[Message datant de début Aout / Pv Lawrence]

Ainsi le docteur Pettingson avait eu le mauvais goût d'escroquer ses clients et de tenter de les faire payer des frais supplémentaires en utilisant la difficulté de la période et le besoin d'avoir un médecin sûr et présent. L'homme ne manquait pas de culot, mais Lacey ne pouvait pas prétendre ne pas comprendre cette volonté. Ce besoin de tirer à soi la couverture et d'assurer ses arrières pour être sûr de survivre aux intempéries actuelles et de s'en tirer même avec quelques honneurs. Seulement, cela n'était pas une bonne idée de faire ça alors que le ministère cherchait des chiffons rouges à agiter sous le nez des passants pour les faire mordre. Ce n'était pas non plus une bonne idée avec Super Lawrence Hawkesworth, le magnifique directeur du département de la justice magique aux commandes.

Lacey reposa le dossier sur le bureau de son frère. Il l'avait pris d'un tiroir et ne se sentait pas de s'allonger à moitié sur la table pour pouvoir le remettre en place. Le dit tiroir était toujours ouvert et l'homme le referma d'un mouvement de baguette avant de contempler l'état du bureau de son directeur favori. Il n'avait pas vu Lawrence depuis presque deux mois, ses mains étaient moites et le tiraient, l'envie d'aller voir l'autre homme et de le serrer dans ses bras l'avaient maintes fois saisi depuis qu'il était sorti de la geôle des mangemorts, les circonstances avaient été contre lui. Les circonstances, et sa propre honte. Il voulait toucher Lawrence avec ces mêmes mains rouges, celles souillées par la vision que lui avait imposée Torin, qui s'étaient parjurées dans son propre sang, celui de son frère. Il revoyait le visage baigné d'incompréhension de Lawrence et le corps de son frère tomber. Il connaissait la fausseté de ce souvenir imposé, il n'en souffrait pas moins. Il y avait aussi ces gens qu'il avait assassiné, dont Scrimgeour. L'ancien ministre avait porté sur lui les « marques » de Lacey. Sa façon de faire qui rendait impossible la confusion sur l'auteur du meurtre pour qui connaissait un tant soit peu l'auror. Comme une vaste plaisanterie connue des deux hommes seuls.

La pièce de son frère était tel que l'on pouvait s'y attendre du bureau d'un directeur. Froide, impersonnelle et qui ne laissait rien deviner de l'homme qui y habitait. Lacey n'aimait pas particulièrement cette pièce et désirait en venir à ce qu'il était venu faire au plus vite. Et c'était à cent lieux de ce qu'il désirait vraiment. Aurait-il l'audace de prendre l'autre dans ses bras et de le serrer contre lui? Le semi-irlandais en doutait sérieusement, il soupçonnait que la discussion tourne tout à fait vers un autre type de conversation beaucoup moins plaisante. Lacey n'était pas venu pour se faire plaindre par l'autre, il n'était pas non plus venu lui raconter son histoire, ce qui lui était arrivé ces derniers mois. Il lui fallait juste mettre deux ou trois points au clair et disparaître. Le sorcier avait déjà commencé en s'introduisant dans l'espace privé de son jeune frère et pensait que Lawrence apprécierait assez peu la surprise.

C'était le but. Non pas de mal se faire voir -quoique-, mais de marquer une distance. De signifier à l'homme qu'il n'était plus le seul maître à bord. Que Lacey suivait quelqu'un d'autre à présent. Que son autre Seigneur s'appelait Voldemort et qu'il suivrait en priorité les directives du Maître des Ténèbres avant de se pencher sur ce que son frère lui demandait. Pourtant, Lacey savait pertinemment que même si sa laisse était dans les mains d'un autre homme, cela ne signifiait que son coeur avait changé. Pas de ce coté là en tout cas. Celui qui occupait la position suprême restait le plus jeune de la fratrie Hawkesworth. Lawrence devait survivre et ne pas être touché, Lacey y avait presque sacrifié son âme à ce seul dessein. Il avait du changer sa façon de voir les moldus, changer d'optique en ce qui concernait les mangemorts, haïr un père qu'il ne connaissait pas et voir ses fautes, renier deux hommes qu'il avait vénéré pendant de longues années et même en tuer un. Seul Lawrence pouvait justifier ces choix là. Mais le sorcier n'aurait jamais eu l'idée d'imposer ça sur les frêles épaules de son frère : il garderait ce qui s'était passé secret, quitte à passer pour le dernier des abrutis. De toute façon, c'était un rôle auquel il s'était parfaitement habitué. Son nouveau Maître lui avait par ailleurs appris à ramper et à baisser la tête, il n'aurait qu'à reproduire le même schéma avec Lawrence il n'y aurait pas trop de problèmes.

