SHOPPING ! Non, pas le shopping que vous imaginez. Pas de vêtements, de froufrous et de trucs de fille. C’était de choses bien plus sérieuses et parfois… hum… pas tout à fait licites dont la jeune fille avait besoin. Elle pouvait faire ce qu’elle avait envie, elle n’était plus à Poudlard. Enfin, momentanément plus. Et oui, c’était les vacances de Noël ! Les fameuses vacances de Noël que la jeune irlandaise attendait depuis quelques temps. Qu’allez vous vous imaginer ? Non, elle ne s’attendait pas à rentrer chez elle et chanter des chansons païennes autour d’un sapin enguirlandé en rigolant et en embrassant tout le monde. Non. Elle savait très bien ce qui l’attendait. Sa mère qui organiserait un bal fastueux auquel elle convierait de grandes familles de Sang-pur pour échanger des mondanités sans intérêt, avant que beaucoup plus tard dans la nuit, les discussions des rares convives restants se dirigent vers le Seigneur des ténèbres et ses sombres desseins. Joana ne connaissait que trop bien ces traditions familiales, et les abhorrait toujours autant. Cependant, elle trouvait quand même intérêt à venir passer les fêtes dans le manoir des O’Donnell. En effet, la fortune de son père n’avait pas encore été totalement dilapidée en grandes festivités, et la mère de Joana laissait une relative liberté financière à sa fille, notamment au moment des fêtes. Elle lui accordait une bonne quantité de gallions, que la jeune fille avait le droit de dépenser sans aucune question de la part de sa mère. Les deux femmes avaient beau vivre sous le même toit, elles étaient totalement indépendantes l’une de l’autre.

- Allée des embrumes.

Les flammes crépitantes de l’âtre virèrent au vert, et la jeune fille pénétra dans la cheminée. L’instant suivant, elle se retrouva dans une rue sombre, où glissaient de ténébreuses silhouettes encapuchonnées. L’allée des embrumes, un quartier bien peu recommandé et recommandable pour une adolescente de 14 ans. Cependant, Joana avait des choses à y faire. À peine atterrie, la jeune fille rabattit le capuchon de sa longue cape de velours noir sur ses épaules. De légers flocons d’une neige immaculée venaient parsemer le tissu comme autant de petites étoiles sur un fond de nuit sans lune. La tornade irlandaise avança, déterminée, ses pas crissant sur la neige encore fraîche. On pouvait voir qu’elle connaissait déjà l’endroit. Elle avançait vite, sachant exactement où elle allait. Devant une vitrine remplie de fioles et autres flacons aux couleurs inquiétantes, l’adolescente s’arrêta, un sourire au coin des lèvres. Elle poussa la porte. Un glas se mit à bourdonner.

« Chez Argy le Fier : Potions, herbes et accessoires magiques »

- Mademoiselle O’Donnell.

- Argy, le salua-t-elle poliment.

- J’ai bien reçu votre commande. Je vous apporte ça immédiatement. Quant à votre animal, il vous attend dans la réserve. Vous m’aviez dit que vous viendrez le chercher en même temps que ce que vous m’avez demandé.

- C'est parfait.

Le vieil homme s’éclipsa sous le comptoir l’espace de quelques secondes et se releva avec un paquet dans les bras. Il le tendit à la jeune fille, qui en souleva doucement le couvercle pour jeter un coup d’œil dedans. Un léger sourire satisfait prit place sur ses lèvres fines. De l’autre côté, la jeune irlandaise sortit une petite bourse de son sac et la posa sur le comptoir avant de la faire glisser en direction du commerçant.
Elle se saisit ensuite de la boîte qu’elle glissa avec précaution dans son sac, et se dirigea sans hésitation aucune vers l’arrière boutique, histoire de récupérer Emaissène, sa chouette préférée. Le volatile avait bien effectué sa tâche. La jeune fille pénétra dans la réserve et s’arrêta net dans l’encadrement.

*Mais qu’est-ce qu’il fait là lui ? Ce n’est pas possible ?! Je suis maudite !*

Heureusement pour elle, la jeune fille avait toujours son capuchon sombre qui cachait son visage jusqu’à ses yeux. Il ne la reconnaîtrait peut-être pas. D’un pas ferme, elle entra dans la pièce, la traversa sans un mot pour le garçon, le visage toujours masqué, et se dirigea vers le grand perchoir dans le fond. Elle tendit son bras et susurra d‘un ton monocorde.

