Les évènements de ce monde se divisent en trois catégories : ceux qui arrivent régulièrement –couramment appelés « routine »-, ceux qui se font quelque peu désirer et arrivent rarement, prenant par-là même une teinte particulière, et enfin ceux que l’on appelle exceptionnels car ils n’arrivent qu’une fois tous les trente-six du mois, autant dire qu’on peut les attendre longtemps. Lavande se rendant de son plein gré à la bibliothèque faisait partie de cette dernière catégorie et pourtant en cette matinée de novembre l’improbable avait eu lieu. L’étudiante s’était levée de bonne heure et avait pris un petit-déjeuner consistant à la cafétéria du campus en lisant la dernière lettre de ses incontrôlables cousins –depuis que leur première tentative d’envoi de lettre par la voie sorcière avait amené sa remise en couple avec Kael, chacune de leurs lettres lui faisait hautement plaisir- qui lui racontaient comment ils avaient de nouveau réussi à rendre folle leur prof de micro-économie, cours gonflant s'il en est, en passant tout un cours à finir les phrases de l’autre jusqu’à ce qu’elle finisse, excédée, par les mettre à la porte pour insolence. Dire qu’ils n’étaient pas peu fiers de cet exploit aurait été un euphémisme de première catégorie mais cela fit sourire la jolie Anglaise. Eric et Jordan étaient tellement similaires aux jumeaux Weasley que finalement encore heureux qu’ils aient éré moldus sinon Poudlard ne se serait probablement pas remis d’une compétition entre les deux paires de jumeaux. Car si ces cousins étaient plus jeunes que les Weasley, elle était sûre qu’ils auraient été on ne peut plus inspirés par l’exemple de leurs aînés. Enfin, de toute façon, la véritable raison pour laquelle elle remerciait les dieux qui avaient évité qu’Eric et Jordan ne deviennent sorciers, c’était que cela leur avait évité la guerre. Quand on voyait comment avait fini les Weasley, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir une pensée hautement égoïste : mieux valait eux qu’Eric et Jordan. Pourtant elle avait été aussi fan de Fred et Georges que tous les autres Gryffondors, mais là on parlait de sa famille.

Quoiqu’il en soit, quand elle finit son petit-déjeuner et sa lecture, elle se leva, ramassa son sac et se dirigea vers la BU de bonne humeur. En effet, son projet pour la matinée n’avait rien à voir avec le travail scolaire. Non, c’était une initiative personnelle. Dans un mois, ses parents allaient célébrer leurs vingt-cinq de mariage et pour fêter l’occasion, elle voulait leur offrir un cadeau magique. Lors de la soirée avec toute la famille, elle ne pourrait pas le leur offrir car, mis à part les jumeaux, personne n’était au courant de son don dans la famille mais, en privé, elle voulait utiliser ses pouvoirs de sorcière pour leur créer quelque chose de spécial dont ils se souviendraient longtemps, quelque chose qu'elle soit la seule à pouvoir mettre au point. Elle avait donc passé les semaines précédentes à se creuser les méninges pour trouver une idée digne de ce nom et, trois jours auparavant, elle avait eu la révélation. Elle allait leur créer un tableau enchanté où leurs deux noms s’enlaceraient à l’infini dans une étreinte sentimentale. Ainsi, ils pourraient l’exposer dans leur chambre quitte à l’enlever quand ils auraient de la visite susceptible de rentrer dans la pièce. Sauf que si l’idée était brillante encore fallait-il la réaliser et c’était là que les choses se corsaient. Elles avaient déjà commandé à un peintre londonien le dessin original qu’elle désirait mais encore fallait-il s’occuper de la partie enchantement. Et pour ça, elle s’était dit que le meilleur endroit pour trouver le sort correspondant à ses désirs serait encore la bibliothèque de l’UMA.