Les fesses sur le bureau, il reprit le dossier en main et recommença à feuiller les mésaventures du docteur Pettingson et tenta de se concentrer dessus. Mais bien sûr... il était idiot de penser que Lawrence resterait intouché par ce qui s'était passé. L'auror n'avait même pas eu le courage de lui envoyer un courrier pour le rassurer, cela allait donc être la surprise totale pour le directeur. Même si ce dernier risquait de se douter du nom de l'intru puisqu'aucun piège du bureau ne s'était déclenché. Son cher Lawrence avait surement du souffrir horriblement de ne pas savoir ce qu'il était advenu de lui pendant le temps de sa disparition. Un désir contradictoire fit son apparition dans le coeur de Lacey : il souhaitait à la fois que son frère ne lui en veuille pas et de l'autre qu'il fut en colère de sa disparition et le gronde comme on l'aurait fait pour un enfant de trois ans. Et dans un coin plus sombre de son coeur, Lacey pleurait des larmes amères et désirait aussi que son frère ne lui pardonne pas et lui demande simplement de sortir, de ne pas revenir.

… Et merde....

[ A lire sur le message : Confusion Elo Paroles ]

Cela faisait un mois et demi, presque deux. Tout ce temps sans voir l'autre Hawkesworth, à alterner les moments où il s'interrogeait sur le devenir de son cadet et ceux où il désirait simplement oublier l'existence de l'autre, où il se forçait à reléguer son frère dans un coin sombre de son esprit. Ce n'était pas très efficace et le plus jeune se débrouillait toujours pour ressurgir aux moments les moins propices, quand il avait un mort sous les yeux par exemple, et de préférence un qu'il avait tué. Trouver un soulagement sordide dans la pensée que ça n'était pas de son propre chef, que c'était pour protéger l'autre. Que non, Lacey Hawkesworth n'aimait pas tuer et que tout ce sang n'avait qu'une seule cause : garder Lawrence en vie. Puis ensuite, son esprit dérivait et revenait à des pensées qu'il avait plus tôt : que ça n'était pas seulement dans l'intérêt du brun et qu'il y avait la Cause. Encore quelques meurtres et les réticences seraient passées, il aurait appris sa leçon et saurait lever sa baguette sans se poser de questions, ni se sentir mal. Il n'aurait plus les mains tremblantes et la peur aurait disparu. L'auror priait pour que le dégout, lui, ne parte pas et que son âme ne suive pas le même chemin.

Lacey avait quitté le giron des mangemorts depuis un temps déjà, et agissait selon les ordres. Il ne dormait pas à son appartement, il dormait peu. Passer des nuits dans des clubs ou dans des bars, remarquer des filles seules, intéressées ou tristes, les séduire, revenir avec elles et payer le gite pour la nuit en nature, le couvert pour le lendemain si elles étaient généreuses. Quand il songeait à Elanor, il passait la nuit dans la rue, sur un banc ou sous un pont. Ne pas voir d'amis, ne pas voir d'ennemis, aucune connaissance et se demander qui l'on était lorsque l'on se retrouvait devant un miroir. Reconnaître un masque familier sous les traits fatigués et poser une main hésitante puis brutale sur la glace pour cacher l'horreur et finir par s'occuper l'esprit autrement. Dans les bras d'une femme et tout oublier pour quelques heures. Cette vie dissolue sans contact avec ce qu'il avait été avant, dans l'espoir de trouver une solution qui n'existait pas. Lacey avait appris la lâcheté.

