Fin janvier. Déjà trois semaines que la rentrée des classes était passée et toujours aucune nouvelle de Mathias en dehors des cours. La petite blonde se demandait si le garçon n'avait pas reçu une cape d'invisibilité pour Noël. Toujours est il que son moral était au plus bas. Peu de personnes connaissaient les raisons de sa morosité. Ses résultats étaient en baisse, à la grande inquiétude des professeurs et de ses parents.

Ce jour là, Nervia était assise en tailleur sur son lit, dans le dortoir des filles de deuxième année. Elle tenait un paquet dans ses mains, enveloppé dans un joli papier bleu et bronze qu'elle avait trouvé dans une boutique sur le chemin de traverse. De jolis petits aigles traversaient le papier de long en large. Dans ce paquet se trouvait le cadeau de Noël de Mathias. Elle n'avais pas encore eu l'occasion de lui donner puisqu'elle n'osait pas vraiment lui offrir en plein cours. Clarisse, William, Ambre et Naomi avaient déjà reçu les leurs depuis longtemps. Dans un espoir inespéré, elle se leva, enfila ses bottines noires en vitesse et courut jusqu'au dortoir des garçons. Evidemment, il n'était pas là. Pas plus que dans la salle commune. Mais aujourd'hui elle ne renoncerait pas. Elle devait le trouver, affronter son regard, lui offrir son cadeau. Elle remonta dans son dortoir pour prendre sa cape et entreprit de fouiller le château dans ses moindres recoins.

L'air froid qui courait dans toute l'école avait décidé la plupart des élèves à rester bien au chaud près des cheminées de leurs salles communes. Elle ne croisait donc que de très rares personnes dans les couloirs. Mais il ne semblait être nulle part. Pas à la bilbliothèque, pas dans la grande salle, pas dans les salles de cours, pas à l'infirmerie... Nervia était montée jusqu'au septième étage de l'école, se promettant de fouiller les tours d'astronomie et de divination s'il n'était pas là. Et après, elle irait dans le parc. Dans un des couloirs de cet étage, elle remarqua une drole de peinture représentant d'horribles trolls en train de danser un ballet. Ce tableau l'intriguait beaucoup. Après l'avoir observé durant quelques minutes elle se remit à marcher.

*Je veux trouver Mathias.*

Un bruit attira son attention, dans la direction d'où elle venait. Elle s'arreta net, tourna les talons et repassa devant le mur.

*Je veux trouver Mathias*

Finallement, il ne semblait rien y avoir. Elle repartir de l'autre côté.

*Je veux trouver Mathias*

Le bruit recommença. Elle repassa devant le mur nu... où était apparu une porte. La petite blonde se frotta les yeux pour vérifier qu'elle ne rêvait pas. Mais la porte était toujours là. Curieuse, elle tourna la poignée et pénetra dans la salle. Une jolie musique s'élevait un peu plus loin. La pièce semblait remplie d'instruments de musiques et de matériel bizarre que la petite fille ne connaissait pas. Elle s'avança un peu et, tournant au coin d'une grosse armoire tomba face à... Mathias, en train de chanter. De surprise, elle laissa tomber son paquet.

HJ: Les chansons que Mathias chante sont des chansons que je chante moi-même =)

Pfiou! Ca faisait tellement de bien, de dégager un peu d'émotion! Chanter était un très bon remède contre tous les coups de cafard, l'ennui, les sentiments désagréables, ou autres mauvaises ondes qui rendaient morose ou tourmenté. Les psychologues et les professeurs de musique auraient dû faire bon ménage. A voir Mathias, c'était en tout cas ce qu'on aurait pu se dire. Après avoir chanté, il s'était assis sur un fauteuil, apparu à sa demande, soulagé d'avoir dégagé tout ce qu'il avait à extérioriser. Il se sentait appaisé. Mais tant qu'il y était, il pouvait très bien chanter autre chose! D'ailleurs, il pouvait reprendre un peu de son registre français. Retourner sur les traces de Balavoine, pourquoi pas. Il pensa à une chanson de lui qui pouvait bien correspondre à la situation, et le super-karoké-magique-moderne-et-tout-et-tout répondit à sa demande. Reprenant sa baguette en main, en guise de micro, il commença le célèbre Vivre ou survivre.

Heure sonne matin
Pleure chagrin
Et repasse le film humide
Du passé dans les yeux

Court bien trop court
Notre amour
Et les appels au secours
Savent qu'un sourd n'entend pas ce qu'il veut


A fond dans la chanson, le jeune Serdaigle y mettait tout son coeur, tourné vers la porte. D'ailleurs, cette porte...

Et pourtant il faut vivre
Ou survivre
Sans poème
Sans blesser tous ceux qui... NERVIA?!?

