Dans l’une des salles de classe du château où Eliad se trouvait actuellement.

Le soleil matinal ne parvenait qu’avec peine à éclairer la pièce, pourtant elle était située au rez-de-chaussée. Eliad faisait tourner sa plume dans ces mains depuis plusieurs minutes. Le temps lui semblait tellement long depuis le début de cette séance, à tel point que ses doigts commençaient à avoir des crampes et ses coudes à devenir glissant. Cet examen semblait avoir ouvert une brèche dans sa mémoire, envahissant son esprit et défaisant tout ce qu’il avait pu apprendre ces derniers temps. A cela, il fallait rajouter le fait que la tension était à son comble, puisque tout le monde avait ses yeux rivés sur son propre parchemin et tentait de se souvenir des bonnes réponses. Les yeux du professeur passaient d’une table à une autre, surveillant et surveillant encore les élèves aux regards trop fuyants ou les langues qui se déliaient bien trop. Eliad sentant ces yeux braqués sur lui, qui ne semblent faire que l’observer, décide de se braquer. Cela l’empêchait d’écrire et par la même, l’énervait.

Pourquoi une telle demande de concentration pour un cours de si petite importance. Eliad se tenait encore la tête entre les mains, quand celles çi glissèrent, alors qu’il sombra… Nul ne sait où…

Un flash lumineux lui fait ouvrir les yeux. La salle de classe était toujours là avec les mêmes élèves. Le crayon avait cessé de tourner dans sa main et il reposait maintenant, inerte sur le bureau de bois. Le parchemin était toujours aussi désespérément vide. Eliad détourna le regard de son bureau pour observer les fenêtres et le curieux changement qui commençait à transparaître. Une étrange fumée bleu, venant du dehors, commençait à envahir la pièce, très lentement, et personne ne s’en était aperçu encore, ils étaient bien trop occupés et ne verraient rien à part leurs copies même si un troll venait à s’agiter sous leur nez. La fumée se plaça devant le professeur mais son regard bougeait toujours autant, comme si la fumée ne la gênait pas le moins du monde.

Puis cette fumée bleue s’approcha d’Eliad qui reconnut cette fumée comme étant en fait, un amoncellement de nuages… Il tendit une main pour la toucher, mais rien n’était palpable… En revanche la fumée se jeta sur lui et pénétra dans ses narines et sa bouche à toute vitesse. Il suffoqua et s’écroula contre le bureau…

Clignement des paupières. La première chose qu’il aperçoit, ce sont des barreaux sur une fenêtre. Il les attrape et tente de les tordre mais sans succès. Son visage ne passe pas à travers, par contre il aperçoit la salle de classe qui lui fait face. Il ne peut plus l’atteindre. A la place qu’il occupait quelques secondes plus tôt, il ne reste qu’un grand vide. Les autres ne se sont pas aperçus de sa disparition…

Il tape sur les barreaux encore et encore, il essaye de hurler, mais aucun son ne sort de sa bouche, personne ne peut l’entendre, personne ne peut le sauver, il est perdu…

Dans l’escalier de marbre où Lou se trouvait actuellement.

Adossée à la rambarde, Lou bailla d’un air ennuyé et haussa une épaule quand Randall Perkins lui demanda, pour ce qui lui sembla d’ailleurs être la centième fois, pourquoi ils restaient tous les quatre assis dans l’escalier de marbre à regarder passer les gens.

- Mais t’es bouché ?, demanda-t-elle d’un ton agacé, on reste là parce qu’on a pas cours, et que y a l’autre grosse patate de Gert qui glande dans la salle commune, et que si elle me voit elle va encore me sauter dessus pour me raconter sa vie, et que comme il caille dehors on a nulle part d’autre où aller.

- Ouais, répondit Randall en s’adossant à l’énorme rambarde, mais on pourrait au moins aller dans la Grande Salle, au lieu de rester là comme des clodos...

