Confortablement installée sur un des divans de velours émeraude de la Salle Commune de sa maison, Aely, son chat roulé en boule sur son ventre, lisait tranquillement le non-passionnant récit de la guerre entre Gobelins et Sorciers qu'elle étudiait en Histoire de la Magie. Si elle n'avait pas trouvé le professeur extrêmement génial, la fillette aurait eu un peu de mal à accrocher à cette matière selon les sujets, mais comme il l'était, la question ne se posait pas. Quoique la guerre des gobelins était vraiment un sujet des plus soporifiques...

La Salle Commune était relativement peu peuplée ce soir-là, puisque la majorité des Serpentards étaient encore dans la Grande Salle en train de manger. Installée à une table, Kelsey regardait tristement son parchemin désespérément vide, tandis que Cyndel grattait fougueusement le sien, si bien qu'une multitude de petites taches d'encre noires constellaient son nez. Assises sur un autre des divans, Megan et Ange bavardaient en attendant que viennent l'heure de patrouille de cette dernière. Et dans un fauteuil de cuir, juste à côté de la cheminée, Gabriel lisait un énorme bouquin sans se douter qu'il était constamment la cible des regards furtifs de la petite rouquine.

Laquelle allait d'ailleurs beaucoup mieux, en cette fin de septembre. Son sommeil se faisait moins agité depuis sa première pleine lune et ses cicatrices étaient devenues fines et quasiment invisibles sauf pour qui avait le nez dessus. Aely se familiarisait avec sa nouvelle vision et avec son nouvel odorat sans que personne ne puisse se rendre compte de l'existence du Loup qui logeait en elle, animal sauvage qui attendait, tapis dans un coin de son esprit, chaque pleine lune.

La rouquine n'était pas surchargée de travail contrairement à sa sœur adorée, Hayden, à qui elle n'avait pu parler depuis la rentrée. La fillette culpabilisait affreusement de savoir que la blonde lui faisait confiance alors qu'elle-même ne lui avait même pas avoué sa nouvelle condition... Heureusement, Akiko était là où on n'attendait personne, en confidente aguerrie, souriant toujours avec douceur pour soulager les troubles de la petite vipère. Qui essayait d'ailleurs de lui rendre au mieux. Elle avait même été manger à la table des Serdaigles à semaine précédente, s'attirant les regards intrigués des élèves des autres maisons, pendant qu'elle discutait avec la brune.

Toujours plongée dans son livre et caressant d'une main machinale le poil noir de son chat, Aely resserra autour d'elle le long gilet de laine chocolat qui la réchauffait en plus du feu qui brûlait dans l'âtre. Ses yeux verts parcouraient les pages, son visage en partie caché par la cascade de ses cheveux roux qu'elle avait laissé détachés. Un bruit de course la tira de sa lecture et lui fit relevé la tête. La porte qui menait aux dortoirs s'ouvrit brutalement sur une boule de poils grise, suivit de près par un Nikolaï qui paraissait furieux. Le garçon allait rattraper son chat lorsque que celui-ci sauta gracieusement sur les genoux de la fillette. Qui, instinctivement, puisqu'elle n'avait pour couvrir ses jambes qu'un court short indigo, ramena ses genoux contre sa poitrine, s'attirant un miaulement furieux de la part du chat qui y dormait. Encore médusée par atterrissage de l'animal sur elle, Aely chercha Nikolaï des yeux pour lui demander une vague explication. Elle n'eut que le temps de le voir se prendre les pieds dans le tapis qui recouvrait les marches, s'étalant lamentablement de tout son long dans un fracas épouvantable, sans doute surpris de voir son chartreux lui échapper.

La rouquine se leva en vitesse, laissant tombé son livre sur le divan, et se précipita vers son préfet préféré – préfet-en-chef, ça compte comme une catégorie à part... –, sans faire attention à Salazar et à Cendre qui avaient commencé un crêpage de poils en règle... S'agenouillant près de Nikolaï, la gamine chercha son regard bleu polaire de ses propres yeux inquiets.

« Nikolaï ? Tu vas bien ? Tu t'es pas fait trop mal ? »

-Non, non, noooooon ! Pas les baldaquins ! Uuuuurgh !

Un grognement de frustration retentit dans le dortoir suivi d’un éclair bleuté auquel un félin un peu trop aventureux échappa de peu en lâchant les rideaux auxquels il s’était accroché et en retombant gracieusement sur ses pattes. Les rideaux, quant à eux, n’eurent pas autant de chance et le sort les toucha de plein fouet, créant une myriade de petits trous en leur centre. Le responsable de ce fiasco poussa un nouveau juron et répara le tout d’un geste de sa baguette, puis il recentra son attention sur le quadrupède qui était la cause de ses ennuis. Ce dernier semblait en effet le narguer en se faisant désormais les griffes sur son couvre-lit. Perdant toute patience, l’adolescent se rua sur le lit en question pour tenter d’attraper son chartreux.