Ainsi, profitant de son premier jour de libre, elle avait décidé de faire des recherches toute la matinée avant de retrouver Kael pour le déjeuner. Poussant la porte à battants, elle se dirigea directement vers le bureau de Miss Tempel. Elle s’était dit que plutôt que tourner en rond pendant des heures comme une diote, mieux valait demander à la bibliothécaire conseil sur les bouquins susceptibles de répondre à ses attentes. Et puis la bonne femme était un fantôme alors depuis le temps elle devait bien avoir eu le temps de lire tous les bouquins de la biblio ou au moins de savoir de quoi ils retournaient non ? Elle sourit donc à l’ectoplasme et lui exposa son problème.

La bibliothécaire eut un instant de silence où elle sembla réfléchir intensément puis un minuscule sourire vint se dessiner sur son visage habituellement mélancolique et elle répondit :

-Beau projet mademoiselle, mes vœux vous accompagnent dans sa réalisation. Quant aux livres pouvant correspondre à votre requête, vous devriez trouver votre bonheur dans le rayon « Enchantements de niveau supérieur », troisième rangée à gauche. Je vous conseille de fouiller dans ce coin, il y a quelques perles mais je ne sais pas exactement dans quel livre vous trouverez ce que vous cherchez donc je vous conseille de regarder par vous-même.
-Entendu, merci beaucoup.

Elle se retint à temps de rajouter un « Madame » sachant que la bibliothécaire tenait à ce qu’on l’appelle « Mademoiselle », une sombre histoire de futur mari mort avant le mariage ou quelque chose dans le style en étant la raison, mais Lavande n’arrivait pas à se faire à l’idée d’appeler « Mademoiselle » une femme de son âge, c’était juste trop … bizarre ! Elle lui sourit donc une dernière fois en silence et prit la direction qu’elle lui avait indiquée. Elle arriva devant le rayon en question et après plusieurs minutes d’examen attentif des différentes tranches retira une demi-douzaine de livres qui retinrent son attention. C’est donc les bras chargés qu’elle se mit à la recherche de la table libre la plus proche, ce qui étant donné l’heure matinale ne fut pas bien compliqué. Mais alors qu’elle allait s’assoir une voix familière retint son attention sur sa gauche et surprise de l'entendre dans un tel lieu, elle alla confirmer qu'il s'agissait bien de qui elle pensait.

Elle reprit donc toute sa pile de livres et se dirigea au son des grognements de mécontentement. Et lorsqu’elle eut passé le rayon des potions, elle vit le dos de la personne qu’elle s’attendait à trouver. Une main dans les cheveux, Alan semblait en pleine guerre contre le livre posé devant lui, chose qu’on ne pouvait pas vraiment lui reprocher quand on regardait l’épaisseur du machin. Il fallait être sacrément accroché ou porter le nom de famille Granger pour s’avaler un truc pareil ! Elle s’approcha donc de lui avec un sourire amusé -Alan était le pire râleur qu’elle connaisse, c’était franchement comique parfois- et décida de se venger de toutes les fois où il lui faisait des mauvaises surprises en lâchant sa pile de livres sur le pupitre à côté du sien. Cela produit un magnifique boucan –qui aurait causé un infarctus à Pince mais heureusement pour Lav’, Mrs Tempel avait un caractère nettement moins exécrable- qui fit sursauter le grand dadais et l’étudiante lui adressa un sourire innocent :

-Alors c’est quoi cette fois-ci : un devoir qui veut ta peau, une lettre de ta sœur ou tout simplement ton merveilleux caractère qui fait des siennes ?

Oui, elle avait toujours été le tact incarné mais avec Alan, il fallait parfois être un peu brusque et le malmener quelque peu sinon môsieur perdait un peu le sens des réalités, à force de jouer les aventuriers solitaires, rebelle à toute autorité.

En premier lieu, il sembla hésiter face à sa demande peu habituelle, comme s’il ne comprenait pas bien le sens de celle-ci, mais, peu après, elle le sentit se détendre contre elle et il lui murmura son accord. Elle se laissa donc aller contre son épaule et ferma les yeux. Elle était bien là. Pas de stress, pas de peur, juste elle et lui dans le silence. Ils ne se connaissaient que depuis un peu moins d’un an et demi mais ils avaient déjà tant partagé. Ils s’étaient raconté leurs secrets les plus intimes, ils avaient ri, ils s’étaient disputés, elle avait pleuré, il avait crié, et malgré tout cela ou plutôt grâce à cela, ils pouvaient encore partager des moments de silence complice. Ne rien dire, juste profiter de la présence de l’autre. C’était ce qu’on appelait « se comprendre parfaitement ».

