Thé et biscuits pour fuir la pluie [Ne pas fermer svp]

_ Il est 13h00 ! Veuillez refermer vos livres, ranger votre plume et vous préparer. Le déjeuné est servi. Ah et… n’oubliez pas, vous devez vous rendre au chemin de traverse cet après-midi…

Excalia haussa l’un de ses gracieux sourcils et soupira. Ça faisait des heures et des heures qu’elle planchait sur un sujet plus que vaste : « Les religions dans le monde hier et aujourd’hui. » Suivant ses études par correspondance une bonne partie de l’année en plus de ses activités avec Sayannel, la brune était tout bonnement débordée de travail. A croire que ses professeurs s’acharnaient sur elle. La jeune femme ne se souvenait pas avoir eu autant de travail lorsqu’elle se trouvait encore à l’Institut. Il faudrait qu’elle en parle à Sayannel, mais pour l’heure, elle devait surtout aller déjeuner. Elle laissa parchemins, grimoires et autres manuels sur place et quitta la pièce sans un regard en arrière. Contrairement à ce qu’elle aurait put penser, oublier ses recherches lui fut très aisé. C’est donc l’esprit léger qu’elle descendit à la cuisine où Loyd, son fidèle elfe de maison l’attendait de pieds ferme. Le fumet savoureux qui se dégageait des plats lui donna l’eau à la bouche. Aussi se hâta-t-elle de s’asseoir et de se servir. L’elfe s’installa à côté d’elle et mangea avec appétit.
Excalia sourit en le voyant avaler avec avidité une cuisse de poulet doré. Elle avait beau lui avoir expliqué qu’elle préférait manger léger le midi, l’elfe n’en faisait qu’à sa tête et continuait de cuisiner comme s’il s’agissait d’un banquet et qu’il fallait nourrir tout un village. La jeune femme avait fini par abandonner et, comme elle n’arrivait pas à manger le quart de ce qui était sur la table l’avait invité chaque midi à partager les mets. Après tout, autant qu’il ne se donne pas tant de mal pour rien. Le pauvre Loyd qui adorait déjà sa maîtresse en était arrivé à un tel stade de vénération qu’il aurait tué le Lord en personne pour contenter la jeune femme.

Excalia se contenta d’une salade de légumes froide et d’une pomme en guise de dessert. Elle se leva tandis que son elfe achevait le plat chaud et lui laissa le soin de tout ranger. Aucun soucis à se faire de ce côté là, elle savait qu’il exécuterait son travail à merveille, comme chaque jour. L’Irlandaise monta le grand escalier de bois et se rendit dans une petite pièce prestement transformée en dressing après la mort subite de son père. Son père… le pauvre homme avait enfin trouvé sa place et son utilité … en tant que … porte manteau dans le vestibule ! Un sourire aux lèvres, l’héritière se vêtit chaudement d’une robe noire à col montant et manches longues sur des bottes en cuir à talons hauts. Elle se para d’un élégant mais très discret collier d’argent sertit d’un petit diamant en forme de poire. Un bracelet et des boucles d’oreilles complétaientt la parure ayant probablement appartenue à sa mère.
La brune se posta devant un miroir afin d’apprécier l’image qu’elle donnerait d’elle cet après-midi. Elle soignait particulièrement son apparence en toute circonstance et si elle aimait comme en ce jour le look un peu « vieille Angleterre », elle savait également se montrer un peu plus moderne. Elle se fichait de la mode et ne suivait que la sienne : en dentelle, en satin, en velours, en soie, en cuir ou en lin, mais toujours ou presque en noir. Satisfaite du reflet que lui envoyait le miroir, elle jugea qu’il était temps de partir.
Elle redescendit dans un tourbillon de tissu, se couvrit d’une grande cape chaude, rabattit la capuche et sortit. La brune prit soin de fermer la porte. Ses ordres avaient été donnés à l’avance à Loyd, aussi elle ne s’attarda pas.

_ CRAC !

Une silhouette encapuchonnée venait de se matérialiser dans un recoin sombre de Londres, à quelques encablures de l’enseigne bien connue par les sorciers, du «Chaudron Baveur ». La démarche assurée, elle s’engagea dans la ruelle qui y menait et entra. Le coup d’œil avide que lui lança le vieux Tom à son entrée n’échappa pas à Excalia. Ce bonhomme ne rêvait que d’une chose : passer la nuit (et plus si affinité) avec toutes les créatures de rêve et autres top-modèles qui passaient par-là. Malheureusement, la jeune femme faisait parti de la liste. C’était assez ennuyeux parce que le pub était un endroit ou elle aimait à venir prendre un verre de temps à autre. Il lui fallait cependant éviter, il aurait été bien dommage que le Chaudron Baveur perde son barman sur un malentendu. La brune traversa la salle à vive allure. Inutile que le bonhomme se prenne un vent aujourd’hui, et puis... elle avait autre chose à faire.

Une fois sur le chemin de Traverse, l’Irlandaise ralentit l’allure et chose rare s’attarda un peu devant les diverses vitrines. Pour les fêtes de fin d’année, les vendeurs avaient mis le paquet ! Les devantures débordaient d’objets aussi insolites les uns que les autres et dont l’étiquette promettait qu’ils avaient des pouvoirs plus fabuleux que la pierre philosophale elle-même.
Même si elle trouvait cela ridicule, une partie d’elle regrettait de n’avoir jamais parcouru les rues avec ses parents à Noël pour choisir ses cadeaux comme le faisaient justement ces enfants là-bas.

Le bonheur perdu ne se retrouve jamais.

L’élève de Sayannel se secoua. Se laisser aller ainsi à la mélancolie n’était pas la meilleure chose à faire. Il était hors de question qu’elle commence à baver devant ces imbéciles heureux. Elle ne l’avait jamais fait, ce n’était tout de même pas aujourd’hui que ça allait commencer. Jetant un rapide coup d’œil à une grosse horloge de bronze, elle constat presque avec surprise qu’il était encore tôt et que l’après-midi était à peine entamé. Elle se faufila jusqu’à l’apothicaire Slug et Jiggers ou elle se délesta de quelques gallions, et du jouer des coudes pour arriver jusqu’au comptoir. Elle n’avait apparemment pas choisi le bon jour…
Une fois dehors, elle respira avec bonheur l’air frais et en emplit ses poumons. Ce que ça faisait du bien de ne pas être bousculée par tous ces gens dans la moiteur de cette boutique. Non, décidément, rien ne valait l’air frais.

Sur ce, il se mit à pleuvoir.

