Ce samedi d’avril était un jour spécial. Tout Poudlard était au courant depuis des semaines déjà et attendait l’évènement dans une impatience fébrile. C’était pour les élèves l’une de ces trop rares occasions de se changer les idées, d’oublier pour quelques heures toutes ces journées qui s’étaient à la longue muées en semaines puis en mois de morosité, rythmés seulement par l’annonce de mauvaises nouvelles et la promulgation de nouvelles lois. Une certaine effervescence régnait même dans la Grande Salle à l’heure du petit-déjeuner, et entre deux tartines chacun y allait de sa petite stratégie afin de rendre ce samedi aussi parfait qu’il se devait d’être, et de pouvoir en profiter un maximum. En effet, c'était ce samedi d’avril qu'était organisée une sortie à Pré-au-Lard.
Assise à la table des Serdaigle, Fabula entamait ce qui était aussi sa journée d’anniversaire par des pancakes encore chauds et recouverts de confiture. Elle avait besoin de prendre des forces pour faire face à l’immeeense surprise promise la veille par son frère dans un sourire qui en disait long. Pas qu’elle ne faisait pas confiance à Tobias là-dessus – il savait certainement mieux qu’elle ce dont elle avait envie, puisqu’elle-même n’en avait aucune idée, mais il fallait s’attendre avec lui à ce que les choses prennent rapidement une tournure démesurée. Entre deux bouchées, Fabula le chercha des yeux à la table des Poufsouffle, sans l’apercevoir pour autant. Soit il dormait encore, soit la surprise demandait quelques préparatifs, mais au point de sacrifier un petit-déjeuner ?

Après avoir reçu une carte d’anniversaire d’Elladora au courrier du matin, accompagnée d’un assortiment généreux de friandises d’Honeydukes, Fabula remonta dans la tour des Serdaigle pour y patienter jusqu’à l’heure du rendez-vous fixé par Tobias. Celui-ci avait d’ailleurs oublié de lui préciser un lieu, et Fabula espérait le retrouver dans le hall. Au pire, elle pourrait toujours aller se renseigner du côté du chevalier du Catogan, qui frayait avec le Poufsouffle depuis son entrée à Poudlard. Le moment venu, Fabula abandonna donc la salle commune et se dirigea vers la porte bois où elle croisa Lucy, avant d’emprunter les escaliers pour atterrir un étage plus bas. Et là, elle éternua. Toute conséquence ayant forcément une cause en ce bas monde, il ne pouvait y avoir que trois explications à ce phénomène par le biais duquel le Destin, la Fatalité, Dieu, la Force ou Merlin communiquait avec les mortels : 1) quelqu’un pensait à elle (don inné à la plupart des gens), 2) les ennuis n’étaient pas loin (don qu’elle s’était persuadée d’avoir, mais dont rien jusqu’à là n’avait prouvé l’authenticité ou la fiabilité), 3) elle avait pris froid.
Si les possibilités 1 (c’était quand même son anniversaire) et 3 (en avril, ne te découvre pas d’un fil) lui semblaient les plus envisageables, l’aiglonne changea vite d’avis lorsqu’elle crut apercevoir pendant une fraction de seconde un visage dépasser de l’angle du couloir et l’épier, un peu plus loin. Dans le doute, parce qu’elle n’était pas en retard de toute façon, et parce qu’elle aurait trouvé ça dommage qu’il lui arrive quelque chose le jour de ses 14 ans (ou tout autre jour d’ailleurs, mais surtout le jour de son anniversaire), Fabula décida de jouer la prudence et remonta prendre des nouvelles du front chez quelqu’un qui venait de le traverser.
Dans leurs dortoirs, Lucy se préparait pour la sortie à Pré-au-lard.
- Ch’ais pas, en tout cas y m’est rien arrivé, donc s’il se passe un truc c’est que c’était quelqu’un qui t’en voulait personnellement.
- Et tu veux pas aller vérifier ?
- J’répondrai même pas à ça.
- Ce sera de ta faute si j’ai un problème, t’auras ça sur la conscience.
- Ben j’y péterai laggle à celui qui t’auras fait du mal, pour me racheter et te venger, t’inquiètes. Contente ?
- Je répondrai même pas à ça.