Elle aurait pu rester ainsi longtemps mais il brisa le silence et elle sentit dès les premiers mots que ce qu’il allait dire était sérieux. Elle se redressa donc et lui accorda toute son attention. Elle savait que, malgré son air constamment insouciant, il cachait pas mal d’insécurités et de remords derrière sa façade de mec sympathique et cool. Que ce soit ses problèmes familiaux ou la séparation douloureuse d’avec ses amis de Poudlard, il avait des problèmes non résolus qu’il traînait derrière lui comme un boulet dont il était incapable de se défaire. Certes, c’était le cas de tout le monde -il suffisait de gratter suffisamment sous la surface pour découvrir des problèmes cachés chez toute personne- mais il était son ami et cela changeait tout. De la même façon qu’il était là quand elle en avait besoin, elle se devait de le soutenir quand il se sentait moins bien. C’est pourquoi elle l’écouta sans dire un mot.

C’était si rare qu’il avoue comme cela une faiblesse de son plein gré. Il était le roi de l’esquive, du changement de sujet lorsqu’il était mal à l’aise, en particulier pour ce qui concernait les relations humaines. Sans aller plus loin, son histoire malheureuse avec Mac Tansey continuait d’empoisonner ses relations de tous les jours avec les membres de la gente féminine et Lavande espérait qu’il finirait par trouver un jour la fille capable de percer l’armure qu’il s’était patiemment construite pour se protéger d’une nouvelle déconfiture. Il était beau c’était un fait et elle voyait bien qu’il ne laissait pas les filles indifférentes mais il ne semblait pas s’en rendre compte. Comme s’il ne pouvait pas imaginer autre chose qu’une simple amitié fille/garçon. Ou plutôt comme s’il ne VOULAIT pas l’imaginer. Mais, les histoires de cœur ne devaient pas être brusquées et c’est pour cela que Lavande n’avait pas l’intention d’intervenir en la matière. Il trouverait en temps voulu, en attendant elle jouerait les confidentes jusqu’à ce qu’il trouve une autre fille à qui il aurait également envie d’ouvrir son cœur.

Elle se sentit par ailleurs profondément touchée par ses mots, il était en train de lui signifier à quel point il tenait à elle et cela comptait beaucoup aux yeux de la jeune femme. En effet, Alan n’était pas du genre à disserter sur ses sentiments, il était plutôt du style à montrer son affection et le fait qu’il ait choisi de mettre des mots sur ce qu’il ressentait à son égard l’émut profondément. Il était en train de reconnaître devant elle une peur des plus primaires, celle d’être abandonné par ceux auxquels on tient, et elle se sentit honorée qu’il appréciât autant leur amitié. Elle eut donc un sourire doux à son égard et répondit :

-Tu n’as rien à changer, c’est tel que tu es que je t’aime. Avec tes qualités mais également tes défauts. Sans ta maladresse et ta goujaterie perpétuelle la vie serait drôlement plus ennuyante, précisa-t-elle avec un clin d'oeil. Et puis, si tu me causes du souci, les moments comme ceux-ci rattrapent largement ceux d’angoisse. Alors ne t’inquiète pas, je n’ai nullement l’intention de te laisser partir. J’ai autant besoin de toi que tu as besoin de moi. Souviens-toi qu’une relation, c’est toujours à double sens et la nôtre ne déroge pas à la règle.

En effet, s’il venait d’avouer ses inquiétudes devant elle, elle avait déjà fait la contrepartie et il ne l’avait pas jugée ni laissée tomber, alors pourquoi diable se priverait-elle d’un ami pareil ? Car s’il disait qu’elle le maintenait sur le droit chemin depuis qu’ils s’étaient connus, en lui rappelant qu’il y avait des gens qui l’attendaient et que, s’il partait en expédition, il avait un devoir de revenir en un seul morceau, le contraire était tout aussi vrai. Avant de tomber sur lui, à son arrivée à l’UMA, elle ruminait de bien sombres pensées. La bataille de Poudlard était encore fraîche dans son esprit, elle avait été plus ou moins forcée de s’inscrire dans un cursus qui ne lui disait rien et Parvati n’était plus à ses côtés. Autant dire que l’avenir était loin d’être brillant. Depuis, elle s’était fait plein d’amis, filait le parfait amour avec Kaelir et avait pris goût à ses études. Certes, tout n’était pas rose tous les jours mais elle continuait d’avancer et c’était en grande partie grâce à sa rencontre avec lui. Elle le lui dit donc.

