Même quand on est grand, on a des devoirs à faire. Et ça, Lisbeth le savait bien. Ce n’était pas ce qui l’embêtait le plus, soit-dit en passant. Elle aimait travailler, elle y prenait plaisir. Non, ce qui l’ennuyait le plus c’était de voir le paysage extérieur recouvert de neige et de se dire qu’elle devrait affronter le froid hivernal pour retrouver sa chambre dans une heure ou deux. Parce que bon, on a beau être sorcière, le contact chaud-froid ça peut quand même provoquer des rhumes.

En attendant, l’étudiante profitait de la douce chaleur de la salle, plongée dans son livre sur les potions. Pas que les potions servent à grand-chose quand on veut devenir journaliste, mais ça faisait quand même parti du programme. Et, comme Lisbeth avait toujours été une élève sérieuse et appliquée, savoir des choses lui plaisait. D’autant plus qu’elle n’était une sorcière qu’à moitié. Du coup, durant toute sa scolarité à Poudlard, elle avait du prouver à tous les sorciers de Sang-Pur qu’elle valait autant qu’eux.

Plongée dans sa lecture, elle songeait à l’annonce qu’elle avait vue sur le panneau d’affichage. Bosser pour la gazette de l’université, c’était une bonne idée. Comme ça, elle pourrait montrer à tout le monde qu’elle adorait écrire.

Elle n’avait pas encore fait le tour de toutes les structures de l’UMA. Et pourtant, le temps était déjà à Noël. Elle aurait tout le temps du monde. Elle avait déjà rencontré pas mal de monde à la fête d’intégration, garçons comme filles, et avait pu démontrer que même plongée dans les livres à longueur de journée, on savait s’amuser. Elle ne voulait pas passer pour un rat de bibliothèque. Elle aussi avait fait les quatre cents coups à Poudlard quand elle y était scolarisée.

Levant les yeux de son livre de temps à autre, elle observait les étudiants qui se promenaient entre les rangées de livres. Elle avait trouvé une bonne place confortable, sur un pouf appuyée contre l’une des étagères. Par contre, elle n’était pas à l’abri d’une chute de livres. Et bien que les livres de sortilèges la passionnent, mourir étouffer sous les dix gros volumes à la taille encyclopédique, ça ne l’enchantait guère.

Entre deux lignes, elle relevait le nez et prenait quelques notes. Puis, sa main lâchait sa plume et allait tapoter contre la poche de sa veste. Elle avait reçu une lettre de sa mère ce matin. Elle n’avait pas encore eu le temps de la lire, mais savait que cette dernière lui demandait des nouvelles sur son installation, ses camarades, le début de sa scolarité … Même si elle était moldue, sa maman s’inquiétait un peu pour sa fille. Ce qui était normal en soi. Si Lisbeth avait quitté la demeure maternelle c’était juste parce que son père habitait dans le centre de Londres et que ça avait été une solution plus simple quand elle voulait rentrer. Cependant, elle voyait sa mère à toutes les vacances. Et d’avance, elle savait qu’elle allait lui manquer pour cette année à venir.

Elle n’avait pas encore rencontré de garçon. Pas que ça la démangeait, mais elle ne voulait pas passer pour une fille qui préférait le contact des bouquins à celui d’un homme.

« Un conseil: mets une dose de gorzone de plus et enlève une pincée de poudre d'homis, ta potion sera plus efficace. »

Finalement, Lisbeth avait peu touché à ses bouquins. Mais quelle importance ! Elle avait apparemment trouvé mieux à faire durant cette heure d’étude et ce n’était pas plus mal. Un peu de distraction de temps en temps ne faisait pas de mal.

Le petit échange, certes silencieux, avec ce jeune homme était fort agréable. En voyant apparaitre le petit papier messager, elle ne put que sourire d’avantage. Il s’appelait Charles. Et apparemment, il souhaitait continuer à discuter avec Lis’.

Ce ne fût que quand elle vit la salle se vider peu à peu que la jeune fille se rendit compte à quel point l’heure pouvait avancer à une vitesse incroyable quand on savait s’occuper. A son tour, elle rassembla ses affaires. Mieux ne valait pas rester à discuter à la bibliothèque s’ils n’étaient plus que deux. La bibliothécaire n’avait rien d’un monstre, mais tenait certainement à la tranquillité de son antre. Tranquillité qui fût très vite troublée par un vacarme assourdissant qui venait de derrière l’une des étagères.