Excalia changea soudainement d’avis lorsque sa cape se mit à ruisseler. Londres était une ville absolument … déconcertante. Au moins à Helsinki, c’était de la neige qui tombait en hiver et pas… cette espèce de pluie qui n’en était même pas vraiment. Rageant intérieurement de ne pas avoir pensé à emporter de quoi de protéger de l’eau, elle rentra prestement dans le premier café qui croisa son chemin. L’endroit était propre et bien tenu quoi que la salle ne fut pas très grande. Sans regarder le tenancier, la jeune femme se choisit une table libre et un peu isolée tout au fond, dans un coin. Elle s’installa tranquillement et prit soin d’étendre sa cape trempée sur le dossier de l’une des trois chaises afin qu’elle sèche. Fort heureusement, l’humidité n’avait pas traversé et sa robe était intacte.
Une fois installée, elle commanda un thé bien fort avec quelques biscuits aux noisettes et des caramels salés dont elle raffolait. Pas très bon pour la ligne mais si délicieux !
En attendant que la petite serveuse aux formes arrondies ne lui ammène sa commande, la jeune femme se prit à observer les lieux. Quelques habitués étaient accoudés à un comptoir improbable qui détonnait avec le décors. Les murs de pierres étaient affublés de ridicules banderoles et guirlandes vertes, rouges et dorées. Des tables des chaises en bois, une serveuse aux joues roses qui s'habillait comme si elle avait dix ans de moins, un homme en costume qui s'occupait des pâtisseries et surtout des cantiques de Noël qui passaient en boucle et offraient un fond sonnore assez douteux. Son inspection ne put cependant continuer longtemps: la cloche surmontant la porte ne cessait de tinter. Comme elle, de nombreux sorciers cherchaient la chaleur d'un bon feu et surtout voulaient s'abriter le temps que l'averse passe...

La serveuse ne tarda pas à apporter la commande d’Excalia qui paya tout de suite, histoire de ne pas avoir à rappeler la femme. De toute évidence, avec le nombre de personnes qui continuait à entrer, elle allait rapidement être dépassée par les évènements. Elle compatit silencieusement et décida de boire à sa santé. De la tasse de thé s’échappaient des vapeurs chaudes et odorantes qui donnèrent envie à la jeune femme de goûter tout de suite au délicieux breuvage. Bien mal lui en prit, elle se brûla la langue ! Quelle tête de linotte elle faisait des fois. Pour se consoler, elle prit un caramel qui apaisa ses papilles. C’est vrai qu’ils étaient bons. Peut être qu’elle en emporterait quelques-uns uns en partant, si, avec un peu de chance, il en restait. C’était la première fois qu’elle entrait dans l’établissement et elle n’avait pas fait attention à l’enseigne mais si le thé et les petits gâteaux étaient à l’image des caramels, elle reviendrait. Alors qu’elle s’apprêtait justement à savourer un petit gâteau, elle fut dérangée par un raclement de gorge.
Huf… qui était l’imbécile qui la dérangeait hein ?! Il ignorait donc que les instants de gourmandise c’était sacré ?! Elle leva lentement les yeux vers l’inconnu, une petite fille qui ne devait pas avoir dix ans. Elle se tortillait les mains dans le dos, sans doute intimidée de parler à quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Excalia se détendit et lui offrit un sourire pour l’encourager à parler, tout en se départissant de son air sévère. La petite baissa les yeux au sol, puis progressivement osa regarder la jeune femme. Un tressautement de boucles blondes plus tard, elle osa poser sa question, à toute vitesse.

_ Heu… excusez-moi madame mais il nous manque une chaise là-bas elle désigna une table un peu plus loin avant de poursuivre, et comme vous en avez une qui ne sert à rien ici peut être que enfin si vous n’en avez pas besoin…

*Mademoiselle...mais je te pardonne en vue de ton jeune âge...*

Excalia lui offrit un nouveau sourire, décidément elle était généreuse aujourd’hui, et lui dit de prendre la chaise en question. Ravie, la petite remercia rapidement, s’en saisit difficilement et repartit.
La brune avait fait des efforts pour paraître aimable, mais il ne fallait pas s’y tromper, elle n’aimait pas particulièrement les enfants surtout ceux qui viennent vous déranger lorsque vous êtes occupé à quelque chose d’important, comme de grignoter entre les repas. A peine quelques secondes plus tard, ce fut la serveuse qui cette fois veniat briser son élan de gourmandise. En effet, la bonne dame, venait dans sa direction, jouant des coudes pour atteindre le fond de la salle. Avec tout ce monde pas facile de s’y retrouver !

_Excusez-moi Madame. Je suis vraiment désolée, mais nous n'avons plus de place dans le salon. Ce monsieur peut-il partager votre table?

* Mademoiselle... pas madame... je ne suis pas une vieille croutonne... pas encore!*

Ainsi on lui proposait de la compagnie … intéressant. La politesse exigeait que la brune accepte sans ciller mais elle ne put retenir un coup d’œil rapide vers l’individu en question. Grand, brun, élégant assez jeune, il ne pouvait qu’être de bonne compagnie. Mrs Thompson aurait dit qu’il avait « bonnes manières ». La jeune femme se dit qu’avec un peu de chance, il ne s’agirait pas d’un bellâtre sans cervelle comme on en voyait tant mais de quelqu’un de cultivé avec qui elle prendrait peut être plaisir à converser. Ce genre de personne se faisait rare mais à en juger le maintient de l’homme et son assurance, il ne s’agissait pas du premier venu. Les yeux pétillants, elle adressa un sourire à son interlocutrice puis répondit de sa voix veloutée.

*... ça me dérange un peu, mais un homme si charmant... vous avez de la chance...*

_ Bien entendu, je ne saurais priver l’un de vos clients d’un siège et d’une table. Puis, s’adressant à l’homme lui-même. Je vous en prie, asseyez-vous.

Elle reporta son attention sur l’homme, joignant à son invitation un geste éloquent de la main. C’est seulement à cet instant qu’elle vit l’homme lui désigner la chaise. Elle avait oublié y avoir étendu sa cape pour qu’elle sèche. Avec un peu de chance, le dosser serait trempé. Mauvaise entrée en matière. Enfin avec la magie, ce serait vite réglé. Un petit sort et il serait de nouveau sec. Si c’était pas merveilleux quand même. Heureusement que les moldus ne savaient pas ce qu’ils perdaient.
Excalia se leva gracieusement et récupéra la cape en question.

_ Excusez-moi, je ne pensais pas avoir de la compagnie cet après-midi.

Elle tendit sa main à l’homme.

_Excalia…

Elle hésita une fraction de secondes tout au plus.
Sous quel nom devait-elle se présenter ? Celui de son géniteur, un homme sans cœur, et sans pitié qu’elle détestait au plus haut point ? Non, elle ne le reconnaissait pas comme père, et jamais elle ne porterait ce nom, entaché de sang et de haine. Celui des moldus qui avaient pris soin d’elle, lui donnant un foyer et une éducation ? Elle ne pouvait pas, non pas qu’elle eut honte d’eux, mais porter le nom de moldus en ces temps n’était pas une chose à faire. Même si elle ne les aimait pas plus que ça, elle leur devait beaucoup et son devoir était au moins de les protéger d’une mort douloureuse. Ne restait que le nom de ses aïeux, celui qu’elle avait décidé de porter, envers et contre tous…

_… Pendragon.

Nouveau sourire.

_ Et vous êtes ?

_ Il n'y a aucun souci, je partage également cette surprise.

