La vie est faite de cycles qui se répètent à l’infini, les seuls changements étant dans la manière dont ses cycles se déroulent. Ainsi, février suit toujours janvier, après l’été vient l’automne et une fois les vacances terminées, la rentrée fait son grand retour. Et cette nouvelle année universitaire ne ferait pas exception à cette loi immuable. On avait beau n’être que le 28 août, Lavande voyait déjà le début des cours se profiler dangereusement à l’horizon et avec lui, toute la pression et le stress qui en découlaient. Le simple fait d’avoir quitté le cottage familial situé aux alentours d’Exeter pour retrouver sa chambre estudiantine sur le campus londonien était un signe évident de l’imminence de la date fatidique. En effet, bien que sa colocataire ne soit pas encore rentrée de vacances et qu’elle pouvait par conséquent encore profiter de quelques jours de tranquillité, rien que le fait de passer devant ses salles de cours dès qu’elle se déplaçait dans le campus la déprimait. Non pas que reprendre les études la déprimât en soi, mais bon comparé au mois qu’elle venait de passer en compagnie de ses cousins, il n’y avait pas photo sur ce qu’elle préférait.

Néanmoins, le véritable problème de cette rentrée n’était pas lié à la rentrée en elle-même mais à ses retrouvailles avec Alan. Non, n’allez pas vous imaginer que le duo s’était fâché durant l’été, loin s’en faut, mais les questions dont elle avait à débattre avec le brun l’inquiétaient grandement. En effet, si elle avait plus ou moins réussi à ne pas se faire un sang d’encre durant le mois d’août concernant l’état de santé de son ami et des gamins qu’il avait sauvés (oh Merlin, faites qu’il ne s’agisse pas de la même Akiko !) en se disant qu’elle ne pouvait de toute façon rien y faire et en se changeant les idées en compagnie d’Eric et Jordan, dès qu’elle avait reposé un pied à Londres, toutes ses peurs avaient refait surface. Et puissance dix je vous prie. Elle n’en pouvait plus d’attendre le moment fixé pour leur rendez-vous et tournait en rond dans sa chambre, écoutant de la musique, feuilletant le dernier Sorcière Hebdo, vérifiant la tenue de son vernis, et ainsi de suite mais sans qu'aucune de ces activités ne réussisse à la calmer efficacement.

Heureusement pour sa santé mentale, l’heure fixée finit par arriver et elle quitta sa chambre tel un boulet de canon lancé à pleine vitesse. Elle se dirigea droit sur les serres, se contentant uniquement de vérifier qu’elle n’était pas suivie, ce qui étant donné le nombre fort peu élevé d’élèves déjà revenus sur le campus ne s’avéra pas bien compliqué. Toute à son inquiétude, elle fit le trajet en deux fois moins de temps qu’elle ne l’aurait fait en temps normal –si elle avait eu cours de Bota par ex - et arriva à demi-essoufflée. Elle fut d’ailleurs étonnée de n’apercevoir Alan nulle part, elle aurait pourtant parié qu’il serait venu en avance. Mais, alors qu’elle jetait des regards impatients à droite et à gauche, un léger glapissement ? hurlement ? grognement ? se fit entendre derrière elle.

Elle se retourna inquiète et scruta avec méfiance les fourrés. Elle remarqua alors deux yeux ambrés qui la fixaient avec intensité et derrière ce regard se profila la silhouette d’un loup brun de remarquable taille. Elle eut d’abord un mouvement instinctif de recul : que foutait un loup dans l’enceinte de l’université ? Puis, ses deux neurones connectèrent : Alan ! C’était son ami sous sa forme animale. Elle l’observa alors avec fascination et reconnut certains détails de la physionomie du brun chez le loup qui se tenait prestement devant elle. Son œil droit légèrement décalé, sa fourrure ébouriffée et cette lueur d’intelligence dans le regard. Aucun doute, ce loup s’appelait Desoya. Elle jeta donc un dernier regard derrière elle pour vérifier que personne ne les observait et s’approcha de l’animal. Celui-ci se mit alors en marche et elle en déduisit que son ami voulait qu’elle le suive, ce qu’elle fit.