-Descends de là tout de suite !

Malheureusement, tout ne se passa comme prévu et le chat lui échappa une fois de plus, décidant cette fois-ci qu’il était plus prudent de quitter les lieux de son méfait avant qu’il ne lui arrive malheur et sortant par conséquent du dortoir. L’adolescent ne perdit pas de temps à se remettre debout et partir à sa poursuite, son retour automatique à sa langue natale, signe évident de l’état avancé de sa colère. S’il choppait son chat, ce dernier allait passer un sale quart d’heure.

-Вернись ! Теперь !* Cendres !

Ses cris lui valurent plus d’un regard surpris de la part de ses camarades croisés dans le couloir mais il n’était pas si inhabituel de voir le préfet des Vipères courir après son chat à toute heure de la journée alors ils ne commentèrent pas, se contentant de se décaler pour éviter d’être sur le chemin du Russe. Quant à Cendres, il remonta le couloir menant à la Salle Commune avec aise, zigzaguant entre les jambes qui se mettaient sur sa route sans difficulté majeure, gardant ainsi son avance sur son maître.

Une fois arrivé à destination, il remarqua immédiatement la meilleure place pour une petite sieste bien méritée après toutes ses émotions : les genoux de la rouquine près du feu. C’est que jouer avec son maître était certes amusant mais même le meilleur des chats avait besoin de repos de temps à autre. Il accéléra donc puis sauta avec agilité jusqu’à sa cible, s’attirant par là-même les foudres du résident des lieux qu’il n’avait jusque-là pas remarqué. Mais, peu importait, l’endroit était trop bon pour l’abandonner si facilement, si l’intrus voulait se battre, ils se battraient ! Même le fracas de son maladroit de maître se rétamant à cause d’un tapis mal étalé ne le distrairait pas de son objectif premier.

-Nikolaï ? Tu vas bien ? Tu t'es pas fait trop mal ?

Se massant la mâchoire qui avait fait une rencontre un peu trop brutale avec le sol de la Salle Commune, l’adolescent leva les yeux vers sa camarade de maison et poussa un soupir à faire pâlir d’envie le plus déprimé des dépressifs. Puis, se rasseyant, il jeta un regard autour de lui, constatant qu’à part Cendres qui faisait toujours des siennes et les premières années qui avaient l’air de trouver la scène très drôle personne ne s’intéressait plus à lui, maintenant qu’ils étaient sûrs qu’il ne s’était pas fait suffisamment mal pour exiger des soins à l’infirmerie. Bon, certains avaient un certain mal à cacher leurs ricanements idiots mais il survivrait. Certes, après le foutu article dans la Gazette, ce petit incident n’allait pas arranger ses affaires mais il avait connu pire à l’époque où Alekseï parcourait encore les couloirs du château. Il se tourna donc vers Aely et entreprit de la rassurer.

-Non t’inquiètes, rien de bien grave. J’aurais sûrement un beau bleu au niveau de la mâchoire pendant quelques jours mais c’est tout. Au pire, si ça me défigure trop, j’irais vois Mrs Pomfresh pour qu’elle m’arrange ça.

Se remettant finalement debout, il constata que Cendres et l’autre chat semblaient avoir trouvé un arrangement les empêchant de s’écharper vivants. Ils étaient désormais tous deux allongés près du feu, suffisamment éloignés l’un de l’autre pour éviter tout nouveau problème d’émerger. Nikolaï ne put retenir un nouveau soupir en les observant.

-Pourquoi faut-il toujours qu’il ne se calme qu’après m’avoir épuisé ?

* Reviens ici ! Maintenant !

Croisant le regard fatigué de Nikolaï, l'expression inquiète de la rouquine s'adoucit. Elle observa le préfet s'asseoir, guettant une grimace de douleur, mais, apparemment, il y avait plus de peur que de mal. Avec un petit sourire, Aely sortit de la poche de son gilet sa baguette, et d'un mouvement du poignet, remit bien en place le tapis qui avait fait chuter le garçon. Si il y avait d'autres blessés, ou pire, d'autres chats, elle ne s'en remettrait pas. Elle avait déjà frôlé l'arrêt cardiaque !

