D'une taille légère et peu élancée, Peter était un petit garçon fluet, voire malingre. Il n'avait d’apparence, en effet, rien d'un sportif et sa musculature, n'ayons pas peur des mots, était tout à fait insoupçonnable sous sa chemise blanche et bouffante, elle-même quotidiennement dissimulée sous la sombre étoffe de son ample robe de sorcier. Châtain clair, il n’avait par habitude pas coiffé ses courts cheveux, les ayant laissé figés en une bataille désordonnée; tels que le sommeil, à vrai dire, les avait chaotiquement sculptés pendant la nuit… Il avait donc offert le spectacle de ses nombreux épis à tout un chacun au cours de la journée, sans nullement se préoccuper de l’image grotesque qu’il donnait alors de lui.
Ses yeux noisettes, tirant sur le vert, éclairaient son fin visage aux rares et discrètes tâches de rousseur d'un regard rêveur alors qu’il marchait d’un pas lent et hésitant, voire aléatoire, vers le lac.

Loin d'être un adolescent, Peter était encore un enfant et se complaisait dans la naïveté, la spontanéité et l'innocence propres à ses onze ans. C’était d’ailleurs parce que l’enfance était encore très prégnante chez lui, dans sa manière de penser comme dans celle qu’il avait d’agir, qu’il s’était dès la rentrée si bien entendu avec la petite Eskarina Fellaheen. Sa jeune camarade Gryffondor, tout comme lui, ne semblait pas encore avoir été atteinte par les affres de tristesse et d’ennui de la maturité, particulièrement précoce, pourtant, chez les sorciers. Ce constat, fruit de longues heures d’observation et d’étude de leurs semblables, était à la fois rassurant et déprimant: s’ils n’avaient pas encore entamé leur transformation en adulte, qu’ils souhaitaient la plus lointaine possible, leur infantilité les désavantageait clairement sur le plan de la scolarité. Tout, à Poudlard, les portait à croire qu’un enfant qui en était vraiment un ne pouvait réussir en magie, une révélation qui avait particulièrement abattue son amie…

Mais on avait récemment dévoilé un secret à Peter. Un secret si secret qu’il avait dû l’acheter au prix fort, troquant les deux tablettes de chocolat que sa mère lui avait envoyées la veille contre l’occulte savoir d‘un mielleux Serpentard.

*Esk’ va être contente, ça oui ! Sauf que… sauf que ça fait un peu peur… quand même.*

Plus que quelques mètres le séparaient désormais de sa camarade qui, assise sur un rocher, en face du lac, semblait étrangement bouder à la faveur de la lumière crépusculaire. En proie à une excitation croissante, il acheva de rejoindre la fillette de quelques petites foulées puis, se plaçant face à elle, se racla théâtralement la gorge afin d'obtenir toute l’attention qu’il méritait. Il esquissa alors un grand sourire, dévoilant la perte récente de la plus proche compagne de sa canine, avant de lancer avec enthousiasme:

"T’sais quoi ?! Tu devineras jamais !"

Nimbée de l'auréole blafarde que projetait la lune sur les environs Eskarina, dérangée dans un moment d'intimité aussi profond que l'était sans doute le lac, s'arracha paresseusement de ses mornes pensées. Il fallait dire que Peter avait souvent des tas de trucs intéressants à raconter. Aussi fallait-il précisez que les deux gamins étaient, sur le rocher, quasi nez-à-nez. Elle releva la tête. Sous le couvert de son chapeau déraisonnablement haut pointu et à la faveur de l'éclairage incertain qu'offrait la nuit, son visage paraissait bien livide. C'était plus précisemment un visage qui avait froid, un visage dont quelques larmes farouches et échappées avaient su braver les abruptes pentes, laissant alors un imperceptible sillon au demeurant salin. Un visage qui, en somme, paraissait fatigué d'être un visage. Peter, apparemment zélé, n'eut cependant pas le loisir de s'y attarder, sur ce visage et à vrai dire, cela était quelque part mieux. Et ce plus que pour la simple et bonne raison que la baignade dans le lac était fortement déconseillée et même, soyons honnête, carrément prohibée.

" T’sais quoi ?! Tu devineras jamais ! " Se plut à fanfaronner le petit griffondor. Toute son énergie et son enthousiasme eurent hélas sur la pauvre Eskarina autant d'effet qu'une piqure de moustique sur un pachyderme ayant été victime d'une overdose de sédatif. Non, il n'avait pas su trouver les mots. Tout d'abord, il était communément admis qu'Eskarina ne savait jamais rien, aussi le lui rappela-elle, gravement.