*Nous devons être à peu près ... à vue de nez je dirais... un bon miller à être dans cette situation..*

Excalia inclina légèrement la tête.
Bien malin était celui qui aurait put prédire la météo londonienne. Le ciel n’en faisait qu’à sa tête, passant du grand beau à une pluie torrentielle sans que l’on se sache pourquoi. Quelques minutes avant aucun nuage et quelques minutes après…enfin c’était comme ça et la brune avait finit par cesser d’essayer de comprendre. Après tout, ce n’était pas dans sa branche, histoire et météorologie n’avaient pas grand chose en commun.

Alors qu’elle tendait la main à l’homme qui se tenait devant elle, elle le vit avec surprise se pencher et exécuter un baise-main dans les plus pures règles de l’art. Elle haussa l’un de ses sourcils. Si elle s’attendait à … ça ! Elle pensait simplement que comme le commun des mortels il lui serrait la main. Raté. L’inconnu avait dû recevoir une excellente éducation. Flattée, la jeune femme accueillit son nom avec espoir. Avec un peu de chance, il lui serait connu et l’éclairerait quant à sa situation. Elle ne pensait pas le connaître, peut être l’avait-elle croisé à Poudlard mais il y avait tellement d’élèves qu’elle ne se souvenait pas de tout le monde. Et puis…il pouvait parfaitement avoir évolué et beaucoup changé depuis cette époque bénie.

_ Lawrence Galdwin

Galdwin… non, ça ne lui disait rien. Certes, il pouvait lui aussi avoir modifié son nom, mais de toute façon, Excalia était persuadée de ne pas le connaître. Lawrence.. c’était plutôt charmant comme prénom et pour le moins inhabituel. Tout pour lui plaire, elle s’en serait souvenue.

_ Enchantée de vous rencontrer, si je puis me permettre.

*Veuillez excuser ce jeu de mot vieillo et ridicule... il me fait toujours craquer...*

La jeune femme regagna sa chaise et abandonna sa cape sur le dossier, un sourire aux lèvres. Une petite étincelle à peine perceptible s’était allumée dans ses yeux : l’après-midi promettait d’être plus savoureuse que prévu. Tant mieux. Un peu de divertissement ne lui ferait pas de mal et la mettrait dans de bonnes dispositions avant de se rendre dans l’Allée des Embrumes, où elle avait … un petit commerce en cours. En fait de commerce un manuscrit à récupérer… contre un peu d’argent bien évidemment mais quand on aime, on ne compte pas ! Et le vieux chnok qui tenait sa boutique miteuse lui avait assuré qu’il avait obtenu l’original. Mais ses petits yeux malicieux ne la trompaient pas. Il espérait lui soutirer un peu trop d’argent qu’elle ne comptait lui donner. Hé bien, il aurait le temps de voir qu’elle était dure en affaires…
Pendant que la jeune femme pensait à ce rat de l’Allée des Embrumes, Lawrence passa commande. Il semblait être un habitué qui connaissait aussi bien les boissons proposées que les patrons. Peut être un ami du couple hétéroclite que formaient l’homme en costume et la petite serveuse.

Hétéroclite mais sympathique.

Sa commande passée, Galdwin reporta son attention sur Excalia. La jeune femme attendit sagement la question qui n’allait pas tarder à fuser, n’ayant elle-même aucun sujet de conversation à aborder pour l’instant.

_ Pendragon? Comme Uther Pendragon?

Un franc sourire éclaira son visage et un éclat de rire cristallin lui échappa malgré elle.
Il était observateur et c’était là une bonne qualité. C’est ça qui la fit rire, bien plus que l’évocation de sa famille. C’était un bien triste sujet et l’homme ne se doutait certainement pas des souvenirs pénibles qu’il faisait remonter. Son rire apaisé, l’apprentie lui offrit un sourire triste.

*...orpheline...*

Son cœur était de pierre, ce qui aurait dû la peiner ne lui importait au final pas plus que ça.
Si vous pouviez changer votre vie, la changeriez-vous ? Elle non. Si les évènements s’étaient enchaînés de façon différente, elle ne serait pas ce qu’elle était aujourd’hui et ce serait bien dommage. Elle jouissait d’une petite fortune pécuniaire, d’un manoir, d’un elfe de maison, elle suivait des études qui lui plaisaient et surtout avait rencontré Sayannel. Ça aurait put être bien pire !

Elle gardait néanmoins un goût un peu amer en bouche…

*...Caelia...*

_ Comme Uther Pendragon, oui. Comme Uther Pendragon et sa misérable descendance qui n’a jamais rien su faire d’autre que de s’entretuer… Surprenant n'est-ce pas?!

*C’est bien pour cette raison qu’ils ont perdu le trône…à croire que c'était inscrit dans nos gènes... l'histoire vouée à se répéter...*

Tristes pensées en vérité.
Mais peut être Lawrence se méprendrait-il sur ses sentiments. Elle se fichait de la couronne, de régner et de tous ces délires princiers comme de son premier sort.
A quoi bon être reine ? Elle était beaucoup plus libre et heureuse ainsi que si sa famille avait conservé le trône jusqu’à ce jour.

_ Mais vous savez, je suis bien heureuse que ce ramassis d’idiots ai perdu le pouvoir…sinon il y a fort à parier que l’Angleterre serait tombée depuis longtemps. Ils n’étaient pas capables de s’entendre entre eux, imaginez s’ils avaient dû commander à des milliers d’hommes…

Pointe d’ironie.
Léger soupir.

Alors que son regard se détachait de Lawrence, qui à la réflexion était décidément séduisant, ses yeux se posèrent sur la petite assiette qui contenait gâteaux et caramels. De la main elle la désigna à son interlocuteur, l’invitant du geste à se servir.

Petit sourire.
Yeux qui pétillent de nouveau.
La panthère allait passer à l’attaque.

_ Sans vouloir me montrer indiscrète, je me demande depuis tantôt ce qu’un homme tel que vous peut faire dehors par un temps pareil…

Minable entrée, elle en était consciente, mais comment sinon aborder un sujet plus intéressant que celui de ses ancêtres…

[hj] désolée ce n'est pas terrible, je n'ai pas ey beaucoup de temps ce week-end, mais je voulais quand même te répondre...[/hj]

_Je vous remercie pour votre générosité.

Lawrence accepta son invitation avec politesse et choisit un petit gâteau aux noisettes : excellent choix jugea la jeune femme. Elle-même prit un caramel salé qui collait légèrement aux dents, mais dont le goût était tout à fait divin. Quel bonheur ! Il faudrait à l’occasion qu’elle pense à dire à Loyd de lui faire des petites douceurs de ce genre. Quoi que… si elle se mettait à grignoter comme ça au manoir, elle prendrait sûrement quelques kilos de trop en à peine une ou deux semaines. Kilos qui colleraient mal à l’image qu’elle aimait donner d’elle, celle d’une jeune femme fine et raffinée. Et pour être tout à fait honnête, si elle avait proposé à son « invité » de se servir ce n’était pas par amitié pour cet homme qu’elle ne connaissait pas mais parce que la courtoisie l’y obligeait. On ne pouvait décemment se servir sous le nez des autres, presque en les narguant. Enfin.. si on le pouvait et la jeune femme ne s’en privait pas mais pas en toutes les occasions. Ici, c’aurait été très mal venu.

