Kilian ne donnait plus dans le mondain depuis sa séparation avec Liliana deux ans auparavant. Peut-être avait-il été refroidit par ce qu'il avait découvert dans son monde, ou peut-être tout simplement que sans elle, il n'avait plus le coeur à ces inepties. S'il avait fait tout cela c'était pour elle, maintenant il pouvait se passer de ce genre d'évènements, sa présence n'était pas requise. Sans compter qu'il ne pouvait vraiment plus souffrir de voir Rogue se pavaner comme s'il était le maître des lieux et les Carrows s'en prendre aux moins chanceux.
Le début d'année n'avait pas été de tout repos pour Kilian, comme pour la plupart des malheureux dont le statut de sang n'était pas tout à fait clair. Kilian était un sang-mêlé, d'après le peu qu'il en savait, mais son père biologique lui avait fait clairement comprendre qu'il n'avait pas de place pour lui dans sa vie et le serpent ignorait si son géniteur consentirait à confirmer sa lignée. Le vert et argent se faisait donc discret malgré la haine grandissante qu'il ressentait envers le nouveau fonctionnement de Poudlard.

Ce soir, il avait ignoré ses compagnons de chambre en train de se préparer et de plaisanter vulgairement sur leurs cavalières et ce qu'ils esperaient en tirer.

*Bande de crétins*

Kilian aimait les femmes et il les respectait. C'était d'ailleurs assez étonnant quand on considérait ses rapports avec autrui, il pouvait être aussi infecte que chaleureux selon la personne à laquelle il s'adressait et, pour une raison obscure, peut-être parce qu'il n'avait jamais connu sa mère, il vénérait, en tout bien tout honneur bien sûr, la gente féminine. Il avait aimé Lily, il avait aimé son caractère de tigresse, il avait aimé ses faiblesses, il avait aimé être son confident et celui qui avait le pouvoir de lui remonter le moral. Rien ne valait le sourire d'une fille, il en était persuadé et il s'efforcait toujours de se comporter en parfait gentleman avec chacune d'entre elle.

Ce qui n'était de toute évidence pas le cas de ses compagnons de chambré. S'il avait connu personnellement l'une de leur cavalière il aurait tout simplement mis son poing dans le visage de celui qui osait parler d'elle ainsi. Mais ce n'était pas le cas et Kilian était las des causes perdues...

Alors que les autres avaient déjà disparu depuis longtemps et qu'un silence inhabituel mais reposant regnait dans les cachots, Kilian regardait le plafond, pensif.

Jusqu'ici il ne s'était jamais posé de question sur son avenir, mais à présent, celà l'obsedait. Il avait peur de l'avenir et de ce qu'il pouvait bien lui reserver; une peur sourde et lanscinante qui avait élue domicile au fond de son estomac et qui avait l'air de trouver l'endroit confortable.

Kilian soupira . S'il y avait eu une fenetre dans sa chambre, il serait sûrement allé s'installer devant pour admirer le ciel, mais bien évidemment chez les serpentards, on ne regardait pas les étoiles.

*Et bien moi je vais les voir, et Salazar je l'enmerde !*

Agacé, Kilian attrapa sa cape et mis sa baguette dans la poche arrière de son jean avant de prendre la direction de la tour d'astronomie, à l'autre bout du chateau.

Il grimpa les escaliers quatre à quatre, se sentant étrangement oppressé entre ces murs. Enfin il arriva et se figea en remarquant que quelqu'un avait déjà pris possession des lieux. Il recula, prêt à faire demi-tour avant de déranger un couple dans sa séance de bécotage, mais il ne partit pas. Il avait entendu les quelques notes fredonnées qui flottaient dans les airs, et, curieux, il se rapprocha.

Une jeune fille dansait, seule, dans ses plus beaux atours, sur une valse improvisée.

Profitant qu'elle ne l'avait pas remarqué, Kilian plissa les yeux pour la détailler. Il la connaissait, Clarisse, une serdaigle de son année. Elle avait eu une histoire avec un des Bowers, mais cela semblait être de l'histoire ancienne.

En temps normal, Kilian l'aurait qualifiée de jolie, mais ce soir là elle était tout simplement ravissante. Elle semblait presque iréelle, sortie de nul part, comme dans un rêve.

Kilian ouvrit la bouche pour parler mais n'eut pas la force de briser cet instant. Il se sentait de trop avec son jean et son pullover brun. Un insecte à côté de la grâce qu'elle représentait. Et puis, que pourrait-il lui dire ? Que c'était une honte qu'une si jolie fille ait à danser seule ? C'était certain mais cela paraitrait déplacé.

Pris d'une impulsion soudaine, le serpentard s'avança, ne souhaitant plus cacher sa présence. Lorsqu'il croisa son regard, il s'avança et lui tendit la main:
"Me ferez-vous l'honneur, gente demoiselle ?" Invita-t-il, charmeur.

Il n'avait rien à perdre. Il était bon danseur et il était toujours mieux ici en sa compagnie que seul dans son dortoir étouffant. Et puis ils se connaissaient, même sans être proche, elle devait bien savoir qu'elle n'avait rien à craindre de lui. Il était de notoriété publique que Kilian était un serpentard attypique, même s'il le montrait moins.

"Si tu préfères, je peux m'en aller... je me disais juste que ca pourrait être agréable de partager une danse, je ne t'écraserai pas les pieds, promis !" Dit-il avec un sourire malicieux.

Il lui tendit à nouveau la main et attendit.

Clarisse tourbillonnait depuis quelques minutes déjà, au rythme lent et régulier d'une valse imaginaire qu'elle était seule à entendre. Elle n'était plus seule, dansant par un soir froid de Noël au sommet d'une tour vidée de ses occupant, abandonnée aux caresses timides du vent. Non, elle se voyait dans une salle de bal immense au parterre bien lustré pour faciliter le glissement des chaussures, un orchestre jouait pour son seul plaisir donnant à la musique tout son sens. Il n'y avait personne, elle était seule, jusqu'à ce qu'un homme en costume ne s'approche d'elle un sourire aux lèvres et lui propose silencieusement son bras. Alors ils se mettaient à tournoyer tous les deux au son de la musique et les notes retentissaient plus vraies que nature aux oreilles de la Serdaigle. Elle ne voyait pas le visage de son partenaire, elle ignorait qui il pouvait bien être mais au fond quelle impotance? Il était le simple produit de son imagination, venu tout droit d'un conte de fée pour la faire danser, encore et encore, jusqu'à ce que ses pieds deviennent douloureux, jusqu'à ce qu'elle se lasse, fatiguée de cette éternelle répétition. Alors elle saluerait son cavalier, le remerciant d'un signe de tête gracieux, murmurerait quelques mots à l'oreille du chef d'orchestre pour le féliciter et s'éloignerait sans doute en direction du bar où elle prendrait un verre de quelque chose pour se rafraîchir. Puis elle sortirait, enlèverait enfin ses chaussures à talon objet de sa torture et descendrait des marches, les escarpins en mains et le sourire aux lèvres. Le décors changerait, elle se retrouverait dans un jardin à la française, les échos d'une nouvelle danse lui parvenant encore de loin. Alors, l'envie de s'évader la saisirait et elle étendrait ses ailes ...