« Non t’inquiètes, rien de bien grave. J’aurais sûrement un beau bleu au niveau de la mâchoire pendant quelques jours mais c’est tout. Au pire, si ça me défigure trop, j’irais vois Mrs Pomfresh pour qu’elle m’arrange ça. »

Le sourire de la gamine s'agrandit encore et ses yeux brillèrent, pleins de malice. Ça lui faisait vraiment plaisir de parler avec Nikolaï. Elle n'en avait pas vraiment eut l'occasion depuis la rentrée et se rendait compte que les conversations du russe lui avaient manquées.

« Hum... Tu devrais le garder, je pense ! Ça fait aventurier baroudeur, les filles adorent ! »

La fillette leva les yeux au ciel et se mit à rire. Elle ne racontait pas n'importe quoi, hein ! Dommage que l'inverse ne soit pas tout aussi vrai, parce qu'elle avait des cicatrices d'aventurière à revendre ! Quoique, sans se mêler de ce qui ne la regardait pas, évidemment, Nikolaï n'avait pas vraiment besoin de plaire aux filles, puisqu'il avait déjà Arabella. La vipère ne connaissait que de vue la jolie Gryffondor, et avait juste remarqué que ses yeux étaient hyper dingues, d'un lilas magnifique. À vrai dire, les histoires de cœur du reste de Poudlard ne l’intéressait que vaguement... Les chroniques amoureuses présentées dans la Gazette de l'école étaient ridicules, et celui ou celle qui les avaient écrites devait avoir de la crotte d’hippogriffe dans les yeux pour affirmer certaines choses...

« Pourquoi faut-il toujours qu’il ne se calme qu’après m’avoir épuisé ? »

La rouquine jeta un coup d’œil vers la cheminée où les deux chats, allongés à une distance respectable l'un de l'autre, se lançaient des regards méfiants. Le soupir à fendre l'âme de son compagnon lui tira un nouveau sourire et elle répondit en haussant les épaules et en pouffant d'un rire contenu.

« Je crois qu'il n'est pas très intelligent, en fait... Zary fait le contraire, quand je découvre ses bêtises, il est tranquillement en train de ronronner sur mes draps et me fait les yeux doux... Alors forcément, j'ai pas le courage de le disputer... Hayden dit que je manque d'autorité ! »

Ce qui était faux, évidemment ! À chacun ses méthodes d'éducation ! Sa sœur c'était moqué d'elle lorsqu'elle l'avait vu faire la morale à son chat, pendant les vacances...
La rouquine se rendit compte que le russe et elle étaient tous les deux debout au milieu de la Salle Commune, et elle désigna d'un signe de tête deux fauteuils moelleux qui avaient l'air de les attendre, dans un coin opposé de la pièce.

« Allez viens, on va se mettre là-bas ! Les fauteuils sont moins dangereux que les tapis par ici... »

Ils traversèrent la pièce, non sans qu'Aely ai jeté un dernier regard vers Gabriel qui, plongé dans son bouquin, ne daignait même pas relever la tête vers elle. De dépit, elle fusilla de ses yeux vert émeraude un petit première année – qu'elle ne dépassait pas de beaucoup, d'ailleurs –, qui montrait à un de ses amis le préfet en souriant niaisement.

« Tu devrais décoller ce rictus idiot de ton visage, ça ne te va pas du tout au teint ! », lança-t-elle.

Puis elle s'installa sur un des fauteuils, juste en face de Nikolaï, et replia ses genoux contre sa poitrine, se trouvant une position confortable. Puis, elle observa le garçon avant de demander.

« Alors ? Mis à part ton problème de chat, tu vas bien ? Quoi de neuf ? Tu as fait quoi pendant les vacances ? »

« Aventurier baroudeur », il aimait bien cette expression. Ça avait définitivement un certain charme exotique qui ne serait pas sans plaire à Ara. Néanmoins, lorsqu’elle l’interrogerait sur la provenance de cette « blessure de guerre », toute prétention à l’héroïsme disparaîtrait et il n’aurait plus l’air que complètement idiot. Alors, pas qu’il fut particulièrement superficiel comme garçon, mais tout de même, passer pour un crétin aux yeux de sa belle, ça ne faisait pas partie de ses plans d’avenir. Il se promit donc de voir l’étendue des dégâts plus tard et de décider de la marche à suivre en conséquence.

Surtout que la remarque d’Aely sur Cendres lui tira ensuite un rictus amusé qui le ramena bien vite à la réalité. Il n’avait jamais envisagé la situation sous cet angle mais c’est vrai que c’était loin d’être bête. La méthode du chat de sa camarade semblait dix fois plus effective que celle de Cendres. En effet, Nikolaï passait son temps à en vouloir à son chartreux alors qu’apparemment Aely avait un mal fou à s’en prendre à Salazar. Comme quoi, finalement, les méthodes les moins conventionnelles étaient encore les meilleures. Enfin, allez dire ça à son imbécile de chat ! A tous les coups, eût-il été humain, il aurait été un Gryffondor dans toute sa splendeur. Ce goût des emmerdes et du risque, c’était un truc de Lions, aucun doute là-dessus. Par contre, Salazar semblait bien porter son nom. Tout dans la ruse et la subtilité, comme tout bon Serpentard qui se respecte.