Elle ne prit pas la peine de répondre à l’avocat. Si on commençait avec les « mais je vous en prie » ou encore « tout le plaisir est pour moi » ils en auraient pour l’après-midi entière et Excalia n’avait pas envie de perdre son temps en vaines futilités. Il y avait certainement des sujets beaucoup plus intéressants à aborder avec Galdwin, comme par exemple ses activités professionnelles et extra professionnelles par exemple. D’après sa mise parfaite, son maintient et quelque chose je ne sais pas, un petit quelque chose dans sa façon d’être, l’héritière était certaine que cet homme n’était pas un homme de terrain, quelqu’un qui passait ses journées à aller d’un endroit à un autre, à se battre, à traquer… Cela ne signifiait pas pour autant qu’elle avait affaire à un minable bureaucrate. Non, quelque chose, à nouveau elle n’aurait su définir quoi lui soufflait qu’il était plus que ça. Quelqu’un d’important peut être… de redoutable ? Elle l’ignorait mais l’idée d’en savoir un peu plus la séduisait… pour une fois qu’elle rencontrait peut être quelqu’un intéressant, elle n’allait pas le laisser filer comme ça !

_Tel que moi? Je vous suis reconnaissant de m'accorder tant de valeur.

Tel que lui oui. Un sourire énigmatique apparut sur ses lèvres douces. Elle avait l’habitude de jouer aux devinettes avec les autres. C’est un petit jeu qu’elle avait commencé très jeune, tenter de deviner d’après les apparences, les postures et les paroles qui étaient ceux qui faisaient objet d’étude. Au début ça n’avait pas été facile du tout mais petit à petit, elle avait visé de plus en plus juste. Bref, peu importait ses petites pérégrinations internes.

Elle but une gorgée de thé qui bien qu’ayant refroidit un peu était toujours brûlant.

La réponse du brun la déçut quelque peu. En parfait diplomate, il avait donné une réponse courte et cependant irréprochable puisque complète. Savoir si c’était vrai ou non était une autre paire de manches mais elle avait espéré qu’il soit un peu plus bavard. Il devait être un peu méfiant. Par ces temps troublés par le retour du Seigneur des Ténèbres, les gens étaient moins confiants, ils ne parlaient pas à n’importe qui et n’échangeaient que des banalités. On rencontrait de plus en plus rarement des personnes à qui confier plus qu’un bonjour ou un bonsoir accompagné d’un « il faut beau aujourd’hui vous avez vu ?! ». Et puis c’était de sa faute aussi, elle s’y était mal prise. En parlant autant de ses aïeux, pas étonnant qu’il soit sur ses gardes. Qu’à cela ne tienne, la brune pouvait encore rattraper le coup. Et c’est bien ce qu’elle comptait faire.

A son tour malicieux, l’avocat lui demanda ce qu’elle-même faisait ici : tout espoir n’était pas perdu…

_ Je suis venue faire quelques emplettes. J’ai d’ailleurs été surprise de voir autant de monde dans les rues et surtout chez Slug et Jiggers… D’habitude les badauds se pressent avec plus d’empressement chez Fleury et Bott ou au magasin d’accessoires de Quidditch…

Petit silence.

_ J’ai cru que je n’en sortirai jamais…

Petit rire.

_ J’étais heureuse de pouvoir respirer à l’air libre, j’étais à peine sortie lorsque la pluie s’est mise à tomber. Je dois avouer que le temps londonien me surprendra toujours…

Sa voix douce semblait couler naturellement. Elle avait parlé spontanément et n’avait pas mentit. C’était comme si elle parlait à une veille connaissance et pourtant, elle faisait des efforts pour être sociable. Là aussi elle avait appris à mettre son côté « sauvageonne » de côté.
C’est avec un nouveau sourire qu’elle ajouta

_… je suis irlandaise.

Nouveau sourire.
Jusqu’à présent, elle ne regrettait aucune parole, à part peut être son léger emportement au sujet de sa famille. Il était trop tard. Elle espérait que l’homme prendrait la suite des opérations en mains. Elle n’allait pas pousser l’indiscrétion jusqu’à lui demander ce qu’il en était pour lui, bien que la question, comme tant d’autres, lui chatouillait la langue…

La réaction du jeune homme refroidit un peu Excalia. Elle s'était attendue à une remarque spirituelle, quelque chose qu'elle aurait pu détourner et déformer à son profit, ne serait-ce que pour l'interêt de la conversation. Or il avait déçu ses espérances en n'émettant qu'une banale reflexion de politesse. Quel attrait y avait-il à la sociabilité sinon de profiter de l'exercice des joutes verbales? Voir son potentiel adversaire se rétracter avant le combat était une indéniable discourtoisie de sa part.

La réplique suivante de Lawrence réinsuffla cependant un peu d'espoir en elle. Une question posée était comme une porte ouverte, une invitation ostensible à entrer dans le jeu et à concourir. Un peu comme les bravades avant le duel. Elle allait apporter une réponse lorsque la gérante revint avec la commande du brun. Etrangement, elle apportait deux pâtisseries au lieu d'une seule. La jeune héritière était pourtant certaine d'avoir entendu son vis-à-vis en demander une seule.

La raison de cette étrangeté fut donnée par l'aubergiste elle-même. Elle souhaitait apparemment le voir arbitrer un espèce de concours entre elle et son mari. Stupide, vraiment, mais tout le monde ne pouvait être parfait. Et puis, il ne fallait pas non plus s'attendre à des traits de génie de la part de quelqu'un qui décorait un salon de thé de telle manière...

Lawrence sourit de cette prposition forcée. Excalia devinait à son visage que ce n'était pas la première fois qu'il se trouvait face à une situation de ce genre. Elle se demanda un instant s'il ne s'agissait pas d'une façade et si comme elle il trouvait ce jeu idiot. Quoi qu'il en soit, il était trop tard pour refuser.
Tandis que la femme s'éloignait, l'apprentie de Sayannel en profita pour inspecter discrètement la salle. Celle-ci était désormais pleine à craquer, toutes les places assises occupées et le comptoir caché par une foule de gens trempés. Il était impossible de garder quelqu'un en vue plus de quelques secondes à cause des sorciers qui se déplacaient à travers le lieu.

Elle fut ramenée à la conversation par le jeune homme qui lui proposait de partager avec elle ses gâteaux. Son hésitation fut de courte durée, et elle acquiésa.

- Bien volontiers, je vous remercie.

Se servant de sa petite cuillère, elle préleva une petite portion du muffin et la porta à sa bouche. Elle prit le temps d'apprécier les différentes saveurs qui s'offraient à son palais avant d'avaler délicatement puis de relever le regard sur le brun. Il était temps de lancer un premier assaut.

- Mais je ne crois pas avoir saisi quel était votre métier? Ce doit sûrement être quelque chose de passionant. Je ne sais pourquoi, mais vous me semblez avoir quelque chose en vous qui dit que vous travaillez probablement pour le Ministère. Je me trompe?

L'élève de Sayannel avait prononcé ces paroles sur un ton désinvolte, légèrement évaporé. Elle ne prenait pas beacoup de risques en assumant qu'il travaillait pour le ministère. Son air sérieux et professionnel en était révélateur. Restait à voir s'il était à la hauteur pour la joute verbale, amicale bien sûre, qu'elle avait en projet.
L'héritière était curieuse de connaître sa réponse.