-Et puis, tu n’es pas le seul à avoir profité de la présence de l’autre. A tes côtés, j’ai également retrouvé la joie de vivre et mon ancienne personnalité. Sans avoir perdu la maturité que j’ai acquise durant les années noires, j’ai retrouvé goût à la vie. Je ne me suis pas renfermée sur moi-même, je ne suis pas devenue amère ou terrifiée d’un passé révolu, j’ai réussi à croire en des lendemains meilleurs et ils sont devenu réalité. Alors merci à toi aussi.

Elle déposa alors un léger baiser sur la joue de son meilleur ami. Puis, celui-ci proposa de revenir à des sujets moins lourds et elle acquiesça avec un sourire sincère. Il était en effet temps de tourner la page et d’embrayer sur la raison de sa présence à la bibliothèque en samedi matin. Son visage s’illumina d’ailleurs alors qu’elle se mettait à exposer son plan à Alan. Elle avait tellement hâte de le mettre à exécution, elle n’en pouvait plus d’attendre de voir la tronche de ses parents devant leur cadeau.

-Cela me semble une idée brillante. Alors comme j’avais commencé à te l’expliquer tout à l’heure, dans un mois, mes parents vont fêter leur vingt-cinq ans de mariage. Ouais je sais, ils sont plus tout jeunes, mais j’évite de leur dire de peur de la réaction de ma mère, rajouta-t-elle avec malice. Et donc je voulais leur faire un cadeau à la hauteur de l’évènement. J’ai donc décidé de leur offrir un tableau enchanté où leurs deux noms s’enlaceraient dans une ronde infinie. J’ai déjà commandé le dessin original à un peintre londonien mais il me reste la partie la plus galère, à savoir trouver un sort pour animer durablement -c’est là que ça se corse- le tableau. Je suis donc venu farfouiller dans ces manuels, elle tapota la pile devant elle, de quoi faire mon bonheur. A mon avis, j’en ai pour toute la matinée, alors prépare-toi à me supporter longtemps.

Elle sourit devant le défi lancé par Alan. Si elle avait su qu’un jour elle se lancerait dans un concours de lecture de manuels avancés ! Mais le travail n’allait pas se faire tout seul, elle se reconcentra donc très vite sur la tâche en cours. Elle ouvrit le premier manuel sur sa liste et se mit au boulot. Elle alla directement à la table des matières et commença à faire le tri dans les sections qui pourraient l’intéresser. Sortilèges de soin, non merci -même si elle nota tout de même la référence dans un coin de son esprit pour le jour où elle aurait besoin pour le cours de Vawdrey- ; sortilèges de croissance, pas vraiment ; sortilèges de cuisine … vraiment, dans un manuel avancé ? Qui avait écrit ce truc, une bonne femme en manque d’argent ou bien ? Sortilèges en rapport avec la température … l’auteur avait vraiment un classement pour le moins particulier. Sortilèges de …

-Evanesco !

Wow qu’est-ce qu’il lui faisait tout d’un coup ? Il abandonnait déjà les recherches ? Ça ne lui ressemblait pas un tant soit peu. Elle leva donc un sourcil étonné devant sa réaction et attendit la suite. Qui arriva sous la forme d’une proposition d’aide qui lui tira un nouveau sourire. Proposé si galamment, il aurait été criminel de refuser pareille offre. Surtout que l’idée de préciser un peu sa pensée avant de poursuivre les recherches était loin d’être idiote. Elle gagnerait probablement un temps fou. Elle fit donc signe à Alan d’attendre une seconde tandis qu’elle clarifiait ses priorités en silence. L’opération lui prit un peu moins d’une minute. Ensuite, il ne lui restait plus qu’à tout expliciter à son ami. Mais, pour cela, il devait pouvoirs au moins se faire une idée du dessin original. Elle fit donc apparaître un bout de parchemin et dessina tant bien que mal le motif qu’elle avait commandé à un artiste professionnel.