Au bout d’une dizaine de minutes, le loup s’arrêta et sous les yeux médusés de la jeune femme se transforma progressivement en Alan. Mais apparemment, le garçon avait oublié le léger détail qu’une fois la transformation terminée, le sorcier se retrouve dans ses plus simples atours pour rester correct. Lavande, elle par contre, s’en rendit bien vite compte et se retourna prestement, aussi rouge qu’une tomate.

-Dé … désolée, balbutia-t-elle tandis qu’Alan se rhabillait en quatrième vitesse (il avait laissé ses habits derrière un arbre).

Heureusement, les deux amis se connaissaient assez pour que l’incident n’impose pas un silence trop gêné et Lavande reprit rapidement la parole, pour faire oublier ce qui venait d’arriver, et en arriver à la raison principale de sa présence.

-Bon, alors est-ce qu’Akiko était petite, très pâle, avec deux grands yeux perle et une chevelure d’ébène à en pâlir d’envie ?

Dans la famille « je fonce dans le tas sans préliminaire aucun », je demande la fille …

Si Lavande n’appréciait nullement son surnom de « cruche » et le trouvait atrocement réducteur, -l’entendre utilisé la révoltait car c’était comme si les gens impliquaient que depuis son entrée à Poudlard jusqu’au jour d’aujourd’hui, elle n’avait pas mûri d’un poil, comme si elle était restée la gamine stupide et superficielle qu’elle avait pu être- il y avait une chose qu’elle ne pouvait honnêtement pas réfuter. A savoir que lorsqu’elle avait une idée en tête, ses neurones refusaient d’entendre parler de quoique ce soit d’autre et elle entrait en mode « obsessionnelle ». Les gens avaient beau lui parler, elle ne les écoutait que d’une oreille, toute son attention concentrée sur la question qui la taraudait depuis le début. Ainsi une fois sa gêne oubliée, son esprit se focalisa sur la confirmation de l’identité de la gamine blessée lors de l’attaque estivale. Elle capta bien des bribes d’informations de ce qu’Alan lui disait -il avait chaud, sa baguette déconnait, les choses ne changeaient pas …- mais dans le fond, la seule chose qui lui importait c’était l’identité de la mystérieuse Akiko. Et c’est pourquoi elle finit par couper la parole à son ami, se contrefichant de parler de ses vacances et n’en pouvant plus d’attendre la réponse à sa question.

Alan sembla d’ailleurs légèrement vexé qu’elle se montre aussi impatiente mais, Merlin le garde, il ne lui en tint pas rigueur. Il prononça ainsi la sentence que Lavande craignait par-dessus tout : il s’agissait de LA Akiko qu’elle avait rencontrée l’année précédente. Crap ! Elle ne put retenir un geste de dépit à l’écoute de la nouvelle. Et la suite des paroles du garçon ne fit rien pour calmer son humeur. Comment ça la gosse avait des blessures plus anciennes sur le dos ? C’était quoi cette histoire encore ? Elle fit un effort pour essayer de se souvenir de leur discussion de l’époque mais pas moyen de trouver le moindre petit bout d’explication à ce nouveau mystère. Elle avait souvenir d’avoir parlé d’une amie plus âgée de la gamine et d’un garçon –peut-être le même qui était à ses côtés pendant l’attaque ?- mais de rien d’autre. En même temps, elle avait une mémoire hyper sélective donc Merlin seul savait si elle n’oubliait pas un détail primordial qui expliquerait la situation. Quoiqu’il en soit, au fil des paroles de son ami, elle s’enfonça peu à peu les ongles dans la paume de la main droite, signe de son inquiétude grandissante. Mais pourquoi le monde était-il aussi injuste ? Qu’est-ce qu’avait fait une fillette aussi adorable qu’Akiko pour mériter de rencontrer un foutou loup-garou ? Quel Dieu malsain avait-elle mis en colère ? Saleté de monde injuste !