Puis finalement, l'Ordre d'assassinat. L'homme était passé en coup de vent chez lui, discrètement, avait passé la nuit entre ses propres draps, inchangés depuis deux mois. Il s'était allongé sous sa couette vert anis, apeuré et vacillant, avant de céder à un sommeil agité. L'odeur de sa compagne avait disparu de l'oreiller, le laissant perplexe, à se demander s'il n'avait pas jamais imaginé la femme. Elanor méritait mieux qu'un type comme lui. Le sorcier le savait, mais le fait d'être rentré chez lui, d'y retrouver des choses familières lui faisait désirer à nouveau la présence et le corps de son amie. C'était de ça dont il aurait eu le plus besoin, l'appeler, lui demander de venir jusque chez lui et de lui faire l'amour toute la nuit sans qu'elle ne lui pose de question. Juste pour le plaisir de l'avoir près de lui. Pourtant, Lacey n'avait pas encore envie d'en venir au retour à la vie civile, trop d'ombres dans sa tête, et il y avait son comportement des jours précédents. Comment la regarder en face? La réponse était simple : il fixerait ses grands yeux verts dans les bleus, sourirait et lui mentirait pour ne pas la perdre. Être lâche et menteur, il avait appris. Mais si elle l'acceptait de nouveau malgré son absence, il ferait en sorte de ne plus bouger de son sillage. Au lieu de ça, il avait fouillé dans l'armoire où il gardait des vêtements de rechange pour l'étudiante, avait pris un pull prune et doux et l'avait respiré longuement, se faisant plaisir. Le semi-irlandais avait ensuite mis à sac une partie de son appartement, fait disparaître les objets moldus de grandes tailles et oublié plus ou moins volontairement ceux qui n'étaient pas son immédiate proximité.

Le sorcier avait exécuté sa mission, il lui restait maintenant à reprendre sa vie normale. Et à voir son frère. Ce dernier avait maigri. Presque de façon inquiétante, mais il y avait fort à parier que l'autre n'apprécierait pas qu'il s'inquiète de la façon dont il s'alimentait ces derniers temps. Lacey n'était même pas sûr que la question préoccupe son cadet. Apparemment, la seule chose qui intéressait d'ailleurs Lawrence fut que son précieux dossier soit rangé à sa place. Soit. Le trentenaire ouvrit le tiroir par un informulé et le dossier lévita calmement jusqu'à sa place première :

« Je suis ravi de voir que tu prends tes dossiers toujours autant à cœur. Que tu les aimes à ce point là. »

Si Lawrence s'était montré froid et sec, le ton de Lacey n'affichait qu'une effrayante neutralité. Pas d'ironie, ni de sarcasme, comme si le tout était à avaler au premier degré, pH neutre. Lacey se leva du bureau et s'avança vers le propriétaire des lieux, le détaillant des pieds à la tête, comme si cela faisait des mois qu'il ne l'avait vu. C'était le cas.

Il osait. Lawrence osait lui demander ça. Savoir s'il était jaloux d'une pile totalement imbécile de divers documents et de dossiers, de vulgaires papiers. L'ainé était-il vexé que la première chose que son frère évoque après ne pas l'avoir vu pendant des mois était de lui intimer de ranger un dossier? Évidemment, et furieux avec ça. Aussi furieux qu'il pouvait l'être vidé et sans énergie qu'il était. Cela ne se traduisait que par une faible lueur douloureuse au fond d'un regard éteint et un soupir profond, mais aucune autre réaction. Le langage corporel de l'auror parlait pour lui. Au lieu de ça, et pour garder contenance, le semi-irlandais haussa les épaules et se décida à prouver qu'il était bien éduqué et connaissait d'autres langues, comme celle de leur mère :

« éist do bhéal Lawrence. »

Sa voix aussi douce qu'un murmure, toujours à l'étrange teinte rocailleuse qu'il gardait de sa trop grande consommation de cigarettes. Lui, habituellement si prompt à tomber dans les limites de la correction en anglais se montrait étonnamment poli quand il s'agissait de parler l'irlandais. Demander à Lawrence de se taire de la façon la plus poétique qui soit. 'écoute tes lèvres', une façon un peu ironique de lui demander de se taire. Cela lui signifiait toujours de se la boucler, mais cela restait convenable. Lacey cherchait peut être la violence dans les bras de son cadet, mais il ne souhaitait pas que l'autre lui rappelle sa faiblesse, à quel point il pouvait se sentir petit face à de simples feuilles.

L'auror connaissait la vraie nature du commentaire de son jeune frère, mais ne désirait pas faire un jeu de répondre à ses phrases à double sens. Il voulait autant qu'il redoutait la franchise d'une conversation, l'homme avait l'impression d'être sur une planche branlante ou d'être une maigre girouette de fer blanc, sans savoir trop ce qu'il désirait réellement. Si Lawrence était de nature susceptible avec lui et qu'il était aisé de trouver des phrases pour l'ennuyer, le nouveau 'mangemort' n'était pas moins sensible. Seulement Lawrence ne semblait pas décidé à 'écouter ses lèvres' et les ouvrit de nouveau pour lui faire ressentir son acidité.