-Allez viens, on va se mettre là-bas ! Les fauteuils sont moins dangereux que les tapis par ici...

Il ne put se retenir de lever les yeux face à cette pique malicieuse. Enfin, il l’avait cherché après tout. Si son père l’avait vu se rétamer ainsi, il en aurait entendu parler pendant des plombes. Même chose avec Lev et son frère. Sauf que si ces derniers se seraient juste moqué de lui pour le plaisir de l’embêter, son paternel, lui, lui aurait à tous les coups fait un sermon interminable sur le fait qu’un Dmitriev doit toujours conserver une certaine classe. Qu’il était indigne d’un Dmitriev de faire preuve d’autant de maladresse. Qu’un Dmitriev ne courrait pas dans les couloirs, qu’un … Bref, vous voyez le topo. En un mot comme un cent, un Dmitriev n’avait le droit de rien faire en public. Raison pour laquelle, le Préfet était on ne peut plus heureux lorsqu’il quittait la maison pour revenir à Poudlard chaque septembre, l’atmosphère étriquée du manoir pouvant vite se révéler étouffante lorsque Lev n’était pas là pour détendre un peu tout ce petit monde.

Par contre, celui qui était un petit peu trop détendu au goût du quatrième année, c’était le petit crétin qui se moquait ouvertement de sa gueule devant ses copains. Il apprécia donc qu’Aely le remette à sa place. C’est qu’il pouvait accepter que les gens rigolent de son malheur quelques temps, mais plus d’une minute, il ne fallait pas non plus pousser mamie dans le filet du Diable ! Il adressa donc un sourire des plus satisfaits au gamin qui ne savait plus où se mettre après la remarque d’Aely. Il en profita également pour retenir expressément le visage du gosse, celui-là, il avait désormais intérêt à se tenir à carreaux s’il ne voulait pas de problèmes avec l’autorité. Sinon, Nikolaï se ferait un véritable plaisir de le remettre à sa place.

Enfin, il oublia bien vite l’incident une fois que lui et Aely furent confortablement installés près du feu. C’est que se raconter leurs vacances respectives était bien plus intéressant. Il commença donc puisqu’elle l’avait interrogé la première.

-Cendres mis à part, je vais bien, je dirais. Les vacances se sont bien passées. En particulier lorsqu’Alekseï a reçu ses résultats d’ASPICs. L’idée de ne plus me le coltiner ici était des plus réjouissantes comme tu t’en douteras. A part ça, je suis retourné en Russie avec mon parrain pendant quelques jours. C’était super. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point ça me manquait. Après tout, je me suis assez vite fait à la Grande-Bretagne, mais je me rends compte que la Russie c’est encore un peu chez moi. Plus totalement, mais encore en partie. Rien que le fait de pouvoir m’adresser aux gens sans accent, ça change tout. Tu ne te sens plus à part, tu es parmi les tiens. Néanmoins, il faut reconnaître que le climat ne m’avait pas manqué. Quatorze degrés pour un mois de juillet, ça ne devrait pas être permis ! Enfin, je ne vais tout de même pas me plaindre non plus, tout le monde n’a pas le droit à un voyage comme ça pour son cadeau d’anniversaire. Et toi, quoi de neuf ?

Il était plutôt fier sur ce coup-là. Il avait réussi à ne pas mentir une seule fois à son amie, tout en lui cachant l’essentiel de la vérité. Il devenait meilleur pour cela. Le problème c’est qu’il n’était pas convaincu que ce fut une si bonne chose que ça.

Installée dans son fauteuil moelleux, le menton posé sur les genoux et ses cheveux roux tombant en grosses boucles autour de son visage pâle, Aely sourit, prête à écouter le récit des vacances de Nikolaï. D’ailleurs, elle avait presque du mal à croire que la rentrée avait eu lieu à peine un mois plus tôt. La gamine avait l’impression que cela faisait déjà une éternité qu’elle avait retrouvé Poudlard, ses longs couloirs, sa Grande Salle bruyante et toujours surpeuplée, ses dortoirs et mieux, sa maison. Et bien que question maison, la rouquine se trouve finalement bien mieux dotée que la moyenne de son âge, c’était de loin à l’école qu’elle préférait résider.

