Tic… Tac.

Eliad grimpait les marches une à une, se tenant à la rambarde de l’escalier en chêne. Il n’y avait personne par ici, pas étonnant quand on savait que les élèves étaient tous réunis pour le match de quidditch qui allait bientôt commencer. Serpentard allait jouer, et essayer de laminer l’équipe adverse. A coup sur, ce serait une fois de plus les verts qui auraient le record du nombre de cognards envoyés…

Eliad s’approchait lentement du mécanisme de l’horloge, sans effleurer une seule des pièces qui la composaient. Il ne fixait plus les rouages de ce système complexe, préférant faire le vide autour de lui et concentrer sa vue sur le dehors. A travers la vitre, observer tout ce qui se passait. Le mécanisme de l’horloge résonnait lentement. Le tic tac se faisait entendre. Une fois, puis encore une autre.

Tic… Tac.

Parfois comme un compte à rebours silencieux, parfois comme une mise en garde du temps qui passe. Au dehors, le vent plutôt fort faisait plier les arbres. Une feuille vint frapper la vitre plusieurs fois avant de disparaître de son champ de vision. Il redressa sa veste sur ses épaules, bien trop tombante, son regard fut attiré par les rouages une nouvelle fois. Un grincement, de ci, de là, attirait son attention et le forçait à lever les yeux. Il ne serait pas dit qu’il finirait sa vie comme étant le premier élève à avoir été écrasé par le mécanisme de cette très ancienne horloge.

Après réflexion, il recula de quelques centimètres et chercha la cause de ces grincements. Il ne lui fallut pas longtemps pour apercevoir une écharpe coincée contre l’un des rouages. Par un Accio, rapide, il s’empara de l’écharpe et la regarda… Couleur bleue, blason de Serdaigle. Qui pouvait bien avoir perdu son écharpe à cet endroit. Il la jeta au sol, sans y porter plus d’attention. Il regardait au loin le ballet incessant des joueurs de Quidditch qui s’échauffait avant le match.

Tic… Tac.

Des pas qui montaient les escaliers lentement. Il ne serait donc pas seul à être venu ici avant le match ? Eliad ne se retourna pas pour autant. Préférant laisser son interlocuteur se dévoiler à sa place…

- Gneuuuh…

C’était à peu près le grognement pré-hystérique que la jeune Serdaigle venait d’émettre en tombant lourdement de son lit, tête la première contre le sol de pierre froid. Quoi de mieux comme réveil en douceur pas vrai ? Elle se dépêtra de ses draps d’un geste un peu rageur d’avoir du se lever si tôt alors qu’elle n’avait pas cours et que d’ordinaire, elle adorait faire la grasse matinée dans ces cas là… Elle regarda par la fenêtre, un grand soleil illuminait le parc, et lorsqu’elle l’ouvrit, une douce chaleur l’envahit, lui redonnant progressivement le sourire. Finalement, se lever un peu plus tôt que d’habitude lui permettrait de profiter plus longtemps du beau temps ! Elle enfila une robe légère avec une paire de ballerine, et, après un rapide passage à la salle de bain pour se brosser dents et cheveux, elle descendit vers la grande salle.

Arrivée devant les deux grandes portes, le brouhaha qui lui parvint lui donna envie de vite faire demi tour. Mais l’appel du ventre fut le plus fort et elle entra de mauvaise grâce dans la pièce bruyante. Comment est-ce que cette bande de sauvages complètement désaxés parvenait à être aussi pénible dès le matin ? C’était à peine si Lorelaï réussissait à aligner trois ou quatre mots pour faire une phrase complète… Vous l’aurez compris, la jolie brunette n’était pas du matin. Certain se plaisait à dire qu’elle n’était pas non plus de l’après midi, en gros qu’elle n’était fréquentable que la nuit, pendant qu’elle dormait. Il est vrai que la jeune fille avait quelque chose d’un peu asocial dans sa façon d’être, préférant de loin la compagnie d’un livre à celui d’une personne normalement constituée… Elle s’installa en bout de table pour se tenir aussi éloignée que possible du vacarme matinal de ses congénères bleu et bronze. Elle déjeuna donc en silence, le brouillard se dissipant peu à peu. Ce fut l’arrivée des hiboux qui acheva de la réveiller. Le sien, un petit hiboux blanc format de poche, se posa sur son épaule et lui présenta une lettre du bout du bec. Elle lui ébouriffa les plumes pour le remercier et ouvrit la lettre. Malheureusement, ses fonctions intellectuelles n’étant pas au mieux de leur forme, le bruit incessant autour d’elle l’empêchait de saisir le sens exact des propos de sa mère.

