Des livres d’histoires magiques étiraient sur les dalles encombrées du dortoir des garçons un arc de cercle méthodique autour du préfet de Serpentard. Ouvrir un livre de cours demandait toujours un état d’esprit particulier, qui était une constante chez les uns, et bien rare chez les autres. Isaac n’était pas un travailleur né. Il se laissait distraire d’un rien, repoussait l’échéance tant qu’une activité séduisante s’offrait à lui, et elles abondaient dans la salle commune. Il fallait alors s’isoler, à contrecœur, abandonner une bonne compagnie, se retirer d’une vie heureuse et animée, et affronter l’insolente vacuité des parchemins déroulés. Les idées ne manquaient pas, elles avaient eu le temps de mûrir, les informations ne demandaient qu’à être exploitées, mais, comme toujours, la concentration, arbrisseau fragile, vacillait sous les murmures tentateurs et déplacés de la pensée. Il fallait la maintenir, et guider ses racines trop gourmandes vers les terres arides des études. Une élégante plume noire bordée d’écarlate glissait sur les fibres du papier. Assis, une jambe repliée sous l’autre, sur une couverture à moitié tirée de son lit, le regard voilé par des cils inclinés, Isaac exprimait tout le sérieux de l’élève studieux. Cette attitude, insolite au premier abord, n’avait rien de surprenant lorsqu’on connaissait les notes qui saluaient habituellement les dissertations de ce garçon dissipé. Ses gestes, en revanche, étaient trop larges et espacés pour boucler des lettres et, en effet, il n’écrivait pas, sa concentration s’était tournée vers des climats plus porteurs, et les livres ouverts accusaient sa bonne intention avortée. Il avait essayé, mais, voyez-vous, avec un peu d’imagination, il est facile de dévier. Entre guerre de gobelins et guerre de maison il n’y avait qu’un pas, et les plans de bataille seyaient si bien aux parchemins…

Qui disait nouvelle année disait aussi nouveaux projets. Ses petits coups avec Emilien et Samael, qui se montrait de plus en plus distant, étaient trop discrets pour faire du bruit. En bons Serpentards, tous trois misaient beaucoup là-dessus et aucun n’avait envisagé de réelles prises de risques pour mener à bien un mauvais tour. Ils s’amusaient de petits délits dont personne ne soupçonnait l’origine, s’ils étaient détectés. Ils riaient seuls de leurs méfaits, loin des actions éclatantes des défunts Br. Et, justement, ce duo révolutionnaire lui avait donné envie de voir les choses en grand. Après deux ans d’études à Poudlard, n’avait-il pas gagné assez d’expérience pour élargir ses possibilités ? Ses connaissances dégageaient plus efficacement son horizon. Désormais, les manœuvres magiques s’imposaient d’elles-mêmes, et les idées s’entrechoquaient fébrilement. Tant de choses étaient à faire ! Sa dissertation ennuyeuse l’avait porté vers les sièges brutaux, il s’était, l’espace d’un instant, vu, commandant d’armé, observer du haut d’une colline les effets d’une stratégie aboutie. N’était-ce pas exaltant ? Le cœur encore bouillant de rêves d’enfant, il s’était détaché de sa lecture pour imaginer une gloire semblable. Par le biais d’une guerre ? Non, la guerre grondait et inquiétait par delà les murailles du château. Rien ne devait quitter le domaine du jeu ou, du moins, du jeu tel qu’il l’envisageait.

Quatre longs rectangles schématisaient les tables de la Grande Salle. Pour toucher le plus de monde possible, c’était le lieu idéal. Personne ne se souciait de rien aux heures des repas. Il griffonné quelques dessins plus obscures pour la forme, avant de se perdre, le bout de sa plume courbé sur sa lèvre inférieure, dans une profonde réflexion. Le projet avait jailli trop vivement de son esprit, et, à présent, les questions se bousculaient. Quels tours seraient les plus amusants ? Comment pourrait-il agir sans se faire prendre ? Et comment pourrait-il rentabiliser le capharnaüm qu’il aurait provoqué ? S’il engageait une discussion avec Emilien, tout serait plus évident, mais sa fierté lui interdisait de lui en parler tant qu’il ne pourrait pas l’impressionner avec un plan d’attaque parfaitement agencé. Il allait trouver…
Il se redressa sur ses genoux et se glissa sous son lit pour rechercher à tâtons un livre qui s’annonçait très utile. Après avoir écarté des paquets de bonbon vides et des chaussettes orphelines, retrouvé un flacon de parfum qu’il pensait perdu, s’être fait mordre par sa fouine qui n’avait pas apprécié le dérangement et s’être cogné la tête à cause de cet animal stupide, Isaac mit la main sur l’épais grimoire. « Potions nuisibles pour sorciers mutins ». Il avait trouvé ce titre quelques mois plus tôt dans une librairie du Chemin de Traverse, et l’avait acquis par simple caprice. Le Serpentard achetait sans compter. Il prenait ce qui l’intéressait avant d’évaluer leur utilité. Mais, pour une fois, il pouvait se féliciter d’avoir ciblé un article intéressant. Tout en pressant son doigt blessé contre ses lèvres, il ouvrit son livre sur les manuels d’histoire et consulta la longue table des matières en traçant des croix à côté des sujets susceptibles de l’intéresser. Son « plan » avait roulé à quelques pas de lui, entraîné dans fuite de sa fouine.

