Harry semblait surpris et amusé. Ronan se demanda s’il avait dit une bêtise, ce qui ne serait pas étonnant venant de lui. Néanmoins, il eut toutes les réponses qu’il attendait et la légère déception de comprendre qu’il ne parlait pas une star du Quidditch. Mais le grand brun n’en demeurait pas moins sympathique pour autant. Il avait même joué dans l’équipe de Gryffondor ! Ronan devint réellement enthousiaste.

T’as joué à Gryffondor ? Génial ! J’adorerai pouvoir aussi intégrer leur équipe. Tu peux compter sur moi pour y postuler dès que j’arrive à Poudlard, même si je suis pas sûr qu’un premier année puisse y parvenir…

Ronan ne doutait pas de son entrée dans la maison rouge et or à son arrivée à l’école. Il était tellement enthousiaste à l’idée de la prochaine rentrée qu’il idéalisait ce moment et ne s’imaginait pas que cela puisse se dérouler autrement. Son père l’avait tellement briefé que rien ne lui était inconnu sur Poudlard. Du moins c’est ce qu’il croyait…

Le seul joueur de Quidditch que je connaisse, c’est mon père. Il a joué aussi à Gryffondor mais en tant que poursuiveur… Il m’a dit qu’il y avait encore sa photo dans une vitrine à Poudlard. Moi, je sais pas trop à quel poste je me sentirai à l’aise. Je pensais aussi à poursuiveur, mais attrapeur ça a l’air marrant. C’est peut-être un peu trop de pression, surtout quand on débute. Ça t’a pas mis à l’aise d’avoir tous les regards sur toi ? C’est de grosses responsabilités, être attrapeur, je sais pas comment t’as fait…

Les deux garçons se tournèrent vers les balais exposés. Ronan, en tant que novice, était attiré par les modèles tape-à-l’œil. Harry, lui, avait pris un balai plus discret. Du coin de l’œil, le jeune sorcier le regarda procéder, observa sa façon d’étudier l’instrument de vol. Il s’y connaissait, c’était évident. En quelques mots, il en fit la description puis le lui mit dans les mains. Ronan balbutia quelques mots incohérents. Il n’avait jamais vraiment saisi un balai magique. Malgré leur appartenance au monde des sorciers, ses parents l’avaient toujours plus ou moins éloigné de la magie. Sa mère disait toujours que tout viendrait à point et qu’il ne fallait pas brûler les étapes.

Je… je… je dois faire quoi ? Je sais pas si j’ai le droit d’y monter dessus.

Encouragé par le regard d’Harry, Ronan enfourcha le balai, les pieds fermement ancrés au sol. Rien ne se passait. Sa peur initiale était dissipée et il reprit confiance. Tout se passait bien et il put même répondre aux dernières questions.

Ah oui, je me suis même pas présenté. Je suis Ronan Backhouse. Je te signerai un autographe tout à l’heure si tu veux mais il faudraaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa… !!!!!!!!

Il avait trop repris confiance. Il s’était permis de relever le manche du balai tout en exerçant une légère pression des pieds sur le sol. L’effet ne se fit pas fait attendre. Le jeune garçon, bien agrippé à son balai, partit comme une fusée dans le rayon, fit une vrille à environ 50 cm du sol, puis partit s’encastrer dans un stock de battes de Quidditch, à peine à quelques mètres de là. Harry pouvait voir un amas de battes duquel émergea, au bout de quelques secondes, la tête de Ronan. Il n’avait pas vraiment l’air apeuré.

Mais c’est génial ! Il faut que je recommence ! Il me faudrait juste quelques protections… Aïe.

Il se frotta le coude. Toutes les personnes du magasin avaient entendues le bruit assourdissant et se précipitaient sur les lieux de l’accident.

Quelle sensation ! Il avait eu l’impression de flotter dans les nuages ! Et pourtant cela n’avait duré qu’une seconde et l’atterrissage avait été un peu… douloureux. Il se leva alors qu’Harry arrivait à son secours. Il essayait d’afficher un regard sévère mais Ronan comprit qu’il avait surtout envie de rire. En moins de deux, celui-ci fit disparaître toute trace de l’accident. Enfin presque… un hématome était en train d’apparaître sur le bras du jeune garçon.