Son humeur s’allégea un peu néanmoins lorsqu’Alan fit de l’humour en comparant le comportement impulsif du garçon qui traînait avec Akiko et le sien. C’était une des grandes qualités du brun que de pouvoir toujours jouer sur l’autodérision pour apaiser une ambiance tendue et elle lui en fut grandement reconnaissante. Cela lui permit même d’avoir une pensée attendrie à l’idée que la petite Akiko se soit trouvé un petit ami surprotecteur. Précoce la petite ! Bon, en même temps elle n’avait qu’un an de plus lorsqu’elle avait commencé sa relation avec Kaelir. Kaelir … Elle eut un instant de rêverie involontaire mais se reconcentra rapidement. Elle était là pour un sujet sérieux et ne pouvait pas se permettre de laisser vagabonder ses pensées. Surtout qu’Alan finit sur une touche bien inquiétante : qu’avait-il senti sur ce lycanthrope ? Elle sentit son inquiétude monter exponentiellement et elle dut se forcer à respirer à grandes goulées pour ne pas entamer une crise d’angoisse. Heureusement d’ailleurs qu’Alan avait eu l’idée brillante de faire apparaître des chaises sinon elle se serait probablement écroulée au sol sous le poids de l’inquiétude.

-Et merde ! J’aime pas du tout ce que tu me dis là. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur eux toutes ces merdes ? Elle est où la justice là-dedans ? Tandis que des salauds de première se promènent impunis, des gamins innocents sont la cible de monstres assoiffés de sang, c’est vraiment déprimant !

Elle se mordit inconsciemment la lèvre et ce n’est que lorsqu’elle sentit le goût métallique du sang dans sa bouche qu’elle se reprit et continua, toujours bouillonnante d’indignation mais voulant plus de réponses.

-Mais j’ai besoin d’en savoir plus. Comment vont les gosses ? Qu’est-ce qu’ont dit les Médicomages ? Tu le sais ? Et quelle est cette impression que t’as eue ? Me laisse pas poireauter comme ça, je vais finir par exploser à force d’inquiétude !

Un mec avait voulu s’en prendre à la Commémoration ? Elle n’avait pas eu vent d’une telle rumeur. En même temps, elle ne fréquentait pas de cercles particulièrement politisés depuis la fin de la guerre donc rien d’étonnant à cela. Et puis, le plus probable c’était que le type avait dû abandonner après avoir vu la ribambelle d’Aurors qui arpentaient la Grande Salle : qui voudrait s’attaquer à une armée d’Aurors juste pour faire parler de soi ? Il fallait être complètement frappé et, malheureusement, les Mages Noirs encore en service étaient tout sauf des idiots, ce qui ne facilitait nullement le travail des Aurors chargés de leur capture. Enfin, dans le fond, peu importait puisqu’il ne s’était rien passé, ce qui comptait maintenant c’était de savoir ce qui était arrivé précisément à Akiko et à son ami ? petit copain ? Elle agressa donc presque Alan pour avoir des réponses. Mais la réaction de ce dernier la surprit. Que lui arrivait-il soudain ?

Elle le regarda pâlir et se raccrocher au dossier de sa chaise, inquiète. Par réflexe, pour tenter de se calmer et de garder la pression sous contrôle, elle s’humidifia les lèvres avec la langue et sentit de nouveau le goût du sang. Elle réalisa alors que c’était probablement ce qui dérangeait Alan. Après tout, il ne devait pas encore complètement contrôler les instincts de son Animae et tout animal réagit à la vue et surtout l’odeur du sang. Elle se passa donc le dos de la main sur la lèvre pour arrêter la légère hémorragie et aider, dans la limite de ses faibles moyens, son ami à se sentir mieux. Puis, elle attendit qu’il reprenne la parole, essayant de contrôler son impatience du mieux qu’elle pouvait. Effort qui finit par payer. Mais en entendant ce qu’Alan avait à dire, elle aurait presque préféré qu’il se taise.

Le garçon était désormais sous la malédiction des lycanthropes : crap ! Pauvre gosse et pauvre Akiko. Ils n’avaient pas été aussi chanceux qu’elle, même si grâce à Alan, ils étaient encore en vie, ils devraient désormais vivre avec ce poids sur les épaules pour le restant de leurs existences. Elle n’osait même pas imaginer ce que ça devait être de se retrouver avec une telle charge à leur âge. Elle eut d’ailleurs alors une pensée de gratitude intense et éternelle envers Hermione qui lui avait évité d’avoir à subir le même sort. Elle avait beau avoir de nombreuses différences avec Miss Parfaite, elle lui devait la vie et une vie en tant qu’humaine et non lycane et jamais elle ne l’oublierait. Elle ne savait pas comment elle s’y prendrait, mais elle trouverait le moyen de lui rendre la pareille. Jamais, elle ne pourrait rembourser complètement sa dette envers l’ex-griffonne mais elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour lui venir en aide lorsque celle-ci en aurait besoin.