Ce n’est donc qu’à moitié rassurée que Fabula redescendit les escaliers, prête à faire face à ce qui se trouvait au bout de ce couloir. Cette fois rien ne semblait bouger. Quelques rayons de soleil parvenaient à se faufiler entre les nuages et au travers des fenêtres poussiéreuses jusqu’aux tapis usés par des générations d’élèves. Dans leurs cadres, des personnages somnolaient tranquillement. Peut-être avait-elle rêvé ? Encore quelques mètres, puis la lumière du jour disparut brutalement.
- Surtout, tu n’ouvres pas les yeux avant que je te le dise. C’est une surpriiiiiise.
Les mains de Tobias s’étaient abattues sur le visage de Fabula aussi rapidement que Calypso s’abattait sur un souaffle, masquant à ses yeux le chemin qu’ils prenaient et l’empêchant de pronostiquer la moindre hypothèse sur ce qui pouvait bien l’attendre.
- Et t’as déjeuné au moins ce matin ? Je t’ai pas vu dans la Grande Salle, c’est pas bon de sauter des repas. Surtout si c’est pour te bourrer de Chocogrenouilles à la place. Mais merci quand même.
Après quelques minutes supplémentaires de babillages et de mystères, Tobias consentit enfin à relâcher sa soeur pour ouvrir une porte qui devait enfin tout lui révéler. En l’occurrence cette porte révéla surtout une pièce vide, de toute évidence abandonnée depuis quelques années maintenant.
- Euh, merci pour… tu m’offres quoi là en fait, une petite partie du château ?
Ça avait le mérite d’être original. Et puis avec les temps qui courraient, ça ne devait pas être facile de faire venir des choses de l’extérieur, alors le plus simple était effectivement de se fournir à l’intérieur. Les négociations avaient pourtant dû être âpres avec le propriétaire, c’était un château millénaire après tout. Mais au fait, qui était le propriétaire ? Il y avait un directeur, mais ce n’était pas la même fonction. Peut-être que le château s’appartenait à lui-même. Un ricanement caquetant (ou l’inverse) interrompit ces profondes réflexions et informa Fabula de la réalité de la situation.
- Pardoooooon, j’avais tout bien préparé… Mais on va le rattraper et tout retrouver.
- Tu sais Toby, en général ce ne sont pas les élèves qui rattrapent Peeves mais l’inverse…

Et surtout, Fabula n’avait pas l’habitude de courir après les ennuis mais plutôt de les fuir, contrairement à un certain Poufsouffle. Cependant ce Poufsouffle en question semblait tellement déterminé qu’elle ne put se résoudre à renoncer aussi facilement dès maintenant, surtout après tous les efforts qu’il avait du déployer dans cette petite entreprise. Et puis par Merlin, il s’agissait quand même de ses cadeaux. S’élançant à la poursuite de l’esprit frappeur, Tobias et Fabula se retrouvèrent rapidement sur le chemin de la volière. Mauvais endroit, mauvais adversaire… La bataille pouvait devenir un désastre à la moindre erreur tactique. Fabula stoppa Tobias dans sa course, laissant Peeves prendre un peu d’avance et se réfugier, si d’un refuge il s’agissait vraiment, dans la volière.
- Attends, ça ressemble trop à un piège…
Le deuxième de la journée, ça virait légèrement à la paranoïa.
- … il faut qu’on réflechisse à un angle d’attaque.
Et dans la famille Aegis, le stratège se trouvait être le frère. C’était lui qui pouvait passer des heures à se passionner pour une partie d’échec, qu’elle soit version moldue aussi bien que sorcière. Fabula n’avait pas vraiment la patience pour ce genre de chose, préférant allier la rapidité à l’efficacité, à condition que la situation s’y prête. Ne pas foncer dans le tas tête baissée, ne pas perdre non plus du temps dans des subtilités superflues. Aussi la Serdaigle ne tarda-t-elle pas à proposer sa vision des choses.
- On envoie un leurre à l’intérieur, Peeves lui balance ce qu’il a à nous balancer. A ce moment il doit être désarmé, et avant qu’il ait le temps de s’apercevoir de son erreur on lui envoie un Incarcerem ou un autre sort qui le calmera.
Elle avait des idées plus explosives en réserve, comme celle d’envoyer un bon vieux Lancétincelles dans la pièce circulaire puis attendre ensuite tranquillement de voir un volatile sans plume en ressortir et l’intercepter. Mais par égard pour les chouettes et hiboux qui venaient déjà de voir leur repos troublé, et aussi parce qu’après l’épisode de sa 1ère année on risquait de l’accuser de destruction avec préméditation du château, Fabula en resta à l’idée du leurre. Plan qui comportait de nombreuses lacunes cependant, elle en était bien consciente, et dont elle ne put s’empêcher de soumettre la plus importante à Tobias.
- Le seul truc, c’est que j’ai peur qu’il se serve des cadeaux comme projectiles. Je pourrai essayer de lancer un sortilège pour ralentir leur chute à temps, mais ça risque d'être un peu juste. Pendant ce temps tu te charges de Peeves ?
Et contrairement aux apparences, contrairement à ce qu’elle aurait proposé avec n’importe quelle autre personne que Tobias, Fabula ne s’était pas réservée la meilleure place. Parce que le plus vulnérable dans l’histoire serait bien celui ayant sa baguette pointée sur autre chose que sur l’esprit frappeur.