En ces temps sombres, l'imagination n'avait pas quitté la jeune fille, et même si elle se plongeait moins souvent dans des contemplations inaccessibles aux simples mortels, elle savait toujours créer cette bulle merveilleuse, rejoindre ce monde imaginaire dont elle était seule maîtresse. Elle se rendait compte bien sûr que fuir la réalité n'avait jamais été une solution. Simplement elle ne considérait pas ça comme une fuite et prenait garde de maintenir des attaches avec le monde des autres, celui dans lequel elle était juste Clarisse McBrien, minable petite élève de Serdaigle. Elle connaissait le danger de ne vivre que dans ses rêves pour s'y être laissée prendre une fois. Certes, l'idée était séduisante et parfois elle se demandait avec pertinence quel monde était le "vrai" et sur quels arguments se baser pour trancher. A l'heure actuelle, elle avait décidé que les deux existaient dans deux réalités différentes et que par conséquent ce qu'elle vivait dans l'un comme dans l'autre était "vrai", simplement pas dans la même dimension, l'un étant avant tout matériel et l'autre spirituel. Par conséquent, il était important de ne pas donner plus d'importance à l'un qu'à l'autre et de s'impliquer de manière égale. C'est ce qui lui permettait de ne plus sombrer intempestivement pendant les cours où à table mais de planifier en quelque sorte son passage d'un monde à l'autre, de décider quand et pour combien de temps elle s'abandonnait à ses rêves.

Les yeux clos et l'esprit ailleurs, perdue dans la valse des notes, elle n'entendit pas quelqu'un monter avec empressement les marches conduisant à la terrasse, pas plus qu'elle ne vit la silhouette du garçon s'arrêter au sommet de l'escalier, stupéfait de trouver quelqu'un ici à cette heure où les gens normaux profitaient du bal. Théoriquement, tout le monde aurait dû se trouver dans la Grande Salle où dans le pire des cas enfermé dans son dortoir. Clarisse n'était pas tout le monde, il serait temps que vous le compreniez...

"Me ferez-vous l'honneur, gente demoiselle ?"

La dernière note resta en suspend, et la jeune fille s'immobilisa, restant figée dans sa position. Elle ne l'avait pas entendu approcher. Ouvrant les yeux avec surprise, il lui fallut bien quelques secondes pour revenir dans le monde matériel et reconnaître Kilian Doyle, Serpentard atypique de son année. Le garçon vêtu à la mode moldue de tous les jours, tendait vers elle une main engageante. La Serdaigle hésita un instant. Elle était furieuse que quelqu'un ait l'audace de venir perturber sa soirée et surtout que l'imposteur vienne ici, sur son territoire. L'envie de le faire déguerpir en troisième vitesse lui traversa l'esprit, jusqu'à ce qu'elle se rende compte que ce n'était pas exactement l'attitude à adopter. Son animae lui jouait des tours de ce genre parfois, manifestant son mécontentement et ses émotions à travers des envies bizarres. Cependant, le garçon ne semblait pas hostile mais tout au contraire disposé à lui offrir un cavalier matériel ce qui était tout aussi bien. Reléguant sa colère au fond de son esprit, elle se déraidit un peu et prit une pose plus conventionnelle. Il aurait été malheureux que quelqu'un découvre son secret pour une simple histoire de danse.

"Si tu préfères, je peux m'en aller... je me disais juste que ca pourrait être agréable de partager une danse, je ne t'écraserai pas les pieds, promis !"

Cette dernière remarque acheva de la convaincre. Au pire, elle pourrait toujours laisser libre cours à ce sentiment possessif qui l'avait envahi un peu plus tôt. La tour d'astronomie était Son territoire et elle supportait difficilement qu'un intrus s'y pavane. Elle pouvait cependant faire l'effort de le considérer comme son hôte et remettre à plus tard son assassinat. Sans lui sourire pour autant, et lui offrant son masque d'impassibilité de tous les jours, elle daigna tout de même poser sa main sur celle tendue, signe qu'elle acceptait l'invitation.

"J'accepte volontier. Je ne m'attendais simplement pas à ce que quelqu'un passe par ici et me surprenne ... tout le monde est en bas..."

Oui elle avait un peu honte que quelqu'un l'ait vue ainsi abandonnée et tout à fait vulnérable. S'il s'était agi de quelqu'un de mal intentionné, il aurait pu en profiter pour lui lancer un sort ou que sais-je encore. Elle ne savait pas trop quoi ajouter, ils se côtoyaient depuis cinq ans maintenant sans avoir discuté plus que ça. Elle savait qu'il était sorti avec Vanlook quelques temps et que les autres verts ne l'appréciaient pas tellement, lui reprochant de ne pas se comporter Serpentard pur et dur. Devait-elle l'appeler Doyle ou Kilian? L'un lui semblait légèrement péjoratif et l'autre bien trop intime. Peut être était-ce l'occasion d'apprendre à le connaître. Seulement il ne fallait pas compter sur elle pour lancer la discussion, à ce niveau-là elle était bien trop mauvaise et inexpérimentée.

"En fait tu tombes plutôt bien, j'attendais justement que quelqu'un se décide à m'inviter."

Pourquoi venait-elle de dire ça? Elle l'ignorait, c'était sorti tout seul. Elle se rapprocha du garçon, assez pour pouvoir poser sa main gauche sur son épaule tandis que le jeune homme refermait ses bras autour d'elle, mais pas trop, les contacts physiques n'ayant jamais été son truc. (D'où l'intérêt des rêves..) Mais bon, pour le bonheur d'une danse, elle faisait l'effort. Ce n'était pas pareil, c'était la convention alors ça ne la dérangeait pas. Relevant la tête elle croisa brièvement le regard sombre du jeune homme avant de lui demander par pure politesse.