Mais, son optimisme disparut bien vite lorsque les dernières paroles d’Alan résonnèrent comme un écho morbide à ses oreilles. Se retrouver dans une situation impossible et sentir le souffle de la mort vous frôler sans pouvoir vous défendre correctement ? Oh elle voyait parfaitement ce que c’était. Elle en cauchemardait encore, même si moins souvent qu’avant. Sa silhouette lui sautant dessus après avoir esquivé le Stupefix qu’elle venait de lui lancer, son poids écrasant sur les épaules l’entraînant vers l’arrière, puis soudain le sablier sur lequel ils se battaient qui se brisait sous leurs pieds à cause d’un surplus de sorts reçus. La chute interminable, le choc brutal avec le sol, les diamants –habituellement signe de points perdus ou gagnés- qui s’enfonçaient dans son dos comme pour lui dire qu’elle était en train de perdre des points de vie telle une héroïne d’un jeu vidéo quelconque, le sang giclant des griffures qu’il lui infligeait, sa vision qui se brouillait, la douleur intense et surtout la paralysie liée à cette peur qui dominait tout et l’empêchait de faire quoique ce soit pour se défendre. Alors oui, elle savait parfaitement ce qu’avaient ressenti Akiko et Rupert, elle le savait probablement même mieux que quiconque. Elle murmura donc, plus pour elle-même que pour Alan, en fixant ses chaussures.

-Tu n’es pas le seul à comprendre.

Puis Alan recommença à parler et ce qu’il lui apprit lui fit complètement oublier ses mauvais souvenirs. Le loup-garou aurait été là exprès ? Depuis quand ses salopards travaillaient-ils sur contrat ? Et puis surtout, bien plus important, qui parmi les gens capables d’engager un lycanthrope pouvait en vouloir à ce point à deux gosses à peine sortis de l’enfance ? Non Alan avait dû mal interpréter les signaux, après tout la situation était peu propice à une réflexion posée, il avait donc dû s’imaginer des choses. Je veux dire, pourquoi un loup-garou s’en prendrait expressément à Akiko ? Lavande ne connaissait certes pas beaucoup la petite aiglonne mais assez pour savoir qu’elle ne ferait pas de mal à une mouche et que, par conséquent, il était impossible qu’elle se soit fait des ennemis de cette envergure. Elle exprima donc ses doutes et inquiétudes.

-Je ne veux pas mettre en doute tes impressions, mais franchement pourquoi un lycan s’en prendrait à deux gosses probablement là par hasard ? Ça me semble trop tiré par les cheveux, je veux dire c’est pas comme si un loup-garou pouvait se balader en liberté comme ça. Ils sont censés être surveillés par le ministère ou quelque chose du style non ? Enfin, à vrai dire j’en sais rien peut-être pas, après tout, ils ne sont dangereux qu’une fois par mois donc les reste de temps ce qu’ils font de leur vie ne regarde qu’eux mais quand même ça me semble tellement bizarre. Peut-être que s’il a attaqué Akiko en premier c’est justement parce qu’il l’a vue moins dangereuse ce qui faisait d’elle une proie plus aisée non ?

Elle lança un regard mi interrogateur, mi désespéré à Alan, comme pour lui demander muettement de confirmer son raisonnement. Parce qu’imaginer qu’Akiko ait pu être attaquée exprès, c’était tout simplement trop horrible à supporter. Qu’est-ce qu’une fillette aussi adorable avait fait pour mériter un tel traitement, merde ?! Néanmoins, elle voyait elle-même les failles dans son raisonnement. Si Alan lui disait que les prédateurs s’en prenaient d’abord aux plus forts, c’était qu’il avait raison, après tout, il était celui qui cohabitait avec l’esprit d’un loup, pas elle. Mais, c’était tellement plus facile de penser qu’il s’agissait d’un simple malentendu plutôt que d’imaginer le pire, à savoir que le loup-garou était vraiment là sur contrat.