« Comment pourriez-vous saisir un sujet que nous n'avons pas abordé. »

La remarque de l’homme résonna avec une pointe d’acidité aux oreilles d’Excalia. Il lui sembla avoir touché la corde sensible, posé le doigt sur une épine. Une épine qui pourtant loin de piquer, de percer la peau fine du bout du doigt et de faire saigner la titillait, la confortait sur la voie qu’elle avait choisit d’aborder. Ce cher Galdwin le prenait comme ça, avec ironie et détachement. Très bien. Parfait même. La joute orale à laquelle elle souhaitait s’adonner n’en serait que plus savoureuse. Elle rit intérieurement, mais ne prit pas la peine de répondre à cette remarque. Il valait mieux éviter de la faire fuir tout de suite si elle voulait s’amuser un peu. L’œil scintillant, elle attendit la suite des réjouissances, un tantinet impatiente. Car évidemment, il semblait exclut que l’homme en reste là ou il serait bien malhonnête. Non, il allait donner une précision supplémentaire, la brune en était quasiment certaine. Et elle avait hâte d’en connaître la teneur. Elle conjecturait néanmoins qu’elle serait ou très déçue ou au contraire pleinement satisfaite mais qu’il n’y aurait pas d’entre deux.

« Tout travail est passionnant comme ennuyeux. La passion est propre à chacun et nous avons des goûts différents. »

La jeune femme eut volontairement une petite moue boudeuse, comme si cette réponse si peu précise l’ennuyait. Bien sûr, une réponse claire, nette et précise aurait été accueillie avec enthousiasme de la part de n’importe qui, sauf d’Excalia. Oh bien sûr, elle aurait été renseignée sur ce qu’elle souhaitai savoir mais ou était l’intérêt si sa proie ne se défendait pas un peu ?! Quel amusement aurait-elle put trouver si l’homme avait été direct ? Strictement aucun en réalité. Intérieurement elle jubilait. Il lui faudrait être adroite et observatrice pour lui faire avouer : c’était tout ce qu’elle aimait. Cette réponse vague mais bien réfléchie donnait un attrait nouveau son interlocuteur. Excalia était curieuse de deviner pourquoi il cherchait à éluder ainsi. Une profession à risques peut être, un espion sous couverture, un personnage important ? Pour l’instant, et pour l’instant seulement, elle l’ignorait mais comptait bien faire tomber le masque.

*Je sens qu’on va bien s’amuser … finalement je ne regrette pas d’être venue… et j’espère bien ne pas repartir sans tout connaître de toi*

_ Evidemment…

* … mais ça ne me dit pas ce qui te passionne toi… voyons un peu…*

« Je ne savais pas que j'avais une étiquette avec écris ministère au-dessus de ma tête. Je doute qu'ils aient le monopole des profils de mon type.

La jeune femme laissa échapper un petit rire clair. Il essayait de faire de l’humour, probablement pour la détourner de son but initial. S’il espérait réussir, c’était plus que raté. Excalia n’était pas de celles qui se laissent si facilement distraire. Et même si elle devait lui arracher l’information à l’ultime moment de leur rencontre, elle le ferait, bien que le jeu ait perdu son sens, juste histoire d’avoir le dernier mot et de lui apprendre les bonnes manières. Quand on vous pose une question, vous êtes en droit de louvoyer un peu mais vous vous devez de répondre au moins partiellement. Il est clair que certaines choses sont faites pour rester secrètes mais il ne pouvait à ce point mener une existence illégale, sinon, il ne serait pas un habitué du café.

Pour ce qui était de l’étiquette, cela faisait un peu rire la demoiselle. Elle avait dit ça non pas au hasard, mais parce que le ministère fourmillait de gens plus ou moins sérieux dont quelques-uns uns avaient quelque chose en commun avec l’homme qui se tenait en face d’elle. Pas grand chose à la vérité, une partie infime, elle ne savait pas expliquer quoi ni comment mais il lui avait fait penser à ça. Comment connaissait-elle le ministère ? Elle s’y était rendue pour le compte de Sayannel quelques temps plus tôt, une petite course sans grande importance. Elle avait été étonnée de constater à quel point il était facile de se fondre dans la masse de gens qui se pressaient d’un couloir à l’autre, comme s’ils allaient manquer le train. A cette occasion, elle avait eut tout loisir d’observer et elle adorait observer.

L’héritière sourit.

_ Pardonnez, je vous prie ma supposition déplacée. Si cela peut vous rassurer, je ne vois traîner aucun morceau de parchemin à entête ministérielle au-dessus de votre tête. Je me disais simplement que c’était une possibilité comme une autre. Elle ne me semblait pas idiote d’ailleurs…

Galdwin poursuivit sur un ton qui devait être humoristique.

« S'ils étaient tous aussi sérieux, je suis certain que l'administration serait plus rapide et efficace. »

Il ajouta à cela un petit rire que la jeune femme eut du mal à interpréter. Il lui sembla qu’il s’agissait d’une plaisanterie que lui seul était en mesure de comprendre. Une chose néanmoins attira l’attention de la jeune femme. Il se jugeait sérieux, et même plus que la moyenne des employés du ministère. Intéressant. Néanmoins si l’on considérait certains personnages assez, comment dire, spéciaux, ce n’était pas très dur de faire mieux. Elle songeait à cette secrétaire inefficace à qui elle avait demandé un renseignement et qui l’avait regardée comme si elle avait en face d’elle le dernier spécimen de tyrannosaure encore vie. Il avait fallut à la bonne femme plus de dix minutes avant de comprendre la question et encore le double pour y apporter une réponse convenable. En fait, Excalia l’avait dérangée alors qu’elle se repeignait les ongles des pieds…

Pas très professionnel comme attitude.

_ Aucune administration n’est ni ne sera jamais parfaite, et pour plusieurs raisons. Les personnes droites et sérieuses ne se contentent jamais d’un travail minable, quant aux autres, bien qu’inefficaces, ils sont nécessaires. Les dossiers mettraient beaucoup plus de temps à circuler, les pauvres gens ! Il faut du travail pour tout le monde…

Il est vrai que le monde était remplit d’incapables, et que beaucoup d’incapables mourraient tous les jours à cause de ça, mais on ne pouvait décemment pas tous les supprimer. Il fallait bien que quelqu’un s’attèle aux tâches les plus rébarbatives. Ou irait le monde sinon ?!

L’héritière fit une pause et en profita pour savourer à sa juste valeur une gorgée chaude de thé. Elle devait au moins reconnaître ça à l’enseigne, si la décoration était de bien piètre qualité, ce que l’on y mangeait et buvait valait largement le détour. Elle remarqua également du coin de l’œil qu’au dehors la pluie s’était calmée, ce qui incitait quelques-uns uns à repartir en chasse, enfin en quête d’accessoires soit disant indispensables, dans les boutiques alentours.

« Quant à moi, j'avoue être curieux de savoir ce que vous faites. Quelle profession peut amener une Irlandaise jusqu'en Angleterre pour trouver un simple apothicaire. »

Alors lui aussi était curieux.
S’il attendait une réponse précise, il allait être déçu. Il n’était pas le seul à savoir éluder, ou du moins essayer d’éluder.

