir personnel ? De toute façon, avec la fiole dans sa poche, elle n’était pas en position de tout dévoiler à l’infirmière. On ne l’aurait jamais crue. Plus il réfléchissait, plus Emilien se disait que même dans quelques jours, quand il aurait caché la fiole, elle ne pourrait rien dire. On ne la croirait toujours pas. Aurait-elle une preuve ? Certes la fiole aurait disparu de l’armoire de l’infirmerie, mais plusieurs choses pouvaient l’accuser, elle. Premièrement, elle savait ce que contenait la fiole, et où elle avait été prise. Deuxièmement, elle était présente à l’infirmerie au moment du vol, sans aucune raison valable et prouvable. Troisièmement, elle avait menti à l’infirmière, et ne pourrait pas prouver qu’Emilien l’y avait forcée. Enfin, elle sous-estimait sans doute la capacité du Serpentard à inventer une histoire qui tiendrait la route, et qui la désignerait comme seule coupable, et lui comme victime presque innocente.

Oui, sa décision était prise. Il n’était absolument pas question qu’il aide cette sale gamine prétentieuse ! Si encore elle lui avait simplement rendu la fiole, sans faire aucun commentaire, sans doute aurait-il honoré sa part du « marché » ! Mais il avait fallu qu’elle s’énerve, qu’elle se mette presque à crier dans les couloirs – heureusement qu’il n’y avait personne à cet étage ou presque – et qu’elle ajoute qu’elle avait honte d’avoir aidé un Serpentard. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase, comme on dit : si elle l’attaquait sur sa maison, qu’elle ne compte plus sur lui pour l’aider. Elle voulait jouer à ça ? Alors elle devait savoir que les Serpentard, non seulement méprisaient profondément les Gryffondor, mais n’étaient pas réputés pour tenir leur parole ! Rusés, roublards, prêts à tout pour arriver à leurs fins. Emilien s’était juste servi d’elle, il lui avait promis de l’aide, mais il n’irait jamais jusqu’au bout de son « engagement ». Et ça, c’était entièrement de la faute de la première année, pas de la sienne. Emilien n’était pas malhonnête, il était juste susceptible et impulsif.

- Mais pour qui tu te prends, toi ? Qui tu crois que tu es pour décider si je mérite d’être puni ? Tu te crois donc si supérieure pour avoir honte d’aider un Serpentard ? Petite prétentieuse égocentrique ! Le monde ne tourne pas autour de toi, tu sais : peu importe que ta petite personne ait risqué quoi que ce soit. Il n’y a eu aucun problème, non ? Alors qu’est-ce que ça peut te faire ! Cette histoire est terminée, passe à autre chose, parce que tu ne signifies déjà plus rien, pour moi.

Il avait commencé par parler aussi fort que la Gryffondor, puis avait progressivement baissé la voix. S’il exprimait de la colère au début, ça n’avait plus été que du mépris à la fin. Emilien avait récupéré sa fiole – même si elle ne la lui avait donnée, il la lui aurait prise de force – et n’avait à présent plus rien à faire avec la première année. Elle lui rappela alors qu’il lui avait promis de lui montrer où était sa salle, et même de fournir une excuse pour son retard auprès de Flitwick. Mais comment pouvait-elle encore espérer qu’il tiendrait sa parole, après qu’elle ait été si désagréable et presque insultante ? Si elle croyait vraiment qu’il allait le faire …

- Je te croyais plus maligne que ça, siffla-t-il toujours avec mépris. Je n’ai plus besoin de toi, et je vois pas pourquoi je t’aiderais, après ce que tu as dit. T’aurais mieux fait de te taire ! Maintenant, débrouille-toi toute seule.

Sur ce, Emilien se remit à marcher et se dirigea vers les escaliers les plus proches.

[Désolée du retard … À toi de voir si Sasha laisse tomber ou insiste encore ^^]