L'autre sorcier l'accusait de l'avoir laissé sans nouvelle. Avait-il eu le choix? Aurait-il du lui écrire de longues missives pour lui raconter ce qui lui était arrivé? A quel point il était perdu et qu'il sentait sa conscience lui échapper, petit bout par petit bout, comme un puzzle où on volerait les pièces? Lui dire qu'il n'était pas loin de la folie et avait payé plus que son tribut aux bancs londoniens? Lacey n'avait souhaité qu'un répit pour se reprendre et ne pas apparaître plus pitoyable qu'il ne l'était, que le temps se range de son coté pour lui permettre de se reconstituer un visage, une identité, un semblant de dignité. Son regard détailla froidement Lawrence : Le brun allait-il lui reprocher cela? L'homme se mordit la lèvre plutôt que de répondre et laissa la flamme froide allumée dans son cœur s'éteindre doucement, c'était Lawrence. Il n'avait pas le droit de se mettre en colère contre le directeur, il était venu pour que l'inverse se produise et si le juriste tenait tant que ça à lui reprocher des choses, qu'il le fasse sur ce pourquoi il était réellement responsable.

L'homme s'approchait de lui et Lacey engagea un léger pas de recul, avant de se reprendre. Se sentir comme un animal traqué était une chose, mais ça n'était jamais que son frère en face de lui. Mais pas uniquement, derrière le sorcier brun, il voyait l'immensité de ce qu'il désirait cacher, de ce qu'ils avaient vécu ensemble et qu'il fallait éviter de montrer au Lord. Il voyait sa fidélité à un autre Lord, plus puissant, plus dangereux et qui aurait pu écraser son gentil petit maître d'un revers de la main. C'était de cette ombre là que le sorcier voulait fuir et dont il connaissait la parfaite inutilité.

Lacey entendait le mot soulagement dans la bouche de son interlocuteur, et comme le reste de sa phrase, cela n'avait pas de sens pour lui. Il n'avait rien à répondre à ce que l'homme lui disait, son cerveau refusait totalement de comprendre la phrase de son cadet. Le semi-irlandais était juste fatigué, il laissa son frère l'attraper dans une étreinte maladroite et ferma les yeux sans la lui rendre, mais sans se tendre, comme pour l'accepter. Même si lui, ne semblait pas décider à y participer. Une boule lui montait dans la gorge tandis qu'il respirait l'odeur de son jeune frère. Il n'avait pas été si proche -et sans être en état d'ébriété- du Hawkesworth depuis un long moment, et il n'était pas sûr que cela lui fasse du bien.

Lawrence semblait choisir de le garder près de lui et de vouloir le protéger. S'il se confirmait son choix, il s'affaiblirait et risquerait de ne plus tenir. Ce n'était pas acceptable, l'auror se devait, non pas de rester droit, mais d'avancer. Qu'il soit à genou ou en rampant, au final, cela ne changerait pas grand chose, sauf la note de frais pour le nettoyage de ses pantalons. Le sorcier déglutit avant de placer une main sur le torse de son frère pour le repousser tranquillement, mais froidement :

« L'autre avantage des dossiers, c'est que ça ne pose pas de question et que si ça vous prends la tête, on peut le ranger dans un tiroir et ne pas s'en occuper. Je comprends que tu les apprécies. »

Lacey tourna le dos à son vis à vis et commença à marcher dans la pièce, jusqu'à atteindre une bibliothèque dont il regarda les étagères quelques instants, voir s'il y reconnaissait des titres. Force de constater que les livres paraissaient ne pas bouger beaucoup de leurs places respectives, impeccables et neufs pour la plupart. C'en était presque triste et digne de la comédie que jouait Lawrence, parfait dans son rôle de Monsieur Le Directeur.

« Alors, tu ne me poses pas la question, tu ne m'interroges pas? »

Un rire morne, cruel, émergea de la gorge du fonctionnaire avant qu'il ne poursuive :

« Tu ne vas pas me sortir une niaiserie du style 'ton retour me suffit'... A moins que tu n'aies envie de sombrer dans le ridicule. A ce qu'il paraît, c'est la mode au ministère. »

Lacey porta la main à sa nuque avant de la remettre dans sa poche et de s'intéresser à la reliure rouge d'un traité sur le droit sorcier maritime.