* C’est pas possible d’avoir un peu de silence bouse ?! *

Elle se leva, un peu énervée, et quitta la salle. Elle savait parfaitement où être au calme, un endroit où elle n’avait encore jamais croisé âme qui vive… Elle déplia de nouveau la lettre en chemin et commença à la lire en silence.

Spoiler:

Lory sentit sa gorge se serrer à la vue de la phrase barrée que sa mère avait écrit… Avant qu’il ne quoi ? Même sa mère n’avait pas eu le courage de terminer sa phrase… Sentant les larmes lui monter aux yeux, elle poursuivit sa lecture.

Spoiler:

Elle ne comprit pas tout de suite l’ampleur de la situation. Elle replia sa lettre, les yeux dans le vague, ses pieds la portant tout seuls… A mesure qu’elle avançait dans ce couloir, la tristesse et la rage montait en elle. Lorsqu’elle rentra brutalement dans un premier année au tournant d’un couloir, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Assise par terre, les larmes se mirent à dévaler le long de ses joues, parsemant de gouttes salées sa robe et sa peau d’albâtre. Elle se mit à courir, courir, comme elle savait si bien le faire. La lettre était clair, son père ne s’en sortirait sûrement pas, sa mère n’avait pas voulu l’affoler, lui faire trop de peine alors qu’elle se trouvait seule et sans personne avec qui parler. Mais Lory la connaissait trop bien pour voir rien qu’à son écriture qu’elle tentait de minimiser la situation pour ne pas blesser sa fille. La brune continuait de courir, les yeux brouillés par les larmes, percutant à peu près toutes les choses vivantes qui se trimballaient avec nonchalance dans les couloirs à ce moment. Ses pas la menèrent droit à la grande horloge. Elle s’y engageât. Elle venait souvent ici lorsque ça n’allait pas fort, mais là c’était différent, elle n’était pas plongé dans les remous universels du mal de vivre, elle allait vraiment mal. Elle ne vit ni son écharpe, perdue depuis une dizaine de jours, sur le sol, ni celui qui l’y avait négligemment jeté. Elle s’installa sur un rouage qui ne tournait plus depuis longtemps et s’enfouit la tête entre les mains, poussant un long gémissement de douleur tandis que les larmes continuaient de mouiller ses mains. Elle ne s’arrêtait plus.

Ce n’était pas ce genre de larme qui vous défigure et vous rendent tous bouffi, non. C’était de ses larmes qui vous rendaient infiniment humain. Là, recroquevillée dans son fauteuil improvisé, la jeune Serdaigle n’avait jamais été aussi fragile. Elle continua de sangloter jusqu’à ce qu’elle entende des pas qui se rapprochaient d’elle. Qu’est-ce qu’on pouvait bien lui vouloir encore ? Pour une fois qu’elle voulait vraiment être toute seule, il fallait qu’on vienne la déranger. Que fallait-il donc qu’elle fasse pour qu’on lui foute la paix, au moins dans des moments comme celui là ?

Avec sa main droite, il touchait le verre lisse et froid, se demandant avec un cruel intérêt ce qu’il se passerait s’il venait à se briser… Est-ce que l’air aspirerait soudain Eliad et le projetterait du haut de l’horloge, où il s’écraserait avec mépris sur la première Serdaigle qui passerait sous lui… Triste histoire d’une vie détruite sous une abondance d’os brisé… Une autre possibilité était que le verre en se brisant, par les multiples débris, lui entaille le bras, les veines, et tout ce qui dépassait… Il enleva finalement sa main et chassa ses pensées pour se pencher sur la nouvelle arrivante, dans ce lieu si isolée.