"Je ne connais pas beaucoup d'airs différents, mais je peux siffler si tu veux, pour le rythme, j'espère que tu as assez d'imagination pour le reste. par quelle danse veux-tu commencer?"

Elle lui offrit un très petit sourire, pour lui montrer qu'elle n'était pas totalement hostile et qu'elle commençait même à apprécier sa présence. Seulement tandis que les dernières paroles franchissaient ses lèvres, elle fut frappée par ce qu'elle venait de dire et se raidit aussi sûrement que si on l'avait pétrifiée. Un nuage de tristesse masqua ses prunelles. C'était presque mot pour mot ce que lui avait dit Aïlin une éternité plus tôt sur le terrain de Quidditch, le jour où il l'avait invitée pour le bal, le jour où il l'avait embrassée pour la première fois. Tout lui revint en un éclair, la douceur de ses lèvres sur les siennes, la chaleur de ses paroles, la tendresse de son étreinte... Pourquoi fallait-il qu'il refasse surface maintenant? Troublée, elle lâcha son cavalier qui ne devait rien y comprendre et se détourna pour essuyer la larme salée qui perlait au coin de son oeil droit. La traitresse. Pourquoi diable Aïlin Bower la hantait-il dès qu'il en avait l'occasion? Elle s'était pourtant fait une raison, comprenant enfin que tout était fini, même si elle n'arrivait pas à savoir si elle l'aimait encore ou pas. Et alors qu'elle s'apprêtait à passer un bon moment, il fallait que ce maudit vienne l'empêcher de vivre. ça ne se passerait pas comme ça! Non, elle n'allait pas se laisser faire, elle n'allait pas redevenir triste et mélancolique, elle allait profiter de ce moment offert par Merlin et oublier le beau brun. Lui-même ne faisant certainement pas autant de cas d'elle...
Clarisse se tourna de nouveau face au Serpentard et lui offrit un pauvre sourire, histoire de le rassurer. Ce n'était rien, vraiment.

"Je...euh... excuse-moi..euh... et cette danse alors?" tenta-t-elle de se rattraper de son mieux.

Kilian Doyle se trouvait un peu idiot, la main tendue vers la jeune aiglonne qui le dévisageait sans un mot. Il regretta de l'avoir dérangé et eut l'impression pendant quelques fugaces secondes, qu'elle allait lui faire regretter. Mais d'un air impassible, elle accepta finalement son offre et déposa sa main fraîche dans celle brûlante du garçon. Il retint un frisson. La différence de température sans doute.

Stoïque, le jeune homme sourit aux paroles de la bleu et bronze:

"Pas tout le monde..." Fit-il justement remarquer.

Elle sembla se dérider un peu et annonça que finalement il tombait plutôt bien. Elle s'avança vers lui en précisant qu'elle attendait que quelqu'un se décide à l'inviter et tandis qu'elle posait une main délicate sur son épaule, il posa la sienne sur sa hanche.

"Et bien, très chère, je suis ravi d'être celui-là."

Il plongea son regard dans le sien et elle lui demanda s'il souhaitait qu'elle marque le rythme en sifflotant, et ho, miracle, il eut même le droit à un sourire. Alors qu'il s'apprêtait à lui répondre que ca n'avait pas d'importance et qu'elle pouvait faire comme cela lui convenait le mieux, une ombre voila soudain le regard de la Serdaigle.

Elle se raidit et le lâcha, se détournant de lui pour essuyer quelques larmes vagabondes.

"Hey..." S'inquiéta-t-il d'une voix douce.

Sa voix resta en suspension alors qu'il cherchait quelle parole encourageante lui dire mais elle lui fit face et s'excusa. De toute évidence, il n'était pas la source de sa soudaine tristesse, mais quelle qu'ai été la pensée qui l'avait traversé, elle ne semblait pas disposée à en parler et réclamait même sa danse. Incertain, il s'efforca d'effacer le plis d'inquiétude qui lui barrait le front et, plongeant son chaleureux regard chocolat dans ses yeux encore triste, il l'attira vers lui, reprenant leur position de départ. Ainsi, sur un rythme imaginaire, il commença à la guider dans une douce et élégante valse.

Alliant fermeté et douceur, Kilian entraîna la jolie rousse, sans la quitter des yeux, sans jamais lui imposer ses mouvements, l'invitant seulement à le suivre pour que la chorégraphie soit la plus belle possible. C'était ainsi qu'on devait guider une femme lorsqu'on dansait.


Au bout de quelques pas, sentant sa cavalière plutôt à l'aise, il se laissa même aller à la fantasie de la faire tourner sur elle même avant de reprendre cette danse encore douce mais dont le rythme s'accélerait imperceptiblement.

De même que leurs pas se dérobaient un peu plus vite les uns après les autres, la prise de Kilian se rafermissait et ils se rapprochaient doucement l'un de l'autre. Puis enfin, après de longues minutes, il la bascula en arrière comme pour achever ce premier acte et la remonta doucement contre lui. Ils ne valsaient plus, mais continuaient pourtant à se mouvoir au même rythme tout les deux, dans une danse qui tenait davantage du slow que d'un quelconque type de marche.

Il se rendit alors compte de leur proximité et par peur de la faire fuire, il
fit un pas en arrière. Puis, se laissant guider par ses envies plus que par sa raison, il se courba légèrement et vint déposer de ses lèvres un chaste baiser sur les phalanges de la demoiselle qu'il tenait toujours dans sa main.

"Je n'aurai pas pu rêver meilleure cavalière..." Complimenta-t-il avec un sourire. "Qui aurait cru que les moineaux savent danser ?"

Puis comme pour confirmer qu'il plaisantait, il ajouta:

"Comment se portent tes pieds ?"

Un sourire engageant complétait le tableau. Il savait qu'il en faisait peut-être un peu trop, mais c'était volontaire. Il voulait qu'elle se sente bien et en sécurité, qu'elle oublie ses problèmes et surtout, il avait très envie de la voir lui sourire encore.