Le préfet commença à raconter et les yeux de la vipère brillèrent avec espièglerie à la mention d’Alekseï. Elle se souvenait très bien du frère ainé de son ami, toujours entouré de sa bande d’ami, tous aussi intelligents que des trolls… C’était d’ailleurs en leur présence que la fillette avec rencontré le garçon, un an plus tôt. Et, d’après ce que disait Nikolaï sur le caractère incroyablement docile de son frère, elle comprenait le soulagement qu’il pouvait éprouver à le voir s’éloigner. On ne choisissait pas sa famille, et plus elle était loin, mieux on se portait !

Aely écouta avec encore plus d’attention le récit de voyage de son camarade. Elle n’avait jamais été qu’en Irlande, l’année de ses sept ans, pour les grandes vacances, mais avait toujours voulu aller voir ailleurs. Plus jeune, son rêve était d’embarquer sur le bateau d’une bande de pirates sanguinaires et de faire le tour du monde avec eux… Evidemment, le fait d’apprendre qu’elle était une sorcière lui avait fait changer ses plans ! La Russie… Rien que d’en entendre parler suffisait à faire briller ses yeux verts d’excitation. Ce pays était suffisamment éloigné et méconnu pour attiser sa curiosité.

En revanche, les quelques derniers mots de son ami tirèrent un éclat attristé à son regard, pourtant joyeux jusque là. Aely ne s’était jamais rendu compte, ou du moins, n’avait jamais imaginé, que le russe puisse se sentir si différent des autres de part ses origines nordiques.

« Tu sais, tu n’es pas le seul à être un peu différent ici… Il y a des élèves qui viennent de tous les pays… Ton accent ne m’a jamais fait bizarre, d’ailleurs, si tu veux savoir ! »

La rouquine n’était pas le genre de personne qui attachait une importance particulière à l’apparence… Les origines de ses camarades ne lui faisaient ni chaud ni froid. Et en même temps, étant donné qu’à présent, elle allait se transformer en loup féroce et sanguinaire à chaque pleine lune, elle était mal placée pour critiquer ! Sans compter qu’elle était aussi blanche qu’un lavabo, qu’elle avait les cheveux roux et qu’elle était toute petite…

Nikolaï termina son récit et la fillette, cherchant ses mots, essaya de résumer ses propres vacances.

« Hum… Comme mes parents sont en Afrique, enfin, je suppose, j’ai été passer mes vacances chez Hayden Wyncall… Tu la connais peut-être ? Elle est chez les Serdaigles. Je suis restée chez elle un mois et demi… Et après… Et bien, je suis rentrée chez moi. Plutôt calme en fait ! »

Aussi calme que pouvait l’être une semaine à l’hôpital à vrai dire ! La vipère afficha un sourire vacillant. Quoi ? Elle n’allait pas lui dire qu’elle avait été mordue, quand même ? Ce n’était pas comme si elle lui annonçait qu’elle avait eu la varicelle !

Pressée de changer de sujet pour ne pas devoir mentir encore plus, surtout à quelqu’un en qui elle avait confiance, la rouquine posa la première question absurde qui lui venait à l’esprit.

« Dis Nikolaï, tu veux faire quoi après Poudlard ? »

Niko ne s’était pas attendu à ce que ses propos amènent un tel regard attristé sur le visage de son amie. Certes, il venait de lui avouer avoir parfois quelque peu le mal du pays mais il avait cru laisser suffisamment clair que désormais son chez lui c’était ici, en Grande-Bretagne. Certes, il aurait payé cher pour perdre les derniers relents de son accent, histoire de pouvoir éviter les sourires ironiques de certains et certaines, mais c’était plus pour ne pas avoir à subir leur stupidité congénitale qu’autre chose. Il se sentait parfaitement intégré à Poudlard. Après tout, sa meilleure amie était à moitié française ! Quant à Isaac, il était d’origine israélienne si ses souvenirs étaient bons. De même Alix qui avait du sens d’Amérique Latine dans les veines. Alors, bien entendu, comparé à la masse de petits Britanniques, ils ne faisaient pas le poids mais le simple fait que la Grande-Bretagne soit divisée entre quatre pays diversifiait déjà grandement les origines des élèves. Et attention à ne pas dire à un Gallois qu’il était écossais ou pire encore à un Irlandais qu’il était anglais ! Il adressa néanmoins un hochement de tête à sa cadette pour la remercier de lui remonter ainsi le moral, même lorsqu’il n’en avait pas vraiment besoin. Car, déprimé ou non, savoir que ses amis l’appréciaient peu importât ses origines comptait énormément pour lui. Il avait en effet une difficulté de plus en plus grandissante à assumer entièrement les activités de sa famille, d’où le besoin qu’il avait eu de tout dévoiler à Akiko. Depuis, tout ne s’était pas arrangé non plus, mais il se sentait légèrement plus léger, plus en accord avec lui-même. Comme s’il avait pris une décision sans vraiment s’en rendre compte. Restait à savoir laquelle.