- Non j'sais jamais rien moi et...

Car oui, cela n'était pas tout et, une nouvelle fois hélas, Eskarina semblait repousser les limites que s'étaient fixées, semblait-il et à bien les observer, le commun des imbéciles. La réalité était cruelle, comme souvent : Elle avait beau adorer le jeu des devinettes, inlassablement tenter sa chance, le résultat était toujours et sans appel le même.

... oui, je devine jamais moi.

Elle remua mal à l'aise. Le rocher était très froid et, même si ce n'était pas son intention première, Peter avait contribué à accroitre l'inexorable tendance à la baisse de l'estime qu'Eskarina prêtait volontiers à sa personne. Mais, toute idiote qu'on voulait bien la juger la fillette ne possédait cependant pas tout les vices, aussi était-elle loin de jouer les mauvais bougres. Et donc à elle d'ajouter, comme ça, pour voir, l'air de rien sinon de pas grand chose...

- Mais tu peux quand même toujours dire hein ?

*Mais quelle rabat-joie celle-là !*

Toute la mauvaise volonté, la triste détresse et le pessimisme de sa jeune camarade ne parvinrent pas à atténuer l’électrique excitation de Peter qui, élargissant la riante béance de son sourire, persistait à opposer une joie infantile et naïve au sérieux larmoyant d’Eskarina. Ne sachant pas vraiment s’il trépignait à cause de son enthousiasme, galvanisé par la curiosité de son interlocutrice, ou à cause du froid qu’insinuait pernicieusement la nuit alors qu’elle s’abattait sur eux, le jeune anglais ne parvenait pas à tenir en place.

"Allez ! Devine ! T’es pas drôle là…" se risqua-t-il à répondre dans un premier temps, narguant de son humeur joueuse la petite Gryffondor. Lorsqu’il comprit cependant, à la rigidité sévère et attristé des traits du visage féminin, qu’elle n’avait pas la moindre envie d’être drôle il n’osa persévérer davantage dans son énigme. Il était devenu évident, à son dernier reniflement, presque dédaigneux, qu’elle n’abandonnerait pas sa moue boudeuse avant qu’il n’eût lâché le morceau et sans plus combattre il finit par se résoudre, dans un soupir surfait, à révéler son secret.

"Je sais pourquoi les autres élèves sont meilleurs que toi, euh, que nous en magie !"

Il leva craintivement ses yeux vers la fillette, se mordant la lèvre inférieure pour avoir commis un lapsus aussi malvenu et déplacé. Ce n’était pas la première bourde qu’il faisait, loin de là même… Peter était, par sa candide naïveté, son imagination débordante et son étourderie un spécialiste en la matière.
Il se passa piteusement une main dans les cheveux avant de l’enfouir dans la tiédeur de sa poche, puis, reprenant le fil de son discours en prenant garde à ne pas s’égarer à nouveau, poursuivit d’un ton enjoué.

"En fait, c’est parce qu’on a pas fait le baptême de la magie. Tu sais ce que c’est un baptême, hein ?"

*Rebelote !*

Eskarina ne savait rien, jamais…
Ses grands yeux noisettes se portèrent à nouveau, timides, sur le visage un rien dépité de sa meilleure camarade. Les lèvres du petit sorcier esquissèrent un sourire embarrassé et la pourpre s’empara de ses joues constellées de quelques tâches de rousseur, formulant en quelque sorte une muette excuse.

"Donc un baptême c’est un truc de moldus, mais pas tous les moldus. Juste ceux qui croient en un Dieu qui s’appelle Jésus, en fait. Enfin bref, ce qui est important c’est que les bébés de ces moldus là, ils vont à l’église faire un baptême. C’est une cérémonie où le prêtre, c’est un homme qui entend Jésus un prêtre…"

Il marqua une pause, lui-même dubitatif, puis après s’être silencieusement interrogé quelques secondes reprit son exposé, d’une voix un peu hésitante.

"Je sais pas comment il fait, peut-être que c’est une sorte de magie… Tant pis… Et bah le prêtre, il verse de l’eau sur le bébé et il dit un truc comme "Dieu te bénis, mon fils - Amen" et le bébé il sera un ptit garçon mieux que les autres parce que Jésus le protège. T’as compris le principe ? Et bin les sorciers, ils font pareils mais pas à l’église ! C’est à Poudlard et faut le faire en première année, parce qu’après c’est foutu. "