Kilian ne répondit pas à la jeune fille qui tentait de reprendre le dessus sur ses pensées fort agaçantes à propos d'un certain garçon que nous nous abstiendrons de nommer, mais referma ses bras autour d'elle et commença à l'entraîner sur un rythme imaginaire. La jeune fille ferma les yeux et tenta de capter la mesure imposée par son cavalier. Ce ne fut pas sans effort qu'elle le suivit dans les premiers instants, ce demandant à chaque pas quel serait le suivant, où allait la guider le brun. Après un temps et une concentration intense pour ne pas lui marcher sur les pieds, Clarisse parvint à saisir la logique de ses gestes et la musique envahit son esprit, d'abord faible et monoinstrumentale puis de plus en plus élaborée jusqu'à ce que l'orchestre majestueux de tantôt ne refasse son apparition, dirigé d'une main de maître par un petit homme aux cheveux blancs. Inconsciemment, la Serdaigle se remit à siffler doucement, laissant s'échapper quelques notes emportées par le vent faible. Pourtant, même si l'orchestre était de nouveau omniprésent, la rousse n'évoluait pas sur la belle et désespérément vide piste de danse, elle était restée dans le monde matériel.

Le garçon n'était pas un mauvais danseur et pour une première fois ensemble, ils s'en sortaient plutôt bien. Cependant il semblait à notre rouge-gorge solitaire que son camarade ne s'imposait pas assez, lui laissant une trop grande liberté de mouvements. Peut être n'osait-il pas lui imposer directement ses choix, et d'un côté elle préférait largement, mais d'un autre, c'était aussi moins facile de deviner ce qu'il envisageait de faire. Il apprendrait certainement avec la pratique et elle ne lui dirait rien de ses remarques, non pas pour ne pas le vexé, elle se fichait comme de son premier "Wingardiose Leviosa" de la fierté du petit serpent simplement elle ne voyait pas l'intérêt de partager son point de vue. A lui de s'en rendre compte seul et d'apprendre à diriger un peu plus sans pour autant faire preuve d'une autorité trop écrasante. Et Dieu que la nuance était difficile. Le seul moyen pour y parvenir étant l'entraînement, la répétition, encore et encore, la connaissance de sa partenaire pouvant aider à l'occasion. Bref de toute façon, la bleue et bronze n'était pas non plus une danseuse exceptionnelle bien qu'elle se juge assez douée. Tout à coup, le Serpentard eut un comportement pour le moins inattendu et lui fit exécuter une figure farfelue. Sous le coup de la surprise, l'Ecossaise laissa la dernière note mourir dans sa gorge, étranglée.

Dans un sens, on peut dire que c'était heureux pour Kilian parce qu'il y avait fort à parier que si l'aiglonne avait été un peu moins abasourdie, elle se serait rendu compte plus tôt qu'il la tenait un peu plus longtemps que nécessaire dans ses bras et alors sa réaction aurait été à la hauteur du choc traumatique occasionné. Mais il faut croire que le garçon était né sous une bonne étoile parce que son petit cerveau de piaf tournait à cent à l'heure, n'en croyant pas ses synapses en ébullition. Le temps qu'elle s'en remette et il s'était par bonheur enfin éloigné. Seulement à peine eut-il fait un pas en arrière qu'il amenait la main froide et blanche de la rousse au niveau de ses lèvres et y déposait un léger baiser. Cette fois, Clarisse fut plus prompte à réagir et retira vivement sa main, comme sous le coup d'une brûlure, tandis qu'elle jetait un regard glacial à l'impertinent. Elle avait certes accepté une danse mais pour elle le mot "danse" n'incluait pas ce genre de familiarité. Ils ne se connaissaient pas et elle ne lui avait rien demandé alors qu'il garde ses lèvres pour lui-même! Mais alors qu'elle allait lui lancer une remarque cinglante hésitant encore sur les termes exacts à employer, et se retenant à grand peine de lui coller sa main, la même qu'il avait délicatement embrassé, sur la figure, le jeune homme poussa le vice un peu plus loin, probablement inconscient de la menace qui planait sur lui s'il s'entêtait.

"Je n'aurai pas pu rêver meilleure cavalière...Qui aurait cru que les moineaux savent danser ?
Comment se portent tes pieds ?"

La Serdaigle qui n'en croyait pas ses oreilles remit une distance acceptable entre eux par simple mesure de précaution. Rassurez-vous, elle n'avait pas peur qu'il lui saute dessus mais l'inverse par contre... Parce qu'à la seconde, elle lui aurait bien tordu le cou. Or il serait très mal venu de commettre un crime maintenant alors pour garder la maîtrise de ses nerfs au maximum et faire taire son instinct de protection qui lui hurlait de lacérer l'ennemi, elle recula de quelques pas, le toisant haineusement.
Lorsqu'elle parla, après un court silence, ce fut avec une voix dangereusement froide.

"Je ne vois pas ici de moineau. Si tu fais allusion aux Serdaigles veille au moins à ne pas les insulter dans tes propos mielleux. Pour ta culture personnelle certains sont sans doute meilleurs danseurs que tu ne le seras jamais. Ne parle pas sans savorir."

Ah oui j'avais oublié de préciser que non seulement elle se sentait attaquée sur le plan personnelle par les tentatives d'approches peu discrètes de son soit disant cavalier mais en plus il l'avait carrément vexée en insultant sa maison. Certes, les paroles du garçon n'avaient jamais été prononcées dans ce but là, il s'agissait même probablement d'un surnom affectif, mais allez dire ça à une Clarisse énervée. Je vous souhaite bien du courage. A mon avis, vous n'en sortirez pas vivant.Elle s'interrompit donc quelques secondes mais enchaîna sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit pour sa défense inutile. C'était trop tard, elle l'avait déjà jugé et le verdict était sans appel: coupable.

"Mes pieds quant à eux se portent très bien mais ma personne irait sans doute bien mieux si tu ne te comportais pas de façon aussi ridicule et insultante. Tu m'as proposé une danse, j'attendais un cavalier, parfait, mais je ne vois pas en quoi celà fait de nous des intimes au point que tu te permettes des gestes déplacés envers moi."