-Hayden Wyncall ? Ça me dit vaguement quelque chose. Elle est plus âgée que nous non ? Je crois qu’Akiko me l’a déjà montrée en cours une fois, elles sont amies si j’ai bien compris. Mais, je ne savais pas que toi aussi tu la connaissais. Enfin, tu as l’air d’avoir passé un excellent été en sa compagnie, c’est le principal.

Par contre, cette histoire de ne pas être sûre où ses parents se trouvaient lui paraissait étrange. Quel enfant doutait de la localisation de ses parents ? Enfin, il ne voulait pas non plus se mêler de ce qui ne le regardait pas, alors il décida que si l’occasion se présentait, il lui poserait la question, sinon tant pis ce serait pour une autre fois. Car, il était hors de question de la bombarder de questions inappropriées maintenant, on l’avait éduqué autrement merci bien. Cependant, malgré toutes les leçons d’étiquette qu’il s’était mangé étant petit, la question suivante d’Aely fut plus forte que les automatismes acquis et il fut incapable de cacher la surprise qu’elle provoqua en lui. Que désirait-il faire après Poudlard ? Voilà une question qu’il ne s’était jamais posée à vrai dire.

Pourtant, les discussions sans fin sur l’avenir d’Alekseï durant l’été l’avaient bien fait s’interroger sur son propre futur une ou deux fois mais, connaissant les maigres possibilités de faire quoi que ce soit qui le satisfasse ne serait-ce qu’un peu, il avait laissé la question de côté, préférant ne pas se déprimer avant l’heure et profiter des années de liberté qui lui restaient encore à Poudlard. En effet, plus les années passaient et plus il était clair qu’il ne désirait pas faire partie de l’empire de son père et encore moins de celui de son frère lorsque celui-ci hériterait. S’il aurait pu éventuellement pu envisager de travailler aux côtés de Lev, ce n’était néanmoins pas le géant qui hériterait du business familial alors, devoir prendre des ordres de son aîné, il n’en était tout simplement pas question. Plutôt couper tous les ponts avec sa famille, pour aussi difficile que cela se révèle. C’est qu’il adorait sa mère et son parrain mais vivre une vie qui le détruirait à petit feu, non merci. Pour l’instant, il était encore trop jeune aux yeux de la loi pour faire ses propres choix mais, lorsque le jour de sa majorité arriverait, il déciderait par lui-même. Et les menaces de son père de le déshériter ne fonctionneraient pas aussi bien que sur Alekseï car lui se contrefichait de l’argent familial. Etre riche ne lui avait apporté que des ennuis, alors il vivrait très bien avec juste le nécessaire. Certes, ce serait sûrement très compliqué au début, il ne se faisait aucune illusion, mais c’était mieux que de devoir se mouler plus longtemps dans le carcan familial. Car, s’il continuait dans cette voie, un jour il allait finir par faire exploser le carcan et ce ne serait pas beau à voir, pas beau du tout. Or, il préférait éviter ce genre de désastre.

Néanmoins, malgré toutes ces belles paroles sur sa décision de quitter la famille si l’avenir s’annonçait aussi sombre que ce qu’il croyait, il n’en savait pas pour autant quoi faire d’autre. Tout ce qu’il savait c’est que, si Alekseï prenait les rênes de la famille, tous les bons côtés de la famille que Lev lui avait fait découvrir durant l’été disparaîtraient peu à peu. Or, c’était là les seules choses qui auraient pu le faire rester dans le giron familial. Cependant, quitter le giron familial et savoir où aller étaient deux choses très différentes. Et, s’il savait ce qu’il ne voulait pas faire, cela ne signifiait pas pour autant qu’il avait la moindre idée de ce qu’il voulait faire. Il répondit donc tout simplement ça à son amie, ne voyant aucun intérêt à lui raconter des salades.

-Très franchement, pas la moindre idée. Je ne suis même pas sûr de connaître tous les choix de carrière possibles. C’est que la société anglaise diffère quelque peu de la russe. Par exemple, ici, le Quidditch est vraiment le sport national, faire carrière est donc un choix envisagé par bon nombre d’élèves alors que, là-bas, à moins d’être excellent et d’aller t’entraîner à l’étranger, tu n’as pas de grandes chances de vivre de ton talent. Alors, sincèrement tout ce que je sais c’est que je veux un job qui ne demande pas particulièrement de travail en groupe, tu sais que moi et la socialisation on ne s’entend que jusqu’à un certain point, précisa-t-il avec un sourire narquois, à partir de là je ne sais pas. Et toi, t’as des idées ?

