L’entretien avec Page était terminé depuis un moment. Le suspect suivant était William J. Craig. Tout avait été organisé pour que les suspects ne puissent pas communiquer entre eux entre chaque entretien. Ainsi, William ne pouvait pas savoir si Page avait été interrogé et encore moins ce qu’elle avait dit. Précieuse avait suggéré la culpabilité de William à Ombrage car elle savait que le rouquin la détestait. Il aurait donc très bien pu avoir l’idée de la prendre pour cible pour le faux décret du fayot d’or. William jouant aussi bien qu’elle les lèches-bottes avec Ombrage, elle avait eu plus de mal à obtenir un interrogatoire avec lui qu’avec Page. Ces petits interrogatoires étaient pour notre blonde un moyen ingénieux de créer de gros ennuis aux gens qu’elle ne portait pas dans son coeur. Et puis elle se doutait que même si ces derniers n’étaient pas réellement coupables, ils devaient au moins connaître l’identité des viles élèves causant des ennuis à l’école. Et s’il y avait une chose dont Précieuse avait horreur, c’était d’être la dernière personne au courant. Elle devait donc se dépêcher de trouver les coupables avant que quelqu’un d’autre le fasse à sa place. Manquerait plus qu’on lui vole la vedette.

« Dépêches toi de rentrer J. Craig, je n’ai pas que ça à faire de la journée ! » lança Précieuse d’une voix forte à l’égard de la porte.

Etait-ce une impression, ou Précieuse était-elle dans ses petits souliers tandis qu'elle s'asseyait dans le trône rose de la Grande Inquisitrice ? William en avait la ferme impression, et il faisait tout son possible pour entretenir l'avantage qu'il lui semblait avoir. Il s'installa confortablement dans son fauteuil, avec une nonchalance non dépourvue d'élégance, de façon à montrer qu'il était parfaitement à son aise.
L'explication du pourquoi de la convocation ne tarda pas, et William eut un haussement de sourcils poli. Il avait vu juste ; il s'agissait bel et bien des BR. Page était donc soupçonnée et lui, le préfet de sa maison, était prié de balancer un maximum à son sujet... Très vieille méthode : diviser pour régner. Le seul souci était qu'en signant la charte des BR, les deux complices s'étaient juré de rester unis.
Le rouquin laissa passer quelques secondes avant de répondre d'une voix posée (au prix d'un effort important) :

-Quelques erreurs dans ton exposé, Précieuse. Tout d'abord, je ne suis pas un "grand ami" de Page McHenry. Je suis son préfet et il se trouve que j'ai d'assez bonnes relations avec elle, mais de là à dire que nous sommes amis...

Il eut un geste de la main comme s'il balayait cette hypothèse (fi ! être ami avec une petite fille !) et reprit :

-Ensuite, je ne pense pas que Page soit responsable des actions de ce groupe des BR. Je la connais assez bien, et franchement elle n'a pas assez de sang-froid pour planifier des choses... tu seras certainement d'accord avec moi pour dire que ces gens préparent leurs coups ! Et puisque tu parles de ce qui est arrivé à Miss Teigne, je ne crois pas qu'une première année arrive à faire ce genre de choses.

Tout en parlant, il avait machinalement plié le mouchoir donné par l'hypocrite brigadière ; une façon de montrer qu'il n'était pas dupe de son manège. Toujours aussi calme (malgré son envie de hurler un bon coup), il conclut :

-Quant à moi, je n'ai aucune information à fournir, et je suis aussi perplexe que toi et que le professeur Ombrage.

A son grand regret, William ne lâcha aucun élément compromettant sur Page. Il niait en bloc, ce qui n’arrangeait pas les affaires de Précieuse. Et bien tant pis pour lui, il avait manqué sa chance. Il serait accusé lui aussi.

« Tu as raison sur ce point, J.Craig. J’ai du me tromper. Page n’a ni la carrure ni l’intelligence pour entreprendre une telle attaque. »

Puis soudain une des phrases qu’il venait de prononcer provoqua un déclic dans son esprit « je ne crois pas qu'une première année arrive à faire ce genre de choses ». Etais-ce une façon de dire indirectement qu’il était coupable ? Peut-être s’était-il sentit vexé de se faire voler la vedette par une fille plus jeune que lui ?
Certaine de son flair, Précieuse le regarda d’un sourire énigmatique alors qu’il pliait son mouchoir tout en prétextant qu’il ne savait rien sur cette affaire.

« Hummm…. » Dit-elle en imitant la voix de la détective, « Je crois en revanche qu’un élève de troisième année serait apte à faire ce genre de chose. Je crois aussi qu’il faut du courage pour prendre le risque de se faire attraper, ce qui nous limite aux Gryffondors. Enfin je pense que des attaques comme celles là sont des idées masculines. L’instinct guerrier est souvent caractéristiques des mecs. Tu connais beaucoup de mecs de Gryffondor de troisième année ? »

Puis, comme si elle venait de résoudre la plus grande énigme du siècle, elle ajouta :

« En fait, je crois qu’une personne comme toi possède le profil type du criminel que je recherche. Sans compter qu’être roux ne penche pas en ta faveur. »

Précieuse nota ensuite quelques lignes sur un parchemin et releva la tête.