-Alors tu vois, leurs deux noms s’entrelacent comme ça dans le dessin de base. L’idée ensuite c’est qu’ils s’entrelacent réellement. Je voudrais que les lettres donnent l’impression de s’embrasser tendrement, tu comprends ce que je veux dire ou pas ?

Dans sa tête c’était assez clair, mais elle ne savait pas si ses explications l’étaient suffisamment. Ce qu’elle désirait n’était pas quelque chose de flashy mais d’intimiste, qui prouve un amour sur la longue durée, qui démontre que ses parents avaient fait leur vie ensemble, qu’ils pouvaient s’appuyer l’un sur l’autre pour avancer dans la vie. Dans sa tête, le tableau rayonnait l’amour et le bonheur, les mêmes émotions qu’elle ressentait quand elle voyait ses parents ensemble. Depuis presque trente ans qu’ils formaient un couple, ils s’aimaient comme au premier jour, et dans une époque de divorces incessants, la jeune femme voulait célébrer pareil évènement.

-Normalement, je ne pense pas qu’il faille un sort trop compliqué pour donner vie à un tableau mais la question, c’est comment faire pour que la magie ne s’épuise pas. A mon avis, il faudra un double sort. Un pour donner vie au dessin et un autre pour amplifier la puissance magique du premier et que l’enchantement ne disparaisse au bout d’une semaine ou moins. Parce que si je pourrais toujours relancer le sort, ça perd tout son charme, si tu vois ce que je veux dire.

Ce qu’il lui fallait c’était un sortilège d’animation et un autre de renforcement, voilà. Restaient à en trouver de suffisamment puissants et surtout à en trouver qu’elle soit capable de réaliser par ses propres moyens. Car si elle aurait très bien pu demander de l’aide à quelqu’un de plus doué en sortilèges qu’elle, elle mettait un point d’honneur à réaliser son cadeau de A à Z. Déjà, elle avait dû se résigner à faire peindre le tableau original par un artiste professionnel puisqu’elle n’avait aucune espèce de talent graphique, mais pour la partie magique, il était hors de question qu’elle délègue. Si elle se retrouvait à avoir besoin d’aide, très bien elle en demanderait, mais elle ferait d’abord tout ce qui était en son pouvoir pour réussir par ses propres moyens.

[Hj : Un peu court pour ne pas continuer sans avoir la réaction d’Alan, j’essaierais de me rattraper sur le prochain ]

Il était clair qu’Alan avait des qualités de dessinateur dont elle était privée. Si son gribouillis était digne de l’œuvre d’un gamin de cinq ans, celui d’Alan ressemblait pas mal au schéma qu’elle avait fourni au peintre. Schéma qu’elle avait mis des jours à perfectionner pour que l’artiste ait une base solide sur laquelle travailler, parce qu’il n’y avait rien à faire mais avec un crayon dans la main, elle était aussi douée qu’un Pitiponk avec une batte de baseball. Alors évidemment, les trois malheureux traits qu’elle venait de pondre ne ressemblaient à rien. Heureusement que son ami vint à la rescousse et qu’il eut la délicatesse de ne pas commenter son manque cruel de talent.

Elle écouta attentivement ses conseils en espérant très fortement ne pas avoir à combiner trois sorts sinon elle avait d’autant plus de chances de se rater quelque part. Un sort ce n’était pas évident, deux ça se corsait sérieusement, trois c’était une quasi-certitude de foirer quelque chose. Oui, Lavande avait toujours débordé de confiance en elle, pourquoi ? Néanmoins, l’idée de faire un premier tri parmi la pile de bouquins qu’ils possédaient lui sembla brillante. Elle sourit donc avec amusement.