- Allez, Emaissène, on rentre.

* Plus que quelques pas et je suis sortie, il ne m’aura même pas vue passer. Mais qu’est-ce qu’il fiche là malgré tout ? En plus dans la réserve à jouer avec ça…. Cet espèce de petit voleur a dû pénétrer par effraction. Je devrais prévenir Argilius de faire plus attention.*

Elle était presque sortie de la pièce quand les talons de ses bottes se coincèrent dans l’un des nombreux éléments du bric-à-brac qui constituait cette réserve. Ça avait déjà été le parcours du combattant à l’allée, mais au retour, elle n’avait pas pu éviter l’accident. Le pied coincé, le vol plané. Et à tout décollage correspondait un atterrissage. Douloureux. Très douloureux. Et d’autant plus désagréables que c’était cet imbécile de Brad qui lui avait servi d’amortisseur. La jeune fille tomba en effet sur le serdaigle, dont la chaise bascula en arrière, et l’ensemble des flacons que contenait la boite de la jeune fille s’envolèrent aussi pour retomber sur le charmant couple dans une pluie de liquide multicolore et de bris de verre…

La chaise de Bradley avait basculé en arrière sous l'effet combiné des poids des deux jeunes gens et du manque d'équilibre de l'objet. Tous deux avaient fini à l'autre bout de la pièce, et la jeune fille -du fait de son superbe vol plané- recouvrait le Bleu et Argent de ton son corps. D'une certaine manière lui servit de bouclier contre cette pluie de goutelettes. En plus de la douleur foudroyante qu'elle avait ressenti à la jambe au moment où celle-ci se coincait dans ce fichu bazar, elle ressentit quelques picotement dans les bras. Les débris de verre des fioles étaient coupants, et avaient fait une multitude de petites entailles sur les avant-bras de Joana, qui s'était instinctivement protégé le visage avec. Tant bien que mal, la préfète essaya de se redresser, mais une nouvelle douleur fulgurante, cette fois au niveau du bas du dos se fit ressentir. Elle se laissa retomber sur le pauvre garçon, avant de faire une nouvelle tentative de se redresser. Au bout de longs efforts, elle parvint à se pousser de lui et à se mettre en position assise.
Elle se sentait étrangement faible et étouffait sous sa longue cape obscure. La jeune fille enleva la capuche d'un veste sec et dénoua sa cape pour la repousser un peu plus loin. La tête lui tournait un peu. Tant pis si Brad la voyait et la reconnaissait. En cet instant, c'était le cadet de ses soucis. Elle ôta quelques bouts de verre qui avaient réussi à s'enfoncer dans sa chair et essaya surtout de calmer le rythme saccadé de sa respiration. Quelque chose n'allait pas, elle le ressentait à l'intérieur d'elle, mais elle n'arrivait pas à se l'expliquer. Un long silence se prolongea dans l'arrière-boutique. Bizarre qu'Argy ne soit pas venu à son aide, ne serait-ce que pour vérifier l'origine de tout ce rafût. Il devait probablement être occupé avec un autre client ou s'être absenté de la boutique. Joana n'y voyait pas d'autres explications.
Emaissène, quant à lui, au moment où sa jeune maîtresse avait basculé, avait quitté le bras de celle-ci et semblait désormais contempler l'étendue des désastres, perché en haut d'un placard qui dominait toute la pièce. La jeune fille réussit enfin à se redresser. La pièce avait cessé de tourner autour d'elle. Cependant, à peine debout, elle dût s'appuyer contre le meuble stable le plus proche. Sa cheville avait dû en prendre un coup. Il faudrait sérieusement qu'elle parle avec Argy du rangement de son arrière-boutique. Elle attrapa sa baguette et se lança un sort de "ferula" (qui permettait de se faire apparaître des attèles et un bandage) autour de la jambe. C'était provisoire, juste le temps de quitter le magasin.
Toujours sans prêter attention au serdaigle qui semblait revenir à lui, Joana se dirigea clopin-clopant vers l'armoire sur laquelle était perché Emaissène. Elle tendit alors son bras en avant, lui indiquant ainsi qu'il pouvait venir se poser. Cependant, l'animal refusa de bouger. Joana essaya de l'appeler d'une voix douce, mais rien n'y faisait. Il refusait de descendre. Cela réactiva le sentiment de malaise de Joana.
Ce fût seulement à ce moment-là qu'elle réalisa pleinement la présence de Brad, qui était toujours au sol. Bizarre, depuis tout à l'heure, il la fixait sans rien dire. Etonnant qu'il ne se soit lancé dans aucune sorte de sarcasme ou de pseudo-héroïsme comme il en avait l'habitude, semblait-il. La préfète eût alors l'impression que quelque chose clochait. Elle s'approcha plus près de lui et le fixa dans les yeux. Justement, il y avait quelque chose avec ses yeux. Joana passa sa main devant les yeux du garçon et fit plusieurs aller-retours, mais celui-ci persistait à ne pas réagir.... Il était aveugle.