En effet, de la porte venait de sortir, ou plutôt d'entrer, Nervia, la fille qui l'évitait depuis maintenant de nombreuses semaines. Sous le coup, Mathias eut un soubresaut si violent que la scène sur laquelle il se tenait...s'effondra sous ses pieds... Trébuchant devant lui on ne sait comment, le Préfet de Serdaigle se retrouva au sol, tandis que les enceintes tombaient chacunes de leur côté, le tout dans un vacarme infernal, car chaque chute en provoquait une autre. Quand Mathias réussit enfin à se lever, il ne prêta même pas attention à la pièce derrière lui qui était totalement dévastée... Seule comptait Nervia. Un peu essoufflé à cause des nombreux centimètres qu'il avait parcouru, le jeune Serdaigle prit courageusement la parole.

Attend! T'en vas pas! Je... Je veux juste savoir... Simplement... On s'entend bien, tous les deux, non? Alors... Pourquoi tu m'évites, Nervia, qu'est-ce que je t'ai fait? Et qu'est-ce que je peux faire? On est bons amis, Nervia... J'en suis sûr...

Mathias. Oui, Mathias était bien là, dans cette salle apparue mystérieusement, debout sur une scène en traind e chanter en français. Une très jolie chanson que Lucy, la mère de Nervia, écoutait assez régulièrement. Elle devait avouer que le jeune Serdaigle l'interpretait vraiment bien. Les paroles étaient jolies, pour ne rien gacher. Elle se baissa doucement pour ramasser son paquet, lorsqu'il s'interrompit, et la vit. Il prononça son nom, assez surpris de la voir là. La jeune Serdaigle se releva brusquement et tourna les talons, sans dire un mot, lorsqu'un gigantesque vacarme retentit tout autour d'elle. En quelques secondes, tout tomba, tout fut à terre, presque tout était cassé. A l'exception de deux gros fauteuils qui semblaient vraiment très moelleux.

Mathias se releva. Une expression indéchiffrable était apparue sur son visage. La petite blonde se retourna encore une fois et se dirigea vers la porte, son cadeau à la main. Lorsque...

Citation :

Attend! T'en vas pas!

Elle s'arreta net. Toujours de dos, elle écouta ce qu'il avait à lui dire. Une larme coula de ses yeux, qu'elle essuya d'un revers de manche, rapidement, sans laisser de trace. Il ne devait pas la voir comme ça. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Elle, l'ignorer, l'éviter? Calmement, elle se retourna vers lui. Elle le fixa dans les yeux et répondit d'une voix calme, presque froide.

"-Moi, t'éviter? Tu te moques de moi? Ca fait trois semaines qu'on est rentrés et ça fait trois semaines que je cherche à te parler, à te voir. Trois semaines que je ne te vois qu'en cours, jamais dans la salle commune, jamais dans la grande salle, jamais dans la bibliothèque. Moi, t'éviter? J'aurai plutôt dit le contraire, tu vois..."

Avant qu'elle ne puisse l'éviter, une nouvelle larme perla au coin de son oeil, puis coula le long de sa petite joue rosie. Trop tard... il avait du la voir, sans aucun doute. Elle se laissa tomber sur le fauteuil le plus proche d'elle. Avec un petit soupir, elle continua.

"-J'ai passé la matinée à te chercher. Partout. J'allais commencer à fouiller le parc quand j'ai découvert cette espèce de petite porte cachée. C'est quoi cette pièce, d'ailleurs?"

Bien sur qu'il l'avait vue... Cacher une larme comme ça était presque impossible. Elle le voyait à la manière qu'il avait de la regarder. Différement, plus... doucement. Surpris, peut être, aussi. Elle essuya les restes de cette larme d'un doigt et coula un regard vers le garçon. Il s'était assise près d'elle, dans l'autre fauteuil. Il la regardait.
La Salle sur Demande... effectivement. Drôle d'endroit. Surtout quand on voyait le bazar qui y regnait. On se serait crus dans un champ de bataille. Mais ce n'était pas une bataille qui se déroulait aujourd'hui, dans cette salle. C'était quelque chose de très différent...

"-Je... je te cherchais. Et je ne pensais plus qu'à ça, ou presque. Je suis passée plusieurs fois devant ce mur parce que j'ai entendu un bruit, un peu plus loin. Et je pensais à te trouver. Donc je t'ai trouvé. Mais si tu te cache ici depuis la rentrée, je vois mal comment j'aurai pu te trouver avant..."