Le portrait fort peu reluisant qu’Alan dressait de la situation du pays, basé sur ses expéditions plus ou moins légales dans l’Allée des Embrumes, donna des frissons à Lavande. C’était difficile de se dire que maintenant que le Lord Noir était définitivement hors-jeu et ce depuis plus d’un an, les choses n’étaient pas pour autant parfaites. La société après des années sombres était dans une période de transition et nombreux étaient ceux qui en tiraient profit : entre les associations de malfaiteurs en tout genre qui s’en donnaient à cœur joie pour faire fructifier leurs affaires et quelques nostalgiques du Seigneur des Ténèbres qui n’hésitaient pas à faire parler d’eux de temps à autres par des actions d’éclat, l’avenir était loin d’être rose. L’attaque d’Akiko et de son ami n’en était qu’un exemple parmi d’autres. La différence avec le règne de Celui-Dont-Il-Ne-Fallait-Pas-Prononcer-Le-nom c’était que ce type d’actions se faisait avec plus de discrétion, aux marges de la société, de façon à ne pas attirer l’attention des autorités. Or, ainsi, les personnes « normales » avaient l’impression que tout était redevenu comme avant, ce qui était loin d’être le cas.

Et Alan avait l’air d’en savoir un rayon sur la question. Lavande ne l’interrogea pas là-dessus même si l’idée de le savoir fourré dans des affaires pas claires ne lui disait rien qui vaille, un jour il allait finir par se casser les dents sur un os plus dur que prévu et l’idée de le perdre l’effrayait au plus haut point. En même temps, elle savait désormais que l’aventure était une partie de lui, essayer de l’en éloigner c’était un peu comme si quelqu’un essayait de la faire arrêter le shopping : mission impossible. Elle espérait seulement que le brun était suffisamment prudent, surtout maintenant que l’autre psychotique de Mc Tansey se baladait en liberté jouant avec ses sentiments et ses souvenirs comme elle le désirait.

Lorsqu’il se mit à contrer ses arguments, elle fit une moue contrariée. Non pas qu’elle soit vexée qu’il pense différemment d’elle mais les arguments du garçon étaient un peu trop convaincants à son goût. Autrement dit, plus moyen de se voiler la face : quelqu’un avait demandé à un loup-garou psychopathe d’en finir avec Akiko et son copain. Bonjour le monde dans lequel on vivait ! Les paroles qu’Alan lui cita la glacèrent d’effroi. Qui pouvait parler ainsi d’Akiko ? Cette gosse une vermine ? Et puis quoi encore ! Et de quoi est-ce qu’il était question en parlant de perversion ? Qu’est-ce que deux gamins avaient bien pu faire pour s’attirer ce genre de haine ? Sûrement rien digne d’un tel comportement. Lavande était absolument terrifiée à l’idée qu’il puisse exister des gens pareils. Elle n’était pas assez naïve comme pour s’imaginer que tout le monde était beau et gentil, mais de là à penser que des enfants innocent soit la cible de pareils monstres il y avait un pas et même un gouffre.

Elle constata alors qu’elle n’était pas la seule à en être totalement chamboulée. Seulement Alan lui était dans une colère noire, une colère qu’elle ne lui connaissait pas et qui ne lui plut pas du tout. Le garçon habituellement si joyeux et farceur était actuellement une toute autre personne. Son regard s’était fait dur et lorsqu’il parla du baiser du détraqueur Lavande eut l’impression de voir le loup en lui prendre le dessus. Elle comprenait sa rage qu’elle trouvait entièrement justifiée et partageait –elle était même plutôt d’accord à l’idée d’envoyer le salaud qui avait attaquée Akiko aux détraqueurs- mais voir Alan dans cet état la mettait mal à l’aise. Il était mieux que ça, il ne fallait pas qu’il s’abaisse au niveau de ceux qu’il méprisait. Elle voulut s’approcher de lui pour poser délicatement sa main sur son épaule et tenter de cette façon de lui transmettre un peu de tranquillité, mais ce ne fut pas nécessaire. Le garçon sembla retrouver son calme de lui-même et elle ne put cacher son soulagement. Alan énervé était quelque chose de plus inquiétant que ce qu’elle avait imaginé, elle se le tiendrait pour dit à l’avenir.