Elanor. Décidément, ce nom était destiné à ressortir partout, même quand il ne voulait pas l'entendre. Que son frère laisse donc sa compagne où elle était. La pensée fit d'ailleurs un moment voyager l'esprit de l'auror qui se surprit à chercher à savoir ce qu'elle faisait en ce moment. Mais on était venu pour le mistral et la tempête, pas pour la brise fraiche. L'ironie de Lawrence était à la fois bien et malvenue : la mention d'une personne familière dans une bouche tout aussi familière faisait presque office de retour à la réalité. Comme s'il avait vécu dans un rêve depuis un mois et demi, seuleement, ce retour au sol ne se faisait pas en douceur, et les parties violentes de son songe revenait avec lui. Il était Lacey Hawkesworth, il allait sur ses trente ans, mesurait un mètre quatre vingt deux, était auror, avait la nette tendance à trop fumer, aimait le café, les femmes et les livres. Il était aux ordres des Mangemorts. Non, il était aux ordre de Lord Voldemort et était en dessous des autres mangemorts, la vie de son frère était dans la balance et il gardait des secrets qu'il devait cacher à tout le monde.

S'il était vrai qu'il n'aimait pas tuer, que d'accomplir le geste nécessitait encore de devoir sortir l'excuse du devoir de protection envers son cadet, il ne se sentait pas mal d'être sous le commandement du Seigneur Sombre. Il se sentait comme une pièce d'échiquier à qui l'on aurait changé la couleur pour le faire passer dans l'autre camps, mais chaque camps avait ses armes et ses raisons. Lacey n'avait jamais pris la peine de considérer le problème sous un autre angle que celui développé par Dumbledore. Après tout, il était logique que les Sang Purs se sentent des droits par rapport aux autres sorciers, ce n'était que de la préservation élémentaire. Y avait-il un mal à vouloir protéger son espèce et la garder des souillures? Probablement si l'on prenait pour base que chaque décision finissait par causer du tort à autrui. Mais c'était aussi le cas de la logique inverse, faire la part trop belle à ce qui n'était pas sorcier détruisait et amenuisait la culture d'un peuple qui allait déjà à la dérive. Si les membres ne faisaient pas d'effort pour se préserver et choisissait le mélange, il n'y aurait bientôt plus de sorciers. C'était un point de vue qui se défendait, un point de vue que son père avait dénié et pour lequel il avait paradé avec une moldue. Encore une chose que le Lord ne savait pas. L'homme avait fait honte à son sang, et ses deux fils s'étaient retrouvé à payer les pots cassés. Si Lacey pouvait réparer, si son nouveau Maître lui en laissait seulement l'occasion.

Voilà ce qu'il ramenait de sa fuite onirique : un filet de pensées sombres et qui allaient à l'encontre de ce qu'il connaissait, mais aussi des pensées de son entourage. Il allait falloir faire le ménage, autant dans l'entourage que chez lui. Histoire que les soupçons ne remontent pas. La question de Lawrence fit de nouveau hausser les épaules de son frère :

« Est ce que tu demandes aux pattes ce que la tête pense? Je n'ai pas changé pour ça, j'agis selon les ordres. Je n'ai jamais discuté que la façon d'exécuter l'ordre, jamais sa... finalité. »

Le sorcier retourna l'un des sièges de bureau de son directeur favori et s'assit, bras croisés sur le torse, regard sur la gauche, dans le vague :

« Tu permets? » -Il indiquait le siège, du menton-

L'homme plus jeune avait posé deux questions. Aucunes d'entre elles n'étaient une réponse facile à sortir pour l'ancien gryffondor. Le sorcier se laissa un moment absorbé dans ses pensées, pour y réfléchir :

« Probablement … comme avertissement... Bouge pas tes fesses et soit sage Lawrence, ça aurait pu être toi. Ce genre de chose... Enfin, si on pouvait éviter : Cela aurait été moins amusant de te tuer. »

Petit souci de concordance des temps, mais Lacey s'en moquait bien. Son esprit en était maintenant à imaginer que la mission eut été d'attenter à la vie du Directeur de la Justice Magique. Le trentenaire aux yeux verts fit appel à toute la maîtrise dont il était capable pour réprimer un frisson d'horreur et de dégout. Il posa ensuite son bras sur l'accoudoir et se frotta nerveusement l'arête du nez et la joue, il n'avait vraiment pas besoin de ça. Sa dernière phrase était de la provocation : Lacey serait-il jamais dans la position de devoir tuer son frère, et quelle serait sa réaction en ce cas? Cela éveillerait-il la colère de son frère, son inquiétude ou cela glisserait-il juste sur la certitude que jamais l'auror ne lèverait la main sur lui? Une dernière pensée pour son cadet et une prière qu'il se tienne convenablement.

La dernière question du roi de la banquise l'indisposait beaucoup plus. Car il n'avait pas de réponse à offrir. Pas de toute préparée en tout cas. Il aurait pu se raidir quand l'autre l'avait interroger et lui lancer un « ça ne te regarde pas. » sec et qui n'appelait pas à la discussion, mais il l'avait filé. Parce que, de un, ça regardait effectivement Lawrence et de deux, Lacey évitait les mouvements d'humeur contre son cadet. Il finit par opter pour le silence, voir déjà l'effet de ce qu'il avait dit sur son interlocuteur.