Une légère pointe de reproche était apparue dans sa voix. A son grand regret. Elle ne voulait pas reprocher quoi que ce soit à Mathias. Ce n'était pas forcément de sa faute. Juste un affreux quiproquo. Mais maintenant qu'ils s'étaient retrouvés, ils devaient se parler. S'expliquer les choses. Alors qu'elle allait ouvrir la bouche, pour commencer une discussion de ce genre, elle sentit quelque chose sous sa cuisse...
Le cadeau de Mathias! Avec tous ces reproches, ces émotions, elle l'avait oublié. Du plat de sa main, elle lissa le papier, qui redevint comme neuf, avantage des objets sorciers. Dans le paquet se trouvait une jolie chemise, blanche, qu'elle lui avait acheté en souvenir du bal où elle l'avait trouvé très beau. Peut être en mettrait il plus souvent... Elle lui tendit le cadeau.

"-J'avais oublié... euh... Joyeux Noël, Mathias, avec pas mal de retard."

Elle se sentait gênée. Et s'il n'aimait pas le cadeau? S'il avait déjà des tonnes de chemises, mais qu'il n'en mettait pas parce qu'il n'aimait pas ça? S'il trouvait ridicule d'offrir un cadeau de Noël à la fin du mois de Janvier? Tout ce qu'elle espérait c'était ne pas avoir perdu son amitié. Elle s'en serait beaucoup trop voulu.
Pendant qu'il déballait son cadeau, elle se décida à entamer la conversation qu'ils devaient avoir. Elle commença par s'excuser. Elle était toujours persuadée que ses actes, ce soir là, étaient des plus stupides. Ils l'étaient...

"-Au fait, euh... Excuse moi. Je... j'aurai pas du... au bal, tu sais? Le baiser... et puis partir comme ça... C'était stupide. J'espère que tu ne m'en veux pas trop..."

Lorsque Mathias lui demanda de se calmer, suite au petit ton de reproche qu'elle avait utilisé lors de sa dernère phrase, elle commença par se braquer et à réfléchir rapidement à une répartir vive et cinglante. Et puis... et puis son regard se posa sur le jeune garçon. Il était si mignon, même quand il était un peu énervé. Alors un sourire naquit sur ses lèvres et elle laissa couler. D'ailleurs il était déjà en train d'ouvrir son cadeau. La chemise. Il sourit, la remercia, lui promi de la mettre bientôt... Mais son regard disait tout autre chose. Il s'interrogeait sur ce cadeau. Il semblait déconcerté, ne sachant pas ce qu'il devait en penser. Alors qu'il déposait le cadeau près de lui, sur son fauteuil, elle se décida à lui donner un peu plus d'informations. Pour qu'il sache...

"-Je... en fait quand je t'ai vu au bal avec ta chemise, j'ai vraiment trouvé que ça t'allait très bien. Et euh... C'est vraiment dommage que tu n'en portes pas souvent je trouve... Tu... tu es très beau, avec une chemise. Donc... voilà quoi."

Elle ne pouvait se regarder dans un miroir mais elle était sure d'avoir viré au rouge tomate. Prenant son courage à deux mains, elle continua.

"-Et euh... tu mets que des couleurs foncées alors jme suis dit que le clair pourrait te changer un peu... J'espère que ça te plait quand même..."

La dernière phrase, elle l'avait à peine murmurée. Autant dire qu'il n'avait rien du entendre, à moins d'avoir l'ouïe fine... Mais elle allait encore avoir besoin de courage puisque le sujet du bal avait été abordé. Par elle. Et que Mathias souhaitait des informations complémentaires. Par où devait elle commencer... Elle n'était pas très sure d'avoir elle même des éléments concrets de réponse...

"-Ben... en fait... Je sais pas... J'étais bien, là, avec toi, dans tes bras. Vraiment très bien. Peut être même que je n'avais jamais été aussi bien avant. Et puis... J'avais envie de te le faire comprendre, et j'avais pas envie de parler. D'où le bisou... Mais... après je me suis senti vraiment stupide. Parce que... Je... ne savais pas si... c'était réciproque..."

C'était dit. Restait plus qu'à attendre la réaction du garçon. Mais il lui avait posé une autre question, concernant sa récente larme. Elle réfléchit à ce sujet aussi. Pourquoi une larme avait elle coulé sur son petit visage. Y avait il une raison véritable? Bafouillant, encore et toujours, elle répondit au fil de sa pensée.

"-Je ne sais pas trop non plus. C'est surement que... enfin le soulagement de t'avoir trouvé. Enfin... Et le soulagement de savoir que tu ne cherchais pas à m'éviter... Le plaisir de te retrouver en tête à tête... Mais ce n'était pas vraiment de la tristesse. Juste peut être une pointe de désarroi... rapport à ce que je viens de te dire. Le fait de pas savoir ce que tu penses..."