_ Peut être est-ce simplement l’envie de se retrouver dans le joyeux tumulte du Chemin de Traverse qui pousse une Irlandaise à venir jusqu’à Londres, à moins que ce ne soit le plaisir de retrouver de vieux amis, qui sait ?

Contrairement à ce que l’on aurait put penser, sa voix de velours n’était absolument pas menaçante, mais au contraire très douce et presque envoûtante, énigmatique. Non mais comme si elle allait lui dire qu’en réalité elle s’était déplacée pour l’allée des Embrumes, pour récupérer un objet très important. Il fallait redescendre sur terre, le Père Noël n’existe pas, il n’a jamais existé et n’existera jamais !

« Je ne me lancerai pas dans un pronostic hasardeux, j'ai mon compte de jeu. »

Oh ! Il ne voulait pas jouer. Ce n’était pas drôle. Il aurait put faire un effort quand même ! Bon ok, c’était couru d’avance et il n’avait aucune chance de deviner ce qu’elle faisait de son temps mais il n’était pas censé savoir qu’il allait perdre. Certaines proies pouvaient se montrer désagréables quelques fois ! Excalia se demanda s’il avait conscience de lui gâcher son après-midi. Visiblement pas.
Refusant de s’avouer vaincue aussi facilement, la jeune femme eut soudain une idée lumineuse. Après tout, pourquoi devrait-elle lui faciliter la vie ?! Elle n’était pas là pour ça et détestait rendre service. Le moment était venu de le monter. Sans se presser, elle but une nouvelle gorgée de thé et reposa délicatement la tasse sur sa sous-tasse. Un sourire énigmatique vint flotter sur ses lèvres, découvrant des dents d’un blanc éclatant.

_ Je vous épargnerais avec plaisir des pronostics dont je doute, sauf votre respect qu’ils soient justes, mais donnez-moi une bonne raison de vous dévoiler qui je suis alors que vous-même avez écarté le sujet avec tact lorsqu’il était question de votre profession…

Il avait le choix.
Restait à savoir s’il ferait le bon.

Excalia sourit et avala une gorgée de thé. Elle devait avoué avoir sous-estimé son adversaire. Son talent pour manier les mots n’était pas exceptionnel, mais il avait le chic pour désarçonner par des questions directes ou en décelant les failles des propos de la jeune héritière. Elle allait devoir s’impliquer un peu plus sérieusement dans la conversation si elle ne voulait pas perdre la face du moins à ses propres yeux. Et puis, il était hors de question que l’élève d’un orateur accompli tel que l’était son professeur soit mise au rebut pour si peu. Elle allait simplement devoir changer d’angle de considération.

« Je vous prie de me pardonner, mais c’est vous qui ne jouez pas le jeu. J’ai répondu franchement à chaque question. C’est moi qui suis lésé depuis le début de notre conversation. Il y a bien deux questions auxquelles vous n’avez pas répondu. Il y en a même une que vous n’avez pas daigné poliment écarter. »

Ah. La descendante d’Arthur craignait à moitié que l’homme ne profite pas de l’avantage qu’il avait acquis en la repoussant en position de défense, mais l’arrogance ou peut-être la confiance l’avaient emporté. Trop loin.
Cette impression fut d’ailleurs confirmée par la phrase suivante du jeune homme.

« Il y en a même trois, si nous rajoutons votre jugement sur les gâteaux, qui n’est toujours pas prononcé. »

Erreur. Il avait sans doute remarqué qu’elle n’avait pas goûté à la deuxième pâtisserie, mais il n’en avait pas pris compte, ce qui était une faute. En effet, comment pouvait-elle rendre un jugement sur quelque chose qu’elle n’avait pas goûté ?

- Un jugement ne saurait être mesuré si je n’ai essayé les deux, vous serez d’accord ? Dans ce cas, je ne crois pas être encore en mesure de rendre un jugement. Dans quelques instants peut-être.

Après un bref silence afin de laisser son interlocuteur digérer la pique, la jeune femme repris la parole, fronçant légèrement les sourcils, comme contrariée.

- Il y a une chose que je n’ai pas bien compris dans vos propos. Vous semblez penser qu’il s’agit d’un jeu. J’espère que ce n’est pas comme cela que vous voyez notre conversation. Ce serait vexant de penser que vous ne me parler que par jeu, peut-être pour vous prouver votre supériorité.

Sans laisser au jeune homme le temps de protester, elle poursuivit, se fendant d’une nouvelle botte.

- Mais puisque vous vous sentez lésé, permettez-moi de remédier à cela. Reprenez-moi si je me trompe, mais votre première question concernait, il me semble, ma demeure. Sachez donc que j’habite un manoir dans la région, manoir que j’ai hérité de mon défunt père. Quand à votre seconde question elle se rapportait aux raisons de ma présence au Chemin de Traverse. Eh bien, je venais tout simplement faire des courses, car il faut bien renouveler les ingrédients de potion de temps en temps. J’avais aussi un travail à faire pour mon professeur – car j’en suis encore à étudier. Mais ne dit-on pas que ce sont les meilleurs années de la vie d’une individu ?

Finissant sa tirade sur une note humoristique, avec un bref sourire de dérision, la jeune femme se décida à concéder un point à son adversaire en plantant sa cuillère dans la pâtisserie encore intouchée. Il fallait savoir concéder des points pour mieux atteindre la victoire.

[hj] désolée pour le retard. Rolling Eyes

..[/hj]

Alors qu’elle achevait sa longue tirade sur une note humoristique, la jeune femme planta sa cuillère dans la seconde pâtisserie, prouvant ainsi sa bonne volonté à l’homme qui se trouvait en face d’elle. Elle porta lentement le couvert à ses lèvres, comme pour faire durer l’instant de silence puis se décida à goûter au délicieux gâteau, perdant de ce fait le droit à la parole. Elle sentit sous son fin palais une croûte un peu rigide éclater sous la pression de ses dents pour laisser place à coulis mi-solide, mis-liquide de chocolat fondant et tiède. Ses papilles se réjouirent de contact doux mais légèrement amer caractéristique de l’excellent chocolat et auquel venait s’ajouter celui plus frais de la crème anglaise et du jet 21. L’homme qui lui faisait face avait vraiment bon goût, ou plutôt le patron de l’enseigne était-il un véritable artiste culinaire, devrait-on dire. Et l’avocat avait bon goût de le compter parmi ses amis. Difficile de donner un avis sur les deux gâteaux, ils étaient aux yeux de l’Irlandaise aussi savoureux l’un que l’autre…

_Le mot jeu à de multiples sens et de nombreuses connotations. Choisir une orientation péjorative me semble inappropriée pour notre conversation. De plus, ce serait bien insultant et déplacé à votre égard. Je ne permettrais pas cette faute de goûts.