Lou lui jeta un regard dégoûté et se détourna de lui sans rien dire, jetant un regard blasé à quatre Serdaigle de troisième année qui montaient les marches bruyamment. C’est Rusty Doyle qui prit le relais d’un air amusé.

- Non parce qu’on est pas des morfanes, dit-il à Randall en appuyant bien les mots, pour lui montrer qu’il s’était fait une raison et que lui n’avait plus qu’à faire pareil, on a pas besoin d’aller dans la Grande Salle entre les repas...

- Et puis, dans l’escalier, on a l’air cool, reprit Harold Maverick en répétant lui aussi la leçon que Lou leur avait fait rentrer dans le crâne à grands cris.

Peu convaincu, mais encore moins soucieux de la voir encore s’énerver, Randall préféra se résigner et s’asseoir sur la même marche que Rusty, derrière Lou et Harold. Ils se remirent alors à présenter chacun les chances qu’avait son équipe de Quidditch préférée de se placer en tête du championnat, en jetant de temps à autre des regards moqueurs aux gens qui passaient.

Lou se retenait d’exploser de rire à chaque fois que des filles de leur année passaient : certaines rougissaient immédiatement et se mettaient à accélérer le pas en voyant les trois beaux garçons tranquillement assis au bas des marches comme si Poudlard leur appartenait.
Mais alors qu’elle lançait un clin d’œil effronté à deux grands Serdaigle qui les dépassaient en montant l’escalier, l’attention de Lou fut attirée ailleurs.

Une énorme boule de cristal venait de dévaler les marches et d’atterrir à quelques pas d’elle. Elle la bloqua du pied avant qu’elle ne roule plus loin, et l’attira à elle.

- Regardez ça, lança-t-elle aux garçons en prenant la boule à deux mains, qui veut dire la bonne aventu...

Elle venait de se retourner vers eux, et son sourire malicieux s’était effacé. Ils n’étaient plus là. Elle fronça les sourcils. Ah, alors comme ça ils la plantaient là sans rien dire ?

- Rusty ?, appela-t-elle en vain, indignée.

Ce n’est qu’en entendant un écho inhabituel lui renvoyer son cri qu’elle se rendit compte que le hall était anormalement silencieux. Elle se retourna, intriguée. En fait, il n’y avait plus personne. Même les rumeurs assourdies qui lui parvenaient de la Grande Salle s’étaient tues.

Tournant la tête de tous côtés, Lou sentit son cœur battre violemment. Où étaient passés tous les gens ? Elle avait vu une bande de Gryffondor entrer par la grande porte quand elle s’était penchée pour prendre la boule, et ils s’étaient dirigés vers l’escalier, elle en était sûre. Où étaient-ils ? Et où étaient les deux Serdaigle qui venaient de les dépasser ?

- Randall ?, demanda-t-elle d’une petite voix, quelqu’un ?

Mais seul l’écho lui répondit. Son cœur s’affola. Ca, c’était vraiment pas normal. Une dizaine de personnes ne pouvaient pas disparaître d’un seul coup. Sans compter tous ceux qu’il y avait dans la Grande Salle.

Une idée angoissante lui traversa l’esprit et elle se leva d’un bond, sans lâcher la boule. Et si tous les habitants de Poudlard s’étaient volatilisés ? Est-ce qu’elle était toute seule dans l'immense château ?

Mais avant qu’elle ait eu le temps de perdre la tête et de se mettre à courir en hurlant à la recherche de quelqu’un, des cris éloignés la tirèrent de ses réflexions terrifiées. Quelqu’un ! Enfin !

Elle tourna brusquement la tête de tous côtés en cherchant d’où ils provenaient, en tenant toujours fermement la boule de cristal entre ses mains moites d’angoisse. Sans savoir pourquoi, elle ne voulait pas la lâcher.
Les cris continuaient, accompagnés de coups, mais il n’y avait personne.

Ca vient de la boule.

Instinctivement, Lou baissa les yeux sur la boule, et sentit aussitôt ses cheveux se dresser sur sa tête.