Elle se détendit totalement lorsqu’Alan précisa qu’il ne se voyait pas jouer les nounous et en effet, elle ne le voyait pas trop non plus entouré de gosses. Il était trop impatient, il perdrait les pédales en moins de temps qu’il ne faut pour dire Quidditch. Quoique l’image vaudrait sûrement son pesant de gallions. C’était à envisager, déjà le voir avec sa petite sœur était quelque chose qu’elle avait depuis longtemps marqué sur sa liste de choses à faire. Voir les deux Desoya dans une dispute fraternelle devait être des plus amusants, elle en était sûre.

-J'ai pas envie qu'il leur arrive un truc supplémentaire, c'est pas parce que j'aime me fourrer dans les ennuis, compris ? Je les cherche pas les ennuis, c'est eux qui me trouvent et me suivent comme mon ombre...

Là ce fut trop et elle explosa de rire. La moue de génie incompris mais qui résiste envers et contre tous qu’il fit était juste à mourir de rire. Elle le taquina alors gentiment.

-Mais oui, mais oui, pauvre choupinou, t’es un aimant à ennuis et ce contre ta volonté. Tu te contentes de te balader dans des coins malfamés avec des intentions on ne peut plus louable et PAF sans prévenir les ennuis te tombent dessus sans prévenir. Franchement, c’est honteux ! Tu devrais aller te plaindre aux autorités, l’Allée des Embrumes n’est plus sûre de nos jours.

Elle lui tira la langue et recommença à rire. Dieu ce que ça faisait du bien de se détendre à nouveau en sa compagnie ! Il lui avait plus manqué qu’elle n’en avait conscience pendant les vacances. Son caractère insouciant et cette capacité qu’il avait de passer du coq à l’âne et surtout des sujets les plus sérieux à la déconnade la plus complète tout particulièrement. Cependant, ce trait de caractère avait aussi ses inconvénients, comme sa fâcheuse manie de la taquiner à tort et à travers, alors qu’elle était innocente de toute charge. Non mais c’est vrai quoi, l’attaquer sur Greg’ c’était juste lâche ! Elle joua donc les vierges effarouchées.

-Pff je vois paaaaaas du tout de quoi tu veux parler. Moi, des regards d’amoureuse transie ? Même pas vrai ! C’est juste que ce costume lui faisait des fesses à croquer, j’y peux rien moi c’est la vérité. T’as juste pas l’œil pour ça c’est tout.

Mais après cette entrée en matière joueuse, elle reprit un ton plus sérieux. Après tout, même si elle ne l’avait pas beaucoup montré, toute cette histoire lui avait fait plus de mal qu’elle ne voulait bien l’admettre. Maintenant qu’elle avait définitivement tourné la page, néanmoins elle se sentait capable d’en parler. Elle reprit donc.

-Non sans rire, c’est fini entre nous. Et franchement, il a pas géré du tout. J’savais qu’il avait une réputation de playboy en série mais j’pensais que c’était surtout une exagération, apparemment pas. En gros, un jour on a un peu flirté à la cafèt’ et puis j’te fais pas un dessin on a fini la nuit ensemble. Sauf que j’me suis fait un film et j’ai cru que j’lui plaisais au moins un peu donc j’ai voulu aller plus loin mais c’était clairement pas son idée. Mais évidemment, ça aurait été trop lui d’mander de m’l’expliquer. Non, môsieur a préféré m’ignorer et moi comme une cruche intégrale –pour une fois mon surnom était mérité- j’lui ai courru après comme une groupie. C’était idiot d’ma part mais c’était lâche de la sienne. Bref, après un certain temps –surtout quand il est même pas venu me voir à l’infirmerie après mon duel- j’ai bien vu que tout n’allait pas comme prévu et après une discussion avec Kael j’ai fait mon deuil. Depuis, j’l’ai pas vraiment revu et j’en ai pas envie non plus. J’suppose qu’on se recroisera en cours mais c’est tout. Enfin, au moins j’ai pas perdu mon temps, sa réputation est pas volée, c’est un dieu au lit.

Elle eut un petit rire à moitié forcé. L’information était vraie, sur le plan physique ça avait été l’extase cette soirée, mais ça lui avait coûté un peu trop cher sur le plan émotionnel à son goût. Enfin, ça lui apprendrait à ne pas s’amouracher des bellâtres de service la prochaine fois. Ce qu’il lui fallait c’était un mec gentil et attentionné, comme Alan … ou Kael. Mouais bref en gros c’était foutu quoi, elle était pas prête de se recaser avant un bon moment.