Lisbeth se leva et, après avoir rassemblé l’ensemble de ses affaires dans son sac dont sa baguette, elle sortit de la bibliothèque. Il l’attendait sur le côté. Elle le repéra assez facilement pour l’avoir observé longuement pendant l’heure qui venait de s’écouler. Et ce fût d’une démarche tout à fait naturelle qu’elle se dirigea vers lui, un petit sourire aux lèvres. Et ce fût elle qui brisa le silence quasi religieux qui les avait reliés jusque là.

« On a échappé à la colère de la furie ! »

Elle avait parlé sur un ton à la fois doux et plaisantin. Sans prétention ni artifices.

- Non seulement on lui a échapper, commença-t-il, mais en plus, ça nous permet de faire connaissance! Moi, c'est Charles Oakvale, étudiant en filière générale.

Elle avait gardé la main de Charles dans la sienne quelques secondes pendant qu’elle la serrait doucement, notant en même temps le petit soupire que laissa échapper le jeune homme. Qu’avait-il ? Etait-il las ? Avait-elle dit quelque chose de travers ?

N’en tenant pas compte, elle continuait de l’écouter avec attention, prenant note dans son esprit de ce qu’il lui racontait. Apparemment, il semblait être un garçon discret comme il y en avait peu à l’UMA. Tout comme elle, il n’aimait pas être au centre de l’attention. Tiens, cela leur faisait un point commun

Il tourna vers elle l’autre partie de son visage. Celle qu’il semblait vouloir lui cacher depuis le début de l’heure. Découvrir cette partie du visage si abîmée alors que l’autre était lisse l’attrista lourdement. Non pas qu’elle le trouva laid. Mais, elle se mit à chercher quelles étaient les raisons de ces cicatrices.

Elle se rappelait que l’an dernier avait été une année d’horreur pour tous les sorciers. Elle se souvenait avoir participé au mouvement des élèves regroupés par Harry Potter et s’être entrainée durement à combattre les mangemorts durant sa cinquième année. Après cela, son père ayant jugé la situation trop dangereuse, l’avait renvoyée chez la mère, espérant que dans le monde moldu elle ne craigne rien.

Alors, en voyant le visage de Charles, elle n’eut pas peur. Non, pour elle cette cicatrice était un symbole de courage de la part du jeune homme, si bien sur c’était du à une lutte contre les mangemorts. Certes, son visage était abimé. Son âme l’était sans doute aussi. Mais il avait survécu.

Dans un geste tendre, Lisbeth posa sa main sur celle du jeune homme, gardant toujours ce sourire rassurant sur les lèvres.

« Tu ne m’as pas offensée ! Et, tes cicatrices ne me font pas peur ! »

Elle masque son œil, celui qui avait une vue directe sur la partie balafrée du visage de Charles. Et, dans un rire enfantin mais non moqueur, elle s’élança :

« Tu vois, c’est comme si je ne les voyais plus ! »

Lisbeth regarda Charles remettre la tasse dans son sac avec une certaine difficulté. Comment pouvait-elle rester intacte ? Parce qu’à voir le mal qu’il se donnait pour la ranger, son sec devait être plein à craquer. La preuve, de là où elle était, l’étudiante voyait que les coutures étaient sur le point d’éclater. Cependant, elle ne fit aucune remarque. Elle était sérieuse et appliquée mais avait parfois tendance à être désordonnée par moment.

Un petit coup d’œil vers l’entrée de la bibliothèque et un soulagement traversa le ventre de la jeune femme. Un avertissement dès ses premiers jours à l’université aurait fait tâche d’encre pour sa réputation d’élève modèle. Oh bien sur, l’UMA n’avait rien de comparable avec Poudlard et, passé du côté des grands, Lisbeth pouvait se permettre un peu plus de liberté. Mais, comment se débarrasser de vieilles habitudes, vous pouvez me le dire ?

Charles avait raison, ils avaient frôlé la catastrophe. Mais la bibliothécaire n’avait sans doute pas eu le temps d’apercevoir leur visage. Leur réputation était sauve. Du moins, pour le moment.

L’adolescente avait encore le goût amer de la potion dans le fond de la gorge. Un goût acre et désagréable. Ca donnait l’impression de piocher dans un paquet de dragées surprises et de tomber uniquement sur les goûts indésirables.