Le brun laissa son aîné déplacer sa main, bien que cela fit monter sa tension d'un cran. Ce geste, laissait présager le pire. Quand le plus vieux planta son regard malachite dans le sien, le juriste savait que son frère allait répéter. Ce bâtard allait encore ouvrir son claque merde. Pendant que l'imbécile répétait, la main en contact avec celle de l'Auror se contracta. Le juriste serra les dents, pour ne frapper l'homme qu'à la fin de sa réplique. Dès que le dernier mot fut vomit, le poing gauche du directeur se logea en plein dans la mâchoire de ce salaud. Le châtain vacilla sur la chaise, le plus jeune acheva le mouvement. Le tocard fit un bruit sourd en atterrissant sur le plancher. Ce con avait osé répéter.

Le jeune homme haletait. Il n'avait pas l'habitude d'user de la violence ainsi. Il se redressa et calmait lentement sa respiration. Il avait détruit cette pièce il y avait quelques mois. À présent, il traitait son frère ainsi. D'accord, le minable devant lui n'avait plus grand-chose à voir avec l'homme qui lui servait d'aîné. Il y avait tout de même des limites à ne pas franchir. Toute cela ne lui ressemblait pas. Ce n'était pas lui. P**** de côté irlandais, qui choisissait toujours le mauvais moment pour ressortir.

Tandis que Lawrence tentait de se ressaisir, un sourire se traça sur son visage. Son état était lamentable et il voulait aider un Lacey encore plus pitoyable. Il n'y avait rien de joyeux ou de lumineux dans le bref rire qui traversa la pièce.
Qu'avait-on fait à son frère, pour qu'il en arrive là. Cette détermination extraordinaire qui avait réussi à maintenir cet être libre, servait maintenant à l'enchaîner. Belle ironie. Le messager attendait une réponse, alors il allait la lui donner.

« Je t'épargnerai cette peine, deartháir mór*. »

Les derniers mots adoucissaient cette phrase acide. Cette Sonorité était sortie tout droit de l'enfance. Le plus jeune avait cessé d'appeler Lacey de cette manière depuis bien longtemps. Ces mots dataient de la période ou la famille était composée de quatre membres et où le monde entier savait qu'ils étaient des sangs-mêlés. Une époque insouciante, heureuse et perdue.
Le jeune homme se rapprocha du dernier membre de sa famille. Un reste de famille composé uniquement de deux individus. C'était suffisant pour qu'elle soit bien malade et que celle-ci soit entrain de se déchirer. Lawrence put alors lui murmurer au creux de l'oreille.

«J'ai toujours été sage.»

La phrase était pleine d'ironie. Sur le papier, le juriste était en effet le plus propre, mais les deux Hawkesworth savaient parfaitement qui était en réalité le plus sombre. Un sourire moqueur apparut et le jeune homme rajouta.

«Tu sais bien que je suis plus doué à ce jeu-là que toi.»

Lawrence s'écarta de son frère pour le regarder à nouveau dans les yeux. La détermination n'avait pas disparu du regard de cadet. Les yeux marrons montraient également la douleur qui ne le quittait pas. La souffrance, il avait décidé de grandir avec le jour de la mort de leurs parents. Il en faudrait davantage pour le terrasser ou le faire abandonner. Le cadet n'en avait pas fini avec l'autre semi-Irlandais.

« Mais avec tout cela, tu n'as toujours pas répondu à ma seconde question. »

[*deartháir mór = grand-frère en irlandais]

Mission réussie. Ou plutôt : mission qui fait mal, réussie. Lacey en aurait presque sourit, voir rit , affiché une mine soulagée, si les circonstances le permettaient. Nul besoin de dire que ça n'était pas le cas. Pour le moment, l'auror avait les yeux grands ouverts, les jambes dans une position étrange -courtoisie du fauteuil tombé en même temps, cruellement lourd- et une douleur vive sur le visage et sur le haut du crâne. Il n'avait pas songé à se protéger, ni même à amortir la chute, et accusait maintenant le coup. Le regard un peu vague, il passa une main sur son torse pour reprendre sa respiration, coupée en touchant le sol, et essaya de calmer la sensation d'écrasement présente dans sa poitrine. Ses côtes lui faisaient aussi mal, mais toute cette douleur n'arrivait pas même à grignoter celle présente dans la chapelle en ruine qu'était son âme. Cette souffrance s'affichait plus pour lui comme une bénédiction, la juste rétribution d'un esprit seul et en peine.