Il y avait quelqu’un là dedans.

Se laissant tomber sur une marche plutôt qu’elle ne s’y assit, Lou regarda de plus près. Il était prisonnier et tapait désespérément sur les barreaux en hurlant.

Sa propre angoisse disparut instantanément.

Il fallait l’aider. Aussi sûrement qu’elle savait qu’il ne fallait surtout pas lâcher la boule, elle sut aussitôt qu’il fallait qu’il se calme. Qu’il arrête de paniquer. Il ne craignait rien. Une vague de chaleur l’envahit, et un sourire serein apparut sur ses lèvres. Elle allait le protéger.

- Calme-toi, dit-elle d’une voix douce qui n’avait rien à voir avec son ton habituel, mais qui ne l’étonna même pas, faut pas avoir peur. Je veille sur toi.

Il fallait quelque chose qui lui montre qu’elle ne lui voulait pas de mal, et qu’elle n’en laisserait aucun lui arriver.

Une licorne.

L’idée ne s’était pas plus tôt formulée dans son esprit qu’une licorne étincelante apparut devant les barreaux du prisonnier, ses grands yeux fixés sur lui.
Satisfaite, Lou sourit.

Pas d’issue, il n’y avait absolument aucune issue… On oublie la sortie de secours, et on recommence. Les murs peints en rouge, où se reflétait une étrange lumière bleue, ne permettait pas une échappée possible. Il avait hurlé, tapé sur les murs, alors que rien autour de lui n’avait changé… Que ce soit dans cette salle ou dans la salle de classe en face de lui. L’examen se déroulait toujours normalement, mais son absence ne signifiait rien pour personne. Blessure de l’orgueil ou peur qu’on ne lui vienne jamais en aide.

Eliad se calme et s’asseoit sur le sol, en position du lotus. Adoptant presque la position du penseur… Calmement, rassemblant ses idées et une situation de son passé qui aurait pu ressembler à ça… Mais il n’avait jamais rien connu de commun. Qui avait bien pu envoyer cette fumée bleue dans la salle de classe, et pourquoi alors que tout les autres avaient respiré cette même fumée, seul Eliad en avait eu conscience. Avant de se retrouver là coincé, et perdu.

Ses cris, peut-être, ne seront jamais entendus.

La situation ne pouvait qu’empirer, sans un seul signe… Ne pouvant plus rester inactif, il se remit à tâter les murs. Du simple bois, pas vraiment de décoration, pas de tableaux, pas de table… Une vraie cellule. Et il y faisait assez chaud, ce n’était guère étonnant, car la seule fenêtre du lieu renvoyait déjà très peu de lumière, alors quand à laisser rentrer la fraîcheur…

Eliad arpente sa prison tournant en rond comme un animal en cage. Toujours à la recherche d’un espoir… Mais ses recherches le ramenaient toujours vers la fenêtre…

Mais cette fois çi, il y a un changement… Quelque chose passe devant la fenêtre, une silhouette furtive, mais de taille importance. Il se rut sur la fenêtre et appelle à l’aide. Encore une fois. Mais cette fois, ça n’est pas vain.

Quelqu’un vient. Une créature se dessine, d’abord sombre, puis ses contours deviennent plus clairs, puis ses couleurs. Elle est blanche et à une grande corne sur la tête. C’est une licorne qui lui fait face, et dont les naseaux soufflent une épaisse fumée. Il l’observe rapidement, essayant de détailler ses gestes.

« Hey ! Tu peux parler ? Il faudrait me sortir de là… »

La créature bouge les sabots… Elle tape sur le sol de manière violente. Eliad recule, inquiet. La licorne penche la tête, la corne en avant. Et fonce.

Il n’a que le temps de se jeter sur le coté, que déjà la créature a explosé la fenêtre et un pan du mur. Il se précipite vers la sortie ouverte, mais la fenêtre se reforme juste devant lui et il ne peut que taper dessus une fois encore… La licorne, elle s’est arrêtée au fond de la pièce avant de se retourner et de regarder une dernière fois Eliad…

Son regard brille avec une fureur nouvelle… Eliad se prépare à jouer une nouvelle fois au jeu de l’esquive.