Et voici la merveille des merveilles :

Spoiler:

Encore une soirée ennuyante à mourir.
On ne s’amusait pas tant que ça à Poudlard, enfin, pas autant qu’il ne l’avait espéré. Alors qu’on lui avait raconté moult merveille au sujet de ce château et de cette école, le sale gosse ne pouvait se répartir de cette insatisfaction qui trainait inlassablement au fond de son esprit capricieux et espiègle. C’était vrai après tout. Ils était des sorciers, des gens capable de manier la magie, et les voilà embrigadés dans une routine telle que même la magie devenait d’une banalité sans bornes, comme le fait pour un moldu d’avoir un baladeur, ou même le cinéma qui devenait une banalité. Pourtant, Merlin savait que ses deux derniers points avaient apporté un peu de magie dans le monde morne des moldus qui ne pouvaient que rêver des contes de magie, magie qui justement était en train de se perdre par l’habitude de voir ses deux objets créateur de rêves.
Était-il en train de leur arriver la même chose, mais avec la vraie magie ? Celle qui parvient à faire rêver la plus grande part des habitants de ce monde qui en sont dénués ? Celle qu’il avait tant de hâte à apprendre afin de pouvoir faire plein de mauvais coups bien plus amusants et bien plus facilement que les moyens limités des moldus ? Celle là même qu’il avait tant rêvé d’apprendre afin de faire comme dans les livres ? Que nenni ! Ce ne serait ainsi ! Réanimer Poudlard de facéties sera son devoir, pour le malheur des uns et le bonheur des autres, surtout son bonheur à lui, mais il ne doutait pas que cela ferait plaisir à d’autres partageant comme lui le bon goût des mauvaises plaisanteries sur autrui.
Mais ce ne serait pas pour ce soir, le couvre feu était tombé, et seul sa propre salle commune lui était accessible pour l’heure. Il se devra de garder ce sursaut de motivation pour le lendemain, ainsi que sa débordante imagination quant à ses futurs méfaits quotidiens qui se devront de devenir encore plus mesquins, rusés et fun. A défaut, peut être pouvait il en imaginer quelques uns ce soir là… Mais hélas, on ne pouvait prédire à l’avance qu’elles seraient les circonstances, occasions qui s’offriraient à ses facéties, et le marc de café n’était pas très précis en la matière… « Oh, regarde, y’a un serpent, une main et un rond de dessiné dedans » admettons tout de même qu’il n’y avait pas là de quoi dessiner un plan, ne pouvais t’on pas d’ailleurs enseigner une divination plus utile d’abord ?

La tête pleine de magouilles et d’envies de mauvais coups, Morgan quitta un des fauteuils de la salle commune, attrapa à la va-vite ses affaires d’histoire de la magie et le devoir sur lequel il était en train de travailler. Ce dernier attendra, le fantôme a bien attendu quelques centaines d’années non ? Que ce soit demain ou aujourd’hui, un devoir si chiant pouvait bien être reporté, dixit la semaine du paresseux.
Descendant 4 à 4 les petits escaliers menant au dortoir et prenant la route du sien, occupé par sans doute la dream team des serpys masculins selon lui : après tout, on y trouvait bien Nathan McLane, son aîné dans le domaine des plaisanteries et autres mauvais tour, super préfet Isaac Deniel et super poursuiveur de l’équipe, Emilien A. Backhand non moins excellent représentant de la noble maison que les deux précédents comparses, et enfin Alix Ylian, un élève de 3eme année qui faisait beaucoup rigoler le sale gosse avec ses cheveux qui changeaient sans cesse de couleur au grès de ses sentiments du moment. En franchissant le pas de la porte, Morgan aperçut d’ailleurs ledit préfet entouré de pleins de bouquins dans un arc de cercle dégagé dans le foutoir ambiant. Fallait dire que les 5 garçons n’étaient guère très soigneux, et s’étalaient un peu à qui mieux mieux, le sale gosse en premier. Néanmoins, Morgan n’arrivait pas à croire qu’Isaac parvenait à se concentrer autant sur des devoirs si rébarbatifs donnés les jours précédents. La curiosité prenant le pas sur le reste, le sale gosse se hissa sur la pointe des pieds et s’approcha discrètement du préfet afin de pouvoir regarder l’air de rien sur quoi il planchait, que savait-il, dès fois qu’il y aurait là un détail un peu plus croustillant. Et il fut servi.
Apercevant du coin de l’œil le dessin d’Isaac, le sale gosse reconnu là vaguement un plan de la grande salle… Un mauvais coup du préfet en préparation ? La malice du gamin n’étant pas encore retombé, il ne put s’empêcher de lancer à son aîné sur un ton taquin tout en se mettant à un faux garde à vous :

« Alors chef, on prépare une invasion ? Perso, j’taperais bien sur toutes les tables histoires de brouillées les pistes et d’en faire prendre pour tout le monde à son grade »

Nourriture contaminée à la crème canari ? Des pétards sous les bancs ? Des bombabouses qui tomberaient au bout de quelques heures ? Les possibilités étaient multiples, et le sale gosse en venait à souhaiter que son préfet confirme l’opinion du jeune serpent sur le fait qu’il souhaitait effectivement attaquer les tables.

[hrp : alors, désolée Zazac du temps de réponse et de la qualité de ce post ainsi que la piètre qualité de ce post]