Elle faillit ajouter qu'il avait eu bien de la chance qu'elle ne l'ait pas déjà réduit en charpie mais s'abstint. La tournure des évènements lui rappelait trop Aïlin, fameux danseur dont elle tenait justement à oublier le nom et jusqu'à l'existence pour passer une soirée agréable. Elle avait beau ne pas être experte en relations humaines, Kilian la draguait ouvertement et ça ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Quelle sorte de garçon pouvait-ce être pour agir aussi ouvertement avec une fille?! Et quelle image déplorable avait-il de la gent féminine? De simples objets à qui il suffit de prêter un tant soit peu d'attention pour qu'elles vous tombent dans les bras pauvres choses fragiles et débiles? A moins que ce ne soit elle particulièrement qu'il trouve pitoyable et facilement impressionable? Eh bien si c'était le cas il se trompait lourdement et la jeune sorcière loin de se calmer s'énervait davantage au fil de ses réflexions intérieures. Pour qui se prenait-il ce minable, hein?! Qui était-il pour penser pouvoir ne serait-ce que l'approcher avec des manières pareilles? Elle enrageait et son sang d'Ecossaise bouillonnait dans ses veines, sans oublier sa partie Rouge-Gorge agressif qui lui soufflait de le balancer par-dessus le muret après l'avoir soigneusement défiguré pour en être débarrassé une bonne fois pour toutes. Ainsi il n'importunerait plus personne. Seulement elle devait garder son calme alors faute de pouvoir se défouler sur son joli minois elle mit tout son coeur dans d'acides paroles.

"Mais que fais-tu là à cette heure, Doyle?" Elle appuya bien sur le nom de famille avant de poursuivre. "Es-tu pathétique au point qu'aucune fille n'ait souhaité t'accompagner au bal? Es-tu désespéré au point de croire qu'il te suffit d'un regard pour que je tombe dans tes bras? Qu'es-tu venu faire ici? Te lamenter à la lune peut être? Si tu crois qu'il suffit de quelques belles paroles hypocrites pour je ne sais quoi d'ailleurs, tu te trompes lourdement."

De nouveau elle s'arrêta. Elle y allait peut-être un peu fort, mais ce n'était pas de sa faute aussi si elle avait si peu l'habitude de ce genre de scénario à trois mornilles. Les romans à l'eau de rose, peu pour elle et puis franchement qui, à part quelqu'un de complètement cinglé, aurait pensé à elle dans ce sens?! Et puis il y avait cette petite voix dans sa tête avec qui elle partageait ses journées depuis peu et qu'elle n'arrivait pas encore totalement à refouler quand on ne l'avait pas sonnée.

"Je t'approches plus de moi."

Sa voix froide résonna dangereusement, comme une menace contre les vieilles pierres millénaires de la tour. La fragile Clarisse s'était envolée...

Kilian avait fait mouche, c'était certain. Mais pas vraiment comme il l'avait esperé...

C'est avec surprise qu'il vit sa cavalière s'éloigner et le regarder avec une fureur difficilement contenue. Il n'aurait pas fait mieux s'il avait voulu que la foudre s'abatte sur lui. D'ailleurs, il aurait sûrement eu la même réaction, c'est-a-dire rester quelques secondes à la dévisager sans comprendre.

*Note pour moi-même, ne jamais traiter un serdaigle de moineau, même pour rire*

"Je..."

Mais elle ne lui laissa pas le temps de s'excuser que déjà elle avait reprit sa tirade, arguant qu'il était insultant et ridicule.

*Déplacé...?*

Il écarquilla les yeux.

"Mais..." Commença-t-il.

Sûrement avait-il été un peu trop famillier avec la bleue et bronze qu'il ne connaissait pas, mais c'était sa façon d'être, il ne s'embarassait que rarement des convenances, et habituellement, les gens ne s'en offusquait pas. Mais Clarisse Mcbrien ne semblait pas être n'importe qui...

Citation :

"Mais que fais-tu là à cette heure, Doyle? Es-tu pathétique au point qu'aucune fille n'ait souhaité t'accompagner au bal? Es-tu désespéré au point de croire qu'il te suffit d'un regard pour que je tombe dans tes bras? Qu'es-tu venu faire ici? Te lamenter à la lune peut être? Si tu crois qu'il suffit de quelques belles paroles hypocrites pour je ne sais quoi d'ailleurs, tu te trompes lourdement."

Une lueur blessée passa dans le regard du brun et il passa une main embarassée dans ses cheveux. Oui, il était seul, mais il l'avait choisit, il savait que nombre de jeune filles auraient volontier accepté de sortir avec lui, c'est lui qui refusait leur compagnie. Alors pourquoi avait-il recherché la sienne ? Celle de cette miss-je-sais-tout rouquine ? Peut-être parce que la voir danser seule dans sa tenue de bal au milieu de la tour d'astronomie l'avait touché. Oui, lui, Kilian Doyle, qui avait tenté et tentait toujours de s'endurcir, il s'était fait prendre par surprise par cette vision et n'avait pas voulu qu'elle cesse.

"Rien, je ne faisais rien.." Finit-il par lâcher.

Et maintenant elle lui ordonnait de plus s'approcher d'elle...

"Je suis désolé de t'avoir offensé, ce n'était pas mon intention. Je sais que mon attitude peut être déconcertante mais je ne te servais pas un vulgaire plan drague comme tu as l'air de le croire, je suis comme ça."

*Avec tout le monde* Se retint-il d'ajouter, de peur de la froisser davantage.

Il soupira et jeta un regard vers l'une des fenêtres avant de continuer:

"A la base je venais regarder les étoiles, parce qu'il me semble que c'est en partie à ça que sert une tour d'astronomie... et puis je t'ai vue, et je me suis dit que c'était l'occasion de passer une soirée plus agréable qu'elle ne devait l'être initialement. Mais je m'y suis mal pris, visiblement, et je te présente mes excuses. Sincèrement."

Puis, d'une voix hésitante où perçait tout de même une pointe de malice, il ajouta:

"C'est que, t'as pas l'air de t'en rendre compte, mais c'est drôlement intimidant d'essayer de plaire à une fille comme toi... c'est même un peu flippant... "

Il sourit et haussa les épaules:

"On sait d'avance que quoi qu'on fasse, on va tout faire de travers... la preuve, je devrais écrire un bouquin. Ca s'appellerait "Comment ruiner une soirée en trois leçons"...

*Et bien sûr ce serait basé sur ma propre experience, je suis plutôt doué à ce jeu..*

"Laisse moi l'occasion de me racheter. S'il te plaît, Mcbrien...ajouta-t-il avec un petit sourire. Je ne suis pas un mauvais bougre... ne reste pas sur une mauvaise impression, je peux faire mieux. Et je ne te toucherai plus jamais sans ta permission, je te le jure !"

Il leva les deux bras en guise de bonne foi et recula de lui même de quelques pas, comme pour sortir de la zone de turbulance.