Un sourire joyeux vint fleurir sur le visage d'Aely. Elle aimait bien qu'on parle des gens qu'elle appréciait, et Hayden faisait, depuis peu, partie de ceux là. Et pourtant, la première impression que la rouquine avait eu de la Serdaigle avait été plutôt mauvaise... C'était en avril dernier, à la Bibliothèque. La gamine avait trouvé la blonde prétentieuse et froide dès les premiers instants mais, étrangement, elles avaient commencé à parler et un sentiment inconnu l'avait poussé à se confier à Hayden. Qui l'avait invitée chez elle deux mois, sans demander d'autres explications. Puis il y avait eu la Commémoration du Phénix où elles avaient été ensemble, mais qui avait mal tourné, un peu d'abord à cause de Kelsey, mais surtout à cause de l'attentat... Effectivement, ce n'était pas vraiment ce qu'on attendait d'une sortie entre copines... La petite opina du chef et donna quelques détails supplémentaires.

« Oui, elle est en cinquième année. Hayden aussi m'en avait parlé, elle s'entend très bien avec elle. En même temps, ce n'est pas difficile d'aimer Akiko ! »

Et Aely était bien placée pour le savoir. Elle devait une fière chandelle à la petite Serdaigle qui lui avait promis de garder son secret et qui l'avait aidée à refaire un peu surface. C'était en revanche plutôt compliqué de la raisonner, puisqu'elle se sentait toujours responsable des autres et de leur bien être, problème que, avouons-le, Aely n'avait pas le moins du monde...

Elle observa Nikolaï chercher une réponse à sa question pour le moins inattendue en surveillant du coin de l’œil son chat qui semblait vouloir reprendre la bataille commencée auparavant... Salazar avait un don pour choisir ses ennemis... Le pauvre ! Si la rouquine avait parlé le chat, elle l'aurait prévenue qu'il s'attelait à un phénomène et que sa vie deviendrait un enfer s'il continuait de provoquer Cendres... Mais elle se contenta de sourire en se disant qu'il l'aurait bien mériter. De plus, si Cendres partait en croisade contre Zary, il n'aurait plus le temps d'embêter son maître !

Qui d'ailleurs, ne savait absolument pas se qu'il voulait faire plus tard. Elle rigola en l'entendant parler de sa socialisation. Effectivement, le russe n'était pas un modèle de sociabilité ! Aely réfléchit à son tour en se disant que, pour quelqu'un qui posait la question, elle aurait peut-être pu songer à son propre cas.

« En fait, à la base, je voulait être chasseuse de vampires ! Mais ça, c'était avant de savoir qu'ils existaient vraiment ! Sinon, on ne peu pas dire que je me sois vraiment renseignée sur les métiers sorciers... Pas dans un bureau en tous cas, je ne tiendrais jamais en place... Et pas non plus en groupe parce que moi, paraît-il que je ne sais pas "exprimer mon avis calmement et prendre en compte celui des autres". Déclara-t-elle d'une voix exagérément aiguë et en mimant des guillemets avec ses doigts. Elle ajouta pour Nikolaï, qui forcément, ne voyait pas du tout à quoi elle faisait allusion. Mrs Beckel, professeure de mathématique dans mon ancienne école... Une horreur ! »

En même temps, une matière aussi détestable que les mathématiques ne pouvait pas être enseignée par une personne normale... Elle allait faire cette réflexion à son ami lorsque Salazar bondit sur ses genoux en crachant comme un démon à l'intention de Cendres, qui avait finalement gagné la guerre pour la colonisation du divan...

« Zary, tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenu, hein ! Dit-elle à son chat avec un semblant d'autorité. Il faudrait les enfermer dans un placard... Par exemple pour la Quête du... Elle baissa la voix et prit un air de conspiratrice. Du Calice ! Tu en penses quoi, toi au fait ? »

Spoiler:

Nikolaï n’avait pas besoin de connaître la mystérieuse Mrs Beckel pour s’imaginer sans difficulté le personnage. A tous les coups, il s’agissait d’une de ses femmes aigries dont la seule façon de prendre leur revanche sur les échecs de leur vie était de s’en prendre à plus faible qu’elles ; dans le cas présent, les élèves à sa charge. C’est qu’après tout, il y avait tout de même plusieurs façons de dire à quelqu’un qu’il a un tempérament un peu trop fougueux, sans pour autant apparaître nécessairement comme la vilaine sorcière des contes de fée moldus. Enfin, le passé était le passé et tout ce qui comptait désormais c’était qu’Aely soit suffisamment consciente de ses forces et faiblesses pour choisir une carrière qui lui convienne. Surtout que, bon, il fallait être réaliste une seconde : ils étaient respectivement en troisième et quatrième année et n’avaient pas conséquent même pas passé leurs BUSEs alors les perspectives d’avenir ça pouvait encore attendre un peu avant d’être la cause d’insomnies.