Un sourire mi-amusé mi-inquiet prit place sur les lèvres de l'adolescente. D'un côté, elle avait face à elle un Serdaigle qu'elle haissait, aveugle, et à des miles et des miles de Poudlard; et de l'autre, elle avait justement un garçon de son âge, totalement aveugle, qui était là au sol. Joana hésitait entre différentes attitudes à adopter, et opta finalement pour l'indifférence. Mais alors qu'elle s'apprêtait à s'en aller, un nouvel élancement plus douloureux que les précédents la prit. On aurait dit une épée qui lui traversait littéralement la colonne vertébrale.
La tornade irlandaise fût prise d'une peur panique. Elle connaissait ô que bien le contenu des fioles qui s'étaient brisées... Un coup d'oeil rapide à ses avant-bras et ses jambes amplifia ses craintes. Toutes ces petites coupures n'étaient qu'autant de voix d'accès pour que les mystérieux liquides contenus dans les flacons qu'elle avait achetés pénètrent sous sa peau. Elle se mit à prier intérieurement pour que ce ne soit pas vrai, parce que le cas échéant, elle allait au-devant d'ennuis, et de taille. Il n'y avait qu'à regarder son camarade d'infortune, qui lui dans tout ça, semblait avoir perdu la vue.

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De l'autre côté, dans la boutique, la sonnette tinta une première fois. Argy, qui s'était ecclipsé pour aller récupérer un produit illégal chez l'un de ses fournisseurs, était de retour.

* Ca y est, la demoiselle et ses potions a dû repartir avec sa bête. Je me demande bien ce qu'elle peut vouloir faire avec ça, surtout à son âge... Elle doit avoir le même âge que Brad. Tiens, d'ailleurs, qu'est-ce qu'il fiche encore celui-là ? Il faudrait que j'aille vérifier...*

Le glas sonna une seconde fois. Deux hommes aux silhouettes massives entrèrent alors dans l'échoppe. En commerçant, Argy oublia son neveu et s'occupa de ses clients.

- En quoi puis-je vous aider, Messieurs ?

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Le désintérêt, l'indifférence. Pourquoi après tout devait-elle s'occuper de cet imbécile infirme alors que c'était en partie de sa faute qu'ils se trouvaient là. La jeune fille récupéra sa cape, et se prépara à quitter la pièce poussiéreuse. Elle indiqua à Emaissène qu'il pourrait se débrouiller seul pour retrouver son chemin, et s'apprêtait elle-même à quitter la réserve, puis le magasin, quand une voix, ou plutôt deux attirèrent son attention.

*Nom d'une gargouille, pas eux...*

La jeune fille referma la porte aussi discrètement qu'elle l'avait ouverte, en ferma le verrou à clé, et renforça le tout d'un sort de colloportus, avant de se laisser glisser le long du mur jusqu'au sol.
Elle était vraiment maudite...