-J’approuve mon colonel, j’approuve. Il nous reste à nous répartir les tâches. Tu te charges du sortilège d’animation vu que c’est toi le dessinateur dans l’histoire et que tu sauras s’il y a des contre-indications quelconques dans un sort vis-à-vis du dessin, genre si tu lances ce sort ça va déformer l’image ou des conneries du style. De mon côté, je me charge du sortilège d’amplification. Je vais voir si je trouve un truc du style charme de Glu perpétuelle modifié. Et si je tombe sur un os, je reviendrais à l’idée principale, c’est-à-dire un simple sortilège d’amplification de la puissance du sort d’animation.

Sans un perdre un instant, ils se mirent à jeter un coup d’œil aux tables des matières. Ils se retrouvèrent ainsi avec trois livres chacun et un qui les intéressaient tous les deux. Lavande proposa alors à Alan de s’en servir en premier et de lui prêter quand il en aurait fini avec. En attendant, elle reporta son attention sur les trois livres devant elle.

Le premier s’avéra fort peu utile malgré son titre aguicheur. Il s’agissait en réalité d’un livre d’histoire de la création des sorts, il rentrait donc dans toutes sortes de détails sur les circonstances de création, la couleur des yeux du créateur, le temps qu’il faisait à l’époque et ainsi de suite mais pas une seule ligne sur comment se servir des sorts en question. Elle s’en débarrassa donc bien vite.

Le second lui plut tout de suite bien plus. Il possédait toute une partie sur des charmes de renforcement de la puissance. Aucun ne permettait de renforcer la force d’un sort déjà lancé, mais ils servaient tous à rendre le sorcier plus puissant et par conséquent ses sortilèges également. Ce n’était pas exactement ce qu’elle recherchait mais c’était déjà un pas dans la bonne direction. Elle qui était habituée à passer des heures à faire des recherches pour ne trouver que deux malheureuse informations éparpillées dans des manuels indigestes dès qu’elle devait rédiger un devoir, elle était on ne plut contente du résultat de son travail jusque-là. Elle devrait envisager d’interroger la bibliothécaire plus souvent lorsqu’elle aurait une recherche quelconque à faire.

Cependant, le troisième tome fut, lui, d’un inintérêt total. Il répétait ce qu’elle avait déjà appris dans le premier avec moins de détails techniques et plus de remarques inutiles, du style « Ce sort fut utilisée par Goergette McRavish en 1685 pour augmenter ses chances de gagner le Tournoi des Trois Sorciers » A la limite, ils auraient dû préciser si oui ou non elle avait gagné le tournoi grâce au sort, pas juste le fait qu’elle s’en était servie. Ça faisait une belle jambe au lecteur de savoir qu’elle l’avait utilisée !

Néanmoins, le tome qu’avait laissé Alan fut une heureuse surprise, en effet vers les trois-quarts, elle tomba sur une petite perle. Le sortilège de Longue Durée qui rendait plus résistant au temps tout objet sur lequel il était lancé. Créé pour éviter aux objets de rouiller trop vite ou de perdre leur brillance lorsqu’on n’avait pas l’occasion de les nettoyer souvent, il semblait correspondre parfaitement à ses besoins : il augmenterait la durée de vie du tableau enchanté. Elle fit donc signe à Alan qu’elle était prête, attendit qu’il ait lui-même fini et exposa ses trouvailles.

-J’ai trouvé mon bonheur. Un sort pour renforcer ma puissance avant d’animer le tableau et un sort pour renforcer la durée de vie de ce dernier. Regarde.

Elle lui montra ses notes puis attendit qu’il lui fasse part de ses propres découvertes. Mais avant, elle lui adressa un sourire radieux.

-En tous les cas merci beaucoup pour ton aide, sans toi j’y aurais passé la journée, alors que là on a énormément avancé en à peine quelques heures. Tu es le meilleur !

Elle se retint à temps de lui planter un nouveau baiser sur la joue sachant qu’il n’aimait pas ça et en serait affreusement gêné. Une fois dans la journée suffisait amplement.