Il grimaça, attendant son verdict. C'était idiot, il en avait conscience. En quoi l'avis de cette fille pouvait bien le déranger ? Il avait l'habitude d'être mesestimé et critiqué... mais ceux qui le dénigraient étaient des idiots.. elle, elle avait une tête et savait s'en servir. Elle, elle devait pouvoir voir clair à travers lui. Du moins, le croyait-il. Et il ne voulait pas la décevoir, il ne voulait pas être rejeté. Il voulait faire ses preuves. Et pour ça, peut-être que, pour une fois, il devrait tomber le masque... il ne savait pas encore s'il était capable d'être lui-même avec quelqu'un... mais pour le savoir, il faudrait qu'elle lui laisse sa chance.

Clarisse était enervée. Kilian savait pourquoi même s'il trouvait sa réaction un peu exagerée. Après tout il n'avait rien fait de grossier. Le baise-main était une pratique tout à fait répandue dans la haute -même si, il fallait le dire, il n'en faisait pas partie- et il avait voulu par ce geste, non pas l'insulter, mais l'honorer. Mais il ne se risquerait pas à tenter de lui expliquer dans l'état d'enervement dans lequel elle était. Sans compter que sans le vouloir, il l'avait égalé insulté elle et sa maison... Pendant un instant il cru même qu'elle allait lui jeter un sortilège tellement ses yeux étaient noirs de colère. Par chance, elle sut se retenir et Kilian réalisa qu'il avait merdé dans les grandes largeurs. Il allait être difficile de rattraper le coup. Peut-être même était-ce impossible...

Malgré tout, presque à contrecoeur, elle accepta de lui laisser une chance mais lui expliqua clairement qu'il n'avait plus droit à la moindre erreur.

Il acquiesça. Il avait comprit et il la prenait au sérieux.

Tandis que la jeune fille s'accoudait au muret, le serpentard décida de la laisser un peu retrouver son calme et se dirigea vers le plus grand téléscope de la tour. La nuit était glaciale et le ciel dégagé et après tout c'était pour observer les étoiles qu'il était venu en premier lieu.

Il regla l'appareil avec des gestes sûrs qu'il avaient maintes fois répétés et jeta son premier coup d'oeil. Un sourire serein se dessina sur ses lèvres alors qu'il laissait échapper sans s'en rendre compte un soupir de soulagement. Il ne se rendait pas compte que ces gestes méthodiques l'aidaient à se calmer. Sûrement l'avait-il compris inconsciemment et ce devait être la raison qui l'amenait régulièrement ici. C'était d'ailleurs étonnant que l'aiglonne et lui ne se soient pas croisés avant en ces lieux.

Kilian regarda le ciel, refit quelques réglages, regarda dans le viseur et posa à nouveau son oeil sur l'occulaire alors que la tension quittait visiblement ses épaules.

"Tu t'y connais en astronomie ?" Demanda-t-il finalement sans quitter le ciel des yeux.

Lui n'y connaissait pas grand chose mais il adorait ça et aimait beaucoup le cours qui y était associé. Il ne connaissait que quelques constellations qu'il avait longuement recherché dans le ciel illuminé et qu'il avait pensé ne jamais trouver. Puis il avait découvert leur coordonnées et ne les avait pas oublié. Par exemple, la constellation dite du Serpentaire, qu'il avait recherché en raison de sa maison. Celle de l'aigle, du lion, et d'autres classiques....

"Ha voilà..." Murmura-t-il pour lui même.

Il se redressa et finit par poser son regard sur la jeune fille:

"Tu veux regarder ?"

Il se décala légèrement pour ne pas la gêner si elle acceptait.

"C'est Alpha Serpentis de la Constellation d'Ophiuchus dit le serpentaire... c'est la première étoile que j'ai réussi à localiser tout seul, j'étais comme un dingue !" Expliqua-t-il, amusé.

Clarisse ne savait pas vraiment à quoi s'attendre avec Kilian. Le jeune homme était si... bizarre. Tourmenté par ses hormones aurait sans doute été plus juste, quoi qu'aux yeux de la rousse "laissant libre court à ses pulsions suicidaires" semblait bien plus approprié. Elle se garda cependant de partager son commentaire avec ledit serpent. La situation était déjà assez pénible comme ça sans qu'elle n'en rajoute un peu. Bien qu'au fond, l'idée d'agir comme une véritable peste et de faire en sorte que le garçon quitte la tour les larmes aux yeux la démange plus que beaucoup, elle savait qu'elle n'en retirerait qu'un plaisir relatif et éphémère avant de s'en vouloir terriblement pour sa méchanceté gratuite. Elle s'était laissée emporter une fois par cette dangereuse envie de faire le mal simplement pour se défouler, pour que sa colère longtempts refoulée puisse se libérer de ses chaînes invisibles. Seulement les conséquences sur le pauvre Mathias avaient été telles, que la Serdaigle s'en mordait encore les doigts et s'était juré depuis de toujours réfléchir avant d'agir et surtout de retenir ces envies toutes Serpentardes. Voilà pourquoi elle s'évertuait tant à conserver son calme devant Kilian. Ce n'était pas tellement pour lui, mais pour elle, pour ne pas avoir à subir le poids des regrets plus tard. Beaucoup trop lourd et dur à supporter.

Contre toute attente, Doyle n'engagea pas la conversation avec l'Ecossaise. Il semblait enfin avoir saisi que sa simple présence lui était pénible et s'était éloigné de quelques pas. Sage décision. Et la jeune fille ne s'en était aperçue que parce qu'à travers les murmures du vent lui étaient difficilement parvenus des bruits de pas s'éloignant un peu. Son regard glacé était en effet perdu dans le noir, et dirigé dans une toute autre direction que celle du jeune homme. Sa façon à elle de lui signifier que même si ses paroles avaient été un peu plus engageantes que plus tôt, la conversation était close pour elle et que la seule chose qu'il aurait bien pu faire pour l'agréer aurait été de quitter les lieux. Elle ignorait ce qu'il fabriquait et à vrai dire s'en moquait un peu pourvu qu'il continue de se taire et de lui ficher la paix. Seulement ce concept devait être étranger au jeune homme puisqu'il ne put s'empêcher de lui adresser une nouvelle fois la parole, quelques minutes plus tard. Dommage, le silence de ce instant bien trop court avait été agréable et reposant aux oreilles de notre Rouge Gorge.

"Tu t'y connais en astronomie ?"