La malédiction des O’Donnell frappait une nouvelle fois. Désormais, elle était vraiment seule. Il n’y avait plus qu’elle et un Brad aveugle, et de l’autre côté de la porte, un MacWorth et un Fergy plus patibulaires que jamais. La jeune fille avait déjà eu affaire à ces deux brutes épaisses, dont une fois lors de sa tentative de fugue en troisième année. Sa mère avait payé ces deux chasseurs de tête pour retrouver la jeune fille disparue. Et s’il y avait deux choses que ces deux là ne connaissaient pas, c’était la psychologie et la douceur. Cependant, même après cela, elle avait eu de nouveaux déboires avec eux. Soucieuse de se venger de l’affront qui lui avait été fait (être ramenée à sa mère comme un animal aux abattoirs), elle leur avait joué un très sale tour. Depuis, elle prenait soin d’éviter de croiser leur chemin. Cependant, il fallait que chanceuse comme elle l’était, ils lui tombent dessus maintenant. Dire que s’il n’y avait pas eu tout ce bazar, elle aurait pût quitter le magasin suffisamment tôt pour les éviter. Mais non, comme à chaque fois, il fallait toujours qu’il y ait un problème.
La jeune fille, tout en réfléchissant, contemplait le Serdaigle qui devait maintenant se débrouiller à l’aveuglette. Au moins, ce n’était pas qu’à elle, qu’il en arrivait, des histoires. Quitte à couler, autant emmener le plus de monde possible dans son sillage, tel était l’un des adages de la jeune préfète. (Ben oui, on est mesquin ou on l’est pas). Des picotements lui parcouraient la jambe. Pour la énième fois, l’adolescente se mit à maudire Argy et son fichu bric-à-brac.

La voix de Bradley s’éleva alors. Il lui indiquait une autre sortie. Mais pourquoi faisait-il cela ? Qu’elle était bête, il était aveugle, il ne l’avait sûrement pas reconnue. Sinon quoi, il ne l’aurait sûrement jamais aidée. Il avait bien dû comprendre, au moment où elle avait lancé son colloportus, que quelque chose derrière la porte lui posait problème. Perspicace, le garçon. Dommage qu’il ait été chez Serdaigle, parce qu’il avait un potentiel certain. La jeune fille le regarda quelques instants, sans bouger. Non, il était vraiment trop gentil et naïf pour être chez les vils verts et argents. Joana s’apprêta à se lever et à lâchement déguerpir par la sortie indiquée, quand elle réalisa qu’elle n’arrivait pas à se lever. On aurait dit qu’elle était ceinturée à la taille par quelque force invisible, parce qu’elle n’arrivait vraiment pas à bouger. Ses orteils remuaient, même si douloureusement pour ceux du pied qu’elle s’était foulé, mais quand même. Elle essaya une nouvelle fois, et se mordit la lèvre pour retenir un cri de douleur. Cette fois-ci, elle avait l’impression d’avoir reçu une flèche enflammée entre les reins. La douleur remonta le long de la colonne vertébrale, avant de doucement s’estomper. Mais qu’est-ce que le mélange de toutes ces fioles avait bien pu généré comme réaction ?
Nouvelle tentative de mouvement. Cette fois-ci, son torse daigna bouger, mais ses mouvements restaient difficiles. On aurait dit le poids de son corps multiplié.

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- Attendez, je vais voir s’il m’en reste en réserve.

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La poignée de porte s’agita au-dessus de la tête de la jeune fille. Celle-ci s’en écarta brusquement, ou du moins essaya-t-elle. Son corps bascula sur le côté, et elle se traîna un peu plus loin.

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- Mais, mais…

La poignée continua à cliqueter un moment, puis le bruit s’arrêta.

- Je ne comprends pas, tout à l’heure, c’était ouvert…. Brad ?!

Le vieil homme se mit alors à tambouriner à la porte.

- Je sais que tu es là, vaurien. Ouvre immédiatement.
- Attendez, laissez-nous faire, rétorqua alors MacWorth.

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Joana dégaina sa baguette, s’attendant à ce qu’ils débloquent la porte par le sort inverse de celui qu’elle avait utilisé, mais ils ne le firent pas. Au lieu de cela, en brutes bien épaisses qu’ils étaient, ils s’étaient mis à essayer de défoncer la porte à coup d’épaule. À tous les coups, c’était Fergy qu’avait dû se charger de la tâche. C’était le plus lourdaud des deux. La jeune fille s’écarta un peu plus de la porte, attrapa une chaise par les pieds et la coinça contre celle-ci (comme ils font dans les films :p), tandis que derrière, on continuait à entendre les coups résonner.

*Je crois qu’on ferait mieux de bouger de là, si tu veux mon avis…*
*Oui, mais je suis censée bouger comment exactement ? Je continue à ramper comme un ver de terre ?*
*…*
*…*
*Il va bien falloir t’y résoudre. *
*Non, c’est hors de question.*
*Si*
*Non*
*Si*
*Moi, j’te dis que non. *
*…*
*Bon d’accord*

La jeune irlandaise lança un regard dépité à Brad, avant de finalement se résoudre à admettre en soupirant.

- Je… je n’arrive pas à bouger.