Lav’ fut ravie d’entendre qu’Ophélia se remettait peu à peu. Elle imaginait très bien le défilé de visites à sa porte. Entre sa position officielle et son caractère apparemment adorable, les gens devaient se bousculer pour aller prendre de ses nouvelles. Elle espéra néanmoins que les infirmières qui s’occupaient d’elle veillaient à ce qu’elle puisse se reposer tranquillement. Surtout avec deux bébés déjà bien avancés drainant ses maigres forces. Pour sûr, elle n’enviait pas la position de la belle directrice.

-Mais si ça m’intéresse idiot. Tu as tissé une véritable amitié avec une des femmes avec le plus de pouvoir de ce pays malgré ton allergie à l’autorité et tu espères que je trouve ça inintéressant, tu me prends pour qui ?, déclara-t-elle en levant les yeux au ciel.

La mimique quelque peu exagérée était là pour tenter de remonter le moral de son ami qui avait l’air drôlement secoué par le souvenir du bal. En même temps, lui connaissait personnellement la victime et elle semblait compter vraiment pour lui alors ce n’était pas franchement étonnant. Elle choisit donc ensuite de virer le cap de la conversation pour revenir vers des sujets plus joyeux. Elle interrogea donc le brun sur le sexe des enfants à naître et la réponse fut au-delà de ses espérances. Un garçon et une fille, c’était le pied ça ! C’était du deux en un, les joies des deux sexes en une seule fois. Les inconvénients aussi, mais elle ne se sentait pas trop concernée pour l’instant.

Elle fut ensuite surprise par le changement brutal de sujet lorsqu’Alan l’interrogea sur son emploi du temps en février. Euh, il en avait de bonnes, elle ne se projetait pas aussi loin ! Elle lui fit cependant signe de la laisser réfléchir une seconde. Mmh, février … février … c’était les deux ans du couple Parv’-Sergio mais ça lui faisait une belle jambe, la retraite de son oncle n’était que pour mars, non elle n’avait rien de prévu. Quoique … ah si ! L’anniversaire de Tomas, elle s’était promis à elle-même qu’après l’humeur plutôt chagrine du garçon au bal, elle allait lui remonter le moral. Et étant trop occupée par l’anniversaire de mariage de ses parents, puis Noël, elle avait préféré attendre février et l’anniversaire de l’Allemand pour organiser une fête surprise dont il se souviendrait.

-Bah je pensais faire une fête surprise pour les 20 ans de Tomas, il avait l’air un peu déprimé ces derniers temps et vu que j’imagine mal ses amis allemands venir jusqu’ici pour l’occasion, j’ai pensé que c’était mon job en tant qu’amie. Tu es d’ailleurs le bienvenu pour donner un coup de main si t’as le temps. Mais vu ta question, je suppose que tu as déjà quelque chose de prévu. Alors vas-y crache le morceau, je n’ai jamais été très patiente et si je peux t’être d’une quelconque aide, compte sur moi.

Elle lui lança un regard innocent après cette entrée en matière un peu forcée, mais avant de lui répondre il lui posa une nouvelle question qui l’intrigua. Ce n’était pas dans la nature du garçon de ne pas répondre. En même temps, il aimait beaucoup les devinettes et l’air amusé qu’il avait actuellement sur le visage en disait long. Il était quasiment sûr qu’elle ne trouverait pas la réponse à sa question. Personnellement, dans ces cas-là, elle se demandait à quoi bon se creuser la cervelle si c’était perdu d’avance, mais pour faire plaisir à son ami, elle réfléchit quelques instants. Il lui avait donné quelques indices, elle tenta donc sa chance.

-Euh, je sais pas moi, c’est une espèce de Rappeltout avancé qui énonce les trucs que t’a oublié. Genre : « tu avais promis à ta mère de passer la voir ce week-end ».

Ok, ça c’était un coup bas surtout qu’elle n’en avait savait rien, mais il n’avait qu’à pas essayer de la ridiculiser en lui demandant toujours de trouver des réponses à des énigmes alors qu’il savait qu’elle était si ce n’est nulle, en tout cas très lente à la détente pour ce genre de choses. Heureusement d’ailleurs que le code à déchiffrer pour l’autre taré du bal avait été donné à tout le monde, parce que si elle avait été seule, le monde pouvait faire ses prières.