« Oui, mais même Peeves ne peut rien face au duo Aegis ! »

Toby avait la foi. Enfin, en même temps, trouver un jour par an, ou même une heure, où Toby n’aurait pas la foi révèle de l’impossible, ou tout du moins arrive aussi souvent qu’une prédiction de Trewlaney correcte. Ou qu’un lavage de cheveux de Rogue. C’est selon votre maison, vous choisissez. Et puis le jaune et noir avait juré que rien ne viendrait gâcher l’anniversaire de l’Alpha, alors il en serait ainsi, parole de chevalier !
Frère et sœur s’élancèrent donc à la poursuite du célèbre esprit frappeur de Poudlard, dont la piste constituée de ricanement moqueur était audible à des mètres. Il n’alla d’ailleurs pas si loin que ça, puisqu’il choisit la volière comme cachette… Ou embuscade pour les Aegis.
Mais l’aspirant chevalier n’avait pas pensé à cette éventualité, trop empressé par le vol des cadeaux, et s’apprêtait à se jeter bille en tête droit dans le piège que Peeves préparait sans doute.
Mais même Peeves ne pouvait rien contre le duo Aegis, fallait pas l’oublier hein ? Puisque Fabula était là. Elle arrêta juste à temps le cadet de la famille avant la catastrophe. Oui, c’était vrai, il fallait d’abord réfléchir à un plan d’attaque. La serdaigle faisait honneur à sa maison, elle énonça en moins de temps qu’il ne fallait pour dire « plan » la tactique sans doute la plus sécuritaire dans la situation présente. Heureusement, car Toby lui était plus doué pour les stratégies à long terme où on devait calculer les coups à l’avance, pas les situations d’urgences dans lesquelles il partait tête baissée à l’assaut.

« C’est un super plan ! Effectivement, il risque de se servir des cadeaux comme projectile… Et euh… »

Le poufsouffle hésita. Devait-il ou non lui en parler ? Est-ce que ça risquait de gâcher la surprise ? Mais en même temps, c’était prendre le risque que le plus beau de tous soit abimé s’il tombe. Finalement, le préfet opta pour le juste milieu et d’en dire assez sans dire le contenu. Comme avec le jeu taboo.

« Si il en jette trop en même temps et que tu n’arrives pas à tous les rattraper, le plus important, c’est le plus grand et le plus long des paquets hein ? Tu l’reconnaitra facilement. »

Un ricanement vint couper court aux préparatifs de la fratrie. Il fallait passer à l’action maintenant. Pointant sa baguette vers l’intérieur de la volière, Toby murmura un lancétincelles qui projeta 4 fusées multicolores qui provoqua moult piaillements dans l’abri à hiboux… Et provoqua un jet de cadeau-projectile comme l’avait prévu Fabula… Mais pas n’importe quel projectile.

Noooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooon ! Pas le gâteau à la crème préparé avec amour ce matin !

Oubliant toute prudence, Toby s’élança le premier dans l’arène pour rattraper le gâteau à la volée tout en pointant sa baguette en la direction présumée du fantôme. Il parvint tant bien que mal à réaliser les deux, puisque son plongeon rapide permit de rattraper les ¾ du gâteau dans le plateau, en éclaboussant le reste un peu partout, mais le principal était là. Mais il avait beau avoir sa baguette dirigée sur le fantôme, il était en mauvaise posture, avachi sur le sol il ne pourrait plus se jeter ni sur les cadeaux volants, ni parer une attaque le temps qui se relève.

Mais Peeves ne pouvait toujours rien contre eux, car il savait que sa sœur était là pour sauver la situation en attendant qu’il se redresse.

[hrp : désolée pour la longueur, j'aurais plus d'inspi pour le prochain... ]