La jeune fille soupira faiblement. Si elle n'était pas absolument certaine que Kilian Doyle était encore là, elle se serait demandé si ses oreilles ne lui jouaient pas des tours tant la question lui parvint lointaine. Il s'acharnait. Elle fut tentée un instant de faire comme si de rien n'était, comme si elle n'avait pas entendu, se contentant de se tourner un peu plus vers l'immensité de la nuit, puis renonça. Il ne servait à rien de se chercher une échappatoire, le vert et argent était trop tenace et continuerait à la harceler quoi qu'il arrive, elle en était malheureusement persuadée. Mais que lui répondre? S'il était un tant soit peu attentif en classe d'astronomie, il aurait très certainement remarqué que la Serdaigle n'était pas mauvaise élève. Or elle était bien tentée de lui dire que cette matière l'insupportait au plus haut point et que moins on lui en parlait et mieux elle se portait, histoire de tuer dans l'oeuf la tentative d'approche du jeune homme. Mais voilà, ne se préoccupant pas des autres, elle ignorait tout bonnement si l'importun suivait assidûment les cours dispensés par Sinistra. Elle se contenta donc de s'approcher un peu, vaguement résignée, mais le gratifia tout de même d'un commentaire émis de sa voix froide et impersonnelle et évidemment accompagné du regard qui va avec, même si elle doutait dans la noirceur de la nuit qu'il ne le remarque.

"Je ne vois pas en quoi ça t'intéresse Doyle."

S'il croyait qu'elle allait coopérer.... bah il se mettait la baguette dans l'oeil et jusqu'au manche!
En réalité, la jeune fille aimait regarder les étoiles, profiter du calme de la nuit et de sa beauté magique, il n'y avait pas d'autre mot. Oh bien sûr on ne parlait pas de la même magie qui s'échappait de la baguette d'animaux sans cervelle tels que les élèves de Poudlard (dont elle faisait partie) ou encore de ces machines à semer la terreur qu'étaient les mangemorts. Non, elle faisait allusion à la magie d'un rêve, aux doux sentiments que lui inspiraient ces petites lueurs perdues dans un océan d'encre d'un bleu foncé à vous couper le souffle. Pendant longtemps elle avait tout bonnement refusé de donner des noms à ces lueurs plus ou moins vives, d'apprendre qu'ici ou là se tenait telle ou telle constellation. Elle avait été dans le dénis, pensant que mettre des mots sur de si belles choses reviendrait à les vulgariser, les rendrait ternes et leur ferait perdre leur pouvoir. A Poudlard, elle avait appris. Rétissante au départ, elle s'était laissée captiver par le professeur Sinistra. Cette dernière avait selon elle le don de donner à tout ceci une dimension supplémentaire que simplement le fait de savoir que ci-git Venus ou Mercure. Longtemps, la Serdaigle avait connu un violent débat intérieur, puis finalement sa curiosité piquée au vif l'avait emportée sur tout le reste. Alors elle s'était rendue compte que tout ce qu'elle avait pu apprendre en classe ne nuisait pas à la magie d'une nuit étoilée. Et ce jour-là avait été un parmi les plus beaux de sa vie.

"Tu veux regarder ?"
"C'est Alpha Serpentis de la Constellation d'Ophiuchus dit le serpentaire... c'est la première étoile que j'ai réussi à localiser tout seul, j'étais comme un dingue !"

Clarisse finit par s'approcher davantage et se pencher au-dessus du télescope. Elle prit cependant bien soin d'éviter le moindre contact avec l'adolescent, même les pans de sa robe plutôt large furent consciencieusement éloignés de l'adolescent. Puis elle régla l'appareil à sa vision, sensiblement différente de celle de son "camarade". Les ajustements effectués, elle constata qu'effectivement c'était Alpha Serpentis et qu'elle aurait très bien pu le deviner toute seule sans le commentaire du garçon. Une grimace peu avenante déforma un bref instant son visage. Etait-il toujours si exaspérant ou bien gardait-il le meilleur pour elle? Elle n'était pas stupide! Au lieu de lui envoyer une réplique bien sentie, elle se contenta de faire pivoter le télescope quelques temps, sans rien chercher de précis. Elle s'arrêta après quelques secondes et l'arrêta sur l'étoile de Barnard, une autre étoile appartenant à la constellation d'Ophiuchus. Une naine rouge. Puis, toujours sans un mot elle se redressa et fit enfin face au jeune homme.

"Tu m'en vois absolument ravie Doyle. Explique moi seulement en quoi ta vie peut m'intéresser d'une quelconque façon." Voix froide et sarcastique. Non, elle ne voulait décidément pas lui simplifier la vie. C'est qu'elle avait la rancoeur tenace notre aiglonne, il ne fallait pas l'oublier.

"Je ne vois pas non plus quelle fierté on peut retirer à savoir localiser une étoile, mais peut être trouveras-tu amusant de chercher sur laquelle est braqué ce télescope et peut être même gratifiant d'avoir une réponse à me donner." Ajouta-t-elle un peu acide.

Il y eut un bref silence avant qu'elle ne reprenne dans un murmure, plus pour elle-même que pour lui.

"Ma première fois, j'en ai pleuré..."

Après ce total fiasco, Kilian avait finalement laissé tombé le masque, mais ce n'était pas pour autant que la Serdaigle était prête à lui pardonner. Elle semblait même complètement décider à le décourager jusqu'à ce qu'il se décide à se jeter du haut de la tour.. et s'il ne se depêchait pas elle finirait peut-être même bien par le jeter lui-même.

Abandonnant l'espoir de retrouver grâce à ses yeux, Kilian se tourna vers l'astronomie, tentant tout de même de la faire participer.

Sa première pique le fit grimacer.

La seconde le fit sourire.

Il ouvrit la bouche, sur le point d'avouer qu'à part avec un livre d'astronomie il serait bien incapable de retrouver la moindre étoile inconnue, mais dans un murmure elle ajouta quelque chose.


Le chaleureux regard du brun se posa sur elle et il la dévisagea longuement, sans même s'en rendre compte, se sentant étrangement déplacé auprès d'elle après une telle confidence.

Elle ne lui était sûrement pas destinée mais elle le toucha, elle l'interpella.

La rouquine était entourée de tant de mystères... elle semblait porter sur ses épaules un poid bien trop lourd pour elle... Il ignorait quoi dire ou faire pour la soulager. Il ignorait même si quoi que ce soit avait ce pouvoir là.