Excalia approuva d’un signe de tête quelque peu ironique. Son interlocuteur était décidément très fort et lui offrait un jeu des plus divertissants. Il fallait bien l’avouer, même si elle avait oralement démentit la jeune femme prenait plaisir à jouer avec lui et à s’engouffrer dans cette joute verbale. Pour elle, le but de la manœuvre était simple : obtenir les réponses aux questions qu’elle lui avait posées en deux mots et pour simplifier la chose : démasquer le bel homme qui lui tenait si joliment tête. A l’issue du combat, elle déciderait s’il était judicieux qu’un contact perdure entre eux, auquel cas elle le reverrait certainement, sinon, elle aurait passé un agréable après-midi fort distrayant et au final c’était tout ce qui importait.

Mais avant d’arrêter son choix, il lui fallait absolument deviner certains points épineux et jusque là admirablement passés sous silence par l’homme. Il était fort adroit et mériterait même presque que la jeune femme lui accorde un semblant d’amitié rien que pour le plaisir de converser avec lui. Elle effleura un instant cette pensée puis l’abandonna, bien résolue à lui tirer élégamment les vers du nez. Il pouvait lui être for utile d’avoir certains contacts. Etant de retour en Angleterre et en Irlande depuis peu, il lui fallait se tisser un réseau de connaissances, c’est à dire reprendre à zéro le travail qui n’avait pas, ou très peu, été effectué à Poudlard. Pendant ses années d’étude, la jeune femme s’était contentée d’observer et d’apprendre le peu que l’on pouvait en tirer, de ses semblables, sans jamais lier aucune amitié.

Juste de simples et vagues connaissances.

Mais ce n’était pas suffisant. Elle avait beau ne pas apprécier outre mesure les relations sociales, elle se rendait de plus en plus compte que sans relation on est rien ou presque. Se faire un nom était certes un premier pas mais s’il était ignoré de tous, ses efforts pour parvenir à la reconquête de son identité seraient vains. Voilà pourquoi bien que trouvant la chose répugnante, elle devrait se forcer à entretenir des disons conversations régulières avec certaines personnes soigneusement sélectionnées parmi le large panel des gens inutiles. Peut être que ce cher Monsieur Galdwin en ferait partie, ou peut être pas, s’il se montrait à ce point récalcitrant….

_Mais pour vous répondre sur ce point, j'aurais peut-être dû vous demander si l'homme n'était pas le miroir de ce qu'on lui envoyait?

Un sourire indéchiffrable étira les lèvres de la jeune femme. La balle à présent était dans son camp, et l’homme quant à lui tentait de noyer le poisson, c’est à dire Excalia, dans des considérations hautement philosophiques. La jeune femme n’appréciait pas tellement être prise pour quelqu’un du commun, un vulgaire individu parmi les autres. Elle n’avait pas la prétention abjecte de se penser au-dessus de tout le lot mais se considérait simplement supérieure au nombre sur certains aspects, tout en admettant bien volontiers que d’autres lui étaient eux-même supérieurs, comme son maître, pour ne citer que lui.

_ Peut être est-ce le cas, mais à ce moment là, il me semble que vous ne renvoyez pas le reflet que je vous offre.

Elle ne se départit pas de son sourire.

_ Il se trouve que les deux pâtisseries sont excellentes et vous ravissent le palais. Il serait bien injuste et maladroit de ma part d’émettre une préférence pour l’une ou l’autre. Néanmoins puis-je sans doute vous aiguiller un peu en ajoutant que le premier est une explosion de saveurs sucrées, qui rappèlent sans mal par un après-midi ensoleillé d’été, la douceur d’une prairie en fleurs, tandis que le second est plus corsé et ferait penser quant à lui à une chaude journée africaine à l’ombre d’un bananier…

Elle fit une légère pause et but une gorgée de thé, observant son adversaire par-dessus sa tasse. Que penserait-il de ça ? Elle avait répondu avec précision sans pour autant émettre d’avis sur les deux gâteaux. S’en contenterait-il ou bien exigerait-il une réponse plus concise et tranchante ? La brune ne lui laissa pas le loisir de commenter sa tirade et enchaîna aussitôt la tasse de thé reposée sur la table. Elle prit un air taquin et ses yeux brillèrent légèrement. Il fallait bien qu’elle achève sur une note humoristique.

_ Je vous ai offert en mon âme et conscience les réponses que vous attendiez. J’espère ne pas vous avoir déçu… quant à moi, je vais finir par penser que j’ai en fasse de moi un bandit de la pire espèce. Votre emploi est-il si controversé ou honteux pour que vous ne puissiez l’évoquer ?

Le sourire malicieux qu’elle arborait indiquait clairement qu’il s’agissait d’une note plus légère mais la jeune femme ne perdait pas pour autant ses objectifs de vue… ne restait qu’à attendre et voir ce que l’homme répondrait.

« Pour mon métier, j'ai affaires aux bandits. Toutefois, je ne suis pas certain qu'ils apprécient croiser ma route »

Les bandits... Quelle étrange façon d'appeler un malfaiteur. Un tant soit peu enfantine. On aurait presque pu croire que le jeune homme était un rêveur, un naïf peut-être... Peut-être. C'était là que le bât blessait. En effet, l'interlocuteur de la riche héritière s'était montré un tacticien plus qu'habile jusqu'ici et, bien qu'elle détestât l'admettre, Excalia était surclassé. Enfin bon, admettre était un bien grand mot. Elle reconnaissait à son vis-à-vis une plus grande maîtrise des mots qu'elle même, voilà tout. Elle n'était pas une maîtresse de la joute verbale et le savait, toutefois elle aimait à se croire plus douée que la moyenne. Cependant, comme dit l'adage, « il y a toujours meilleur que soi ». En l'occurrence, le « traqueur de bandits » était le plus fort. Cela n'empêchait pas la jeune fille de lui donner la réplique. A défaut d'obtenir la victoire, peut-être pourrait-elle le pousser à s'investir plus en avant. C'est en combattant qu'on apprend.

- Vous avez affaire aux bandits dites-vous? C'est fascinant! Les yeux pétillants, Excalia sourit. J'ignorais qu'il existait encore des bandits. Je croyais que le monde de la criminalité était aujourd'hui divisé entre Mangemorts et voleurs, du moins chez ceux de notre espèce. Me trompais-je? Peut-être pourrez-vous me dire où l'on peut trouver ces fameux bandits, et ce qu'ils font, si ce n'est indiscret... »

En fait, même si c'était indiscret, la descendante d'Arthur était intriguée. Il était impossible que Hawkesworth aie commis une erreur si enfantine. Deux conclusions étaient donc possibles: ou elle n'était pas au fait de toute l'actualité du monde – ce qui n'aurait pas été illogique, rester enfermé dans un manoir n'étant pas la manière la plus efficace de se tenir informée – ou alors il avait à dessein modifié le terme. Mais si tel était le cas, pour quelles raisons? Etait-ce pour des raisons de confidentialité, liées à son métier (auquel cas il était plus important qu'il n'avait cru bon de le signaler) ou justement pour la dérouter? Elle n'avait aucun moyen de le savoir. Peut-être sa prochaine réponse lui en apprendrait-elle un, quitte à se ridiculiser. Après tout, n'importe quel bon officier savait qu'on ne gagnait pas de bataille sans faire de sacrifices. Ceci serait un sacrifice – pour la bonne cause, celle de la connaissance.