[Hj : Pas un de mes meilleurs posts j'avoue -surtout qu'il est très court- mais je trouvais pas l'inspi et j'en avais marre de te faire attendre. De toute façon, sauf idée brillante pour relancer la conversation de ta part, moi je concluerais bien au prochain post, t'en penses quoi ?]

Et voilà, elle avait bousillé l’ambiance une fois de plus. Alors qu’Alan avait réussi à relancer la discussion de façon plus tranquille en la taquinant, il avait fallu qu’elle joue les victimes alors que la réalité c’était juste qu’elle s’était fait des films pour rien alors qu’elle et Gregory avaient juste passé une nuit ensemble. Mais quelle crétine ! Maintenant Alan se sentait coupable pour rien et tentait de lui remonter le moral alors qu’il n’était en rien fautif. C’était elle qui prenait toujours tout trop au sérieux quand il s’agissait de mecs. Elle savait pourtant que demander à un mec de regarder derrière sa plastique fort avantageuse c’était beaucoup trop, mais à chaque fois, elle se faisait avoir. Saleté de romantisme, comme si elle avait besoin d’un truc aussi inutile ! Elle était franchement énervée contre elle-même de s’apitoyer comme ça sur son sort, surtout quand elle comparait sa vie sentimentale avec celle d’Alan. Le pauvre se tapait une espèce de tarée qui s’amusait à l’embrasser pour être ensuite incapable d’assumer ses actes et lui effacer la mémoire, ça c’était vraiment quelque chose dont on pouvait se plaindre, pas ses petites niaiseries à elle. Et dire que lui prenait tout cela avec humour, il était vraiment bien plus mature qu’elle !

Ses paroles à lui étaient empreintes d’un vécu tellement plus important que le sien, il regardait de l’avant en s’appuyant sur ce qu’il avait déjà plutôt que de se lamenter sur ce qu’il n’avait pas ou plus. Bref, lui, contrairement à elle, agissait comme l’adulte qu’ils étaient sensé désormais êtres tous deux. Elle se sentit vraiment honteuse d’agir comme une gamine pourrie gâtée alors qu’elle avait des amis comme Alan pour la soutenir. Elle n’avait pas de petit copain et alors ? Est-ce qu’elle allait en mourir pour autant ? Non ! Alors assez de jérémiades, il était temps de se reprendre en main ! Elle sourit donc cette fois-ci pour de vrai à son meilleur ami et lui répondit.

-Evidemment que je te fais confiance, ce n’est pas parce que tu t’adaptes aux changements qui ont lieu dans ta vie que tu vas changer du tout au tout, je le sais bien. Tu resteras toujours Alan le seul mec capable de me faire rire quel que soit le moment … même si t’as encore du boulot pour atteindre mon niveau de perfection concernant le regard du chiot éploré, conclut-elle en lui tirant la langue.

Et comme pour prouver ses dires, elle lui fit un regard de son cru, celui auquel son père était absolument incapable de résister mais qui ne faisait même pas ciller sa mère. A croire que c’était un truc œdipien, ou bien alors ça ne marchait que sur les mecs … problème à méditer. Quoiqu’il en soit, elle avait retrouvé sa bonne humeur, elle termina donc sur la page de leurs amours contrariées de manière humoristique.

-Mais, bref assez discuté de nos pathétiques vies amoureuses –au pire si on est encore célibs à trente piges, on se casera ensemble, on aurait des bébés magnifiques tu crois pas ?, demanda-t-elle avec un clin d’œil- il est temps de passer à un sujet nettement plus festif. T’as vu que le Clogg’s organise des soirées avec cocktail à moitié prix pour les étudiants le samedi soir ? Faudra qu’on en profite un de ces quatre. Ce sera l’occasion rêvée pour chopper un beau gosse et une bombasse à pendre à nos bras, t’es pas d’accord ?