Tout ce qu’il voit, avant que la licorne fonce une dernière fois sur lui, c’est sa corne pointue prête à le clouer au mur…

La situation déjà déprimante, venait de passer un autre cap, plus dangereux encore.

Perplexe devant la réaction du prisonnier, Lou fronça légèrement les sourcils. Qu’est-ce qu’il avait à s’agiter comme ça ? Car même s’il s’était enfin arrêté de crier en voyant la licorne entrer dans sa cellule, la frayeur qui l’habitait se lisait nettement sur ses traits.

La licorne s’arrêta puis fit volte-face pour le regarder, ses grands yeux débordant d’une telle tendresse que Lou ne comprit pas que le prisonnier ne se soit pas encore jeté sur elle pour lui caresser sa longue crinière argentée.

Pire encore, il semblait bien plus effrayé qu’avant. D’une voix douce qui n’avait rien à voir avec ses habituels pépiements aigus, Lou ordonna à sa licorne de s’approcher du prisonnier pour aller le rassurer, ce à quoi la bête obéit sans attendre.

Mais, pour une raison qui lui échappa totalement, il sembla encore plus paniqué en voyant la licorne s’avancer vers lui.

Les sourcils de Lou se froncèrent un peu plus.

Qu’est-ce que c’était que celui-là ? Il n’avait jamais vu de licorne ? Lou observa la boule plus attentivement.

Ooooooh, il devait sûrement en avoir peur, parce qu’on disait qu’elles préféraient la douceur féminine...

Booon...comment faire ? Le pauvre, à voir sa tête, il mourrait de peur si elle ne faisait rien.

La licorne l’avait presque atteint quand elle lui dit de s’arrêter. Il fallait qu’elle parle, pour lui expliquer ce qui se passait.

- N’aies pas peur, dit alors la licorne, immobile à quelques mètres du prisonnier, monte sur mon dos et je pourrai te faire sortir d’ici.

Eliad était acculé dos au mur, le visage en sueur. Ses jambes tremblantes menaçaient de le jeter au sol, le laissant alors à la merci des sabots de la licorne.

Animal biblique. Celui qu’on pensait abandonner par Noé, lors de son évasion pendant le déluge. Ennemi des hommes. Ennemi d’Eliad. Ses sabots martelaient le sol, comme un compte a rebours, lorsque qu’il s’arrêtera, alors peu importera le fait que sa cellule soit petite et qu’il puisse voir les autres passer leur examen, car sa vie s’arrêtera là.

Un coup.

Un deuxième coup de sabot plus rapproché. Le regard de l’animal est froid et prêt à faire mal.

Un troisième coup est sur le point de résonner, quand… Tout s’arrête.

Eliad appuie ses mains sur le mur, prêt à se pousser pour esquiver la bête.

« N’aies pas peur, monte sur mon dos et je pourrai te faire sortir d’ici. »

Le temps s’arrête. Le battement des sabots ne fait plus de bruits, et les lumières ne bougent plus dans tout les sens. Il a moins mal aux yeux… Il écoute et tente de savoir d’où la voix vient. Des airs lui semble t’il. C’était comme si cette voix l’environnait entièrement, elle était douce et chaleureuse… Contrairement aux dangers qu’il avait connu jusqu’à maintenant.

« Qui… Qui êtes vous ? »

Question étrange, puisqu’il n’attendait pas vraiment de réponse directe. Il semblait tellement seul, à moins que… La licorne…

« Est-ce que c’est toi qui m’a parlé ? »

Etrange pour une créature qui n’est pas censé être doté de la parole.

Elle avait cessé ses attaques, c’était déjà ça. Eliad, titubant, se dirigea non sans crainte vers la licorne et puis il grimpa sur elle.

« Où suis-je… Allez Licorne, montre moi ce que tu dois me montrer… »