Voyant que le jeune homme ne répondait pas dans l'instant, Excalia se résolut enfin à donner un avis sur les pâtisseries. Elle reprit une cuillerée des deux, les savoura avec attention, puis déclara avec un petit soupir

- Décidément, je crois que j'ai un faible pour le chocolat. Oui, reprit-elle après une petite pause, voici mon avis: je préfère la pâtisserie au chocolat. »

_Avec vous, une partie du ministère serait inutile. Les gens ont une assez bonne imagination pour inventer des crimes en tout genre. Les criminels, il y en a de tout type et de tout genre.

Le visage de son interlocuteur avait repris tout son sérieux et la brune prit sa remarque comme une insulte à son intelligence. Elle était certainement mieux placée que lui pour juger des criminels puisqu’elle en était un elle-même. Bien sûr, elle ne se considérait pas réellement comme telle mais les faits étaient là : elle avait assassiné son géniteur et y avait pris beaucoup de plaisir. Elle l’avait laissé mourir dans d’atroces souffrances et ça avait duré très longtemps avant qu’il ne perde connaissance. Elle s’était délectée de le voir gémir et se noyer dans son sang, ce sang de traître et d’infâme bonhomme. Alors il la faisait bien rire cet homme propre sur lui et aux manières raffinées, aussi arrogant qu’elle-même. Oui il la faisait bien rire, même si elle ne le montrait pas. Le ministère s’était contenté des explications vaseuses de moldus corrompus et l’affaire avait été close en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Les aurors n’avaient pas fait leur travail correctement, et c’était tant mieux elle n’avait nulle intention de pourrir à Azkaban jusqu’à la fin de ses jours pour meurtre alors que cette pourriture s’était débarrassée de sa mère et d’elle sans aucun scrupule et surtout sans que personne n’y trouve à redire.
Visiblement faire semblant d’être une cruche lui allait à ravir, ce qui la fit grincer intérieurement. Comment pouvait-il se méprendre à ce point ?! Evidemment elle n’était pas au fait de toutes les activités illicites de Grande Bretagne mais elle n’était pas stupide au point de ne rien savoir. Sinon, elle n’aurait pas rendez-vous sur l’allée des embrumes pour se procurer un objet disons… acquis de façon douteuse et même très certainement interdit pour cause de magie noire. Mais ça, elle n’allait pas lui rire au nez en le lui disant. Elle décida donc de continuer sur sa lancée.

_ Ce n’est pas ce que je voulais dire, je ne doute pas de l’utilité de chaque département, je pensais simplement que certains avaient actuellement bien plus de travail que d’autres et que les bandits s’étaient faits plus rares.

Elle lui sourit avant de se plonger dans sa tasse de thé dont il ne restait d’ailleurs pas grand chose. Elle la termina avant de jeter un coup d’œil alentour et de constater presque avec étonnement que le café s’était vidé. Les tables témoignaient encore pour la plupart de l’encombrement passé de la pièce mal décorée et portaient les relies des consommations de des clients. Certains avaient osé laisser derrière eux des restes de pâtisseries, crime oh combien grave et punissable d’un baiser de détraqueur aux yeux de notre héritière. Comment avaient-ils osé ?! La gourmande ne comprenait pas que des gens normalement constitués puissent gaspiller avec tant d’indifférence autant de marchandise d’une si haute qualité. Mais bon, là n’était pas le problème. Au dehors, la pluie avait cessé et les nuages gris avaient en partie été balayés laissant percer quelques faibles rayons de soleil. Peut être était-il temps de lever l’ancre ?

_Je ne mettrais pas une demoiselle en danger. Ces voleurs, qui attaquent sans scrupules leurs victimes, ne sont pas très fréquentables.
Enfin, c'est ce que je pourrais ajouter si je savais où les trouver.

Il la prenait vraiment pour une imbécile ce type. Il commençait à l’agacer un peu. Si au début la jeune femme s’était amusée de la conversation, elle était à présent lassée. Lawrence lui ressemblait bien trop pour que la partie soit intéressante, du moins à ce niveau de jeu. Finalement, il n’y avait rien à en tirer et si elle ne regrettait pas son entretient avec cet homme si mystérieux, elle souhait l’écourter. Après tout elle n’avait pas fait le déplacement pour ces beaux yeux inconnus mais pour quelque chose d’autrement plus important. Et puis il venait de se vendre et le pire était qu’il ne voyait pas qu’elle s’en était aperçue. Jouer les idiotes n’était pas dans ses habitudes et ne le deviendrait pas. La façon dont elle était maintenant considérée ne lui plaisait pas du tout, à elle qui avait mis tant d’énergie et fait tant d’efforts pour être vue comme une personne cultivée, raffinée et intelligente. Bien sûr que ce cher monsieur savait où les trouver mais il ne le lui dirait pas et au fond ça ne l’intéressait pas non plus. Elle avait déjà un petit carnet d’adresses, certes restreint mais qui ne manquerait pas de grossir avec le temps.

_ Naturellement.

Répondit-elle à la dernière remarque du sorcier, avec un sourire aimable mais qui instillait pourtant le doute sur la naïveté profonde de la demoiselle. Etait-elle définitivement et irrémédiablement idiote ? Ce serait à son interlocuteur de décider, mais quelque soit son choix, elle s’en fichait éperdument : ça ne changerait rien pour elle.

_Vous avez raison. Ma curiosité naturelle me pousse parfois à poser de bien drôles de questions.

Le sujet était à présent clos. Il devait travailler à la cour de justice, peut être greffier elle ne savait pas trop mais quelque chose dans ce goût là. Il était trop bien habillé pour être auror ou appartenir aux forces de l’ordre qui agissent sur le terrain. Ceux-là avaient plutôt tendance à porter des vêtements passe partout, parfois même troués. Si, si, il y en avait. Avec un kit de survie intégré au cas ou ils doivent s’absenter plusieurs jours consécutifs. C’était là une vision un peu simplette de ces sorciers dévoués et pourtant tellement proche de la réalité. Excalia se doutait également qu’il était plus important qu’il ne voulait bien le laisser croire mais elle ne s’y trompait pas. Il n’était pas simple greffier. Enfin de là à deviner quelle veste il endossait une fois au ministère, les indices étaient bien trop minces.

Elle soupira discrètement.

_ Le temps a passé bien vite en votre compagnie Monsieur Galdwin. Je suis ravie d’avoir pu converser un instant avec vous, malheureusement, il me faut vous quitter. La pluie qui m’avait surprise a cessé et je n’ai que trop de retard pour pouvoir me permettre de rester plus longtemps.

Elle se leva et empoigna sa cape à présent sèche qu’elle passa autour d’elle en un geste souple du poignet. De ce qu’elle avait commandé à la rondelette tenancière il ne restait que le papier ainsi qu’une tasse vide.
Avisant son interlocuteur, elle lui lança son plus beau sourire.

_ Au plaisir de vous revoir.
Et cette fois j’en suis certaine, j’aurais trouvé la réponse à notre petite énigme.

Elle inclina légèrement la tête en guise de salut et prit la direction du comptoir où elle régla sa consommation avant de sortir, tête haute et pied léger.