Février s’annonçait comme un mois résolument festif. Après l’anniversaire de Tomas celui d’Ophélia, elle s’en réjouissait d’avance ! Elle avait toujours adoré les fêtes, encore plus d’anniversaire, avec les cadeaux, les gâteaux et tout ce qui va avec. Et puis, avouons-le l’idée de sortir en boîte était loin de lui déplaire, ça faisait un certain temps qu’elle n’était pas sortie se déhancher avec Parv’, étant toutes les deux trop occupées. Et étant donné comment elle s’était fichu d’Alan la dernière fois qu’ils étaient sortis ensemble, elle imaginait qu’il ne verrait peut-être pas d’un très bon œil qu’elle lui propose une tournée des bars en sa compagnie. Elle trouvait donc l’idée brillante et ne se retint pas pour le dire.

-Oh oui, compte sur moi ! Sortir en boîte avec la directrice du bureau des Aurors qui plus est, l’idée est terrible. Faudra demander à Tomas d’immortaliser la soirée avec des photos. Ça me fait d’ailleurs penser que pour son anniv’, on devra penser à quelqu’un d’autre pour jouer les paparazzis. Bah, on a tout le temps d’ici là, conclut-elle.

Elle fut ensuite intriguée par le coquillage dans la main du garçon et ce dernier le remarqua, lui demandant de deviner son utilité. Evidemment, elle visa à côté au moment de répondre. Elle se contenta d’ailleurs d’hausser les épaules lorsqu’Alan lui fit remarquer qu’il était tout de même plus connu pour son tempérament sanguin que pour ses oublis constants. Ouais, bah elle avait essayé de deviner déjà, donc il ne pouvait pas non plus lui demander de ne jamais se gourer. Quoi comment elle se gourait tout le temps, c’était différent ? Même pas vrai, elle ne s’était pas trompé quand … ouais oubliez, elle n’avait pas d’exemple en tête mais ça ne voulait RIEN dire ! Et puis, si jamais elle avait toujours tout bon, Alan perdrait le plaisir de la remettre gentiment à sa place, donc, dans le fond, tout le monde était content. So, passons à autre chose.

-Bah écoute tu me vois heureuse pour toi. Mrs Benson t’a vraiment gâtée dis donc. Par contre, tu te moques une fois de plus de la mode ou de la divination et tu auras affaire à moi, je préfère te prévenir.

Elle savait bien que son ami le disait à moitié en rigolant mais elle avait passé ses années Poudlard à défendre l’honneur de la noble disciple enseignée par le professeur Trelawney et les vieilles habitudes meurent lentement. Les gens étaient juste jaloux des personnes douées d’une ouverture plus grande qu’eux aux réalités extra-rationnelles c’était tout. Elle, sans être une spécialiste loin de là, avait appris à faire preuve d’ouverture d’esprit. Après tout, elle avait bien accepté l’existence de la magie le jour de ses onze ans, alors pourquoi la divination ne serait-elle pas possible ? Si on acceptait l’une, il fallait accepter l’autre, dans sa tête c’était évident. Surtout que croire en la puissance des astres, des cartes de tarot, et des boules de cristal ne signifiait pas avaler bêtement tout ce qu’on y lisait. Cela signifiait être capable d’interpréter les signes correctement. Les sceptiques considéraient que c’était la croyance qui faisait voir des signes dans de simples coïncidences, mais elle voulait croire à plus et tant pis pour ce qui la penserait naïve et crédule, elle vivait très bien comme ça merci !

-Wow ! Il est déjà presque 13h, c’est passé tellement vite que je n’avais même pas remarqué l’heure. J’ai promis à Kael de le retrouver à la cafèt dans 15 minutes. Va falloir que j’y aille. Encore merci pour tout et on se voit probablement ce soir pour le dîner. Là faut vraiment que je me sauve, faut que je passe par ma chambre avant de redescendre au rez-de-chaussée. Bises.

Elle se mit à ranger ses affaires, récupéra les bouquins qu’elle avait empruntés et, après un dernier signe d’adieu à son meilleur ami, quitta la table qu’ils avaient partagée toute la matinée.

[Loin d’être une fin brillante, mais l’inspi peine à venir]