Elle s’était dirigée vers un autre recoin sans appeler Eliad, ni même tenter d’attirer son attention. Elle ne semblait pas être une connaissance du jeune garçon… Ce qui ne l’empêcha pas de s’interroger sur son attitude. Elle laissait sur son passage des gouttes qui marquaient le sol. Son regard ne faisait que l’observer, elle, petite tache bleu qui traversait son champ de vision, et y laisser une trace maligne, qui se reflétait dans sa pupille, comme s’il avait trop longtemps regardé le soleil… Il la regarda s’asseoir sur un rouage et surtout il écouta ses pleurs. Qui pouvait venir ici dans ce lieu si isolé, juste pour pleurer…

Alors que les balais commençaient à se battre en duel, et que les joueurs s’envoyaient des balles sur la figure, à une vitesse étonnante, dans le sport le moins violent de toute l’Angleterre, Eliad restait à l’observer silencieusement. Eliad était pris d’un sentiment étrange, entre la laisser là pleurer et ne pas s’intéresser à elle, ou intervenir au risque de se prendre une réplique cinglante…

Il choisit la seconde solution. Ses pleurs étaient dérangeants, ils devaient bien avoir une raison… Même si elle était peu commune.

Il s’approcha d’elle et s’abaissa jusqu’à être à hauteur de son visage.

« Qu’est ce qui se passe ? Peut-être désires tu en parler… »

Difficile d’aborder quelqu’un de cette façon là, mais il n’était pas réputé pour être secrétaire au bureau des pleurs.

« Je suis Eliad Midnell. Au cas où, tu ne te connaîtrais pas mon nom… »

Hj: Pas super inspiré pour ce post, je m'attendais pas à ce qu'elle pleure en fait lol Je ferais mieux pour le prochain^^

Il s’était agenouillé pour s’approcher au plus prés de ses larmes, et lentement… les observer tomber les unes après les autres. Comme si elle perdait une partie d’elle-même. Ce n’était pas le chagrin qui s’évadait de ses pupilles claires, bien au contraire, c’était tout ce qui lui restait de plaisir… Mais la colère elle, n’était pas parti, et ses yeux maintenant la redistribuait à son partenaire silencieux, au rythme du battement de ses paupières… Il tituba légèrement sous le coup de l’impact transmis par ses paroles. Une femme blessée était une personne difficile à atteindre et à consoler. Pris par cette détestable impression d’être rejeté, il se releva, la toisant du regard, observant ses yeux baignés de larmes, troublés par le chagrin, puis il lui tourna le dos, sa cape sombre remplaçant son visage devant la jeune Serdaigle.

« Alors je vais retourner observer ce que je regardais par la vitre, je te laisse continuer de pleurer, puisque c’est ce que tu désires, tache juste de ne pas trop faire de bruit en sortant… »

Mais elle s’excusa quelques secondes après. Ses paroles là firent mouche alors qu’Eliad s’apprêtait à retourner à sa position d’avant, observer une fois encore tout ce qui se passait devant ses yeux, sur le terrain de quidditch et ailleurs. Mais au lieu de se livrer une fois de plus à ce jeu de voyeurisme, il reposa son regard sur elle, et observa ses larmes qui s’arrêtaient petit à petit. Sans qu’un sourire ne se mette sur son visage, on pouvait dire qu’elle se calmait.

« Ne t’en fais pas, je comprend que lorsqu’on pleure, on n’a pas forcément envie de parler aux autres. Mais comme je ne vais pas quitter cette pièce d’aussitôt, je me suis dit que je pouvais tenter de te faire cesser de pleurer… Et non, je ne suis pas si célèbre en fait… »

Un sourire narquois se dessina sur ses lèvres, en l’apostrophant, elle avait révélé le fait qu’il avait fait preuve d’un peu de narcissisme. Et pourtant, il n’était pas du genre à se vanter… Seul l’ombre connaissait tous ses secrets… Et seule la lumière connaissait ses faiblesses, car elle seule, les faisait apparaître…