« Tu ferais mieux d’avouer ton implication J.Craig. Si tu avoues, tu seras simplement expulsé. Alors que si tu mens, je ne préfère pas te dire quels dommages tu subiras, toi et ta famille. La revanche du crapaud sera terrible. Et puis, ce serait dommage qu’une jolie bouille comme la tienne se retrouve amochée ».

En écoutant les déductions de Sherlock, William hocha la tête d'un air appréciateur ; elle avait vraiment du flair à revendre, cette demoiselle... quitte à faire des hypothèses complètement stupides, et à oublier la moitié du raisonnement en chemin. Lorsqu'elle eut terminé, il applaudit deux ou trois fois, avant de déclarer sur un ton sarcastique :

-Si tu veux m'accuser, dis-le directement, McLane. Parce que là, tout ce que tu arrives à faire, c'est être ridicule.

Il se laissa aller confortablement contre le dossier de sa chaise et croisa les jambes, visiblement très à son aise. Pour un peu, on aurait pu croire que c'était lui qui menait l'entretien. Après un instant de silence, il reprit sur un ton badin :

-Un élève de troisième année pourrait le faire, d'après toi... Mais que fais-tu des quatrième, cinquième année, et des années encore au-dessus ? que fais-tu des deuxième année, tant qu'on y est ? Il me semble que ce genre de méfaits est à la portée d'un deuxième année en fin d'année scolaire, comme actuellement...

Bon, déjà un point de réglé. Restaient quelques détails... Le préfet des Lions eut un sourire comme pour s'excuser de démonter de si brillantes conclusions, et reprit :

-Un mec. Certes. Faut-il te rappeler que certaines demoiselles de cette école sont également animées d'un certain instinct guerrier ? Je ne voudrais pas te rappeler de désagréables souvenirs, mais songe que c'est à une fille que tu as dû de vomir des limaces l'autre jour...

Le souvenir mettrait sans doute Précieuse en rage, et c'était toujours ça de pris. Sans laisser à la blonde le temps de réagir, William poursuivit :

-Ton hypothèse sur les Gryffondor est largement aussi discutable, McLane. On ne t'a sans doute jamais dit que rares sont les élèves qui ont le profil d'une seule maison. On peut être courageux et intelligent, et être soit à Gryffondor, soit à Serdaigle... pareil pour Poufsouffle. Peut-être même y a-t-il des gens courageux à Serpentard, je ne sais pas, je n'en ai jamais rencontré.

Finalement, cet entretien l'amusait bien. Ils n'avaient rien contre lui, cela sautait aux yeux. Désinvolte, il passa une main dans ses cheveux et conclut :

-Je ne vois pas, en prime, en quoi le fait d'être roux est un tort. En revanche, je te remercie pour ton compliment sur ma "jolie bouille". Je suis très sensible aux compliments, surtout lorsqu'ils viennent de gens aussi francs que toi.

Toujours à-demi vautré sur sa chaise, il fixa Précieuse, d'un air d'indifférence vaguement agacée, comme pour lui dire :"Maintenant, c'est pas que je m'ennuie, mais va falloir y aller"...

Précieuse commençait à être agacée par cette entretien. En effet, William démontait un à un tous les arguments qu’elle avait soigneusement préparé. Il lui prouva que le coupable n’était pas forcément un mec, ni un Gryffondor ni un élève de 3ème année. Le petite château de carte monté pièce par pièce par la blonde s’effondrait au fur et à mesure que le préfet parlait.

La mine déconfite, elle posa son menton sur sa main accoudée à la table. Elle devait faire le point sur tout ce qu’elle avait appris aujourd’hui. Après l’entretien qu’elle avait eu avec Page, elle ne doutait pas de sa culpabilité ou au moins de sa complicité dans cette histoire. Le fait que soit elle qui ait été désignée comme Fayot d’Or était presque la preuve de la non-innocence de Page. La blonde savait toute la haine que la rouquine lui apportait. Et la petite rousse avait eu une attitude franchement suspecte pendant tout l’interrogatoire. Concernant William, Précieuse avait de plus en plus de doutes. Etait-il vraiment coupable ? Il avait si bien répondu à ses questions que la blonde avait de plus envie de l’innocenter.

*Soit il est innocent, soit c’est un excellent comédien*

Précieuse releva la tête et le fixa pendant un instant. Son attitude tranquille, à demi-vautré dans sa chaise, faisait plus penser à un mec qui avait l’impression de perdre son temps qu’à un mec qui essaye de se donner un air naturel. Sachant qu’elle devait arriver à une conclusion, elle gribouilla quelques notes sur la fiche de William.

« Ce sera tout pour aujourd’hui William. Tu peux sortir,» déclara-t-elle d’un ton sérieux sans lui dévoiler la décision qu’elle avait prise.

« Et ne prends pas tes rêves pour des réalités, ce n’est pas parce que j’ai dis que tu avais une jolie bouille que cela signifie que je veux sortir avec toi. Car de toute évidence, ça n’arrivera jamais. »

Précieuse se leva et rassembla ses affaires. Elle devait finir de remettre le bureau en ordre pour le moment où Ombrage reviendrait.