Maintenant qu'elle avait révélé à Mathias la raison de ses actes assez stupides du bal de Noël, et qu'elle était même allée plus loin en sous entendant que ses sentiments étaient assez importants, elle attendait avec une angoisse non dissimulée la réponse de son ami. Honnêtement, elle ne s'attendait pas à quelque chose de miraculeux, une simple promesse de conserver leur amitié telle quelle, sans même penser à une relation un peu plus poussée, lui suffirait amplement. Elle voulait juste ne pas avoir tout gaché. Surtout pas.

Les mains de la petite blonde étaient jointes et moites. Elle tremblait légèrement, comme s'il faisait froid. Mais la pièce était parfaitement bien chauffée. C'était juste le stress... Sur le visage de son ami, la surprise s'était peinte, remplaçant son joli sourire. Mais il était toujours aussi mignon, selon elle. Sa bouche tordue se détendit et elle sourit légèrement, sans trop savoir pourquoi. Peut être que le fait de pouvoir continuer à regarder son ami et à le trouver beau, sympathique, intelligent, lui suffisait amplement. Elle pensa aux conseils de Cyanur. Si elle savait, elle se moquerait d'elle. D'ailleurs elle n'avait peut être pas tort... C'était assez ridicule de se contenter de vivre dans la contemplation. Mais si elle ne pouvait rien avoir d'autre... Restait à le rendre jaloux. Mais elle ne pourrait jamais faire ça non plus.

Soudain, Mathias ouvrit la bouche. Et pour la première fois depuis quelques instants, il parla. Pour dire qu'il ne savait pas... La sourire de la jeune fille s'afaissa légèrement. En mordant sa lèvre inférieure, elle fit fonctionner son esprit à la vitesse de la lumière afin de pouvoir répondre vite, sans paraitre gênée.

"-Oh je... je ne te demande pas une réponse immédiate... C'est pas pressé. J'aimerai juste que tu y réfléchisse un peu. Et pendant ce temps je me dirai que... si tu as besoin d'y réfléchir, ça me laisse peut être une chance... qui sait?"

La meilleure solution lui semblait de le laisser y penser seul. Elle se leva donc de son fauteuil et fit quelques pas en direction de la porte. Pour la première fois, son regard se posa sur le foutoir autour d'eux. Un petit rire lui échappa. Ce n'était peut être pas très à propos mais elle n'avait pas pu se retenir...

"-Désolée, je... J'avais pas remarqué tout ça, par terre... C'est pas drôle, mais... ça doit être nerveux un peu. Je devrai peut être te laisser seul..."

A vrai dire, elle espérait qu'il souhaite le contraire. Qu'il la retienne. Ou qu'il la rejoigne en courant une fois sortie de la pièce. Mais en général ce genre de souhaits ne se réalisaient jamais... Une pointe de regrets au coeur, elle posa la main sur la poignée de la porte.

Abasourdie. Il n'y avait décidement pas d'autre mot pour désigner l'état d'esprit de la petite fille. Alors qu'elle attendait une réponse de sa part, la main posée sur la poignée de la porte de cette étrange salle, Mathias lui avait demandé de partir. Oui, Mathias. Le garçon que Nervia considérait comme son meilleur ami. Le Serdaigle dont elle était la plus proche après Clarisse. Le jeune homme dont elle était peut être tombée amoureuse quelques semaines plus tôt. Il la repoussait. Il lui demandait de partir. D'une manière assez violente. Un "va-t-en" encore plus décisif s'échappa de sa gorge, quelques secondes plus tard. Nervia était dos à lui. Elle ne voyait pas l'expression sur son visage, et elle ne voulait pas se retourner, de peur d'y lire autant de méchanceté qu'il y en avait dans ses mots. Cachée, elle laissa échapper la larme qui perlait à son oeil. Celle là, et les suivantes. Elle ne voulait surtout pas qu'il les voit. Elle devait partir avec autant de dignité possible, même s'il ne lui en restait plus beaucoup.

D'une voix qu'elle voulait assurée, elle prononça ses derniers mots.

"-Si c'est vraiment ce que tu veux..."

Elle poussa la poignée, laissant s'ouvrir la porte. Le couloir était toujours aussi désert et glacial. Avec une pointe d'amertume, elle ne put s'empecher de faire la comparaison avec le coeur de son ami. Si c'était toujours ce qu'il était... Sachant qu'elle ne lui dirait plus grand chose avant trèèèès longtemps, elle avança hors de la pièce.

"-Au revoir, Mathias."

La porte se referma derrière elle, d'un claquement sourd. A présent elle était seule, beaucoup plus qu'elle ne l'avait jamais été. Elle fit quelques pas, jusqu'aux escaliers les plus proches, et s'assit sur la première marche, dos au mur. De grosses larmes coulaient le long de ses joues.