Quel idiot il était... avait-il vraiment pensé noyer son chagrin et sa solitude dans les bras de la jeune fille ? Avait-il seulement pensé à la propre détresse de celle-ci ? Il tombait plus bas de jours en jours..

Sa gorge se noua.

"Je suis désolé.." Murmura-t-il. " J'ai été..."

Il parvint finalement à la quitter des yeux et passa une main lasse sur son visage fatigué:

"..un abruti..."

Il haussa les épaules en signe de dépit. Il n'avait pas d'excuses.

"Bonne nuit, Clarisse..."

Et il prit la direction de la sortie.

"Je suis désolé...J'ai été...un abruti..."

Si notre rousse s'attendait à une quelconque réaction de la part de Kilian, elle n'avait pas envisagé "ça". Il baissait les armes, mieux, il reconnaissait ses torts et s'excusait de son comportement. Ce n'était pas logique. Elle qui pensait le voir s'acharner, lui répondre Merlin savait quoi et relever son stupide défi, s'emparer de l'objectif, réfléchir un instant et lui donner une réponse, peut être même la bonne, elle avait tout faux et s'était bien trompée. Il semblait qu'elle ait mal jugé le jeune brun, ou alors c'était lui qui avait agi de façon particulièrement idiote juste avant, alors que d'ordinaire il était plus raisonné. Peu importait au final et la rousse ne voulait pas se torturer l'esprit en tentant de comprendre. Le résultat était le même: il décampait enfin!

"Bonne nuit, Clarisse..." Assena-t-il encore avant de tourner les talons.

Etrangement le départ subit du Serpentard ne ravissait pas l'aiglonne. Elle ne regrettait pas ses paroles et elle était satisfaite qu'il ne lui parle plus, seulement c'était comme s'il avait cassé quelque chose en venant, brisé un fragile équilibre et le laisser partir aurait signifié se retrouver seule parmi les décombres de cette soirée gâchée. La venue de cet étranger avait insinué le doute en elle. De par sa présence, il lui avait rappelé pourquoi elle était là, elle, ce soir. Les vraies raisons, pas celles qu'elle s'était imaginées. Il avait rouvert les plaies qu'elle s'efforçait de panser, fait renaître des sentiments qu'elle voulait oublier. Un besoin de chaleur humaine et d'affection. Oui en cet instant, elle aurait voulu que l'un de ceux qu'elle aimait vienne et la prenne dans ses bras, tout simplement. Mais ça n'arriverait pas, elle le savait bien, alors plutôt que de rester désespérément seule sur cette tour, elle héla faiblement le vert et argent avec une voix qu'elle s'efforça de maîtriser, bien que l'envie de pleurer la tenaillait.

"Attends. Tu es venu me déranger, c'est vrai, je n'ai pas envie de te parler, ni de te connaître, c'est vrai aussi. Pas le bon endroit, pas le bon moment. Je n'ai pas envie de te dire pourquoi je suis là ni de savoir tes raisons... mais... je crois que.. que la tour est assez grande pour que chacun puisse trouver ici ce qu'il est venu chercher sans que ça ne pose de problème à l'autre... Tu peux remonter si tu veux, simplement... ne cherche pas à me parler. De toute façon, tu n'étais pas venu pour ça..."

Puis sans attendre de réponse, la Serdaigle s'éloigna du télescope et alla s'adosser au froid mur de pierre, quelques mètres plus loin, dans un renfoncement. Elle frissonna et resserra sa cape autour de son corps frêle. Le Rouge-Gorge s'était tût. C'était étrange, comme elle était passée en quelques minutes à peine d'une colère indomptable à cette profonde mélancolie et il fallait bien l'avouer, tristesse. L'Ecossaise aurait aimé passer cette dernière soirée à Poudlard avant les vacances en compagnie d'un de ses amis au moins, ou bien en présence de Sayannel. Que faisait Lynn à cet instant? Avait-elle trouvé un cavalier? Et William, son ami du tout début, un des premiers à qui elle avait osé adresser la parole? Elle regrettait aujourd'hui de s'être éloignée de lui, mais peut-être leur amitié n'était-elle pas vraiment perdue, après tout ils avaient collaboré en divination et elle avait même passé un bon moment.

Clarisse était perdue dans ses pensées et avait totalement oublié Kilian qui pourtant était revenu et s'occupait dans son coin, sûrement perdu dans la contemplation des étoiles, réfléchissant lui aussi à sa vie, son passé, son avenir...

Et Aïlin? Que faisait-il? Avait-il trouvé une cavalière? Elle avait bien remarqué l'absence d'Emily autrefois pendue à son bras comme si elle y avait été collée par de la glu perpétuelle. Mais Emily n'était pas la seule jeune fille potentiellement intéressée par une soirée avec le cadet Bower, pour peu que ce dernier cherche de la compagnie. Elle le savait bien. Sa jalousie de naguère envers la blonde lui semblait à présent bien dérisoire. Cette fille était peut-être morte à cette heure et Clarisse n'éprouvait plus que de la honte. Après tout, même si elle était sortie avec lui, cela ne la regardait plus. Et quand bien même ce serait douloureux pour elle, Aïlin plus qu'un autre avait le droit d'être heureux. A présent ils étaient de vieilles connaissances, deux adolescents qui avaient vécu leurs premiers émois ensemble, deux adolescents aussi qui partageaient un lourd secret et qui parlaient de tout et de rien lorsqu'ils se croisaient au hasard d'un couloir. On ne pouvait pas dire qu'ils étaient devenus amis, mais ils ne s'ignoraient ni ne s'évitaient plus.

Il avait fallu du temps à Clarisse pour faire le tri dans tout ça et pour enfin accepter qu'Aïlin ait une vie en dehors d'elle. Mais ce soir, elle y était enfin parvenue. Elle sourit, plus sereine. Bien sûr ses sentiments à elle ne s'étaient pas effacés, mais elle sentait que vivre avec serait plus facile maintenant qu'elle avait cessé de se mentir. Le froid l'incita à se lever et à regagner la tour des aigles. Elle ignorait combien de temps elle était restée assise sur sa robe froissée, mais ses membres engourdis lui indiquèrent que ça avait duré bien trop longtemps. Il devait être très tard. D'un coup d'oeil, elle inspecta la tour et constata presque avec déception que Kilian était parti.

Avant de descendre, elle se retourna une dernière fois et remercia silencieusement les étoiles...