L'homme déglutit et ferma les yeux, il n'avait pas la volonté de se relever, ramper était une position relativement agréable, une fois qu'on prenait le pli. Il n'y avait rien de cassé sur son corps, il n'y avait pas grand chose à détruire de toute façon. En fait, le sorcier avait la franche envie de rire, mais il doutait que son cadet comprenne s'il agissait ainsi. Il doutait qu'il accepte aussi. Lacey fit au moins l'effort de se soulever un peu pour regarder l'état de ses jambes engourdies, le semi-irlandais les bougea un peu et repoussa le siège, les laissant sur le sol alors que Lawrence reprenait la parole, pour donner du poing sur une partie moins visible de son être, mais ô combien plus vulnérable. Lacey déglutit à nouveau et s'absorba dans la contemplation du sol. Deartháir mór , c'était un statut qu'il trouvait lourd à porter présent. L'idiot de grand frère, la grande bringue immortelle, toujours fière et droite, jamais courbée et toujours libre. Celui qui donnait l'exemple. Celui là était loin et celui qui restait gémit péniblement entre ses épaules repliées, le nez dans la triste moquette grise. Pouvait-on rendre la scène plus sinistre?

Réflexion faite, si on pouvait éviter. Lacey pensait qu'il en avait assez à ce moment. Il avait eu ce pourquoi il était venu. Et malgré le désir de rire à s'en décrocher les poumons, c'était du vide qui l'envahissait. L'impression de subir l'étreinte froide d'un détraqueur, sans avoir l'une de ces satanés bestioles à proximité. Sauf s'il considérait le Directeur du Département de la Justice Magique en tant que tel, si parfaitement inhumain dans son costume parfaitement mis, et à la fois bien humain dans la colère qu'il venait d'exprimer. Une ombre au dessus de sa tête le sortit de son effort de concentration sur l'ecchymose qu'il sentait venir pour son coté et il se retourna précipitamment pour voir Lawrence se rapprocher de lui. Les yeux du sorcier s'agrandirent un instant d'horreur et la scène vacilla pour devenir celle d'une geôle sombre où on l'avait laissé croupir pendant une semaine et où l'homme qui s'était approché de lui portait un nom encore inconnu, mais déjà haï. L'auror perdit sa respiration et ouvrit la bouche pendant que son regard s'écarquillait de terreur au fur et à mesure que la silhouette se penchait sur lui. L'envie de rire s'était dissipée et tout son était bloqué dans sa gorge. Pour dire quoi? A la personne de ne pas s'approcher ? De ne plus le frapper? Lacey se reprit : ce n'était pas le mangemort mais son frère et quand ce dernier parla à son oreille, il sut que le sorcier avait raison. Son frère était plus doué que lui, pour la majeure partie des choses, et pour la dissimulation et le paraître, il était sans nul doute le maître parmi les deux.

Lacey n'osait cependant pas lui demander ce qu'il entendait par « épargner cette peine », maintenant que les propos de l'autre lui revenaient, non écrasés par Le mot. L'homme aux yeux verts avaient peur des implications de ce terme. Qu'est ce que Lawrence pouvait bien entendre par là? Mourir avant que la main de son ainé ne s'abatte sur lui? Comme si Lacey aurait jamais le courage d'exécuter cet ordre. Ou peut être alors le tuer lui? C'était la meilleure des solutions, mais son jeune frère s'y plierait-il? Il ne savait plus quoi penser. Toutes ses certitudes, sagement amassées depuis des années s'étaient disséminées au quatre vents et comme un enfant devant un puzzle, il cherchait depuis des mois à essayer de remettre les choses en place.

Toutefois, le juriste semblait se moquer éperdument des questions existentielles de son pitoyable ainé et continuait sur sa lancée. Il voulait qu'il lui dise comment il en était arrivé à tuer Scrimgeour, et par là, lui demandait sûrement comment il en était arrivé à changer de camps. C'était une belle question, dont les réponses étaient multiples et dont il n'était pas sûr que toutes soient bonnes à entendre.