Le marchand arriva tout essoufflé, il semblait paniqué. Il vit le petit garçon qui réajustait sa chemise alors que le jeune homme tenait à la main un balai. Tout de suite, celui-ci s’excusa. Le vendeur ne put cacher sa mauvaise humeur…

Comment ça dangereux !? Vous plaisantez jeune homme ! Vous vous êtes cru dans un stade de Quidditch ou quoi ? Les jeunes aujourd’hui, ils… Oh.

L’homme s’interrompit et plaça sa main devant la bouche. Evidemment, en regardant le visage de son interlocuteur, il comprit immédiatement à qui il avait affaire. Il faut dire qu’Harry Potter avait fait la une de la gazette un bon nombre de fois ces dernières années.

Oh, pardon, monsieur. Je ne vous avais pas reconnu. Allez, n’en parlons plus, puisque visiblement il ne s’agit que d’un accident et que vous avez tout remis à sa place. Hein, p’tit gars ?

Et le vendeur ébouriffa avec un grand sourire les cheveux de Ronan, qui ne comprenait plus rien à ce qui se passait. Ses parents arrivèrent à leur tour, visiblement inquiets.

Ronan ! Mais où étais-tu ? On a entendu un grand bruit…

On ne peut pas te laisser cinq minutes sans que tu fasses écrouler un rayonnage entier.

Le garçon baissa les yeux. Il attendit la leçon de morale habituelle mais n’entendit plus rien. Il jeta un œil à son père qui arborait un grand sourire à son tour. Mais qu’avaient-ils tous ?

Alors, ça alors ! Mr Potter ! Quel honneur de vous rencontrer en personne.

Son père serrait maintenant chaleureusement la main de Harry. Mais où s’étaient-ils connus ? Il ne comprenait pas pourquoi Harry était si connu. Harry… Harry… Comment l’avait-il appelé ? Potter ? Harry… Potter… Harry Potter ? HARRY POTTER ?

Le cœur de Ronan faillit exploser. Depuis tout à l’heure, il parlait avec la légende vivante, celui qui avait tué Voldemort, celui qui avait été le plus jeune attrapeur de l’histoire de Poudlard… Il ne put sortir un son de sa bouche et tout le monde aurait bien ri s’ils l’avaient vu avec sa bouche grande ouverte. Seulement, son père ne pouvait plus s’arrêter et accaparait l’attention de tout le monde.

Si vous saviez comme je vous admire, Mr Potter, merci pour tout ce que vous avez fait, je ne sais même pas comment exprimer ma gratitude. Oh, vous savez, j’ai bien connu votre père à Poudlard, nous avons joué deux ans dans la même équipe. Ah sacré James… Je me souviens de la fois où pendant le match, l’attrapeur Poufsouffle s’était mis à cracher des limaces, qu’est-ce qu’on a ri…

Et il remuait vigoureusement la main d’Harry, sans pouvoir s’arrêter de parler.

Le jeune garçon baissa légèrement les yeux alors qu’Harry le faisait redescendre sur terre. Il prit conscience qu’il s’était enflammé en se voyant déjà le prochain champion de Gryffondor. Tant de travail allait devoir être fourni ! Dans un premier temps, il allait falloir apprendre à voler convenablement. Un gros chantier, se dit-il, en repensant à sa dernière (et surtout première) envolée… Ensuite, il faudra réussir à voler ET lancer des balles correctement. Là aussi, il eut une grosse angoisse : et s’il en était incapable ? Combien d’enfants comme lui avaient eu la désillusion de ne pas être à la hauteur ? Certes, la volonté et le travail étaient indispensables pour toute réussite, mais sans talent, Ronan ne serait jamais le champion qu’il souhaitait devenir. Et enfin, il ne choisissait pas sa maison. Il pourrait tout aussi bien devenir Poufsouffle ou Serpentard… Il fallait qu’il se fasse à l’idée mais si Harry lui redonna une pointe d’espoir à ce sujet.

Tu as pu supplier le choixpeau ? Je ne pensais pas qu’on avait son mot à dire. Heureusement que tu as osé… Je ne sais pas où on en serait aujourd’hui.

Ronan admirait vraiment Harry. Il venait de sortir d’une épreuve très difficile et il montrait pourtant une importante maîtrise de soi et donnait une belle leçon de tolérance. Le père de Ronan avait toujours été très réducteur sur les élèves de Poudlard. En gros, Gryffondor c’était les gentils et Serpentard c’était les méchants. Le futur élève comprit pour la première fois que les étiquettes ne rendaient jamais service, que les maisons servaient surtout à la coopération, à l’émulsion et non aux rivalités stériles. Il se fit la promesse de ne pas faire preuve de préjugé à Poudlard et de retenir la leçon d’Harry Potter. Mais il ne put s’empêcher d’espérer fortement appartenir à Gryffondor. Juste pour suivre les traces de son nouvel ami.