D’ailleurs en parlant de cause d’insomnies … Cendres avait enfin fini par gagner le combat pour la place du roi devant la cheminée et le pauvre Salazar vint quémander des caresses de consolation. Nikolaï se contenta donc de jeter un regard mi désespéré-mi fier à son propre félin, ne sachant trop si être orgueilleux qu’il se soit imposé ou déprimé qu’il ait encore fait des siennes, tandis qu’Aely réprimandait son propre animal de compagnie. Il sourit néanmoins à l’idée d’enfermer les deux quadrupèdes dans un placard. Ça pourrait très mal se finir, il faudrait voir à s’en mêler avant que l’un des deux n’achève l’autre – ce qu’aucun des deux maîtres n’aurait souhaité malgré toutes leurs plaintes – mais, si les bonnes précautions étaient prises à l’avance, ça vaudrait le coup d’œil.

-Par exemple pour la Quête du... Du Calice ! Tu en penses quoi, toi au fait ?

Aha, ça c’est une question intéressante. Ce qu’il en pensait ? Eh bien tout bêtement qu’il n’avait pas été aussi excité pour quoi que ce fut depuis bien longtemps, si l’on excluait la soirée prochaine qu’il avait l’intention de passer avec Ara dans la Salle de Bain des Préfets – mais ça c’était un cas à part. Il fit donc part de ses réflexions à son amie.

-Très honnêtement, j’ai hâte qu’on commence. Mais ce n’est pas tant l’idée de faire perdre des points aux autres maisons qui me motive, même s’il n’y a pas de petits moyens d’augmenter notre avance je le reconnais volontiers,

Bon si il y en avait mais personne chez les Verts-et-Argent n’était encore assez dérangé pour y avoir recours sans savoir qu’il ou elle risquait de se faire expulser dès que sa culpabilité serait découverte donc la question ne se posait pas.

-que celle de m’amuser à leurs dépens. Faire croire à tout le château que Merlin a caché un calice rarissime dans le château, les voir s’exciter pour rien pour ensuite finir par ne rien trouver, c’est ma vision d’un bon tour.

Oui, il avait un côté un peu sadique sur les bords mais que voulez-vous ça venait avec le pedigree. On ne pouvait décemment pas grandir dans une famille mafieuse sans finir par louper un ou deux tournants moraux à un moment donné. Et, franchement, comparé aux autres, il se trouvait plutôt soft. Certes, il ne débordait pas d’amour pour ses prochains mais il considérait en avoir assez pour ceux qui comptaient réellement. Le reste lui importait donc peu.

-Surtout si l’on prend en compte le fait que personne n’a besoin de savoir que, petit un, le calice est en réalité une fiction et, petit deux, que nous sommes à son origine. Bref, c’est de l’amusement sans conséquences comme je les aime. Après tout, il suffit d’imaginer que depuis les années qu’il a été caché, le calice a disparu et qu’il était de toute façon fort peu probable que des élèves sans expérience le retrouvent.

La seule chose à laquelle il allait falloir faire attention s’ils voulaient éviter les conséquences désagréables – du style amis vexés en tout genre et professeurs déçus par leur à tous les coups « comportement puéril et non fair-play » (comme si tout le système même des points n’incitait pas à la compétition constante … enfin c’était un peu l’hôpital qui se foutait de la charité mais bon il ne rentrerait pas dans ce débat maintenant) – c’était que personne ne finisse pas trouver suspect la découverte rapide de trop d’indices qui n’aboutit finalement sur rien. Parce que, s’il y avait bien deux choses qu’il n’était pas prêt du tout à mettre en jeu avec cette histoire c’était, de un, sa relation avec les personnes qui lui tenaient vraiment à cœur et, de deux, son insigne de préfet – c’est qu’il avait fini par s’y attacher à son fichu badge mine de rien ! Alors si ça dégénérait trop, il prendrait ses distances. Car, si faire preuve d’ingéniosité en inventant toute l’intrigue était digne de louanges, se mettre tout le château à dos non. Il conclut donc dur un ton plus sobre.

-Il faudra simplement s’assurer de ne pas dépasser une certaine limite mais bon, si on participe tous les deux, je doute que ça parte en cacahuètes. On devrait être capables de garder le cap, tu ne penses pas ?

[Hj : Il est tard, j’ai mal à l’oreille et je trouve ce post merdique mais bon, j’espère que tu ne seras pas trop déçue quand même. :/: Si besoin de changer quoi que ce soit, MP]