« Tu m’as l’air d’être doué pour la confection des potions. J’ai cet atout également ».

En fait, elle en avait plusieurs scolairement parlant. Mais, il n’était pas dans son habitude de se vanter. Sinon, c’est à Serpentard qu’elle aurait été envoyée quelques années plus tôt. Et heureusement, le choixpeaux avait fait le bon choix.

Le bruit de l’estomac de Charles décoinça un peu plus l’atmosphère arrachant un sourire à Lis qui glissa une main dans son sac et en tira quelques cookies.

« Confection moldue, mais si ça calme ton estomac, tu m’en diras des nouvelles ».

Après lui avoir tendu quelques biscuits, elle en mit un dans sa bouche, savourant le parfum délicat de la crème et du chocolat. Fermant les yeux, elle laissa glisser la saveur délicieuse dans le fond de sa gorge.

« Mon père est un moldu, du coup quand je suis en vacances chez lui, j’ai droit à de la nourriture dite normale. J’en ai profité pour en piquer quelques uns avant de venir. Il ne vit pas très loin de l’UMA ».

Elle aurait pu d’ailleurs s’éviter de louer une chambre à l’université. Mais, au moins comme ça, elle avait son indépendance. Et puis de toute manière, son père ne voulait pas entendre parler de magie. Alors comme ça, l’un et l’autre étaient tranquilles.

A présent, Charles lui parlait de potions. Décidément, ce garçon savait d’avance quels sujets intéressaient l’étudiante. Elle avait survécu au professeur Rogue, lors de sa scolarité à Poudlard. Et, comme elle ne faisait pas remarquer, elle n’avait aucune raison d’être détestée par ce dernier. Et, elle n’avait pas été à Gryffondor. Cela augmentait ses chances de réussir.

« J’avais d’excellentes notes en potions, mais je t’avoue que je n’ai jamais tenté de confectionner du Felix Felicis. Je suis peut-être douée mais pas assez prétentieuse pour me frotter à quelque chose d’aussi compliqué ».

Lisbeth se laissa glisser aux côtés de Charles, le dos contre le mur.

Il lui posa alors une question intéressante. Quels étaient ses projets pour plus tard ? Dans un sens, Lisbeth le savait déjà. Elle aimait écrire, mais vu qu’écrivain ça ne payait pas des masses autant dans le monde des sorciers que dans le monde moldu, elle avait choisi d’être journaliste. Elle était curieuse de nature et ce, depuis l’enfance. Alors, pourquoi pas !

« Plus tard, j’aimerais être journaliste ».

Elle le regarda en souriant.

« Ca n’a rien de noble, je ne sauverai pas de vies et je ne combattrai pas le Mal ! »

Elle rougit légèrement.

« Mais je tiendrai le monde au courant de tout ce qui ce passe aux alentours ».

Discuter avec Charles était un plaisir parce qu’en plus d’avoir de la répartie, celui-ci ne la jugeait en aucun cas. Alors, quand elle lui avait révélé désirer devenir journaliste et qu’il lui avait avoué que le plus important, c’était de faire quelque chose avec plaisir et non par obligation, Lisbeth avait acquiescé d’un signe de tête.

« J’écris depuis que je suis toute petite. Des montagnes de cahiers remplis de croquis et d’explications sur les gens, la nature, les animaux et j’en passe peuplent la maison de mon père ».

Elle eut un charmant petit rire.

« Et, il en reste peut-être le double chez ma mère ».

Elle avait parlé ainsi, librement et sans contrainte, du fait que ses parents étaient séparés. Enfin, ce n’était pas chose rare que lorsqu’un parent sur les deux était sorcier et que l’enfant héritait de ses capacités, le couple finisse par se séparer.

« Et je ne suis en filière générale juste parce que cela me permettra de devenir journaliste et que c’était un compromis avec ma mère qui voulait que je travaille dans le monde magique ».

Elle eût un petit soupire mélancolique.

« Sinon j’aurais aimé aussi me plonger dans la musique ».

L’écriture, bien qu’elle l’aime par-dessus tout, n’était qu’une seconde issue après la musique finalement.

La jeune femme prenait du plaisir à discuter avec son camarade. A tel point, que toute trace de fatigue semblait s’être définitivement évaporée.