A quelques mètres de là, derrière l'angle du mur, William reprenait son souffle, plié en deux, les fesses contre le mur. Autant attendre d'avoir repris une respiration normale pour chercher son chemin... Le Gryffondor était plutôt sportif, mais cette course folle lui avait donné un point de côté- allez donc placer votre souffle correctement quand un esprit frappeur vous poursuit avec une épée! Il se massait donc le côté droit, essayant de respirer profondément, lorsqu'un léger bruit parvint à ses oreilles. Et si c'était Peeves qui revenait? Le jeune garçon sortit sa baguette de sa poche et attendit, retenant son souffle... Une lueur apparut, probablement produite par une baguette magique. Donc, l'esprit frappeur devait être hors de cause... mais qui? Pourvu que ce ne soit pas Rogue, pas McGonagall, pas un Serpentard assoiffé de sang... Le coeur de Will cognait à tout rompre tandis qu'il attendait de voir qui arrivait. C'est qu'il n'avait pas envie d'ajouter les ennuis à cette poursuite effrénée...
Enfin, quelqu'un passa l'angle du mur- quelqu'un qui, de toute évidence, ne causerait aucun ennui à Will. Il rangea sa baguette dans sa poche en reconnaissant Mathias, un Serdaigle qu'il aimait bien, et se porta à sa rencontre en disant, encore un peu haletant.

-Mathias... C'est le ciel qui t'envoie! Je suis perdu là-dedans, Peeves me poursuivait avec une épée... J'me demandais comment j'allais retrouver mon chemin...

En voyant son ami, il avait ressenti un tel soulagement qu'il aurait bien pu éclater de rire à l'instant même. A vrai dire, il n'aurait pas pu mieux tomber... car si un professeur l'avait trouvé là, il aurait certainement cru qu'il s'apprêtait à commettre quelque méfait. Mathias, lui, le croirait... peut-être même avait-il croisé Peeves... Will demanda:

-Au fait, comment ça se fait que tu sois là?

A mesure que les deux garçons avançaient, l'odeur se faisait moins forte, et l'éclairage redevenait normal. William se demandait où il avait bien pu atterrir pour que cet endroit soit aussi dépourvu de torches... peut-être un lieu dangereux, interdit aux élèves... Peeves devait être ravi de l'y avoir attiré. Peut-être, s'il avait fait quelques mètres de plus, se serait-il retrouvé nez à nez avec une créature redoutable... Peut-être aussi que Peeves était parti chercher un professeur pour attirer des ennuis à un élève. Qui croirait que Will s'était retrouvé si loin dans les cachots sans l'avoir voulu?... Enfin, heureusement, Mathias était là, et il avait vu l'esprit frappeur et son épée. Le témoignage d'un préfet serait sans doute pris au sérieux. Tout en marchant près de son ami, Will lui expliqua:

-Je ne sais pas ce qui lui a pris... Je l'ai rencontré sur le palier du premier... Je ne lui ai rien dit, rien fait, et il s'est mis à me poursuivre avec une épée... J'ai eu peur, il est complètement cinglé, on ne sait jamais ce qu'il est capable de faire... Enfin, heureusement que tu es arrivé... J'étais complètement perdu, j'aurais pu tourner deux heures avant de retrouver mon chemin!

Il sourit à Mathias, pour le remercier d'être intervenu, et continua sa route en fixant tous les recoins sombres. Et si Peeves les attendait, tapi dans quelque coin? Mais ils arrivèrent sans encombre dans le couloir du cours de potions. Comme ils passaient devant le bureau e Rogue, un bruit de verre attira l'attention du Gryffondor, un peu nerveux, qui craignait encore un retour de l'esprit frappeur...

*Mais non, c'est Rogue, ce n'est rien... Peeves n'oserait jamais aller dans son bureau...*

Effectivement, aucun esprit frappeur ne sortit de la pièce. Le passage devant ce bureau avait rappelé à Will ses projets, et il en fit part à Mathias:

-J'étais en train de monter à la bibliothèque au moment où j'ai trouvé Peeves... Je voulais travailler un peu mes potions. Je trouve que les cours sont vraiment durs, cette année, pas toi?

Il ignorait la note du Serdaigle au premier devoir, mais il avait entendu dire qu'il y avait eu pas mal de casse. Et il en avait fait partie...