« J’ai juste pensé que tu me connaissais, étant donné que nous n’avons que deux années de différences… Je connais le penchant de certains Serdaigles pour les cachots. L’endroit où ils vont se faire une frayeur… Tu aurais alors pu me voir sans que je t’aperçoive et entendre mon nom, alors que j’ignore encore quel est le tien. »

Il s’agenouilla de nouveau. Il hésitait entre la regarder de haut, ou se mettre à sa hauteur… Encore une histoire de prince tout ça…

« Pour le moment, je préfère rester dans l’ombre, c’est parfois là que se situe la vraie célébrité. Mais tu recommences à pleurer… Quelle est la cause de tout ça ? »

Il regardait cette larme qui parcourrait de nouveau sa joue, alors que ses anciennes larmes n’avaient même pas encore séché…

Eliad avait même du mal à l’entendre pleurer. C’était étonnant de voir comme il était difficile de se pencher sur le chagrin d’une personne… Qui plus est quand vous ne la connaissez pas… Elle avait ses parts de mystère, comme Eliad avait les siennes. Aujourd’hui c’était les choses douloureuses qui sortaient de ses paupières lourdes. Pour ce chagrin là, Eliad n’y était pas lié. Pour autant il avait pris le parti de s’y intéresser, et d’essayer de mieux comprendre.

Mais elle n’avait pas l’envie d’en parler, et ça se sentait. Dans cette pièce assez grande, personne n’était monté. Personne n’était venu aider Lorelaï à supporter un chagrin devenu trop lourd pour lui faire cacher ses larmes. Personne n’avait grimpé ces escaliers, attiré par les pleurs ou les paroles d’Eliad. Non personne.

Eliad et Lorelaï étaient les seuls participants de cette scène tragique, où Eliad semblait tenir un monologue. Tout comme Hamlet l’avait écrit dans son ancienne pièce, où le personnage tenait un crâne à qui il adressait la parole, Eliad ne faisait qu’adresser la parole à des larmes. Pour autant, il ne voulait pas la forcer à parler et se contentait de se taire le plus possible.

Devait-il la faire bouger d’ici ? La porter devant l’horloge et la faire voir un autre spectacle que des morceaux de bois, des pierres silencieuses, et de l’eau ruisselants sur ses vêtements ?

« Si tu ne veux pas me dire, pas de souci, je comprends. Au mieux, je ne dirais à personne que tu as pleuré ici, mais étant Serdaigle, je ne pense pas que cela te gène qu’on le sache. »

Eliad ne se rappelait plus la dernière fois où il avait pleuré. On pleurait tous pour différentes versions, peine de cœur, ou violence, ou mort d’un proche, à savoir que les pleurs de la jeune fille ne ressemblaient guère à ceux d’un chagrin d’amour.

Pour autant, sans savoir de quoi il s’agissait, il continuait à lui faire face. Ange sombre contre pauvre petite fille triste. Démêler le vrai du faux. La couvrir de ses ailes pour qu’elle se mette à parler. Pour que tout s’arrête et qu’elle débite un flot de paroles qui ne s’interromprait plus.
Pour qu’elle se confie à lui, comme elle se confierait à un ami… Imaginaire, capable de comprendre mais incapable de répondre, apportant juste un soutien silencieux.

« Si tu veux un rêve, allons prendre l’air. La décision de me suivre ou pas t’appartient, mais ne te morfonds pas ici toute seule. Je ne te quitte pas des yeux… Lorelaï. »

Il s’assit à coté d’elle à nouveau, ses pleurs avaient cessé. Il fallait espérer qu’elle se montre plus bavarde. Et moins déterminé à s’enfermer dans son chagrin.

Mais rien ne vint. Lorsqu'il s'aperçut que son mutisme commençait à lui causer quelques soucis à son tour, il se pencha vers elle et lui murmura à l'oreille:

"Si tu as besoin, et dés que tes larmes auront cessé de couler, n'hésite pas à venir me trouver... Je ne suis jamais trés loin d'ici."

Eliad reprit le chemin des escaliers et retourna dans le hall d'entrée pour une autre nouvelle destination...

Hj: J'ai cloturé le sujet, parce qu'il était en 6éme année, et je ne savais pas quand tu allais revenir... Voilà.