Cela faisait quelques minutes que ses parents étaient partis avec le vendeur et le balai. Que faisaient-ils ? En attendant, Ronan eut le plaisir d’entendre à nouveau l’offre de Harry.

Donne-moi une bonne raison de refuser… Non mais sérieusement Harry, toi, un inconnu ? Et puis, le temps, j’en manque pas. Je tourne en rond dans ma chambre en attendant la rentrée. Alors, tu parles qu’aller voler sur un balai, je vais pas laisser passer l’occase.

Le jeune sorcier ne connaissait finalement Harry que depuis quelques minutes. Il comprit que le jeune homme craignait de s’imposer. En général, être connu ne suffit pas pour susciter la confiance. Mais le cas d’Harry Potter était différent. Sa générosité et son altruisme attiraient la sympathie et quand on savait qu’il n’avait pas de famille, on ne pouvait que vouloir l’adopter. Ronan aurait adoré l’avoir comme grand frère. Mais il fallait bien lui faire comprendre, car Harry n’aimait apparemment pas s’imposer. Son caractère semblait lui donner plus un rôle d’observateur que d’acteur… mais le destin en avait choisi autrement.
En quelques minutes, Ronan avait beaucoup muri. Il avait effleuré la complexité du monde adulte, des personnalités qui l’entouraient et de la fragilité des rapports humains. Le monde des enfants était plus simple : « t’es mon copain, t’es plus mon copain, t’es mon copain ». Maintenant, il fallait grandir et agir plus subtilement. Les gens ne s’appréhendaient pas tous de la même façon, mais ils avaient tous quelque chose de précieux à offrir. Là encore, une leçon de vie due, involontairement cette fois-ci, à Harry.

Monsieur et Madame Backhouse revinrent avec le balai emballé. Ils sourirent et tendirent le paquet au jeune garçon. Le jeune garçon arracha le papier avec avidité.

Ce sera ton cadeau pour ta rentrée à Poudlard. Il faudra en faire bon usage.

Je vous promets d'être super prudent et que… Oh qu’est-ce que c’est ?

Du doigt, il caressa le manche à l’endroit où doit se poser la main droite. Une gravure toute fraîche s’y trouvait. On pouvait y lire « Harry Potter ».

Voila, on pensait que personnaliser ce balai en lui donnant un nom pourrait être une idée originale. Et quel meilleur nom que le votre ? C’est grâce à vous si nous avons acheté ce balai… Si bien sûr vous n’y voyez aucun inconvénient.

Le visage du paternel exprimait clairement de la reconnaissance envers le jeune homme. Il espérait juste que baptiser un balai à son nom n’était pas maladroit quoiqu’inhabituel.
Ronan trouvait l’idée excellente, il reprit confiance en lui car il était persuadé que cela lui porterait chance. Il enchaîna directement avec le cours de balai programmé dès l’après-midi. Les parents en avaient apparemment déjà discuté et n’émirent aucune objection. Au contraire, les yeux du père de Ronan montrèrent de l’envie. Il était fier que son fils partage sa passion pour le Quidditch et que ses débuts se fassent en aussi bonne compagnie. Il était surtout heureux de la rencontre à laquelle il avait assisté, heureux que son fils puisse prendre comme modèle une légende vivante pétrie d’humilité.

Ecoutez, Harry, nous allons devoir finir – ou plutôt commencer - nos courses pour la rentrée de Ronan. Et puis je suppose que vous avez des choses à faire. Dites-nous juste comment vous voulez vous organiser pour cet après-midi.

On vous le laisse volontiers, nous savons que vous saurez bien vous en occuper. Ne sous-estimez pas son énergie, c’est tout.

À ce moment, Ronan fut pris d’un amour incontrôlable envers ses parents. Il était heureux qu’eux aussi fassent complètement confiance à Harry car tout le monde ne l’aurait pas fait. Malgré la fin de Voldemort, Ronan savait que la méfiance envers le survivant n’était pas encore effacée. Les rumeurs et les mensonges étaient tenaces.
Peu lui importait désormais. Le meilleur restait à venir.