Sorcière Hebdo ? Sorcière Hebdo ? Vraiment ? Elle n’était pas en train de rêver, elle avait bien entendu Alan dire qu’il avait lu Sorcière Hebdo ? L’idée était franchement hilarante et elle dut faire des efforts monstrueux pour ne pas exploser de rire. Imaginer le brun avec le magazine dans les mains était juste trop drôle, surtout vu l’incompréhension totale qu’il semblait montrer devant le contenu dudit magazine. Oh bon sang, elle aurait payé pour assister à ça ! Non mais c’est vrai quoi un grand gaillard comme ça en train de lire « Le hit de cet été : le grand retour des corsets ! », avouez que c’était à s’en rouler par terre. Elle voyait d’ici son air dépité devant la page horoscope. « Les Scorpions cette semaine attention à votre teint, le passage de Mars dans sa quatrième maison risque de vous faire une petite mine. Par contre question amour c’est le moment de vous lancer et de déclarer enfin votre flamme à l’élu de votre cœur, toutes les chances sont de votre côté avec l’influence majeure de Neptune sur votre ascendant. » OK là ç’en était trop, elle ne pouvait plus se retenir, elle pouffa donc en mettant sa main devant sa bouche.

-Toi en train de lire Sorcière Hebdo, je suis dégoûtée de n’avoir pas assisté à pareil évènement ! Pas étonnant que t’es trouvé ça nul, c’est clairement pas fait pour ton cerveau de mâle alpha. Jamais tu ne comprendras l’importance de connaître les nouveaux coloris à la mode. Après tout, un mec même si c’est habillé n’importe comment, tout le monde laisse passer en disant que ça fait « débraillé cool », une fille par contre on dit qu’elle est vulgaire. J’te jure ya encore du boulot pour sortir des préjugés machistes.

Elle haussa les épaules comme pour montrer qu’elle n’avait pas dit son dernier mot sur la question mais qu’elle ne voulait pas s’attarder sur la question pour le moment. Il enchaîna donc sur le sujet des fêtes du samedi, amenant une moue narquoise sur le joli minois de l’étudiante. Se rappeler de la dernière fois, c’était une question rhétorique non ? Comment voulait-il qu’elle ait oublié pareille scène ? La dernière fois qu’ils étaient sortis tous les deux, le brun s’était mis une mine digne de ce nom et avait fini à danser la macarena torse nu sous les yeux amusés des danseurs de la boîte. Lavande avait d’abord trouvé ça à mourir de rire et avait pris la dose de photos mais lorsqu’une meuf d’au moins 25 ans s’était approchée un peu trop près d’un Alan déjà bien bourré avec un regard de prédatrice qui a trouvé sa proie pour la nuit, l’ex Gryffy avait considéré qu’il était temps de déguerpir avant que le garçon ne perde sa virginité sans même en être totalement conscient. Bah oui, une première fois ça peut être foireux ou pas, mais il faut au moins être capable de s’en souvenir sinon c’est pas drôle. Or, vu les abdos d’Alan, il fallait dire que la tigresse qui lui faisait à ce moment-là les yeux doux était peut-être la seule fille à avoir osé aborder le bel étudiant, mais elle n’était clairement pas la seule intéressée. Surtout depuis que Lavande avait été invité à danser par un beau brun ténébreux et que la gente féminine avait capté qu’elle n’était pas avec Alan. Enfin, ça avait été une soirée bien drôle même si avec tout ça, elle était repartie sans le numéro du beau brun. C’était con mais l’intégrité physique d’Alan comptait plus. Bref, quoiqu’il en soit, elle commença à se foutre de sa gueule :

-Et comment que je m’en souviens, si j’avais pas été là, elle t’aurait bouffu tout cru la … Whoh qu’est-ce que tu fais ?
-Faut pas qu'on traîne ici ! Allez zou, je démolis tout et on se rentre !

Et avec ça, il la lâcha et fit disparaître les chaises sur lesquelles ils étaient assis jusque-là. Lavande mit quelques secondes à se remettre d’aplomb car en la relevant à toute vitesse, elle avait été légèrement déséquilibrée.

-Bon, tu viens Lavande ? A moins que tu ne veuilles passer plus de temps ici... mais j'pense pas que le soleil soit assez fort pour un coup de bronzette de dernière minute !
-Roh ça va, m’sieur je suis pressé tout d'un coup. Laisse-moi au moins le temps de me remettre debout correctement veux-tu !

Elle lui tira la langue pour montrer que son énervement était volontairement exagéré, puis elle se dirigea dans sa direction et alors qu’elle passait devant lui, elle se mit à courir et cria dans sa direction.

-Le dernier arrivé est un Scroutt à Pétard boiteux !

Un petit défi, rien de mieux pour achever leurs retrouvailles en beauté.