Piètre... William avait reçu la même note, et il l'avait ressentie comme un échec cuisant. L'année précédente, il n'avait jamais obtenu de si mauvaise note... autant dire qu'il avait sauté sur l'occasion lorsque Rogue avait autorisé les élèves à rendre un deuxième travail pour augmenter un peu les notes ! Ce second travail s'était soldé par un E, mais le Gryffondor n'avait pas oublié le P griffonné dans un coin de son premier devoir...
Ce qui le surprenait le plus, c'est que Mathias aussi avait écopé d'un Piètre. Il avait toujours vu le préfet de Serdaigle comme un excellent élève- fidèle à la réputation de sa maison- et il n'en revenait pas. P... comment un élève du niveau de Mathias avait-il pu récolter un P?... C'était bien la preuve que cette année, Rogue avait durci ses exigences. Les deux garçons sauraient s'adapter, de toute évidence, mais le démarrage était dur. William adressa un sourire à Mathias et lui répondit doucement:

-Moi aussi, j'ai eu un P... inutile de te dire que j'étais terriblement déçu... Enfin, d'un côté, ça me rassure que tu aies eu P toi aussi... J'avais peur d'avoir tout oublié...

Il eut un mouvement de tête comme pour balayer cette explication simpliste, puis, cessant de sourire, se tourna vers Mathias et s'étonna:

-Mais... tu es mal réveillé, toi... On est dimanche, on n'a pas cours!

La fatigue, sans doute. Mathias passait beaucoup de temps à étudier, et Will avait entendu dire que les obligations des préfets étaient assez lourdes. Rien de plus normal, donc, qu'un bref instant d'inattention de la part du Serdaigle. De nouveau, Will lui adressa son sourire franc, celui qu'il réservait à ses amis.

Il était vraiment fatigué, l'ami Mathias... Une simple remarque et le voilà qui se mettait à paniquer... Il rappelait un peu à William ces vieilles folles qui hantaient la cabinet vétérinaire de son père. "Mais si, docteur, je vous jure, Minouchette a des palpitations! Vous ne trouvez pas qu'elle a maigri?"... Mr Craig aimait raconter les visites fréquentes de Mrs Collins, une voisine, perpétuellement inquiète pour sa chatte persane... Le Gryffondor trouva cette comparaison insultante pour son ami et s'interdit d'y penser davantage. Il regarda Mathias, sincèrement inquiet, et garda le silence un instant, cherchant ses mots. Puis il dit, en parlant lentement pour ne pas froisser son ami:

-Ben... Tu es fatigué, c'est évident... Mais de là à mourir subitement, je ne pense pas... Il faut juste ralentir un peu le rythme, je pense...

Il en avait trop dit. Mathias touchait son front pour évaluer sa température, et il sembla à Will qu'il frissonnait. Le Gryffondor se reprocha ses propos sur l'infirmerie, qui avaient dû alarmer inutilement son camarade. Il chercha désespérément un autre sujet de conversation, quelque chose à dire, n'importe quoi, pour dissiper les inquiétudes de son ami, mais rien ne venait. Il se contenta de dire doucement:

-Allez, vieux, c'est rien... Une bonne journée de repos et ça ira mieux...

Ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire, Will s'en rendit compte à l'instant où les mots franchirent ses lèvres. Mais le mal était fait... comment avait-il pu être assez idiot pour conseiller à Mathias d'aller à l'infirmerie?

William ferma un instant les yeux, se reprochant de ne pas savoir tenir sa langue.... si seulement il avait réfléchi avant de parler! Mais il voulait tellement réconforter son ami qu'il avait dit la première sottise qui lui était venue à l'esprit... Un peu embarrassé, il garda le silence un instant, se demandant ce que Mathias allait faire. Il pouvait très bien lui donner une retenue, ou lui enlever des points, ou pire... aller parler de lui à McGonagall... Le Gryffondor décida qu'il valait mieux dire la vérité, et il avoua:

-C'est... euh... un ami. Il m'y a fait entrer l'an dernier, le premier jour... je m'étais perdu et pour me réconforter, il m'a invité à piquer une tête avec lui... Mais je n'y suis pas retourné, hein...

Mensonge par omission... Will venait tout simplement d'oublier qu'il y était retourné une fois, en première année, et qu'il y avait été surpris par Kael lui-même. Dans sa panique à l'idée de se brouiller avec Mathias, il n'y avait simplement plus pensé. Il espéra que le préfet de Serdaigle n'allait pas mal prendre cet aveu, et il ajouta timidement:

-Je n'en ai jamais dit un mot à personne, tu sais...