« J'ai tué... avant... pour la Cause. Si c'est pour la Cause et purger les erreurs de papa, je le ferais. Je défendrais notre sang... Je dois.. »

Ne pas pleurer en tout cas. Un picotement lui montait aux yeux et l'auror se promit qu'au prochain comportement de gonzesse du genre, il irait voir Russel pour le dégouter de se sentir féminin dans des moments pareils. Une bonne douleur dans le bas du dos et l'on se sentait comme un mâle pour les prochaines années, surtout si l'on était hétérosexuel, et même si on l'était un peu moins. Il y avait aussi une autre solution, Lacey baissa un peu plus le nez, jusqu'à ce qu'il touche la moquette. Sans se relever, il rampa jusqu'au pieds de son cadet et posa une main sur la chaussure impeccablement cirée. Grande chance que l'autre n'était pas loin, il n'avait ni le temps de se voir agir ainsi, ni celui de faire fuir Lawrence devant l'image qu'il offrait :

« Laisse moi retirer ma promesse, más é do thoil é Deartháir Beag . » *

Une étrange boule dans la gorge alors qu'il regardait le cuir des chaussures de son frère, il lâcha prise. Aucun courage au monde n'aurait pu l'aider à lever les yeux à interroger l'expression qu'il trouverait sur le visage de son cadet.


[ * S'il te plait petit frère]

Lawrence fixait son aîné pendant qu'il faisait semblant de répondre à sa question. Il ne le regardait pas dans les yeux. En bon élève, il avait commencé à répéter ce qu'on l'avait forcé à ingurgiter. L'auror continuait de s'enfoncer. Les yeux de plus jeune des Hawkesworth s'agrandirent sous la stupeur. Il devait faire un cauchemars. Lacey n'était pas à terre. Son frère n'était pas entrain de le supplier. Le juriste ne bougeait pas, paralysé par le surprise et par le dégoûts que lui inspirait cette scène. Le cadet devait être en plein mauvais rêve. Il n'était pas le bourreau du châtain.

Le directeur sursauta et arracha sa chaussure de l'homme à ses pieds. Il ne supportait pas ce contact et s'écarta de quelques pas. C'était bien la réalité. Lacey rampait devant lui. L'immortelle l'implorer, lui demandait le droit de mettre fin à toute cette souffrance.

« Non. »

La réponse brève n'était qu'un bref murmure paniqué. L'adulte n'avait pas réussi à contrôler cette voix apeuré de petit garçon. Il ne laisserait pas son frère mourir. Quelque soit l'état dans lequel l'irlandais devait finir. Jamais! Il ne libérerait pas l'autre de son serment, même s'ils devaient tout deux être écrasés par cette promesse.

« Je t'interdis de la briser. »

Le ton était plus posé, mais un tremblement venait casser l'assurance de cette phrase prononcée tout bas. Cet effet n'était pas dû à un manque de détermination, il était dû à la douleur et à la colère. Rien que de songer à revenir sur sa parole, était une trahison. L'auror était le plus efficace pour le faire souffrir. Le directeur du département n'arrivait même plus à frapper cet idiot ou à tenir des propos blessants pour le faire réfléchir. Le jeune homme en avait envie, mais plus la force. Il ne supporterait plus de voir à nouveau le châtain gémir sur le sol et se replier sur lui-même. Sa colère avait permis au cadet d'être satisfait de voir son aîné dans cet état. L'amour qu'il portait à son frère lui faisait répugner une telle image. Il avait trop besoin de l'autre à ses côtés.
Le jeune homme posa la paume de sa main sur son visage et appuya, comme pour faire disparaître toutes les expressions de ses traits. Garder le contrôle de ses émotions, il devait les ranger au plus profond de lui, avoir la tête froide, ne pas se laissait emporter. Ne pas crier, ne pas pleurer, ne pas trembler. Il avait prit le risque de descendre en son âme et conscience. Quand il avait prit son frère dans les bras, l'homme s'était dit qu'il resterait au côté de celui-ci. L'ancien avocat avait affirmé qu'il avait grandi avec la souffrance et qu'il en supporterait davantage. Un Irlandais ne revenait jamais sur ses décisions. Lawrence se rapprocha de l'être à terre.

« Je ne lâcherais pas alors seas*. »

Le brun était enfin parvenu à prononcer une phrase de manière ferme, lentement et sans trace de trémolo dans la voix. Il n'avait jamais abandonné l'autre semi-Irlandais et il était hors de question de devenir ce genre de maître. Le plus jeune des Hawkesworth tendit son bras pour que l'homme à terre puisse s'appuyer sur celui-ci.

L'adulte savait parfaitement que c'était égoïste et s'en fichait. S'il devait mettre de nouvelles chaînes à son aîné, il en mettrait. Si le brun devait endosser la peau de bourreau pour que son aîné survive il tiendrait ce rôle répugnant.

[seas= debout]